Marinette | Chapitre 23
L'amour calme est un luxe que seuls les gens sans histoire peuvent se payer.
"Si c'est ainsi, je ne veux plus jamais être ton partenaire." Ces mots résonnent dans ma tête, aussi tranchants qu'une lame enfoncée dans ma poitrine. Ils me lassèrent la peau, transpercent mes organes, sans laisser de traces physiques.
Affalée sur mes draps roses à contempler le plafond de même couleur, cela fait deux jours que les paroles de Chat Noir persistent dans ma tête. A chaque instant où j'arrive à me concentrer sur autre chose, elles resurgissent de nulle part, accompagnées de leur flot de douleur. Adrien n'est pas venu en cours hier, Nino m'a confié qu'il avait demandé lui-même pour suivre ses cours à domicile mais qu'il reviendrait très vite. Ce matin, je l'ai recroisé, en tant que Marinette, assis à sa place habituelle. Il m'a salué naturellement mais son visage était fermé. Rien de plus n'a été échangé.
A ce moment, j'ai vraiment hésité à lui révéler mon identité et enfin lui avouer que moi aussi, je l'aime.
Mais ce n'est pas possible, c'est contre la règle. Tikki me l'a inlassablement répété ces derniers jours. Il fallait laisser le temps se charger de cicatriser nos plaies et d'atténuer la souffrance de nos souvenirs jusqu'à les effacer partiellement.
D'ailleurs, Chat Noir n'est pas revenu voir Marinette non plus. Ma trappe est désormais ouverte, de jour comme de nuit, dans l'attente de recevoir cette fameuse visite. Au fond, je sais que c'est insensé mais je prie au plus profond de mon être qu'il revienne de lui-même pour m'appeler une nouvelle fois "princesse". Et là, je lui répondrais "mon minou" et tout rentrera dans l'ordre, n'est-ce pas? Il prend juste son temps avant de me revenir, je ne me trompe pas? Hein?
Pourquoi ne revient-il pas?
- Je suis la pire Ladybug qui existe, je souffle, la gorge serrée.
Posée sur ma table basse, Tikki m'observe, l'air triste.
- Mais non Marinette, tout va finir par s'arranger. Repose-toi un peu, tu dois être épuisée.
Elle a raison, je suis totalement exténuée mais à peine ai-je fermé les yeux que je me remets à penser, encore et encore, à quelle autre tournure aurait pu prendre la situation.
Si j'avais avoué à Adrien que je connaissais son identité parce que je suis Ladybug, jamais je n'aurai dit au Dessinateur où il se trouvait.
Si je n'avais pas craint de me détransformer au milieu du Pont des Amoureux, j'aurais pu lui avouer ce qui m'a poussé à le faire disparaître.
Si je n'étais pas aussi nulle, Chat Noir ne regretterait pas d'être mon partenaire...
Au cours de mon expérience en tant que Ladybug, j'ai pris des coups, j'ai trébuché sur des obstacles, me suis blessée contre des ennemis trois fois plus grands que moi. Mais nul n'a plus d'impact que le poids des mots de mon partenaire sur mon cœur.
La mort dans l'âme, j'essuie une énième fois les larmes perlant de mes yeux vers mes oreilles d'un revers de la main. A force de vouloir attiser les braises d'un jeu dangereux, on finit par se brûler. Aujourd'hui, j'ai définitivement pris un retour de flamme dont je ne suis pas prête de me remettre.
- Marinette, Alya t'a envoyé un message...Murmure mon kwami avant de s'approcher de ma joue pour me faire un mini câlin.
La main dans le vide, je tâtonne mon meuble pour trouver mon téléphone. Mes doigts buttent sur une forme carrée, je l'agrippe et l'apporte à hauteur de mes yeux.
Alya: "Coucou Marinette, je ne te dérange pas?"
En dépit du voile embrumant ma vue, je tapote quelques mots sur mon écran.
Mari Dupain-Cheng: "Coucou Alya, je suis un peu fatiguée mais ça va. Qu'est-ce qu'il y a?"
