11ème Chapitre (1/2)
Aucun positif ne t'arrivera jamais
— On a un problème.
La jeune femme et Denunsi échangèrent un regard, ils attendirent que Rinual en dise plus, ce qu'il ne tarda pas à faire.
— J'ai de nouveau accès à l'interface, père m'a envoyé un message. Vay, ils sont à l'appartement.
Ses yeux s'écarquillèrent à cette nouvelle, elle avait presque oublié qu'on la poursuivait. Ne pouvaient-ils la laisser tranquille, après tout ce qu'elle avait déjà vécu ?
— Qui ça, « ils » ? questionna leur guide.
Regard orange, coup d'œil bleu, ils se mirent muettement d'accord. Après tout, ils n'avaient plus rien à perdre.
— Il n'y a pas un endroit calme où on pourrait discuter à l'abri des oreilles indiscrètes ? réclama Vay.
Suspicieux, Denunsi finit par hocher la tête et les conduisit jusqu'à une sorte de bar miteux. Il salua le patron avant de passer dans l'arrière-salle, déserte. Ils s'installèrent tous les trois à une table, une serveuse s'approcha pour prendre leur commande. Deux verres d'eau et un thé froid plus tard, ils revinrent à leur discussion.
— Tu te demandais pourquoi je n'avais pas de badge, n'est-ce pas ?
— Ouais.
— C'est parce que je viens du centre de recherche. Plus précisément, continua-t-elle en baissant la voix et en se penchant, j'étais une cobaye de la section expérimentation et je me suis enfuie.
La surprise la plus totale s'afficha sur le visage de l'adolescent. Il ouvrit et referma la bouche plusieurs fois, bafouilla des mots incompréhensibles, secoua la tête, recommença. Il finit par prendre plusieurs longues inspirations pour se calmer et digérer la nouvelle.
— C'est pour ça qu'tu voyais aussi bien dans le noir. Et qu't'as pu nous écouter c'matin. Et qu'tes yeux sont orange. Et qu'tu dégages un truc si... bizarre. Mais c'est pas méchant, hein, juste que, ben, voilà quoi. C'est dur à expliquer.
Elle sourit, nullement vexée.
— Les gardes sont à ma poursuite, j'imagine qu'ils ont prévenu de nombreuses personnes. S'ils ont fouillé votre appartement, c'est qu'ils ont découvert que tu m'as sortie du centre, dit-elle en faisant face à Rinual. Ils doivent également te chercher.
— Sans doute. Je vais couper ma connexion, c'est plus sûr.
— Tu parles, ça sert à rien.
Tous les deux se tournèrent vers le jeune, qui se tenait négligemment appuyé, le regard dans le vague. Il releva la tête en constatant leur silence.
— Ben quoi ? Y peuvent quand même tracer l'signal, même si c'est éteint. Faut l'jeter si tu veux pas qu'ils te r'trouvent.
— Et toi, Den ? Ils ne risquent pas de se lancer également à ta poursuite ?
Il haussa les épaules, désinvolte.
— J'suis pas connecté à l'interface.
Le scientifique enleva sa montre, il fit de même avec sa lentille. Vérifiant qu'il ne portait pas d'autres objets en ligne, il se leva et alla faire un tour pour se débarrasser de ses affaires. Dès qu'il fut de retour, son petit frère paya et tous les trois s'en allèrent d'un bon pas.
— Tu n'es pas obligé de nous aider, maintenant que tu es au courant je ne t'en voudrais pas de préférer t'arrêter là.
— Tu rigoles ? Ça d'vient enfin intéressant ! rétorqua Denunsi avec un grand sourire aux lèvres.
Habilement, il les mena à travers les étages, empruntant divers escaliers et couloirs. Plus ils prenaient de la hauteur, moins Rinual était rassuré. Un certain malaise s'emparait de lui à chaque fois qu'il avait le malheur de s'approcher trop près du bord.
— Ça va ? Tu n'as pas l'air de te sentir très bien, s'inquiéta Vay en se tournant vers lui.
— Ce n'est rien, ça va finir par passer.
Denunsi, qui s'était arrêté en les entendant parler, haussa les sourcils de façon goguenarde.
— Ne me dis pas que tu as le vertige ?
— Le vertige ? C'est bien la peur du vide ? se renseigna innocemment la jeune femme.
— Oui, Vay, c'est bien ça, et non, je n'ai pas le vertige.
— Oh, vraiment ? se moqua ostensiblement l'adolescent.
En voyant le visage fermé de son aîné, il ricana et reprit le chemin. Sans un mot, Vay se plaça à la gauche de Rinual, entre lui et la barrière longeant le couloir ouvert sur le puits central du bâtiment. Le scientifique lui sourit, la remerciant silencieusement. Ils continuèrent à avancer et à monter, allant de plus en plus haut, à tel point que l'homme commença à se demander si son frère comptait s'arrêter avant d'atteindre le plafond.
