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31 ᴏᴄᴛᴏʙʀᴇ 1894

Le jeune garçon est allongé sur le dos et fixe le plafond.

La masse épaisse de son édredon lui comprime très légèrement la poitrine, les poumons, le corps en entier, — et pourtant il fait ce barrage rassurant à l'obscurité elle-même qui s'entrelace au-dessus de lui et avec laquelle il ne veut aucun contact. La pièce est cubique, lambrissée de toutes parts. Depuis le plafond enfoncé dans le noir semblent remuer sourdement comme les ombres de cent un tentacules. Au-dessus de sa tête, sur le mur nu, ...un simple crucifix.

Il écoute le silence, parfois se surprend à ne même pas respirer.

Tic, tac, tic, tac.

Il n'a jamais su d'où venait ce bruit d'horloge. Il a toujours été là, en somme.

Il écarquille un peu plus les yeux, essaye d'y faire rentrer quelques bribes de lumière en plus, — lesquelles se tamisent à peine par le coin d'un épais rideau de laine. On y voit presque rien. Minuit moins dix ondule et bouillonne dans tous les angles de la pièce. Il aurait voulu une bougie, une bête veilleuse pour l'accompagner jusqu'au milieu de la nuit, mais son père a toujours été catégorique : non. Il faut que tu t'entraînes à voir dans le noir.

Il rajuste un peu son édredon, enfonce à peine la tête dans l'oreiller. La granule piquante du duvet d'oie lui mordille la peau des oreilles. Il n'a jamais aimé le noir. Il aurait voulu une veilleuse.

Minuit moins deux.

Tic, tac, tic, tac.

L'humidité ancienne qui imprègne chaque fibre de l'endroit gagne jusqu'au tissu du matelas, et le bois de son lit, et puis son visage, — et il ne sait plus pourquoi ça sent tellement le vieux, et une branche d'arbre racle peut-être la fenêtre, dehors. Bruits d'horloge. Il ne doit pas remuer un muscle, pas avant minuit, parce qu'il s'est persuadé si jeune que ça porterait malchance.

C'est bientôt l'heure.

Cinquante

Cinquante-et-un

Cinquante-deux

Cinquante-trois —

...Un bruit précipité de course ébranle soudain toute la farmhouse. Il sursaute — ça n'est pas comme ça que c'est censé se passer ; ça n'a rien de normal. Habituellement, il y a le cri, puis le silence, et, l'horloge, et puis — des pas martèlent les escaliers, se ruent dans le couloir. On lui a dit : sois sur tes gardes. Il semble brusquement se réveiller d'une épaisse torpeur et un flot d'adrénaline lui monte au visage, son cœur s'envole comme un papillon, alors il fait flou soudain, il tente de se débarrasser de son édredon, et s'y débat, merde, j'aurais dû être plus prudent, et cherche par bribes quelque chose pour se défendre, n'importe quoi, où est-ce qu'il a mis son pieu —

La porte claque en grand sur une silhouette épouvantée. Il se redresse, le souffle court.

...Avant de s'immobiliser et de relâcher ses épaules comme dans un geste de soulagement.

L'homme dans l'encadrement de la porte assume un frôlement de cinquantaine, l'air hagard et essoufflé, et sur son bras s'imprime ce qui ressemble à une marque discrète de perfusion récente. Grand, mince, les cheveux blanchis bien trop tôt et une paire d'yeux noirs identiques aux siens ; le garçon le sait totalement inoffensif pour sa part.

C'est donc pourquoi il ouvre la bouche pour prononcer la question qui le taraude sérieusement :

« ...Papa ?

— On a pas le temps, Quincey, » souffle l'homme d'une voix sourde — et ses yeux ont pris une fièvre presque hallucinée qui flanque une inquiétude amère dans les tripes de son fils. « Ça n'a pas marché. Va seller Bess ! On doit partir, » confirme-t-il au regard d'angoisse du garçon.

Comme un électrochoc, ce dernier repousse brusquement son édredon et se précipite vers la porte — au-dehors, il fait noir, mais il connaît l'endroit si bien qu'en quelques trébuchements il rallie à tâtons les escaliers. Ses mains tremblent, un peu, mais il ne veut pas le laisser voir. Après tout, qui le pourrait ? Il ne doit pas avoir peur. Ses parents ont eu peur pour trois des années plus tôt et lui doit être fort.

