Hésitation
J'ai fui comme je n'ai jamais fui, entrainant Lucie dans ma course effrénée. Mon sang tambourine dans les veines de ma tempe, je sens les tremblements parcourir mon corps. J'ai fui, une nouvelle fois. Ma lâcheté a repris le dessus... et j'ai abandonné Nami là bas, avec lui. La propre sœur d'Aki! Comment pourrais-je seulement oser me montrer face à elle désormais? C'est impossible... je ne m'en sens simplement pas capable.
Alors je cours. Je cours par peur, je cours poursuivie par le passé. Je cours pour ma sœur, mais surtout pour moi... je cours fuir cette partie de la ville que j'avais fui depuis si longtemps, et dans laquelle je me suis laissée entraînée par inadvertance au court de notre promenade. Je peux cependant relativiser légèrement: il ne m'a pas vue... j'espère personne d'autre que je connaissais à cette époque ne m'a vue. L'important c'est de fuir le plus loin possible, de revenir dans une zone sécurisée... mais où ça?
Avant de le réaliser, je me retrouve sur le pas de la porte du 33 rue d'Osaka. Ma gorge se serre et ma bouche s'assèche. Je me sens mal... pourquoi mes pas paniqués m'ont ils menés jusqu'ici? Nous étions à l'autre bout de la ville...
-V-Viens, on rentre. Fais-je à ma sœur.
-Quoi? Mais pourquoi?
-On peut pas dire ça à Aki... dis-je en m'inventant une excuse. Allez viens, on rentre.
-Qu'est ce que tu peux pas dire à Aki? M'arrête une voix que je ne connais que trop bien.
Face à moi, me bloquant le chemin vers le bout de la rue, se trouve Satsuki, qui me toise de ses yeux noirs. Je peux sentir sa colère malgré son calme apparent, et je tente de chercher une excuse, un moyen de me sortir de cette mauvaise passe... je sais que Satsuki comptait beaucoup sur moi afin de redonner le sourire à sa sœur. Et l'ai je fais, finalement? Pas vraiment... j'ai plutôt fait l'inverse, et ai fini par fuir. Elle a toutes les raisons du monde de me détester après tout.
-Je...
-Je me fiche de ce que tu as à dire. Me coupe-t-elle avec sa rudesse habituelle. Tu as rendu Aki triste, et tu t'es barrée comme une voleuse. Tu as parfaitement raison. Tu n'as rien à dire à Aki, et tu n'as plus rien à faire ici. Dégage.
Ses mots me blessent bien plus que je ne l'aurait imaginé, et je pense qu'elle en est parfaitement consciente. Mais est-ce réel ou bien juste un moyen de tenter de me faire réagir? C'est impossible de le savoir, avec Satsuki. Ce qui se passe dans les méandres complexes de son esprit brillant m'échappera probablement toujours. Cependant, une chose est sûre à mon goût: je n'ai pas envie de partir, car c'est un départ qui pourrait s'avérer définitif. Ce serait rompre à jamais ce lien si important que j'ai tissé avec cette petite famille à problème... ce serait dire adieu à Aki pour toujours.
Et c'est hors de question. J'ai eu très peur, cet après midi en recroisant Robin. La peur de ma vie. Mais en même temps, cela m'a fait réaliser une chose...
Robin n'est qu'un homme. Sans doute le pire que cette terre ai jamais porté, ou presque, mais il ne reste qu'un homme. Il n'est pas une sorte de divinité malfaisante ou d'esprit vengeur dont la haine me poursuivra jusqu'au bout du monde. Il n'est qu'un homme, et tout comme Diana a pris son destin en main pour combattre son père, je dois prendre le mien pour arrêter de souffrir du passé et empêcher les choses de se répéter.
Cavendish semblait bien plus intouchable que Robin. Il avait fait en sorte que sa fille ait une telle peur de lui qu'il ne soit jamais inquiété. Et pourtant, la plainte a été déposée... et pourtant, le procès aura lieu, et les preuves ont été trouvées. Diana et sa mère ont combattu le cerbère gardant les portes de leur enfer; et il s'avérait que malgré son apparence terrifiante, il a été incapable de les en empêcher, et se contente d'aboyer dans le vide des menaces insignifiantes.
Robin est mon cerbère à moi. Je dois lui faire face et franchir la porte qu'il garde. C'est le seul moyen de me défaire définitivement de cette peur que j'ai de lui. Mais je suis encore entravée par tant de chaînes de secret, que je ne puis pas encore agir... il faut que je les brise. Il faut que je révèle tout ce que j'ai enfoui au plus profond de moi à quelqu'un, que je me libère enfin de ce poids devenu trop lourd à porter toute seule.
Et je veux que ce soit Aki qui l'entende. J'ai agi de manière si stupide... à la fuir ainsi, non seulement je me suis blessée, mais je l'ai aussi blessée, alors que je m'étais jurée de ne jamais lui faire subir ceci. Aki ne me parle pas toujours d'elle? Et alors? Elle le fera quand elle y sera prête! Comment ai-je pu être égoïste au point de désirer qu'elle me révèle ses plus sombres secrets, quand je sais moi même à quel point c'est une chose difficile? Quelle horrible personne suis-je devenue? Où peut être l'ai je toujours été...
Je saisis Satsuki par l'épaule lorsqu'elle me dépasse pour se diriger vers le portail de la maison.
-Je dois parler à Aki, Satsuki...
Son regard en dit long sur les doutes qu'elle porte. Une nouvelle fois, je suis subjuguée par l'intelligence que j'y lis, malgré son jeune âge.
-Mmm.
Un soupire de soulagement m'échappe. Je suis en quelque sorte rassurée de retrouver les "mm" mutiques de Satsuki, car quand elle parle autant, c'est rarement pour donner de bonnes nouvelles. Elle me fait un signe de tête m'indiquant l'intérieur de la maison, et je lui emboîte le pas, suivie de Lucie. Mon cœur tambourine dans ma poitrine en atteignant le perron... un frisson de joie me parcourt lorsque j'enlève mes chaussures dans l'entrée. Je suis comme une droguée en manque qui retrouve le confort de sa dose après une longue période... et je réalise seulement maintenant à quel point cet endroit m'a manqué.
La douce odeur d'encens mélangée à celle du repas sur le feu. La chaleur du kotatsu et les ronronnement ininterrompus des quelques chats présents dans la pièce de vie. Les craquements du vieux bois et la rugosité du sol sous mes pieds. Les babillages de Moe en train de dessiner sur une table. Le bruit des fourneaux où, je le sais, Aki est en train de préparer un plat divin. La lueur tamisée du soleil à travers les fenêtre translucides des panneaux de bois... tout m'a tellement manqué.
Je jette un regard circulaire dans la pièce à vivre. Le petit autel est ouvert, et les photos des disparus me sourient comme pour m'encourager. La boîte de pilules d'Aki est droite sur son étagère au milieu des condiments, et le kotatsu est à pleine puissance au centre de la pièce. Lucie se jette immédiatement sur Moe pour aller jouer avec elle. Mes bêtises ont également empêché ces deux là de se voir.
-Satsuki, tu as ramené du monde? Demande une voix douce et mélodieuse provenant de la cuisine, et je me raidis aussitôt.
Suis-je prête à la revoir? Oui... plus que jamais... mon corps crève de ne plus la voir ou la sentir, mon esprit se torture à tenter de reconstruire l'image de son visage. Je veux la revoir. Non. J'ai besoin de la revoir.
Je suis en manque d'elle.
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