Marinette | Chapitre 33
Je suis amoureuse d'Adrien Agreste, peu importe ce qui arrive.
Mercredi, ma mère prend bien soin de me réveiller avant l'heure afin que je ne sois pas en retard en classe. Cette journée se veut longue et bien remplie, que ce soit par ma retenue en début d'après-midi ou la recherche qui va suivre. La veille, je me suis confiée à Alya sur la situation, du moins la partie visible de l'iceberg, bien loin de l'amnésie d'Adrien. Je suis parvenue à la conclusion que seule la jeune fille ou quelqu'un d'autre a pu enchanter Chat Noir. Fini de se lamenter sur mon sort ou de me perdre dans une haine sans sens.
Lorsque je passe la porte de la classe, j'inspire profondément et me décale sur la droite. Les élèves défilent les uns après les autres, chuchotant, bavardant, s'exclamant avant de s'asseoir à leur place. Seulement, au moment où une tête blonde à la chemise blanche ouverte, je me réinsère dans la petite foule. Sans m'avoir remarqué, il s'installe à une table vide. Je m'empresse de le contourner et me pose sur la chaise à sa droite. Ma mascarade ne tient pas plus d'une minute, ses magnifiques yeux verts balaient les alentours puis s'arrête à ma hauteur. Je feins de ne pas l'avoir remarqué.
- Bonjour Marinet...Mari.
Mieux, beaucoup mieux. Je le gratifie d'un sourire chaleureux en guise de remerciement. Chloé entre à son tour en classe, elle ralentit le pas à notre niveau, les sourcils froncés. Et alors qu'elle se dirigeait vers une table plus loin, la fille du maire de Paris tourne les talons et se poste devant Adrien.
- Alors Adrichou, comment tu vas aujourd'hui?
Sa voix est niaise, contrastant avec le démon qui sommeille en elle. Je ne peux m'empêcher de grimacer quand elle se penche un peu plus sur la table. Son comportement n'a pas d'effet direct sur le beau mannequin.
- Bien et toi?
- Plutôt bien, j'ai hâte d'aller au concert de Jagged Stone avec toi ce week-end. On va bien s'amuser ensemble.
Même un malentendant aurait compris le sous-entendu, appuyant de manière exagérée le mot "ensemble". Attendez...quoi? Adrien va à un concert avec Chloé? On est dans quel monde là? Je fouille dans mon sac pour me donner une contenance tandis que mes oreilles se baladent plus loin.
- Ah oui, c'est à quelle heure? Demande-t-il un ton plus bas.
Il a...accepté? D'accord. Progressivement, les barrières qui me retiennent de tester mes pouvoirs de super héros sur elle s'affaissent. Après tout, c'est déjà un super vilain, son cœur doit être aussi sombre qu'un akuma. Non, je n'exagère absolument pas.
- Vendredi soir, vingt heures à la mairie.
Ses mains se promènent les longs de sa queue de cheval, elle torture une poignée de mèches, les yeux fixés sur le visage de mon Adrien. Lui semble embêté par sa réponse et pour cause: Alya et Nino organisent une soirée à laquelle le blond de mes rêves et moi sommes invités.
- Ça va être compliqué, Nino m'a invité quelque part.
Évasif, hein? C'est une façon comme une autre de décliner son offre, j'accepte. Pourtant, Chloé n'a pas l'air convaincue.
- Attends, tu ne vas pas me dire que tu refuses un concert de la plus grande rock star de tous les temps pour une vulgaire soirée chez ton copain?
Adrien est en mauvaise posture. Il ne parvient pas à refuser quelque chose devant elle, sûrement se croit-il redevable qu'elle soit son amie ou un truc du genre. Moi, ça m'exaspère et je ne tarde pas à le faire savoir.
- Sauf que ce n'est pas une vulgaire soirée. Je les interromps en pivotant le haut de mon corps vers les deux.
- Je t'ai sonnée Dupain-Cheng?
