Retour à la maison
-Tu es sûre que tu veux m'accompagner?
-Oui, Jade, ne t'inquiète pas. Me rassure Aki pour la dixième fois depuis que nous avons quitté le domicile de la famille Tsukino. Satsuki n'en a pas l'air, mais elle sait parfaitement s'occuper de Moe en mon absence. Et puis, je veux m'assurer que tu rentre bien chez toi.
-Je suis pas une gamine, tu sais. Dis-je, vexée.
Mais elle ne répond à mon ton cassant que par un petit rire amusé.
-Alors dis toi que je veux simplement savoir où tu habite. Déclare-t-elle finalement.
-Ah! Euh... tu... tu n'as pas besoin de m'accompagner jusque chez moi, hein! Ne t'inquiète pas, me ramener jusqu'à un quartier que je connais suffira amplement!
Aki me regarde avec étonnement.
-Ce serait un peu injuste, tu ne crois pas? Tu as vu notre quotidien pendant toute une journée, mais je ne sais rien du tiens. Et puis, je t'ai promis de m'excuser auprès de ta mère.
-Ah! Oui, c'est vrai...
La vérité, c'est que je suis gênée à l'idée qu'Aki voie l'endroit où j'habite. Pas parce que c'est un endroit mal famé, ou parce que je ressentirais une forme de gêne vis à vis de l'endroit où je vis... c'est plutôt que... comment dire...
La petite rue dans laquelle vit la famille Tsukino, celle d'Aki et des autres, ne ressemble pas à un quartier défavorisé, mais on sent pourtant que ces gens ne roulent pas sur l'or. Les maisons sont vieilles, abimées, les personnes âgées travaillent encore, et même Aki combine de nombreux petits boulots. À côté de ça, mon quartier à moi... semble ridiculement aisé. De grandes maisons spacieuse et neuves, construites par des architectes. De grands jardins, des piscines creusées dans chacun d'entre eux, des voitures de luxe... Je sais que je viens d'une famille aisée, mais l'écart entre chez moi et la petite rue du quartier japonais me semble gigantesque. Et j'en ai presque honte après avoir vu tout le travail que peut abattre cette fille pourtant trois ans plus jeune que moi.
Nous arrivons au niveau de l'arche que j'ai vu ce matin, et du petit Konbini, qui marque la fin de la rue. Je remarque pour la première fois une ouverture dans la clôture entourant la petite place.
-Ça mène où, ça?
-Hm? Oh, c'est le parc d'Osaka. Un parc typiquement japonais entretenu par l'association de la rue. Il y a un petit temple à l'intérieur, également. C'est le seule temple shintoïste en ville, et ce Torii en marque la présence.
Elle désigne la grande arche rouge sous laquelle nous venons de passer. Je lui emboîte le pas et nous tournant dans la rue perpendiculaire. J'ai tout de même le temps de lire le panneau de la rue avant que nous la quittions: Rue d'Osaka. Il est également écrit en japonais.
La rue adjacente semble déjà appartenir à un autre monde. Les maisons sont bien plus classiques, et on se croirait simplement dans une banlieue pavillonnaire principalement habitée par des personnes âgées. Quelques vieux immeubles de deux ou trois étages marquent aussi le paysage, ainsi que le bruit lointain d'un traffic intense.
-Le périphérique est tout proche. M'explique Aki.
Nous continuons notre marche pendant dix minutes et, après êtres passés sous le fameux périphérique par un petit tunnel piéton, nous nous retrouvons immédiatement de retour dans la ville. La différence est frappante. Je reconnais plusieurs immeubles, nous sommes à proximité de mon université, ainsi que du bar dans lequel j'ai rencontré Aki. Au bout de la rue qui s'étend face à moi, apparait le quai du fleuve, fleuve qui a failli m'engloutir définitivement il y a à peine deux jours.
Je serre les poings à cette idée, mais la main rassurante d'Aki sur mon épaule me ramène à la réalité.
-Allons-y. À partir de maintenant, tu es ma guide!
-D... D'accord. Euh... alors on va aller prendre le bus.
Mince, je ne connais pas encore très bien le quartier, et encore moins ses transports en commun... pour être sûre de mon coup, il faudrait partir de l'arrêt de l'université, mais j'appréhende un peu de m'y rendre et de tomber sur des connaissances alors que j'ai disparu de la circulation depuis dimanche soir. Finalement, je décide de prendre ce risque, et entraîne Aki vers l'entrée de la fac. Il est déjà tard, j'ai passé une bonne partie de l'après midi réquisitionnée par Satsuki pour la faire réviser, et en ce mois de Novembre, la nuit tombe vite sur Ilica. Les dernières lueurs du jour disparaissent derrière les grands immeubles quand nous montons dans le bus. Le voyage se déroule sans encombre, mais plus nous approchons de chez moi, plus je sens l'appréhension monter. Aki se fait silencieuse et observe curieusement par la fenêtre les grandes demeures du 5e arrondissement qui commencent à apparaître, les belles voitures, les hommes et femmes en costume qui rentrent du travail, les employés de maison qui rentrent chez eux... tout cela semble beaucoup l'intriguer.