— C'est là. Dites rien, leur ordonna Denunsi avant de toquer à une porte et de pousser le battant, entrant sans attendre.
Un regard plus tard, la jeune femme pénétra à sa suite, découvrant une petite salle bien entretenue. Rien ne dépassait, tout était parfaitement propre et à sa place. Les murs blancs s'accordaient aux fauteuils à première vue confortables, le tapis gris faisait ressortir la table basse elle aussi immaculée. Il n'y avait personne.
— C'est moi. Faut qu'je parle à Shvarts.
Une seconde porte située dans le fond de la salle s'ouvrit sur une véritable armoire à glace. Les épaules carrées, bardé de muscles, faisant facilement deux mètres, un homme barbu semblable à un ours observa attentivement les trois visiteurs de ses petits yeux bruns perçants. Il tendit ensuite son doigt en direction de l'adolescent avant de lui faire signe de s'approcher, il obtempéra.
— Den, tu comptes vraiment y aller seul ?
— Fais-moi confiance.
Les mots lui avaient échappé, il n'avait pas prévu de lui faire une pareille requête. Considéré comme le rebelle de la famille, il avait abandonné depuis longtemps l'idée de se fier à quelqu'un ou que quelqu'un se fie à lui, et voilà qu'il disait une telle phrase sans réfléchir. Un sourire narquois s'installa sur son visage, il se détourna et quitta la pièce à la suite du grizzli. Le battant se referma avec un bruit sourd derrière eux.
— Bon, il ne nous reste plus qu'à attendre.
Vay se mordillait la lèvre inférieure, elle était inquiète. S'il arrivait quoi que ce soit au jeune, elle se sentirait responsable. Il les accompagnait certes de son plein gré, cependant elle lui avait demandé son aide. Si elle ne s'était pas échappée, il n'en serait pas là.
Rinual l'observa silencieusement s'asseoir sur un fauteuil avant de se relever, se mettre à faire les cent pas pour finalement retourner s'installer et recommencer. Il comprenait son inquiétude, après tout Denunsi n'avait que seize ans. Nonobstant, il ne pouvait s'empêcher de ressentir une pointe de... jalousie... en songeant que Vay s'en faisait autant pour un autre. Son frère demeurait un homme.
Soupirant, il chassa au loin ses pensées puériles d'un geste de la main. Décidément, il se trouvait étrange depuis qu'il l'avait rencontrée.
— On va vraiment rester là sans rien faire ?
— Pourquoi, tu as une idée ? Par exemple, débouler là-bas et dire « C'est pour moi ! » ou quelque chose comme ça ? Parce que ça ne nous mènera nulle part, dit-il, quelque peu irrité.
— Non, je ne supporte simplement pas l'inactivité, répondit-elle d'un ton plus acerbe qu'elle ne le voulait.
Tous les deux se murèrent dans un silence amer, leurs paroles ayant blessé involontairement l'autre. La vitesse à laquelle tout s'enchaînait mettait à rude épreuve leurs nerfs, ils n'avaient pas le temps de se reposer. La nuit complète leur avait offert l'occasion de récupérer des forces, ils se doutaient que ça n'arriverait plus avant un moment. Ils devaient à tout prix garder le contrôle au risque de commettre des erreurs qui pourraient leur être fatales. Ils étaient désormais tous les trois recherchés, ils ne pouvaient se permettre de se relâcher.
Le battant s'ouvrit une nouvelle fois, l'ours apparut. Il fit signe à Vay de venir, elle le rejoignit sans un regard pour Rinual, qui se retrouva à attendre seul dans la pièce immaculée.
La jeune femme avançait d'un pas décidé, elle parcourait le couloir dépouillé sans faire attention à ce qui l'entourait, perdue dans ses pensées. Un sentiment désagréable l'habitait, elle n'arrivait pas à savoir s'il avait un rapport avec son incartade avec le scientifique ou si c'était la fatigue, ou encore les poursuites qui lui pesaient. Elle s'était imaginé qu'une fois en dehors du centre, tout irait bien et facilement alors qu'elle ne possédait que des informations théoriques sur le monde au-delà de sa chambre dans le sous-sol. Quelle idéaliste elle faisait, rien ne se passait jamais comme on l'escomptait, elle aurait dû s'en douter et anticiper.
Arrivée au fond du corridor, elle fit face à une seconde porte. Le grizzli dans son dos ne lui laissait pas la possibilité de faire demi-tour, elle leva son poing et frappa deux coups contre le bois obscur. Une voix résonna, elle abaissa la poignée et entra.
La pièce dans laquelle elle pénétra était tout l'opposé de la précédente. Les murs gris mat, le parquet sombre, les meubles aux teintes toutes aussi sinistres rendaient le lieu triste et étriqué. Vay avait l'impression d'étouffer, elle voulait de l'espace, de l'air.
— C'est donc elle.
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