...Alors Quincey se mord la lèvre pour ne pas écouter son cœur qui bat si fort et si vite et qui rend tout brouillé dans son crâne, et il dégringole les marches des escaliers. Derrière lui il entend son père claquer la porte et courir vers la chambre parentale pour rassembler quelques affaires. Il ne sait pas quoi. Il ne veut pas savoir.

L'adrénaline lui engourdit tant les membres qu'il lui faut plusieurs secondes pour réaliser qu'il n'a pas lâché son pieu de frêne et que les rais du bois s'impriment jusque dans sa paume — il atteint la dernière marche avec un soupir étouffé. La farmhouse entière lui semble si terriblement sombre, autour, — à peine le fil argenté d'un chandelier qui miroite dans le noir, et la silhouette massive de quelques meubles par endroits. Quincey marche précipitamment en direction de la porte, arrache un manteau à une patère, à tâtons, s'y enroule avant de pousser les battants à deux mains. Le froid de l'extérieur lui saute au visage comme une haleine de loup.

...La paix de Whitby en contrebas le gifle la seconde d'après.

L'Esk bouffe les quais de la ville de lumières moribondes ; et, par reflets, les petites maisons semblent s'y imbriquer comme des jouets d'enfants. Une épaisse nappe d'eau sur laquelle se rident des étoiles et puis, parfois, — perce le gris pâle de l'escalier municipal, qui ondoie en rubans sur les flancs de la nuit. Il fait noir. La vie est si lointaine. Quincey le sait — la lisière de la ville et de la nuit est à des mètres et des mètres de l'isolement de leur farmhouse. Il lève les yeux vers la lune ; elle disparaît derrière une épaisse brume noire qui engloutit tout à ces heures.

Il est tout seul. L'odeur capiteuse de minuit et d'humidité agite trois feuilles mortes sur le morceau de petit chemin qu'il distingue plus avant.

Il songe : personne ne nous entendra si elle nous trouve, mais il ne veut pas y penser, alors brusquement il se détache de ses réflexions et se dirige d'un pas vif vers la minuscule écurie attenante à la farmhouse, celle en pierre noire où un flot épais de lierre vient dégouliner sur les tuiles. Il a froid. Il y a trop peu de lumière. Son pieu lui pèse une tonne dans la main. L'écume tordue des arbres qui s'accrochent aux pelouses lui semblent remuer mauvaisement, alors il presse l'allure.

Trois derniers pas, un soupir de soulagement. Il pousse la vieille porte de bois vermoulu et le souffle lourd de Bess qu'il vient de réveiller lui réchauffe un peu le cœur pour l'instant.

« Hé, ça va, ma toute belle ? »

Entendre sa propre voix lui arrache un peu de son nœud de nervosité ; la présence chaude et rassurante de la grande jument Dales l'apaise, un peu, alors il range d'une main nerveuse son pieu à sa ceinture et tend la main pour lui flatter l'encolure.

« On va faire une promenade de nuit, » promet-il. « Il y a un problème. Mais on te prend avec nous, ne t'en fais pas. »

Quincey décroche le filet de son clou, le glisse doucement sur la tête de la jument — même dans le noir il connaît le geste par cœur. Il referme la boucle de la muserolle, puis —

« Oh. Vous comptez réellement partir sans moi ? »

Il se fige. Son cœur repart de plus belle.

Il connaît cette voix.

Il sait ce qu'il va voir, en se retournant.

Il ne veut pas se retourner.

Il a froid et ressent cet espoir stupide que fermer les yeux et prier fort va la faire disparaître.

Le silence s'étend, mais il a quelque chose de moqueur, aussi, presque comme si son éternel sourire en coin avait envahi l'espace et traçait des sourires mauvais à même les poutres du bois. Du coin de l'œil, il aperçoit Bess, les oreilles couchées en arrière. Elle renâcle nerveusement sur son mors. Il voudrait lever la main, faire le moindre geste pour l'apaiser, ...mais l'engourdissement glacial qui a frappé ses membres se concentre déjà dur pour rester debout.

« Je... »

Sa voix est rauque ; il prend conscience après coup d'avoir parlé. Il se sent stupide. On ne parle pas aux monstres.

Il aurait voulu son édredon, et les bras de sa maman, là, tout de suite.

Il sait qu'il ne les aura plus jamais.

Il s'humecte les lèvres, comme pour se donner du courage.

« ...S'il te plaît, va-t-en, » croasse-t-il.

