Jour 28
A son réveil, Victor retrouva cette peur qu'il avait voulu oublier la veille.Une nouvelle journée de solitude s'ouvrait à lui. Il aurait tout le temps de penser à cette anxiété qui s'emparait de lui.Sandra arriva avec le petit déjeuner.
-On est quel jour aujourd'hui ?
-Dimanche, pourquoi ?
Déjà dimanche ? Jeanne ne devrait donc pas tarder à arriver. Il n'avait pas vu le temps passer.
Une fois le petit déjeuner terminé, Sandra s'en alla, laissant Victor, seul avec ses pensées.Il n'arrivait pas à lire. L'esprit de Victor était trop occupé pour pouvoir se concentrer sur quoi que ce soit d'autre. Il attendait avec impatience l'arrivée de Jeanne.Victor n'arriverait à rien. Ses pensées le perdaient. Il n'arrivait pas à réfléchir convenablement, malgré le flot de pensée qui l'envahissait.
Son supplice toucha enfin à sa fin lorsque Jeanne passa la porte de la chambre.
-Comment ça va ?
-Assez préoccupé, mais ça va... Et toi ?
-Je suis content de pouvoir enfin venir te voir. La semaine a été longue !
-Et comment !
***
La journée au restaurant était bien calme depuis quelques jours. Paul ne s'était jamais senti aussi léger en venant au travail. C'était une sensation étrange.
Pourtant, il ne pouvait nier qu'un sentiment bizarre s'était emparé de lui.Il pensait à Victor, mais surtout à cette partie d'échec. Que se passera-t-il après ? Lorsque la partie sera enfin terminée ?Bien évidemment, il avait envie de voir son roman enfin publié. Mais pouvait-il abandonner Victor dans cet hôpital ?
Paul tentait de penser un peu à autre chose.Il n'avait pas échangé un seul mot avec Tanguy depuis qu'il a avoué le vol des bouteilles.Les deux hommes s'échangèrent un regard. Paul pourrait aller lui parler... Mais pour lui dire quoi ?
Finalement, ce fut Tanguy qui fit le premier pas.
-Tout va bien ?
-Ouais... Ca va... Je réfléchissais juste à un truc... Rien d'important.
-Ça marche.
Paul retourna en cuisine. Il fut rapidement rejoint par Tanguy qui le coupa une deuxième fois.
-Au fait... Ton roman ? Il avance bien ?
-Pourquoi ? Ca t'intéresse ?
-Je sais pas... Tu me le feras lire à l'occas' ?
-Je sais pas... Quand je l'aurais terminé, peut-être...
-Prend ton temps... Et puis, t'es pas obligé d'accepter...
-J'y réfléchirais.
Tanguy se remit au boulot. C'était peut-être la première fois qu'il avait une vraie discussion avec lui. Ils avaient tranquillement parlé. L'anxiété qu'il avait ressentie juste avant d'aller lui parler s'était rapidement dissiper. Il ne savait pas où est-ce que tout cela allait mener, mais c'était déjà un premier pas.
Paul s'était senti étrangement calme en lui parlant. Pour la première fois depuis un an, il n'avait pas eu cette boule au ventre en parlant.En y repensant, Paul se rendit compte d'une chose.
Depuis quelques jours déjà, il ressentait certaines choses qu'il n'avait pas ressenti depuis plus d'un an.Paul ne put s'empêcher de s'offrir lui-même un sourire sincère.Ca y est. Il recommençait enfin à revivre.
***
-Comment s'est passé ta semaine ? Demanda Victor.
-Epuisante, une fois de plus... J'ai à peine le temps de me reposer en rentrant...
-Tu devrais prendre des vacances.
-Je sais pas trop... Qu'est-ce que je ferais de mes journées, si tu n'es pas là ?
-Tu pourrais commencer par venir me voir plus souvent ?
-C'est vrai... J'y réfléchirais.
Jeanne changea immédiatement de sujet.
-Anna m'a prévenu, pour ton allergie...
-T'en fais pas, ça va mieux...
-Pourquoi tu ne m'as pas appelé ?
-Je voulais pas t'inquiéter.
-J'ai tout appris via Anna ! Bien sûr que je m'inquiétais ! J'aurais aimé l'apprendre de toi !
-Calme-toi ! Tu n'as pas à t'en faire ! Regarde, je suis encore en vie, tout s'est arrangé !
Jeanne ne répondit pas.
-Je suis désolé de ne pas t'avoir prévenu...
-Et tes parents ? Ils sont au courant ?
-Je ne sais pas... Si Anna t'a prévenu, alors je pense qu'elle les a aussi prévenus... Mais ils ne m'ont pas encore appelé...
-Tu devrais les appeler...
-Je sais...
-Tu sais quand tu sortiras de l'hôpital ?
-Non, mais à mon avis, ce ne sera pas pour tout de suite...
-En parlant de tes parents, ils m'ont appelé il y a quelques jours, pour me parler de ton centre de rééducation.
-Je t'ai déjà dit que je ne veux pas aller là-bas. C'est une perte de temps ! Je vous ai déjà répété que je ne pourrais jamais me réparer ! Les médecins vous l'ont confirmé ! A quoi ça servirait ? Ce n'est qu'une perte de temps et d'argent !
-Je suis désolé...
-Ne le soit pas...
Victor essayait de se calmer comme il pouvait.
***
La fin de journée ne tarda pas à sonner pour Paul.Cassandre le rejoignit, alors qu'il rangeait son tablier.
-Tu retournes à l'hôpital ?
-Ouais...
-Tu sais, si t'as besoin d'en parler, ou besoin d'aide... Tu peux me le demander.
-Oui, je sais... Merci. Au fait, j'ai vu que Charles n'avait plus son bandage !
