Demande à l'avocate
-Je dois te laisser, ma Luciole, j'ai quelque chose d'important à discuter avec maman.
-Vous allez pas vous disputer, hein?
-Non, ne t'inquiète pas. Enfin... je vais essayer.
Et j'aimerais vraiment réussir, pour une fois.
-Salut, Maman. Dis-je en me levant vers elle.
-Bonsoir, Jade. Samy, tu pourras rentrer quand tu auras fini, de même pour toi, Johanna.
-Ça tombe bien, j'étais en train de finir. Répond le cuistot.
-Je vais t'aider à ranger, lui dit sa compagne.
-Maman, dis-je. Je peux te parler deux secondes? C'est un truc important.
-Mm, tu veux me parler, à moi? C'est une première.
Ne répond pas, Jade. Ne répond pas.
-Très bien. Me dit-elle. Eh bien, bonnes vacances à vous deux! Lance-t-elle au couple.
-Bonne vacances à vous aussi! Répond Johanna.
-Oh, je n'ai pas beaucoup de vacances, mais merci tout de même. Répond ma mère avant de se diriger vers le canapé du salon, où je la suis.
Je m'assois en face d'elle, et tente de trouver mes mots pendant quelques secondes.
-Eh bien?
-J'arrive, j'arrive. Hum... je... enfin, moi, avec un groupe d'amis, on aimerais avoir tes conseils voir tes... services... pour une plainte.
Ma mère lève un sourcil étonné et me regarde dans les yeux. Elle a l'air vraiment surprise de ma requête.
-Je ne dis pas non, Jade, mais... quel genre d'affaire, au juste? Tu sais très bien que je ne m'occupe pas de tout type d'affaires!
-Non, non, je suis bien au courant. Tu te souviens de Diana, qui est venue l'autre jour?
-Diana Cavendish? Bien sûr, que je m'en souviens. Comment pourrais-je oublier que tu as comme amie la fille d'un homme si célèbre et réputé qu'Albert Cavendish!
Arg... évidemment, le nom d'Albert Cavendish est suffisant pour qu'elle retienne un nom. Je ne peux m'empêcher de laisser échapper une pique.
-Mais le nom d'Aki te rappelle aussi quelque chose?
-Oui, ton autre amie, qui t'as hébergée. Pourquoi?
-Non, je me demandais si tu te souvenais d'elle, puisqu'elle n'a pas de père connu nationalement.
Ma mère soupire.
-Si c'est vraiment tout ce dont tu voulais me parler, je vais y aller, Jade...
-Non! Non, je me suis égarée. Bref.
Putain, c'est difficile. Je ne sais même pas par où aborder le sujet. Je ne sais même pas comment je pourrais en parler à la place de Diana...
-C'est une plainte... contre le père de Diana, justement. Dis-je enfin. C'est pour ça que je te le demande.
Ma mère est estomaquée, mais semble également intéressée.
-Une plainte contre le père de ton amie? Vous faites ça dans son dos? Est-ce vraiment ton amie?
-Quoi? Mais qu'est ce que tu... hum. Non, c'est elle qui porte plainte, maman. Contre son propre père.
-Mais Albert Cavendish est un homme puissant, il a les moyens de se payer d'excellents avocats. Sans même parler de ses collusions supposées avec la mafia... Ça a intérêt à être pour une très bonne raison.
-Ça l'est. Je... pense que ce serait mieux si elle t'expliquais elle même les détails. Mais voilà, je voulais juste savoir si t'en prendre à un homme de son acabit ne te gênait pas.
Elle soupire une nouvelle fois.
-Je ne peux pas vraiment dire que ça ne me gêne pas. Quel que soit votre mobile, ce sera une affaire médiatisée et sensible, je serais sur la corde raide, et ton amie aussi. De plus, une action contre son propre père, c'est... enfin, cela me semble très injustifié dans tous les cas.
-Pardon?
-Un parent se donne pour son enfant, Jade. Même si tu ne t'en rends pas toujours compte.
-C'est sûr que tu te donne toujours beaucoup pour nous, maman.
-Oh, je t'en prie! C'est grâce à mon travail que vous vivez dans une telle aisance, ai un peu de considération pour cela!