Alya: "Oui, j'ai vu ça. Peut-être devrais-tu aller chez le médecin ou demander pour te reposer un jour chez toi. En vérité, je ne trouvais pas le moment pour te le dire mais il fallait absolument que je le fasse."
Mari Dupain-Cheng: "Tu me fais peur là. On dirait que tu vas m'annoncer que tu arrêtes le Ladyblog."
Alya: "Mais non, jamais de la vie, plutôt mourir! Je voulais juste m'excuser de ne pas avoir été une bonne amie dernièrement."
Voilà un autre point sur lequel je ne suis pas fière du tout. En plus d'être une Ladybug catastrophique, je suis aussi une meilleure amie pathétique.
Mari Dupain-Cheng: "C'est plutôt à moi de me faire pardonner pour ne pas m'être plus intéressée à toi. Je ne savais pas que tu étais sortie avec Nino, il a fallu que tu sois attaquée par ce vilain pour que je l'apprenne."
Au fur et à mesure que nous discutons, je sens mon corps être repris par une série de soubresauts accompagnés de sanglots que j'étouffe. Dans ces moments, on se sent comme le pire des déchets de cette terre.
Alya: "Je n'ai pas été bonne sur ce coup-là. J'avais peur que si je te parlais de ma relation avec Nino, tu serais complexée par rapport à Adrien."
Mari Dupain-Cheng: "Mais non, au contraire, je suis très heureuse pour vous deux. D'ailleurs, ça en est où?"
Alya: "On s'est séparé le week-end passé, rien de très grave mais vu l'acharnement avec lequel il a essayé de me retrouver, ça ne m'a pas laissé indifférente. On verra bien, ça ne sert à rien de précipiter les choses."
Tu ne crois pas si bien dire...La conversation dévie ensuite sur les cours avant de se terminer par un dernier message d'encouragement de mon amie. La page disparaît de l'écran, Adrien est visiblement connecté. Non...Il est trop tôt. Je pousse un long soupir en déposant mon téléphone à côté de mon armée d'oreillers. J'ai vraiment de la chance d'avoir une meilleure amie aussi compréhensive qu'Alya.
Le soleil se lève sur Paris, surplombant de sa grandeur et de sa lumière les maisons et autres bâtiments de la capitale. Pour la première fois depuis plusieurs mois, j'assiste à l'aube et pour cause: j'ai profité malgré moi de son décor nocturne. Mes yeux sont lourds, mon visage blanc comme un zombie.
- Marinette, tu devrais te reposer encore un peu. S'inquiète Tikki en me voyant enfiler mon T-shirt blanc imprimé.
Je secoue la tête, étirant mes lèvres dans un petit sourire.
- On est vendredi, ce n'est qu'un petit effort de plus à faire. J'aurai deux jours pour me reposer après.
Mon kwami croise les bras, contre mon avis. Je feins de ne pas m'en être rendue compte et m'habille avant de jeter un coup d'œil à mon portable.
Pas de message. Je soupire en le branchant pour récupérer de la batterie.
- Allez Marinette, dis-je pour moi-même en me tapotant les joues. Ce n'est pas le moment de flancher. Tu vas aller en cours, écouter puis rentrer pour dormir.
Tikki m'encourage à son tour. Je la remercie d'un signe de tête puis vérifie le contenu de mon sac rose. D'habitude, je n'en ai jamais le temps, pressée à cause d'une panne de réveil ou d'un quelconque akuma. Des bribes de conversation s'élèvent plus bas, je devine que mes parents sont en train d'ouvrir la boutique. Je patiente encore un petit peu dans ma chambre avant de lever la trappe et de rejoindre la cuisine pour petit-déjeuner.
- Tu es bien levée tôt ma chérie! S'exclame ma mère, ne dissimulant pas sa joie.
Mais rapidement, sa satisfaction s'efface pour céder au tracas. Elle s'avance vers moi, une brique de lait à la main, l'autre déposée sur mon front.
- Tu n'as pas de fièvre pourtant.
- Mais non, maman. J'ai juste mal dormi, ça devrait passer.
Mon explication suffit à ce qu'elle ne me pose pas plus de questions.