-On l'a enlevé hier... Ca y est, il recommence petit à petit à marcher normalement.
-C'est super !
-Tu m'étonnes ! T'imagines bien comment il était hier soir !
Paul eu un léger rire.
Il partit voir Charles, accoudé au bar.
-Je voulais m'excuser, pour ton pied...
Charles haussa des épaules.
-C'est pas ta faute... Le meuble était lourd, et je n'arrivais pas à me décider... C'est normal que tu commences à fatiguer !
-Ton plâtre est enfin enlevé ! Tu vas pouvoir te remettre à travailler !
-Oui, je vais bientôt pouvoir m'y remettre !
Paul donna une tape sur l'épaule de son ami, avant de s'en aller.
***
Paul commençait par connaitre par cœur ce long couloir vert.Il s'aperçut rapidement qu'une femme se trouvait dans la chambre 117. Certainement Jeanne, la femme de Victor.
Le jeune homme s'installa sur une chaise, attendant qu'elle s'en aille avant d'aller voir Victor.Paul regardait le couloir. Il vit Sandra sortir d'une chambre. Sans hésité, il se leva.
-Excusez-moi ?
L'infirmière se retourna.
-Je suis désolé de vous déranger... Vous vous occupez bien de Victor, dans la chambre 117 ?
-C'est exact, oui, pourquoi ?
-Je voulais savoir... Si un de vos patients voulait partir... Comment ça se passerait ?
-Victor vous a monté ses idées en tête, n'est-ce pas ?
-Je ne saurais pas trop dire... Mais j'aimerais avoir votre avis, comme vous travaillez ici, avec lui... S'il partait, il s'en sortirait ?
-C'est difficile à dire... Chaque cas est différent, nous ne pouvons jamais réellement prévoir comment ça pourrait se passer. Mais Victor est quelqu'un de solide.
Paul entendit des bruits de pas derrière lui. Il vit Jeanne s'en aller.
-D'accord... Merci...
Paul attendit que Jeanne rentre dans l'ascenseur pour pouvoir aller voir Victor.
-Vous arrivez tout juste. Ma femme vient de partir.
Paul s'installa à son habituelle place.
-Comment vous vous sentez aujourd'hui ?
-Je n'arrête pas de réfléchir, de tout, de rien...
-Vous aussi ?
-Ouais...
-Nous avons tous nos soucis...
-Je crois bien, oui...
Paul regarda l'échiquier. Il déposa son roi en H4.Victor eut un moment de panique. Il voulait réfléchir, mais il en était incapable. Que faire ?
-Vous allez bien ? Demanda Paul.
-Je ne sais pas...
Victor devait désormais prendre une décision. Son cerveau fonctionnait à toute allure, pourtant il avait l'impression de ne réussir à rien, et d'aller nulle part.Une idée se mit à germer dans son esprit. Une idée qui pouvait peut-être tout arranger.
-Mettez mon fou en H4.
Paul s'exécuta.Une vague d'excitation envahit Victor.
-Paul...
-Oui ?
-Vous êtes échec et mat.
Un long frisson envahit Paul. Son corps s'immobilisa. Il regardait l'échiquier. En effet, il était bel et bien échec et mat.Il ne l'avait pas vu venir.Son cœur battait à tout rompre. Plusieurs émotions explosèrent en lui.Il venait de perdre la partie.
-Félicitations.
-Merci.
Victor se sentit heureux. Il venait de gagner une partie qui avait duré vingt-huit jours.Paul mit un certain temps avant d'être capable de parler à nouveau.
-Qu'est-ce que vous voulez faire maintenant ?
Victor n'arrivait pas à s'en remettre.
-Revenez me voir demain... Je vous expliquerais comment nous allons procéder à présent, pour... Tout ce qui va se passer ensuite.
Victor riait et pleurait en même temps.Paul ne savait plus quoi dire. Il était heureux pour Victor. Il pourrait enfin retourner voir sa famille, vivre auprès d'eux. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de voir une vague de tristesse s'en prendre à lui. Il devrait encore attendre pour son livre.
Il finit par se lever et s'avancer vers l'entrée.
-Paul ?
L'homme se retourna.
-Bravo pour cette partie. Vous avez très bien joué...
-Merci.Vous aussi, vous êtes un redoutable adversaire.
-Et puis, je voulais vous dire merci. Merci d'être venu me voir, tous les jours, pour jouer avec moi, et me faire oublier... Tout ça.
-Je vous en prie...
-Revenez demain. Je vous raconterais la suite du programme.
-Ça marche.
Victor réfléchit un instant.
-Paul ?
-Oui ?
-Ca ne vous dirait pas de rester un peu ? Je sais que vous devez être déçu, pour la partie, donc je ne vous force à rien, mais si vous voulez qu'on discute...
-C'est gentil Victor, mais je crois que je vais rentrer. Je dois réfléchir à beaucoup de choses...
-Pas de problèmes.
-A demain Victor.
-A demain.
Victor était certes un peu déçu de la réponse de Paul, mais cela n'était rien comparé à ce qu'il ressentait désormais. Cette partie d'échecs, qui durait depuis presque un mois touchait enfin à sa fin. De plus, Victor commençait à entrevoir une nouvelle idée, qu'il devait à présent mettre au point. Il devait appeler Anna.
Victor repensait à ce que lui avait dit sa sœur à propos de Paul. Allait-il revenir maintenant ?
Il devait lui faire confiance.
***
Paul rentrait chez lui, d'un air mélancolique. Il ne savait plus quoi penser. Tout était allé trop vite ce soir. La partie était finie.
Une fois chez lui, il s'allongea dans son lit, et n'y bougea plus de la nuit.
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