Rechute
-Jadounette!
Une tempête brune me saute dessus alors que je franchis l'entrée du campus.
-Jadounette? Qu'est ce que c'est que ça??Je m'insurge.
-Je tente des trucs, écoute. Me répond simplement Elodie en me relâchant.
Puis, elle se recule légèrement et m'examine sous toutes les coutures, au point où ça en devient gênant.
-Qu'est ce que tu fous?
-Je vérifie que tu vas bien. Ce message que tu m'as envoyée était suffisamment bourré de sous-entendus pour que je m'inquiète pendant au moins cinq ans.
-Ça vaaa, ce n'est rien de si grave.
Elle me fixe avec une moue peu convaincue, et je laisse échapper un petit rire crispé. Je ne peux rien cacher bien longtemps à Elodie, de toute façon; elle voit à travers moi, tout comme je vois à travers elle. Nous nous connaissons depuis si longtemps que c'est devenu automatique.
-Dis moi ce qu'il s'est passé Dimanche soir. Dit-elle alors que nous reprenons notre marche vers mon premier amphi de la journée. Je t'ai perdue de vue au milieu de la foule, pour apprendre quelques heures plus tard que tu es partie d'un coup!
-J'ai... rechuté.
-Quoi??
-Calme toi, Elo, ce n'est pas...
-Bien sûr que si, c'est grave! Tu m'avais promis de ne plus jamais prendre de cette merde, Jade!
-Je sais! Moi aussi, je me l'étais promis.
Mon amie se prends la tête dans les mains, puis se passe machinalement la main dans les cheveux, un tic qu'elle a depuis quelques années.
-Quand on est arrivées à la soirée et que j'ai vu qu'ils avaient de quoi se piquer, j'ai voulu qu'on parte. Rappelle-t-elle. Mais tu as voulu rester.
-Je... ne voulais pas gâcher ta soirée avec mes problèmes. Dis-je, sur la défensive. Et j'étais... persuadée que j'arriverai à me retenir.
-Eh bien on voit que tu as réussi! Bravo, Jade! Félicitation!
Je commence à trembler légèrement et à larmoyer, et Elodie le repère immédiatement. Elle m'attire à l'écart et me fait asseoir sur un banc, ou mes sanglots contenus jusque là éclatent enfin.
-Excuse moi... murmure-t-elle en me caressant les cheveux. Mais tu m'as vraiment fait peur...
-J'étais persuadée que j'arriverais à résister à l'envie... dis-je entre deux sanglots. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, j'ai beaucoup bu pour oublier ces foutues seringues, et... quand je me suis réveillée, j'étais dans la chambre avec plusieurs autres qui dormaient encore, et... et je m'étais piquée.
-Plusieurs fois?
-Je sais pas. Je crois pas. Je n'avais qu'une seule marque.
-Bien... c'est déjà ça. Mais pourquoi es tu partie après?
-Tu le sais très bien... gémis-je. Je ne veux surtout pas que ma mère l'apprenne! Je... je veux pas retourner en désintox...
Je tremble de tous mes membres alors que des souvenirs remontent par morceau, et une nausée me prend soudainement. Tout ce que j'ai réussi à contenir en moi hier s'échappe d'un seul coup, toute la peur, la frustration, ma colère contre moi même et ma foutue addiction... la parenthèse rue d'Osaka m'a tout fait oublier. Mais il est bien un moment où il faut revenir à la réalité...
-Ne t'inquiète pas, je ne dirai rien... me répond mon amie. Je sais à quel point ça a été dur. Mais tu dois vraiment me promettre de faire plus attention.
Je hoche la tête dans un sanglot. Je déteste paraître faible comme ça, et Elodie est l'une des rares qui peut me voir ainsi et qui peut me toucher sans que ça ne me pose de problème. Sa présence est rassurante. Je réussi à regagner mon calme.
-Raconte moi ce qu'il s'est passé après. Me dit-elle.
Je ravale un dernier sanglot avant de parler.
-Quand j'ai compris que j'en avais repris, j'ai commencé à paniquer, parce que je savais que ça voulait dire que j'allais être en manque sous peu, et il ne fallait absolument pas que ma mère le sache. Alors je me suis barrée de la soirée, il était déjà quasiment 5h du matin. J'ai traîné toute la journée en ville, j'étais en flippe total de savoir quand ma crise allait débuter. Ça a commencé en fin d'après midi, et j'ai réussi à me traîner dans un bar.