- Je m'occupe de la boulangerie ce matin avec ton père et cette après-midi je fais les courses. N'hésite pas à appeler si tu comptes rentrer.
- Merci Maman.
Pas un mot de plus et elle disparaît derrière la porte menant à la boulangerie. Je mange tranquillement, un œil sur l'horloge et l'autre sur la télévision. Les nouvelles sont bonnes, les œuvres d'art ont toutes été récupérées. En définitive, la vie a repris son cours.
- "Des rumeurs courent sur la dissolution du duo de super héros de Paris", enchaîne la présentatrice en consultant discrètement ses fiches. "Une vidéo a été postée sur le net, dans laquelle le super héros Chat Noir annonce ne plus vouloir être le partenaire de Ladybug. Espérons tout de même qu'ils continueront de veiller sur la ville comme ils le font depuis plusieurs mois."
- Même les chaînes officielles en parlent...
- Chat Noir et Ladybug sont inséparables Marinette, tu n'as pas à t'inquiéter. Le grand maître ne vous a pas choisi par hasard.
Les paroles de Tikki me mettent du baume au cœur, il ne m'en faut pas plus pour avaler le fond de mon bol de céréale et d'emporter mon sac pour cette dernière journée de cours.
Le temps est couvert, le ciel assombri, le soleil se cache derrière une armée de nuages menaçants. Les citoyens s'empressent de rejoindre des terrasses ou brandissent leurs parapluies de toutes les couleurs en prévision de la pluie. Sentant l'humidité dans l'air, je presse le pas jusqu'au collège Françoise Dupont.
- Marinette, par ici! M'appelle une voix familière.
Engourdie, je remue la tête, scrute chaque recoin pour enfin apercevoir ma brune à la peau bronzée agitant ses bras au dessus d'elle. Je la rejoins au dessus des marches encombrées par d'autres jeunes.
- Bah dis donc, tu t'es vraiment décidée à devenir assidue!
Je lui souris, une main dans mes cheveux.
- Ecoute, je vois que ça ne va pas trop pour toi en ce moment. Poursuit-elle d'un ton bienveillant, la main déposée sur mon épaule gauche. Demain, tu viens chez moi pour une soirée entre filles. Partante?
J'acquiesce sans hésiter.
- Bien sûr!
Ça va me faire du bien de décompresser un peu avec Alya. Après tout, je veux aussi connaître les détails croustillants de son histoire avec Nino. Depuis le temps qu'elle se mêle des miennes. Avant que la cloche ne sonne, nous nous réunissons avec plusieurs filles et discutons de choses et d'autres.
- Vous avez choisi votre duo pour le travail de science? Demande Rose en jetant un oeil complice à sa copine Juleka.
- Un duo? Je répète, étonnée.
La petite blonde hoche la tête.
- Oui, madame Mendeleiv nous a envoyé les consignes hier soir mais vous n'avez peut-être pas encore eu cours avec elle.
Je suis incapable de lui répondre, je n'ai rien écouté des derniers cours. Juleka ajoute qu'elle n'en a pas non plus entendu parler.
- Oh, bah vous allez devoir vous trouver un partenaire pour rendre un devoir de science pour lundi. Nous explique Alya, rien de bien compliqué.
- Parle pour toi, je me plains en baissant les bras. Je suis une quiche en sciences.
- Alors débrouille-toi pour avoir un duo compétent.
Son clin d'œil appuyé à mon attention insinue beaucoup de choses. Adrien est une bête en sciences, si ce n'est le meilleur de la classe dans ce domaine. Pourtant, je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure idée, d'autant plus que ça implique se voir ce week-end pour travailler.
La sonnette retentit, nous nous éparpillons pour gagner nos places. Aujourd'hui, je débute avec le cours de chimie. Je vais être rapidement fixée sur mon sort. Nathaniel me croise à l'entrée de la classe, nous nous asseyons naturellement l'un à côté de l'autre, derrière une série de récipients en verre disposés sur notre banc.
- Adrichou! S'écrie Chloé une rangée devant nous.