- Calmez-vous les filles...Désolé Chloé, on remet ça à une prochaine fois.
Mon cœur bondit dans ma cage thoracique, enhardi d'entendre Adrien refuser un concert pour une soirée avec moi! La peste n'a pas le temps de s'insurger car le professeur réclame toute notre attention pour démarrer le cours. Et malgré la tonne de travail qui se profile devant nous, le sourire victorieux plaqué sur mes lèvres perdure pendant une dizaine de minutes.
- Tu as l'air de bonne humeur. Constate Adrien en baladant son crayon le long de ses doigts.
Une main soutient ma joue, je ignore vaguement les explications du professeur pour m'attarder sur le visage parfait de mon voisin.
- C'est le soleil.
Son regard dévie vers la fenêtre. Le ciel est couvert de nuages gris. Aussitôt il revient sur moi.
- Mais il va pleuvoir, dit-il étonné.
Sentant mon visage rougir, je me lance dans un exercice auquel je suis novice: la drague.
- Je ne parlais pas du soleil dehors. Je bredouille en baissant les yeux sur ma feuille.
Si Alya m'a donné des conseils pour capter l'attention d'un garçon, c'était beaucoup plus simple, spontané et fluide quand il s'agissait de Chat Noir - et que je n'avais aucune idée de la bombe atomique qu'il cachait sous son masque. Malheureusement pour moi, il se passe de longues secondes durant lesquelles Adrien me fixe, les yeux ronds. C'est comme une blague, si on l'explique après l'avoir racontée, elle perd tout son sens. J'abandonne tout espoir d'avoir une quelconque réaction de sa part.
- Hm...Laisse tomber.
- Non, je veux comprendre.
Il imite ma position, c'est-à-dire tourné vers moi, coude sur la table, la tête penchée sur le côté et maintenue par sa main. Sauf que lui a l'air craquant, quand moi je dois juste ressembler à une fille qui s'ennuie en cours.
- Alors? Insiste-t-il.
Gênée, je choisis la solution de facilité en attrapant une feuille et griffonnant la classe. J'indique les mots "Soleil" et "Marinette" assis sur un banc, Adrien représentant ce premier. Je glisse du bout des doigts le bout de papier jusqu'à mon voisin. Le temps qu'il le regarde, je reporte mon attention vers le cours. Mon oreille intercepte un petit rire provenant du blond. Il s'empare à son tour d'un crayon puis m'envoie sa réponse. Mon dessin a subi quelques changements: "Marinette" a été remplacée par "Rayon de soleil". Je cache mon sourire de ma main et fais mine de n'avoir rien vu.
À la pause, alors que je dissimulais mon dessin dans mon sac, une tornade blonde se déclare juste devant nous.
- Adrien, tu ne peux pas refuser de venir au concert de Jagged Stone.
Elle est si déterminée dans ses gestes qu'Adrien semble terriblement embêté alors qu'il a déjà fait son choix. Cette fois-ci, je décide de ne pas intervenir.
- C'est compliqué, marmonne-t-il en plongeant une main dans ses cheveux.
Pas vraiment, tu n'as qu'à répondre "Non" et elle te laissera tranquille. Au pire des cas ton père pourra toujours racheter la mairie.
- Je ne vois pas ce qu'il y a de compliqué. Tu vas donc me laisser toute seule là-bas?
Ah, la carte de la pitié, je ne l'avais absolument pas vue venir. Non sérieusement, est-ce que quelqu'un peut être attendri ne serait-ce que deux secondes par son visage de chien battu?
- Bon, je vais m'arranger. Capitule-t-il.
Apparemment oui. Sur le coup, je le fusille du regard. Alors il suffit de venir pleurer devant lui pour qu'il accepte tous ses caprices? Le blond se tourne ensuite vers moi, ne se doutant pas des idées néfastes qui défilent dans ma tête.
- Je n'aurai qu'à vous rejoindre directement après le conseil, ajoute-t-il d'un ton doux.