C'est tout ce qui est sorti. À peine le gémissement terrifié d'un gosse de quatre ans, et il sent sa présence, là, dans son dos, et il se dit qu'il devrait se retourner. Il a l'impression soudaine que les ombres s'allongent ; elles coulent et caillent comme du sang séché dans chaque interstice de bois, et Quincey resserre un peu plus sa main sur son pieu, parce que c'est le seul geste qu'il est parvenu à faire ; il sent ses doigts trembler contre le bois. Respire. C'est un mauvais rêve.

« Tu ne veux pas me voir ? »

Il ne veut pas y penser. Il ne veut surtout pas penser au fait que, oui, il veut la voir, à nouveau, — qu'il veut se souvenir de la couleur de ses yeux et du ton de sa voix, et que pourtant il sait parfaitement que plus rien ne sera égal. Il sent le bois de son pieu s'enfoncer dans sa peau. Il a peur. Il veut qu'elle s'en aille, surtout, que tout ça ne soit plus qu'un mauvais souvenir. Il veut avoir quinze ans comme la veille et penser à des choses futiles d'adolescent de quinze ans et continuer à bien mettre de l'ail aux fenêtres comme on lui a toujours dit de le faire. Il s'en veut. C'est sa faute.

Il voudrait disparaître.

...C'est lorsque la main se glisse sur son épaule avec une froideur d'anneau de couleuvre qu'il étrangle un cri.

« Allons » fait la voix, mielleuse. « Retourne-toi. Je veux revoir ton visage. »

Quincey sent son cœur se retourner alors même qu'il semble vouloir quitter sa cage thoracique. Ne la regarde pas. C'est ce qu'on lui a dit, lorsqu'elle a commencé à se manifester. Et pourtant — pourtant la main l'attire doucement vers elle, le retourne, presque avec délicatesse. Il n'a pas la force de lutter. Il sent sa tête lui tourner alors même qu'il se prépare à croiser son regard. C'est presque dur de ne pas simplement fermer les yeux.

Trois secondes.

Tic, tac, tic, tac.

Deux secondes.

Boum.

Et puis, elle est là.

En face de lui.

Il a envie de pleurer.

Parce qu'elle n'a pas changé, non plus — un visage exceptionnellement pâle qu'un doigt d'ange a tracé en cœur, et puis un carré de cheveux noirs, et ces grands yeux bleu-gris qui pouvaient éponger toute la douceur du monde. Il sait qu'elle a changé, tout au fond. Il le voit dans le blanc de sa peau, et le reflet malsain de rouge qui a commencé à maculer son regard. Il y a les dents, aussi. Il y a tellement de choses qui lui retournent l'âme. Il resserre la main sur son pieu, dans l'ombre de son manteau, mais il ne parvient qu'à trembler. Il fait noir, soudain. Bess souffle lourdement, gratte le sol de son sabot. La pâleur de son visage pèle l'obscurité comme celui d'une chouette effraie.

...Elle lui sourit, et Quincey sent qu'il va mourir.

« Tu vois ? Ça n'était pas si terrible. »

Les crocs. Quincey sait ce que peuvent faire ces crocs. Il tente de compter, dans sa tête — à trois, tu lui transperces le cœur. Il n'y parvient pas. C'est trop dur.

Il se souvient de ses cheveux noirs et de l'odeur qu'ils avaient.

« Tu m'as manqué, » fait-elle doucement. « Tu ressembles tellement à ton père... »

Son index se pose sur sa joue et Quincey frissonne comme s'il s'était agi d'une patte d'araignée. Elle est froide au contact, méthodique, presque chirurgicale. Un véritable scalpel, tente-t-il de s'empêcher de penser. Il essaye de reculer. Le bois de l'écurie lui heurte le dos. Sur son visage, elle décrit de l'ongle les traits aigus, la figure fuyante, les grands yeux noirs sur la peau presque mate. Oh, oui ; il ressemble à son père.

« Je...ne me touche pas, » glapit-il.

« Allons » susurre-t-elle, « que veux-tu faire de ce pieu ? Tu es faible. À peine sorti de l'enfance. Tu ne pourras jamais me l'enfoncer dans le cœur d'un coup sans marteau et il n'y en a pas ici. Non, reste avec moi, Quincey. Tu n'auras plus jamais peur... »

Il sent le monde se refermer autour de lui, peu à peu, dans une asphyxie opaque qui se résume au cœur trop pâle de son visage. Plus d'espace.