L'envie de tourner la tête me prend aux tripes mais je me refuse à le faire. Les bruits de pas du mannequin résonnent dans mes oreilles, d'abord derrière moi puis à ma droite.
- Cette place est-elle prise?
Par réflexe, je suis des yeux sa voix et constate qu'il s'est adressé à Juleka, seule à l'autre bout du banc. Elle accepte du bout des lèvres et Adrien prend place. Éberluée, je ne tarde pas à attirer son attention à force de le fixer.
- Bonjour Marinette.
Son humeur s'est incontestablement amélioré, les poches sous ses yeux verts ne sont plus, son œil droit s'est entièrement remis de son coup. Il rayonne...
- J-Jourbon! Bonjour Adi-Adrien.
Oh non, ça me reprend. J'avais pourtant fait des progrès dernièrement. Il va se moquer de moi, je fouille dans mon sac pour retrouver une contenance et sors mon matériel. Madame Mendeleiv passe la porte et, avant même d'atteindre son bureau, commence son cours. Pendus à ses lèvres, nous devons attendre la fin de la leçon pour en savoir davantage sur le travail en duo.
- Lundi matin, je veux retrouver dans mon casier un dossier par binôme, vos sujets vous seront attribués en fin d'après-midi. Vous avez le temps de la pause pour me fournir une liste avec vos noms.
Dans ces moments-là, je regrette qu'Alya ne fasse partie de ma classe. Le choix serait vite fait. Nathaniel, à ma gauche, me lance des regards insistants, comme pour me demander indirectement de faire équipe avec lui. A ma droite, je suis surprise de ne pas sentir celui d'Adrien. Sûrement va-t-il se joindre à Juleka ou Chloé...
Au bout de plusieurs minutes de silence, la liste circule, elle se glisse entre les mains de plusieurs camarades et, par le plus grand des hasards, arrive devant Adrien. Du coin de l'oeil, je distingue son crayon traçant deux noms sur la feuille. Je ne parviens pas à réprimer un soupir, attisant la curiosité de mon ami aux cheveux roux.
- Quelque chose ne va pas? Me demande-t-il.
Je hausse les épaules.
- Non, ça va. Je dois être un peu fatiguée.
- Mari, tiens. Dit mon voisin de droite.
Adrien m'offre la liste, souriant. Je l'attrape et la dépose sur mon banc. Je parcours les différentes équipes désormais formées. Instinctivement, j'ignore le début et file directement à la fin. "Adrien Agreste et Marinette Dupain-Cheng". Je cligne plusieurs fois des paupières, suis-je en plein rêve? Presque choquée, je pivote brusquement vers le beau blond n'ayant pas bronché d'un poil.
- Qu'est-ce que tu en dis?
Une main enfoncée dans sa joue, Adrien me sourit avec son air adorable voire charmeur - je dirai presque chat'rmeur.
- J-Je...
- Alors, où est la liste? S'interroge le professeur de science, s'impatientant.
- C'est Marinette, madame mais elle la garde! Me dénonce Chloé en me pointant du doigt.
Madame Mendeleiv me rappelle strictement que nous n'avons pas de temps à perdre. Je panique, ma gorge est sèche et mes doigts tremblent autour de mon crayon. Il est toujours temps de barrer mon nom mais...
- Détends-toi Mari, j'ai juste envie de te parler.
Figée, je détecte une once de tristesse dans ces paroles. La même qui teintait les dernières paroles de Chat Noir pour Ladybug. D'un geste précipité, je glisse la feuille, tête baissée, vers Nathaniel. Celui-ci constate mon choix, ne proteste pas, inscrit son nom et appelle les élèves de devant pour faire circuler la liste.
La fin de la journée ne sera peut-être pas si reposante que ça. Et il n'est que dix heures du matin.
- Merci, chuchote Adrien ne m'ayant pas quitté des yeux.
---------------
Fin de chapitre.
Je profite pour vous remercier pour tous vos votes et commentaires, ça me fait extrêmement plaisir, d'autant plus que j'ai reçu des remarques constructives très intéressantes. A demain pour la suite!
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