Si tu crois t'en sortir avec ça. Je hausse les épaules, n'ayant pas envie de me lancer dans une monologue sur le "pourquoi écouter Chloé Bourgeois est nocif". Sur ce, le cours reprend, je tâche d'écouter le professeur, soudainement refroidie par ce volte-face.
À la fin des cours, je suis la seule à ne pas ranger mes affaires pour sortir et profiter de l'éclaircie et du faible vent à l'extérieur. Intérieurement, je me promets de ne plus jamais sécher les cours.
- Marinette, je voudrai que tu me fasses une analyse de ce poème.
Madame Bustier a l'air de meilleure humeur aujourd'hui, elle concède même à ce que je termine cet exercice chez moi si je ne l'ai pas fini dans une heure. Tout cela signifie que je vais pouvoir quitter l'école plus tôt et me mettre à la recherche de l'akumatisée.
Au final, je n'ai pratiquement rien écrit sur ma copie, trop occupée à réfléchir sur quels endroits je pourrai me renseigner. Je me demande aussi ce que trafique Chat Noir, il a intérêt à y mettre du sien lui aussi.
- Marinette, tu en es où?
La voix du professeur me tire de mes pensées. Un bref coup d'œil à ma copie est suffisant pour évaluer mon niveau en la matière et ce n'est pas très glorieux. Je joue la carte de la franchise.
- Pas très loin Madame...Je minaude.
Elle pousse un long soupir puis d'avance jusqu'à mon bureau. Je croise les doigts pour ne pas qu'elle m'enferme ici une heure de plus. À ma plus grande surprise, c'est loin d'être sa priorité.
- Si tu as des problèmes en poésie, tu pourrais demander de l'aide à tes camarades. Adrien et Nathaniel ont des bonnes notes dans cette matière.
J'acquiesce, c'est une idée intéressante - dans le cadre où je pourrai voir Adrien me parler de poème d'amour durant des heures et des heures. Je crois même que madame Bustier a remarqué mon aura radieuse.
- Allez, je te laisse partir mais apporte-moi un travail soigné et recherché. Je te laisse jusqu'à lundi pour le faire relire par un autre élève.
Je l'en remercie vivement et me précipite vers la sortie. Les toilettes sont le premier refuge que je vise pour me transformer. Une fois sûre qu'il n'y a personne dans les environs, j'appelle Tikki à sortir de ma bourse.
- La voie est libre. Tikki, transforme-moi!
Ma peau retrouve les couleurs de coccinelle qui lui manquaient. Pas de message de Chat Noir, soit il baille aux corneilles, soit il est occupé à chercher la jeune femme qui lui a effacé des souvenirs. Je quitte les toilettes et me hisse à l'aide mon yo-yo jusqu'au toit. Je réalise l'énorme travail qui m'attend: comment trouver une femme à l'allure tout à fait banale dans une ville remplie de touriste? Si ça se trouve, c'était juste une voyageuse et elle est déjà repartie...
- Qu'est-ce que je raconte, le Papillon désire nos miraculous, elle est forcément dans les parages...
On se rassure comme on peut. Dans un premier temps, je me promène, d'immeubles en immeubles, dans l'espoir de tomber par chance sur ce que je veux. Bien sûr, c'est voué à l'échec. Je dénombre des blondes, des brunes aux rouges à lèvres extravagants mais aucune qui correspond à la bonne personne.
Alors que je m'apprêtais à rebrousser chemin, une silhouette noire à proximité du Louvre attire mon attention. Il ne fait aucun doute que c'est Chat Noir en pleine inspection. Je projette mon yo-yo un peu plus loin, contournant l'entrée du musée afin de ne pas me faire repérer par les touristes. Les pieds sur le rebord du bâtiment, j'observe mon partenaire. Accroupi, ses grands yeux verts scrutent minutieusement la foule, il grimace à plusieurs reprises puis se concentre à nouveau. Visiblement, il ne m'a pas encore remarqué. J'en profite pour me glisser dans son dos.
