L'air de la vallée de Greyhall était glacial, mais bien moins que celui de la grande salle à manger de Woodcastle. Deux vampires, assis en milieu de table, assistaient à un duel sans merci entre les deux immortels.

— Ma douce, aurais-tu l'obligeance de me passer le sel ? demanda Zelyan d'une voix très suave.

Le petit récipient s'envola et répandit son contenu en une pluie blanche tout le long du chemin. Il traversa la pièce, lancé avec vigueur et peu de précision. Le Diable pencha la tête sur la droite et évita l'impact.

— Tu t'améliores ma douce, mais c'est toujours à côté.

Ereyne grogna en guise de réponse et se reconcentra sur son assiette. Il prit partie de l'ignorer mais il avait le don d'attirer l'attention et de la perturber.

Si Hadès demeura silencieux durant tout le repas, Zeus tenta quelques approches afin d'en savoir plus sur la raison de cette inimitié. La réponse vint avec le dessert : une magnifique forêt noire cuisinée par madame Foots. Les cerises brillaient, écarlates sur la chantilly. Tous en eurent l'eau à la bouche.

— C'est un pur délice, marmonna le maître de l'Olympe la bouche pleine de gâteau. Il est aussi bon que vous êtes belle magnifique Ereyne, bien qu'un peu tendue.

— Elle boude ! railla Zelyan. Elle se refuse à admettre la vérité. Non, ce n'est pas ce qu'elle croit, ce n'est qu'une légende urbaine.

Ereyne posa violemment sa cuillère et le foudroya du regard.

— Ce n'est pas une légende urbaine, dit-elle en séparant chaque mot. J'ai raison.

— Ce n'est pas ce qu'il a dit, lui répondit son compagnon, le regard taquin. Et qui sait mieux que lui ?

L'immortelle posa sa serviette sur la table et se leva en déclarant que même les meilleurs humains pouvaient vaciller et commettre des erreurs. Il avait failli, sa nature humaine le lui permettait. Elle ne lui en tenait pas rigueur mais cela ne la faisait pas douter. Elle avait la foi, elle savait.

— Pour la centième fois Zelyan, c'est un film de Noël, fin de la discussion.

— Il a dit que ce n'en était pas un ma douce, si l'acteur principal le dit...

Il était insupportable, Dieu qu'il lui tapait sur le système, il n'aimait même pas les films de Noël. Ereyne leva les yeux au ciel et longea la table pour quitter la pièce tandis que Zeus réalisait l'ampleur de la situation.

— Vous êtes en train de vous battre pour un simple film ?

La main d'Ereyne s'abattit sur sa perruque sans lui provoquer de douleur.

— Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi ? rugit-elle. C'est un grand classique des fêtes, une référence, un film à regarder chaque année dans la pure tradition.

— Encore l'enfant laissé tout seul dans sa maison par ses parents ?

L'immortelle soupira et leva les yeux au ciel, qu'avait-elle bien pu faire au ciel pour être entourée d'ignorants pareils ? Zelyan éclata de rire et félicita son fils pour sa hardiesse, lui-même n'avait pas osé remettre en cause la légitimité de l'enfant face aux cambrioleurs de Noël. S'il était chanceux la colère d'Ereyne se détournerait de lui pour se tourner vers le vampire innocent. Il saisit le bras de sa compagne alors qu'elle passait près de lui pour sortir et la fit tomber sur lui dans un flot de mousseline rouge. Il déposa un baiser sur son épaule dénudée et l'enserra.

— Tu es tellement belle lorsque tu es en colère ma douce. Ton calme devant les pires atrocités force l'admiration tout autant que la facilité avec laquelle tu peux perdre tes moyens lorsque certains sujets sont abordés.

— Cela t'amuse n'est-ce pas ? rétorqua l'immortelle en repoussant un pan de dentelle qui lui obstruait le visage.

— Grandement, avoua Zelyan. Mais tu noteras que contrairement à mon fils je respecte certaines limites. Jamais je n'oserai sous-entendre que le pauvre Kévin n'est pas au répertoire des films de Noël.

Zeus grommela qu'il ne s'intéressait guère aux films de Noël. Les personnages y avaient toujours une fin heureuse.

— Si ce n'est pas celui-là, lequel est-ce ? La duchesse qui devient impératrice ?

Il se tut lorsqu'il surprit une lueur de haine dans les yeux de l'immortelle, lueur que seul Zelyan arborait habituellement, face aux archanges, pendant une bataille. Le vampire crut sa dernière heure venue.

Son père, amusé par la scène, se sentit d'humeur compatissante et vint à son secours avant qu'il ne liste tous les films sacrés.

— Celui avec le policier new-yorkais qui va voir sa femme à Los Angeles et qui dégomme tous les preneurs d'otages qui ont envahi les bureaux de sa nana lors du réveillon de Noël de l'entreprise.

— C'est un film de Noël ça ? s'étonna Hadès qui sortit de son mutisme.

Un couteau vola et lui trancha une mèche de cheveux.

— Le prochain qui doute du statut sacré de ce film finit embroché à cuire dans la grande cheminée, rugit Ereyne. Suis-je claire ?  

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Merci d'avoir lu ce chapitre !!

Axel.