Il fait déjà nuit. Le jour tombe tôt en cette fin de décembre, et le frai de la journée laisse place au glacial froid nocturne. Je marche en grelottant légèrement sous les lampadaires dont la lueur jaune projette nos ombres sur les façades des maisons voisines. Mes compagnes de voyages sont également silencieuse, autant transies de froid que d'excitation, alors que nous nous dirigeons vers la petite maison des Tsukino.

Elodie était limite en train de sautiller sur place avant de partir de la maison, et Lucie a passé son après midi à me demander quand on allait partir. Autant dire que les préparations furent fastidieuses, surtout le moment où nous avons dû trouver une raison d'éloigner Lucie pour finaliser les papiers cadeaux en toute discrétion. Nous avons également dû penser à un moyen de les transporter sans être grillées par ma petite sœur, dont la croyance en le père Noël est encore très forte - mais je me demande si elle survivra à cette soirée. C'est ainsi que nous nous baladons en pleine nuit vers le quartier Sangatsu en portant des sacs soi disant remplis de nourritures, mais dans lesquels s'entassent dans tous les sens cadeaux et plats préparés par Samy. On allait pas jeter toute cette bonne nourriture, après tout.

Nous arrivons au niveau de la petite place du konbini et de l'arche rouge, qui émerveille Lucie. Puis, nos pas nous mènent en direction de la petite maison, devant laquelle veille, telle un garde silencieux, la silhouette d'un des chats de la maison. Son pelage noir et ses yeux vairons m'indiquent rapidement qu'il s'agit d'Amaya, la peureuse n'acceptant d'être approchée que par Aki.

-Un chat! S'exclame Lucie avec joie.

C'est vrai que ma petite sœur, tout comme moi, a toujours rêvé d'en avoir un; malheureusement pour nous, notre mère y a toujours été fermement opposée - elle l'était à l'adoption de tout animal, à vrai dire, même des poissons. J'ai pourtant toujours été persuadée qu'un poisson rouge n'était pas "la charge de travail supplémentaire et les poils partout" dont elle parlait pour nous expliquer son refus d'adopter un animal.

-Tu vas te plaire ici, Luciole. Il y a 5 chats!

Lucie me jette un regard empli de joie et d'étincelles d'excitation. Amaya doit l'avoir senti elle aussi, puisqu'elle disparaît subrepticement dans un buisson, probablement consciente de la petite boule d'énergie qui s'approche de son territoire pour venir troubler sa tranquillité. Nous arrivons enfin au portail lui même, et je sonne à la porte, qui vient s'ouvrir presque immédiatement sur le visage rougeaud de Chantal.

-Entrez, les jeunes! Il fait plutôt frisquet, n'est ce pas? Ce temps me donne des frissons, dépêchez vous d'entrer que je referme la porte.

Nous sommes donc abductées dans le petit salon, qui me semble plus plein qu'il ne l'a jamais été. Un petit sapin décoré trône dans un coin de la pièce, réduisant encore le peu d'espace disponible, et me rappelant que nous n'en avons même pas fait à la maison. Moe et Satsuki se prélassent et jouent sous le kotatsu, en présence de 3 des 5 chats qui ronronnent paisiblement dans la chaleur de la petite salle. Les deux petites filles portent des kimono magnifiques, Rose pour Moe, bleu foncé pour Satsuki, et décorés de motifs de fleurs et de lune. Leurs cheveux sont bien coiffés, et elle sont toutes mignonnes. Une odeur douce et appétissante s'élève de la cuisine, où je devine Aki occupée à préparer le repas. Dès notre entrée, Moe bondit de sa place pour se précipiter vers Lucie, délogeant la grosse chatte rousse, Hikari, de ses genoux.

-Je vais te montrer ma chambre! S'exclame-t-elle.

-C'est notre chambre. Se contente de commenter Satsuki sans relever les yeux de son livre.

-Aaaah, tu veux pas un peu décrocher de ton bouquin une fois? Gronde Chantal à son égard, mais sa remarque est accueillie par un regard noir de la collégienne.

L'escalier grince comme jamais alors que les deux petites filles disparaissent à l'étage, nous laissant plus au calme dans la petite salle.