-Je ne suis jamais venue dans ce quartier. M'avoue-t-elle à notre descente du bus.
J'hésite à lui dire que le bus n'a été autorisé à monter jusque là sur la colline qu'après d'âpres combats avec les copropriétés qui refusaient de voir un tel élément inutile les déranger dans leur repos. Il faut dire qu'ici, chaque famille a au moins deux voitures, et les transports en commun sont un peu vus comme... un truc de pauvres ou d'enfants.
-C'était la première fois que j'allais dans un quartier comme le tiens également. Fais-je en haussant les épaules, pour tenter de dévier le sujet.
-Oui, tu as raison. On y va?
Je la mène donc au milieu des allées parfaitement proportionnées et des belles villas spacieuses, jusqu'à la grande demeure blanche qui me sert de maison. Trois voitures dans le chemin en gravier... Ma mère et mon beau père sont rentrés, notre cuisinier est encore là, et probablement également notre chauffeur. Je soupire. La soirée ne va probablement pas être très amusante.
-Ouh... c'est une grande maison, c'est sûr. Dit Aki, qui a dû mal à cacher sa surprise, malgré de grands efforts. Combien de personnes peuvent vivre là dedans?
-Eh bien, euh... ça va peut être te sembler bizarre, alors que vous pouvez vivre à au moins quatre personne chez vous, mais nous ne sommes que quatre à vivre là dedans. Il y a un cuisinier et une femme de ménage qui viennent également, ainsi qu'un chauffeur. Mais ils n'habitent pas là.
-Un... un chauffeur? Voilà qui est... inattendu.
Même Aki semble hésiter, maintenant. C'était exactement ce que je craignais, qu'elle prenne peur devant la débauche d'argent que semble présenter ma famille. Pour des personnes ne venant pas de ce monde, c'est l'effet qui ressort. Mais par rapport à nos voisins, nous avons un train de vie plutôt correct.
-T'es pas obligée de m'accompagner à la porte si t'en as pas envie, dis-je.
-Une promesse est une promesse! Me dit elle avec son sourire maternel.
Je me dirige donc, la mort dans l'âme mais légèrement rassurée par la présence d'Aki, vers la porte d'entrée. Je sais que dès que je vais ouvrir cette porte, des étincelles vont jaillir entre moi et ma mère. Je suis ainsi... je n'aime pas qu'on me dise quoi faire, elle aime avoir le contrôle. Nous sommes incompatibles.
J'ouvre la porte.
Et un ouragan d'une toute autre nature me fonce dessus.
-Jaja!
-Lucie! Ooh, comment tu vas, ma chérie?
-Moi je vais bien, mais toi, tu vas bien? Tu m'as manquée! J'ai cru que tu allais encore ne plus revenir... sanglote-t-elle, la larme à l'œil, alors que je la prends dans mes bras.
-Ne t'inquiète pas, ma luciole, je ne partirais plus.
Légèrement gênée, je fais signe à Aki de rentrer, alors qu'elle semble chercher où elle doit se placer pour retirer ses chaussures.
-Tu peux les garder à l'intérieur. Dis-je. Au moins au rez de chaussée. La femme de ménage nettoie souvent, de toute façon.
-Ce serait atrocement impoli de ma part de lui donner plus de travail. Réponds simplement la jeune fille en ôtant délicatement ses chaussures.
Sa robe lui va très bien, et ses longs cheveux blonds cascadent sur les épaules de sa veste.
-Ah, Jade, tu es rentrée.
Le visage gentil de mon beau père apparaît dans mon champ de vision alors qu'il se dirige vers nous depuis la table de la salle à manger. Le rez de chaussé de notre maison est constitué d'une très grande pièce qui réunit cuisine, salle à manger et salon avec une grande baie vitrée. La salle monte sur les deux étages, et une escalier permet d'accéder aux chambres et à la mezzanine. Je sens la douce odeur du repas qu'est en train de préparer Samy, notre chef cuistot.
-Bonjour, Christian. Maman est là?
-Elle a un appel important au téléphone, elle a bientôt fini. Oh, je vois que tu as invité quelqu'un. Tu nous la présente?
-Bien sûr. Voici Aki, une amie chez qui j'ai dormi ces derniers jours. Aki, voici Lucie, ma sœur, et Christian, mon beau père.
Je me suis souvenue qu'elle m'a elle même annoncée en tant qu'amie à la vieille O-Chisato, alors j'ose en faire autant. J'observe Aki, qui penche légèrement la tête en avant avant de parler.
-Enchantée de vous rencontrer, je me nomme Aki Tsukino, merci de me recevoir.
Christian semble aussi surpris que moi par son ton cérémonieux.
-Allons, Aki, pas besoin de ça entre nous. Je peux t'appeler Aki?
-Bien sûr. Comment dois-je vous appeler?
-Appelle moi Christian, je t'en prie!
Je sens Aki se détendre. Dans les bras, Lucie joue la grande timide, et cache son visage dans mon cou pour ne pas avoir à regarder l'étrangère. Je souris en repensant à une autre petite fille bien moins timide que j'ai rencontrée aujourd'hui, puis me dirige vers la table derrière Christian, en enjoignant mon amie à en faire autant.
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