« S'il te plaît, va-t-en — »

Ses doigts cherchent, contre le mur, désespérément. Il s'en écorche les ongles contre le bois. Des sangles, des lanières, rien de bien utile — elle est proche. Il sent la fièvre dans ses yeux rouges qui, il en est sûr maintenant, ...est celle d'un prédateur sur le point de bondir. Son large sourire dévoile ses crocs. Quincey a envie de vomir.

Il se souvient de l'odeur de ses cheveux, de sa présence, de sa douceur aussi —

« Reste avec moi... »

...Sa main heurte alors quelque chose de lourd et métallique.

Son mauvais pressentiment s'intensifie.

Il dévale les marches, quatre à quatre, les bras à peine chargés d'une mallette de cuir noir emplie du nécessaire — pieu, crucifix, couteau, et un flacon à vin empli d'eau bénite. C'est à peine tout ce qu'il a songé à emporter ; ça, et puis, une ancienne photographie où un couple pose en soutenant un bébé minuscule, fourrée dans une des poches de ladite mallette parce qu'il ne pouvait se résoudre à la laisser à sa merci. Il n'allume pas les lampes, il ouvre à la volée les portes de la farmhouse. Comme pour son fils la fraîcheur de cette nuit de novembre le cueille en plein visage.

...Le silence soudain ne lui dit rien qui vaille. Après toutes ces années, l'homme a développé des craintes de proie.

Trois minutes.
C'est déjà trop.

« ...Merde » souffle-t-il entre ses dents.

Il prie pour que ça ne soit pas déjà trop tard. Il y a quelque chose d'assourdissant dans cette nuit-là, dans l'absence de lumière et de bruit, à peine une feuille morte qui frôle la pelouse — noir sur noir. Il presse le pas. Il finit par courir en direction de l'écurie.

S'il vous plaît, s'il vous plaît, s'il vous plaît.

Il n'a jamais été optimiste, plus depuis bien longtemps — le diable existe et il l'a vu ; de si près qu'il le gardera peut-être toujours gravé au fond de la rétine. Pas son fils, pitié, non. Il n'a que quinze ans. Il signifie tellement. Il —

La première chose qui le frappe en pleine face est l'horrible odeur métallique qui le prend à la gorge alors qu'il atteint la porte de l'écurie.

Il se fige, pratiquement sonné. L'angoisse lui glace les veines dans un engourdissement vertigineux. C'est alors que —

...Des sanglots ?

Il baisse les yeux. Le contour visqueux d'une tache noirâtre s'immisce doucement sous la porte, et peu à peu roule lentement à bas des pavés et s'enfonce dans la terre. Il cligne des yeux ; il ne veut pas croire ce qu'il voit. En fond sonore, les bruit imperceptible de pleurs étouffés lui semble tourbillonner comme un vertige.

Il connaît la couleur.

Il connaît l'aspect.

Il devrait s'enfuir.

Il ne ressent plus rien.

L'homme redresse la tête, et, sans un mot, ...il pousse doucement le battant de bois.

Il lui faut plusieurs minutes pour s'accoutumer à l'obscurité épaisse. Dans l'angle, à droite, Bess renâcle lourdement, les yeux écarquillés, la queue battant la nuit comme par angoisse — complètement acculée dans son coin de box. Les ombres s'élèvent et retombent comme de grosses vagues, et toutes se concentrent jusqu'au centre de l'endroit où une silhouette recroquevillée sanglote doucement.

Elle est agenouillée dans la paille, la tête baissée, — et sur ses mains maculées d'un épais liquide noir s'éclaboussent une carte du monde.

Dans sa main gauche, elle tient un pieu en frêne —

...Dans l'autre, un fer à cheval.

L'homme déglutit. Il n'aurait jamais voulu que son fils vive une telle chose.

« Quincey. » Appelle-t-il doucement.

Le garçon ne répond pas tout de suite. Il est prostré auprès d'un corps enfin immobile d'où s'étend la lourde tache noire qui vient nourrir les interstices des lattes du sol. L'homme se tait, suit tristement du regard les petits affluents de sang séché qui se perdent dans la terre, à l'extérieur. Il comprend son besoin de se taire. L'odeur est affreuse. Il ne veut pas y penser.

C'est comme ça que tout se termine, alors.

Ses yeux dérivent vers le visage métamorphosé de — non. Il ne veut plus penser son nom, plus maintenant. Elle est morte, enfin partie. Peut-être qu'elle aura la paix qu'elle méritait.

Il n'empêche que ça fait si mal.