-On dirait que ce sera plus simple que prévu de sortir les cadeaux. Me fait remarquer Elodie.

-Oui, enfin si Moe ne lui brise pas sa croyance au père Noël avant. Dis-je en guise de réponse, ce qui fait rire Chantal et Elodie.

Je les laisse discuter toutes les deux au salon et me dirige vers la cuisine avec tous les sacs. Là, je reste soufflée un instant par la vue d'Aki. Vêtue elle aussi d'un kimono rouge, caché sous son tablier de cuisine, elle a ses longs cheveux blonds platine enroulés en un savant chignon maintenu par deux piques. Seules deux mèches rebelles ont été laissées libres, et retombent de chaque côté de son visage légèrement maquillé.

-Tu dis pas bonjour, Aki? Fais-je avec un sourire amusé.

-J'arrive, j'arrive, il faut juste que je... ah, mince, j'ai trop fait cuire ça!

Sa phrase est ponctué d'un mot japonais que j'assimile à un juron. Aki semble débordée, les différentes plaques, plans de travail et autres étant envahis de plats en tous genre et de casserole en train de cuire.

-Je vais t'aider. Dis-je de but en blanc, bien que je ne sache pas vraiment quoi faire pour aider.

Je vois passer une ombre d'hésitation dans son regard, et je sens qu'elle hésite à me demander de l'aide. Sa fierté est cependant vaincue par son stress, et elle accepte.

-Enlève cette casserole du feu et mets celle ci à la place. Contrôle la cuisson de la poêle, à côté.

-On va jamais pouvoir manger tout ça... dis-je.

-Tu sous estime l'appétit de mes sœurs. Rit Aki en replaçant une mèche platine derrière son oreille.

-Je t'ai ramené les plats préparés par notre cuisinier, mais je crois qu'on ne vas pas en avoir besoin ce soir. Je te les laisserai dans le frigo.

-Tu... nous les donne?

-Bien sûr! On va pas vraiment en avoir besoin, et puis c'est pour te remercier de nous avoir invitées.

Je lui montre les nombreux plats enroulés dans du plastique ou rangés dans des boîtes, et son regard s'illumine.

-Ooh, c'est génial, on aura pas besoin de se serrer la ceinture pour les derniers repas du mois! Merci, Jade!

Ses lèvres rencontrent la peau de ma joue avant que j'ai pu réaliser ce qu'il se passait, et j'ai soudain extrêmement chaud. Je n'ai pas mon mouvement de recul habituel quand quelqu'un me touche. Au contraire, j'ai presque envie... qu'elle ne s'arrête pas. Aki ne semble pas avoir remarqué mon trouble, et cela me rassure. Je reprends mon activité fébrilement, continuant à surveiller les plats d'un air distrait alors que mon amie range les plats que j'ai apportés dans leur frigo, qui semble dater d'une autre époque.

Après quelques temps, la plupart de nos préparatifs semblent terminés. Aki a cuisiné plusieurs plats typiquement japonais dont le nom m'échappe, mais le plat principal est une dinde aux marrons - et j'adore ce plat, ce qui me donne déjà l'eau à la bouche rien qu'en le préparant.

-Satsuki! Tu peux appeler les filles? On va manger! S'exclame Aki à l'intention de sa sœur, qui lui répond par un "Mm" laconique.

Alors que la belle blonde se dirige vers la salle à manger, je la retiens par la manche.

-Aki... merci beaucoup de nous avoir invitées. Ça me fait super plaisir d'être avec vous, ce soir.

Elle me répond avec ce fameux sourire attendri que j'aime tant.

-Moi aussi, ça me fait plaisir. La maison est bien plus vivante quand tu es là.

Nous restons quelques instants à nous fixez les yeux dans les yeux, sans un mot. Puis, nous revenons à la réalité.

-Euh... je peux t'aider à porter quelque chose? Dis-je.

-O-Oui, bien sûr. Tiens, voilà l'entrée, tu peux déjà l'amener sur table.

Je m'éloigne avec mon plateau d'entrées, mais je sais que j'ai les joues légèrement rosies.