-J'en aurais bien si j'avais eu moins d'argent et plus d'amour maternel! L'argent fait pas tout, maman. Regarde, malgré tout votre argent, on ne passera quand même pas Noël avec Christian cette année malgré tout ce que ça représente pour Lucie! Tu ne crois pas que quelque fois, en tant que parent, vous pourriez mettre votre vie professionnelle de côté pour passer du temps avec nous?
Ma mère a un regard troublé, puis se lève.
-Je ne serais pas là non plus le soir de Noël.
Je reste abasourdie par ce que je viens d'entendre.
-C'est une blague?
-Ce n'est absolument pas une blague, Jade. Un client que j'ai fait acquitter m'a invitée au restaurant ce soir là. J'ai demandé à Samy de vous préparer de quoi manger, et...
-Tu te fous de ma GUEULE? Tu vas passer Noël avec un CLIENT en laissant tes deux filles manger SEULES? Pour NOEL?
-Tu m'as parfaitement entendue, Jade, la discussion est close. Quant à ton histoire de procès, je...
-MAIS T'ES PAS POSSIBLE! On a pas passé UN SEUL Noël tous ensemble depuis que Thalia est partie, pas UN SEUL! Et maintenant que moi, je suis là, d'abord c'est Christian qui part à l'autre bout du monde, puis c'est toi qui me dit que tu n'es pas capable de sacrifier UNE SEULE soirée de travail de l'année, le jour de NOEL, pour manger avec tes FILLES? Tu nous fais manger des plats réchauffés que tu n'as même pas préparés? Nan mais... nan mais c'est trop fort...
-Jade, moi aussi je suis déçue de ne pas pouvoir être là, mais...
-ALORS VIENS! Laisse tomber ce foutu dîner! Le soir de Noël mais... quel genre de client invite son AVOCAT à Noël! T'as pas idée d'à quel point j'ai attendu ce Noël? D'à quel point Lucie était heureuse qu'on le passe enfin tous ensemble? Et tu ose me parler du rôle de parent?
-Mais qu'est ce que tu y connais, au rôle de parent, toi, Jade, hein? On a fêté Noël sans toi, pendant que tu étais partie on ne sait où avec un drogué à moitié malade mental! On t'as attendue, mais est-ce que tu es venue? Non! Tu nous as ignorés! Alors ne viens pas faire ta moralisatrice!
-Quoi?? Tu compare une dépression et une chute dans... une chute plus bas que terre à ton putain de dîner d'affaire? Mais tu te fous de ma gueule, c'est pas vrai! Ouais, je suis pas une mère, mais ce que je sais c'est que si j'en étais une, j'en serais une meilleure que toi! Même Aki à 19 ans est une meilleure mère que toi pour ses sœurs, putain! Et pourtant elle gagne pas pas ton argent!
-Tu parles de ce que tu ne connais pas, Jade! Je ne peux pas déplacer ce repas, c'est un client important!
-Plus important que tes filles?
-Ce n'est pas la question au nom du ciel! Il y a des fois où l'on doit faire des choix, et celui là est important pour ma carrière professionnelle!
-Ouais, je vois le genre... donc une nouvelle fois, tu fais passer ta carrière professionnelle avant ta famille, hein? Thalia a plus été une mère pour moi que toi! J'ai eu la chance de l'avoir! Et puis si je finis par crever comme Thalia, il restera quoi à Lucie, hein? Une mère et un père absents?
Une violente douleur me vrille la joue. Abasourdie, je réalise que ma mère vient de me gifler. Elle me regarde tremblante d'une émotion que je n'arrive pas à définir.
-Je t'interdit... de parler de ta mort. Tu m'entends? JAMAIS. Tu n'as aucune idée de la douleur que cela fait de perdre un enfant.
Je brûle de rage.
-Oh, non. Mais je sais ce que ça fait de perdre une mère! Parce que j'en ai perdu deux!
Les yeux emplis de larme, je tempête vers ma chambre, et passe à côté d'une Lucie en larmes que Johanna tente vainement de consoler. Je n'arrive qu'à laisser échapper un "désolée" à ma sœur, la gorge autant serrée par la colère que par les souvenirs douloureux qui remontent. Je rentre m'enfermer dans ma chambre et m'effondre derrière contre la porte, en pleurs.
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