« Quincey. »

Le garçon renifle, presque un bruit de douleur. D'ici, son père ne peut pas voir son visage ; il devine les larmes qui coulent. « C'est ma faute, » sanglote-t-il. « C'est ma faute si j'ai oublié l'ail à la troisième fenêtre, si...

Non. » Il se souvient et son visage se durcit, gagné par une ombre épaisse qui recouvre ses yeux. « Ça n'est jamais la faute de quiconque. Ça arrive. »

Il regarde une dernière fois son visage, et ses cheveux noirs, qui se collent à son crâne par grumeaux de brun. Penser que les vampires n'ont pas réellement de sang parce qu'ils en ont été vidés était faux. Le leur est d'une couleur obscure et corrompue. Dans quelques jours, les plantes dont la terre a absorbé le liquide noir goudron se faneront toutes simultanément.

Il soupire et tire un long couteau de sa mallette.

« Sors Bess et calme-la, » ordonne-t-il doucement.

« Je me charge du reste. »

Géraudot, Aube, trois jours plus tard.


« Alors, qu'est-ce qu'ils voulaient ? »

L'homme referme doucement la porte derrière lui, hausse les épaules. Ce qu'ils voulaient ? Il n'a pas réellement compris. Il leur a indiqué le chemin, c'est tout.

Une odeur riche et profonde de moravský vrabec paresse dans la petite maisonnée ; quelques bougies de suif se consument ici et là dans leurs coupelles. L'endroit est serein et a cette humidité légèrement apaisante, une odeur d'ancien, aussi, — qu'ont les très vieilles maisons de famille. Trois lampes à huile creusent dans la nuit qui tombe des halos de lumière douce. Au milieu de la pièce à vivre, une petite table de pin accueille trois silhouettes à son entour.

« Je ne sais pas. » Émile Touradon se rassoit, entre son fils unique et sa femme ; hausse les épaules avant de remuer du bout de la fourchette un morceau de viande dans son bol. « C'était un homme et son fils, j'imagine. Ils cherchaient Troyes. Je les ai aidés.

— Ils se sont perdus ? » demande Šárka Touradon — son épouse susmentionnée et curieuse invétérée devant l'Éternel. À la droite d'Émile, leur fils de huit ans, Ernest, décoche un grand sourire à la petite Joséphine et lui remplit consciencieusement son verre d'eau avec le cruchon trop grand pour ses petites mains. Émile lui jette un regard en coin, ronchonne. Šárka lui allonge discrètement une tarte derrière la tête.

« Non, je ne crois pas, » répond finalement Émile. « L'homme m'a expliqué avoir acquis il y a quelques mois un logement dans la vieille ville. Apparemment, leur départ d'Angleterre n'était...plus négociable. Il avait un accent britannique, » précise-t-il. Il tend le bras, récupère le cruchon des mains de son fils et sert tout le monde. Cette affaire ne le regarde pas ; il a fait ce qu'il a pu.

La petite Joséphine Lemoine en question a finalement été laissée aux bons soins des Touradon pour le début de soirée pour la simple et bonne raison que le jeune Ernest et elle-même sont depuis des mois inséparables. Une longue tignasse de cheveux cendrés, des yeux d'un bleu si tranchant qu'ils semblent percer un trou dans son crâne — Émile soupçonne les deux enfants de connaître leur premier béguin de jeunesse mais Šárka lui dit de se taire, alors, il se tait. Lui n'est pas stupide. Après tout, elle est de Sainte-Maure. Qu'ils, il ne sait pas trop, — grandissent ensemble, partagent leur premier baiser et fassent plein de petits gamins au sourire plein de lumière une fois adultes ; Émile trouve qu'après tout, il vaut mieux ça que finir tout seul sans le vouloir. Une demi-seconde, il observe la conversation discrète et complètement parallèle des deux petits qui se font rougir pour rien. Šárka lui fait les gros yeux. Du reste personne n'aurait réellement le culot de les séparer. Ça ne semble pas être ouvert à négociations.

« Un touriste ? » demande Šárka.

« Je ne crois pas. Ils semblaient déterminés à s'installer définitivement.

— Ils s'étaient tout de même sacrément perdus, » commente Joséphine de sa petite voix douce.

Émile a un sourire et hausse les épaules.

« Après tout, ils font ce qu'ils veulent, » concède-t-il. « Qui veut de l'eau ? »

Par la fenêtre, le jour se couche peu à peu,

...Et ruisselle sur le monde comme des couleurs de sang.

Mais personne ne le voit.

Il faudrait regarder le soleil dans les yeux pour ça.

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