Quatre ans
-Aah, Diana, bienvenue chez nous, mon enfant. S'exclame ma mère dès que nous entrons dans la maison.
-Jaja! S'exclame Lucie en se jetant sur moi.
-Saluut, ma luciole! Tu n'es pas encore au lit?
-Elle a refusé de se coucher avant que tu rentre. M'avoue Christian avec un sourire légèrement amusé.
-Tu désires boire quelque chose? Continue ma mère en ignorant royalement ma propre présence. Café? Thé? Tisane?
-Non merci, Madame... répond timidement Diana.
-On est fatiguée, Maman, on va juste aller se coucher.
-Oh bien sûr, vous avez révisé toute la journée! S'exclame ma mère, et je pousse un long soupire d'exaspération.
L'enthousiasme de ma mère n'est sans doute pas étranger au nom de famille de mon amie... Nous montons à l'étage, talonnées par ma mère que ne cesse de parler, alors que Lucie me bombarde de questions sur ma journée.
-Ciel! S'exclame ma génitrice lorsque nous arrivons devant la porte de ma chambre, tu n'as pas d'affaires de rechange! Tu peux aller te servir dans la chambre de Tha...
-Je lui prêterais mes affaires. Dis-je violemment, coupant ma mère en pleine phrase et faisant sursauter Lucie.
-Mais enfin, Jade, ne sois pas ridicule. Renchérit ma mère, regarde la différence de taille entre vous deux. Tu peux bien la laisser...
-NON.
J'entraîne Diana et Lucie dans ma chambre, et claque la porte au nez de ma mère. Ma petite sœur a les larmes aux yeux, et je vais immédiatement la rassurer.
-Laaa, tout va bien ma Luciole, tu vois, Maman et Jade ne se sont pas criées dessus cette fois.
-Mais j'aime pas quand vous êtes en colère. Gémit la petite fille.
-Je sais, ma Luciole... je suis désolée. Demain, on passe toute la journée ensemble, rien que toutes les deux, d'accord?
-Tu me promets?
-Oui, je te le promets. Oh, il y aura peut être Diana avec nous, ça te gêne?
Lucie hoche négativement la tête en regardant mon amie avec un air timide. Je souris.
-Allez. Maintenant, il faut aller dormir. Bonne nuit, ma Luciole.
-Bonne nuit Jaja.
Nous nous retrouvons seules, Diana et moi, et un silence gêné s'installe.
-Désolée pour ça, ma mère est un peu...
-Oh, ya pas de problème. Dit-elle. J'ai déjà vu pire.
Elle s'arrête, puis me fixe avec un air demi amusé, avant de dire:
-Luciole?
Je ris légèrement, et la tension se dissipe enfin. Nous nous asseyons sur par terre.
-Au début, je l'appelais "ma puce", mais elle est allée chercher ce qu'était une puce et a été vexée en apprenant que c'était un parasite. Alors, j'ai commencé à l'appeler "ma Luciole".
-Elle avait quel âge?
-Deux ans, je pense. C'était il y a... quatre ans.
Un léger silence passe, puis Diana reprend.
-Je peux te poser une question un peu personnelle?
Un frisson me parcourt, puis je me rappelle qu'Elodie est bien au courant de toute ma vie, et que partager des histoires personnelles est quelque chose de normal avec de amis.
-Je ne sais pas si je pourrais y répondre, mais vas-y. Dis-je.
-Pourquoi... es-tu en première année, alors que tu as 22 ans? Tes amis qui ont ton âge sont en troisième année, eux.
Je me doutais que cette question allait venir, et je m'y suis préparée. Ça ne rend pas les choses plus simples. Mais je dois les lui dire. Je cherche longuement mes mots, puisant à des endroits de ma mémoire que j'ai pourtant choisi d'occulter.
-J'ai... Disons que quand j'étais en fin de terminale, j'ai commencé à mal tourner. J'étais dans une période très difficile, et j'ai rencontré un mec qui m'a faite sentir... bien. Il m'a initiée à de nouvelles choses que je ne connaissais pas, et m'a montrée une vie... différente. Loin de tous les problèmes, loin des études, loin de la famille... et j'ai... j'ai suivi. Je suis tombée dans la drogue. Il m'y a simplement initiée, et j'ai plongé dedans la tête la première. Je me suis rendue compte trop tard que ça m'éloignait de la société en général. De ma famille, de mes amis, de mes études. Petit à petit, j'ai plongé de plus en plus profond, et... je ne suis plus remontée. J'ai arrêté de rentrer chez moi pour emménager avec lui. J'ai rompu tout contact avec mes amis. J'ai arrêté les études.
Je marque une pause, devant reprendre mon souffle et mon calme alors que de mauvais souvenirs remontent.
-Elodie... Elodie, mon amie en troisième année, a fini par réussir à me recontacter. Elle m'a... sortie de là, alors que j'avais trop peur pour le faire moi même.
-Ça faisait combien de temps que tu avais commencé?
-Un peu plus de trois ans ... trois ans de ma vie foutus en l'air, dont plus d'une année complète coupée du monde. J'ai mis... beaucoup de temps à m'en remettre. Entre le contrecoup et la désintox, j'ai passé la fin de ma quatrième année à me remettre, et... me voilà. De retour dans la société, à faire des études, avec ma famille, à voir des amis.
Diana me regarde avec compassion, puis se rapproche de moi et vient s'adosser contre mon lit à mes côtés.
-Je... pensais pas que tu avais un tel passé. Avoue-t-elle. Tu as tellement l'air... forte. Je ne pouvais pas m'imaginer que toi aussi, tu es tombée plus bas que terre. Tu sais, notre groupe d'amis ne s'est pas formé au hasard. On se surnomme le "groupe des éclopés", ou "les éclopés". C'est Pierre, qui a eu cette idée.
Intriguée, je me détends et écoute ce que Diana a à me dire.
-On ne s'est pas juste rencontrés au lycée. On s'est rencontrés en terminale, parce qu'on était tous des nouveaux dans notre lycée. Tous les cinq, on a changé de lycée de la première à la terminale, et tout les cinq, c'est parce qu'on a vécu des moments... difficiles. Quand on a compris qu'on était tous un peu pareil, on s'est beaucoup rapprochés alors qu'on était dans des classes différentes, et on s'est soutenus les uns les autres. Pierre et les autres voulaient... t'en parler, mais j'avais peur que tu nous prenne de haut, ou que tu décide de partir si tu l'apprenais. Si tu apprenais qu'on est tous des victimes, des faibles, des gens qui se sont laissé marcher dessus pendant des années, des...
-Jamais je n'aurais fait ça. Dis-je fermement.
-Maintenant, je le sais. Dit-elle. Mais j'avais quand même peur. J'ai appelé Pierre, tout à l'heure, et il m'a dit que... que je devais te parler de nous. Que choisir de te garder dans l'ignorance, c'était en quelque sorte t'exclure du groupe. Et j'ai réalisé qu'il avait raison.
En disant cela, Diana remonte lentement ses manches. Sous mes yeux ébahis, apparaissent des myriades de cicatrices barrant ses poignets. Des traces de coupure.
-Diana... tu te scarifie? Dis-je fébrilement.
-Laisse moi te raconter.
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