-Tu as bu??
-C'était la seule idée que j'ai eue pour détourner mon attention! Mais ça a pas suffi... heureusement, une serveuse a compris ce que j'avais et m'a ramenée chez elle. Elle s'est occupée de moi pendant les deux nuits, et hier j'allais mieux, alors elle m'a raccompagnée chez moi.
-Ta mère?
-Elle était super énervée, mais comme cette fille était là, elle s'est contenue. On en a pas encore parlé sérieusement, mais je crois que l'excuse du rhume est bien passée.
-Cette fille t'as couverte?? Eh bien, tu as peut être un ticket, Jade.
-Pff. Tu sais très bien que je ne suis pas là dedans, Elo.
-Tu as tort. Les filles, c'est vachement mieux.
Je souris. Aussi loin que je me souvienne, Elodie a toujours assumé son homosexualité à 100%. Même quand c'est devenu difficile, même quand elle savait que c'était impossible, elle est toujours restée très sincère vis à vis des ses sentiments. De mon côté... je doute de pouvoir retomber amoureuse. Pas avant un moment, en tout cas.
-On y va? Me propose Elodie. Ton cours ne va pas t'attendre.
Je sèche rapidement mes joues et lui emboîte le pas. Oui. Finalement, tout n'est pas si noir. J'ai eu une grosse frayeur, mais si je fais plus attention à l'avenir, ce genre de choses ne devrait pas se reproduire. Du moins, je prie pour que ce soit le cas.
***
-Elle est sérieuse, cette prof? Nous donner tout ça à préparer pour dans a peine une semaine? Dis-je en râlant. Elle m'eneeeerve, avec son petit air supérieur là!
Elodie pouffe à côté de moi.
-Elle exagère un peu, mais avoue tout simplement que tu ne l'aime pas beaucoup!
-Aussi, mais bon... t'as amphi cet aprem?
-Nop. Et toi?
-Non plus. On va se prendre un petit truc à manger?
-Oui, je meurs de faim... gémit Elodie. Mais je suis un peu ric rac niveau budget, donc on se prend un truc en supérette et on fait réchauffer.
-Quoi? Rhoo, allez, je t'invite.
-Non, n'insiste pas, je suis en plein régime et tu ne me fera pas manger de tacos ou de kebab bien graisseux.
-Rhoo, t'es lourde. Dis-je en grognant.
-J'essaie justement de moins l'être en mangeant mieux. Il faut être belle pour plaire aux demoiselles.
-Tu dis ça, mais tu es incapable de garder une copine plus d'un mois.
Elodie baisse légèrement la tête, et je regrette immédiatement d'avoir abordé ce sujet. Quelle idiote! J'en connais parfaitement la raison, et pourtant je blague là dessus comme si de rien n'était...
-Pardon. Dis-je. Tiens, pour me faire pardonner, je vais te faire découvrir un coin sympa pour manger.
En voyant le regard mélancolique d'Elodie, mes pensées se sont immédiatement tournées vers le quartier de Sangatsu qui a si bien réussi à me faire oublier mes problèmes la veille. Après tout, le 8e arrondissement, où se trouve l'université sud, n'est pas très loin du 15e, simplement séparé par le périphérique. Et puis, le Konbini est bien une supérette, et une petite ballade dans le parc attenant ne peut faire que du bien. Elodie m'emboîte donc le pas alors que je me creuse la tête pour me rappeler du chemin emprunté la veille. Je parviens finalement à retrouver le petit tunnel piéton passant sous la rocade.
-Tu m'emmène où, là, au juste? Demande une Elodie suspicieuse en plus d'être affamée.
-Tu verras. C'est un super endroit.
Quelques minutes de marche plus tard, et nous arrivons en vue de la petite place d'où part la rue d'Osaka. Les yeux de mon amie s'agrandissent quand elle aperçoit la grande arche rouge qui en marque l'entrée.
-Woa. J'ignorais qu'il y avait un quartier asiatique ici aussi. S'exclame-t-elle. On peut y manger?
-Ya la supérette juste là, tu vas bien y trouver ton bonheur.
-C'est super typique! Ya des idéogrammes partout. Dit elle en entrant devant moi.
-Irasshaimase! Crie une voix que je reconnais. Oh, bonjour Jade!
Aki est derrière le comptoir, portant un t-shirt aux couleurs de l'enseigne, son habituel sourire mature sur le visage.
Je réalise que j'avais vraiment envie de la revoir.
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