- Tu veux jouer à chat perché?
Chat Noir sursaute et se retourne brusquement. Il semble surpris de ma soudaine apparition.
- Qu'est-ce qu'il y a? J'enchaîne, on a donné sa langue au chat?
Il se ressaisit assez vite.
- Pas du tout, ma Lady. Tu sais bien que je ne joue à aucun jeu avec toi.
Pour appuyer ses mots, il attrape le bout de mes doigts avec ses griffes et y dépose un baiser. Exceptionnellement, j'accepte l'attention.
- Dommage, j'avais très envie d'une partie de cluedo.
Ses doigts n'abandonnent pas ma main. Habituellement, je les aurais déjà retirés de son emprise mais ce contact m'est trop agréable pour m'en défaire. D'ailleurs, je laisse mes yeux s'aventurer le long de son visage. Ils sont instinctivement attirés par ses lèvres, hors de portée. Chat Noir penche la tête, me regardant d'un drôle d'air. Il faut que je me reprenne plutôt de penser à l'embrasser!
- Alors, tu en es où dans tes recherches? Je demande en détournant les yeux vers la Pyramide.
Mon partenaire hausse les épaules.
- Toujours à la case départ. C'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin!
Je m'en doutais, la ville est gigantesque!
- Tu es vraiment sûre que je me suis fait akumatisé par elle?
Je le fusille du regard. Croit-il vraiment que je me démènerai à fouiller Paris pour rien?
- Je veux dire, ce n'est pas dans les habitudes du Papillon de créer un vilain discret qui n'en a pas après nos miraculous.
Il marque un point mais je n'ai rien de concret à lui dire pour le convaincre. Je sens que c'est cette femme et il faut impérativement qu'on la retrouve.
- Fouillons un peu les environs avant qu'il ne soit trop tard.
Chat Noir ne tique pas que j'ai simplement ignoré sa remarque. Il semble moins braqué qu'hier, peut-être commence-t-il à s'apercevoir que j'ai raison.
Nous nous promenons les longs des toits, inspectant chacun de notre côté les différents passants. Évidemment, je crois reconnaître une femme possédant toutes les caractéristiques puis vient la désillusion. Au bout d'une vingtaine d'échec, je lâche l'affaire.
- Bon, on s'arrête là pour aujourd'hui. Je déclare, un peu désemparée.
Chat Noir ne rate pas l'émotion dans ma voix et s'avance vers moi. Il pose sa main sur mon épaule.
- On va bien finir par la trouver.
Il se veut gentil et doux. Je m'autorise à déposer ma tête quelques instants près de son cou quand la vue du toit d'un immeuble voisin me frappe.
- On peut aller se poser là-bas? Je demande en indiquant l'endroit.
Il acquiesce sans se poser de questions et dirige son bâton dans la bonne direction. Je le rejoins avec mon yo-yo puis range celui-ci à ma taille. D'ici, nous avons la vue sur un petit parc aux haies fleuries, aux grillages désormais entretenus et surveillés. Prés de la cage d'escalier se trouve un petit banc en fer, posé là depuis deux bonnes semaines.
C'est ici que Chat Noir et moi nous sommes embrassés pour la deuxième fois - enfin la première fois où il était conscient et consentant. Si seulement il pouvait se remémorer cette scène.
Passablement fatiguée, je m'assois sur le banc et invite le super héros à me tenir compagnie.
- C'est un superbe endroit. Dit-il en observant les lieux.
- Oui...
Je lève les yeux au ciel, le temps se couvre. Il va pleuvoir, nous devrions rentrer chez nous avant que n'éclate un orage.
- Pourquoi tu souris?
Ah? Je souriais? Je ne m'en étais même pas rendu compte. Nous restons là, à nous regarder dans le blanc des yeux. Sa bouche m'attire une fois de plus.
Peut-être qu'il se souviendrait si je l'aidais un peu.
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