Day 180
Samedi 14 mars
Le hic quand on sort avec un mec comme Livaï, c'est qu'on souhaite être avec lui tout le temps. Le hic quand on a le bac, c'est qu'on ressent une terrible culpabilité quand on est loin de ses bouquins. On peut être juste assis près d'eux sans pour autant étudier, mais au moins ça calme la conscience. Alors au long terme, j'ai dû trouver un compromis entre les deux.
Heureusement, j'ai regardé assez de K-dramas pour piocher la solution. Du coup, en cet instant même, je suis en plein Study date avec Livaï. On se retrouve dans un café près de chez moi et on étudie ensemble, volant quelques moments entre deux exercices.
Je dois avouer que ça me fait le plus grand bien. Même sans faire d'efforts visibles, le brun est un génie, et comme j'ai assez de fierté pour ne pas vouloir passer pour un boulet devant lui, j'ai dû redoubler d'efforts. Et encore une fois, sans chercher à réellement le faire, il m'aide à devenir une meilleure version de moi même.
Surtout que depuis ce qui s'est passé l'autre nuit, le propriétaire de la librairie avait décidé de temporairement fermer, le temps que les tensions se calment un peu dans le coin. Du coup, je n'ai plus grand chose à faire.
Si généralement nos petites entrevues sont une occasion de me relaxer et de me changer les idées, cette fois je stresse énormément. Sous la table, ma main serre anxieusement le petit boîtier et pour la énième fois depuis que j'ai posé mon c*l sur cette chaise deux heures plus tôt, j'hésite entre renoncer complètement et reporter ceci.
Qu'est-ce qui m'a pris puta*n ?
Je regarde le tableau de variation que j'ai tracé il y'a presque vingt minutes sans réellement le voir et me met à gribouiller dans le coin de la page.
Comme mes pensées, mes dessins sont un ensemble incohérent de ratures et de formes inachevées.
Bon, maintenant, back to work. La courbe de cette fonction ne va pas montrer qu'elle est concave toute seule.
C'est exactement la même phrase que je me sui dit il y'a cinq minutes, avant de perdre le fil et de me noyer dans mes scénarios qui ne finissent jamais d'affluer.
Alors à défaut de réellement travailler, je fixe les murs du café. Il y'a une fissure dans l'un d'eux, traversant la moitié du mur. On a essayé de la cacher par un tableau, mais l'image au tons froids ressort terriblement mal quand on la met dans un magasin aussi jovial et dominé par les teintes pastels.
Et puis sérieusement ? Une image photoshopée low cost qui mélange "La Joconde" et "Le cri" dans un style qui rappelle Picasso sur les bords ? Quelqu'un n'était pas vraiment sobre en choisissant ceci, ou en le faisant, ou en acceptant ce choix.
Somme toute, il y'a beaucoup de gens pas nets dans le staff de ce café.
Je me demande ce que ça fait, de travailler dans un café. Comment peut-on résister, après une journée bien merdique ou face à un client chiant à la tentation de balancer une boisson à la gueule de celui ci ?
J'imagine que quand on a besoin d'argent, on n'a pas trop le choix. En fait, au fond, qu'on l'accepte ou non, on est tous esclaves de l'argent, même ceux qui choisissent des carrières au faible revenu ou qui rejettent des opportunités car ils préfèrent leur vie simple. Prétendre qu'on n'a pas besoin d'argent, qu'il ne fait pas le bonheur, c'est comme prétendre que respirer est juste une formalité. Que ceux qui s'étouffent quand ils manquent d'air sont juste capricieux.
Mais est-ce que quelqu'un a déjà réellement prétendu pouvoir se passer complètement d'argent. Ce serait vraiment idiot. Mais les humains sont idiots, alors ça ne m'étonnerait pas.
Alors, la concavité...
Je prends mon stylo et recopie la question puis la souligne, puis la raie, puis la réécrit, puis la resouligne, puis quelqu'un ferme brutalement le livre, manquant d'écraser mes doigts dans la foulée.
-"Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu es déconcentrée aujourd'hui. Ça fait deux heures que tu étudies la même fonction, et tu en es toujours à la deuxième question."demande Livaï, les sourcils légèrement froncés. Sa feuille n'est pas vraiment remplie non plus, mais il a répondu à plus de questions que moi.
Je lève distraitement les yeux vers lui.
-"C'est juste que la fonction est difficile."
-"C'est un jeu d'enfants comparé à celles que tu as l'habitude de traiter."
-"J'ai mal au ventre."
-"Tu viens d'avaler deux part de gâteau au chocolat, en plus de la moitié de la mienne, et tu en as commandé une troisième il y'a à peine une minute. Ça m'étonnerait."
-"J'ai mal à la jambe."
-"Et si tu essayais de me dire la vérité au lieu d'inventer des excuses plus merdiques les unes que les autres."
-"Je dois partir au toilettes faire mes lacets."dis-je en me levant, mais il me força à me rasseoir.
-"Ça n'a pas marché la première fois. Tu crois vraiment que ça va me convaincre maintenant ?"
-"Il se fait tard. On rentre ?"
-"[t/p]. Arrête tes conneries."
Pourquoi est-ce que je dramatise la situation à ce point ?
Pourquoi ne suis-je même pas foutue de donner un cadeau normalement ?
-"Et bien, comme... Comme j'ai l'impression de liquider lentement ton stock de briquets, je me suis dit que... En fait... J'ai pensé que peut-être que... ça pourrait être une idée relativement bonne de... Puta*n tiens et laisse moi bouffer !"bafouillais-je en lui lançant la boîte à la gueule et en me jetant sur le gâteau que le serveur venait de m'apporter, faisant fuir le jeune homme, horrifié.
-"Euh..."
Regardons le bon côté des choses, j'ai laissé Livaï sans voix.
Soudain, je me rappelle avec une gêne immense du petit mot -beaucoup trop long pour être qualifié de tel au passage- que j'avais glissé à l'intérieur hier soir. Qu'est-ce qui m'a pris de suivre les conseils de mon coeur à trois heures du matin ?!
Je me jette comme une furie sur la boite qu'il vient à peine d'ouvrir et la lui arrache des mains.
-"Faut te décider. Tu veux me donner ça oui ou merde ?"
-"Merde."répondis-je impulsivement.
-"Trop tard."dit-il avec un rictus en se levant pour me la reprendre.
J'essaie avec ténacité de résister. Il y'a une expression en arabe qui décrit parfaitement ma situation : الحمار الطموح, littéralement L'âne ambitieux et par définition Le con ambitieux.
Je suis une conne ambitieuse.
Je n'ai même pas la chance de résister. Sans que je ne sache comment ou quand il l'a fait, Livaï me prend la boite. J'ai à peine le temps de subtiliser le petit mot glissé dedans qu'il est de retour de son siège, à admirer le cadeau.
-"Je ne sais pas trop ce que ça veut dire ni à qui ça fait référence, mais je me suis dit que comme tu portes toujours cette chaine, ça devait compter à tes yeux."
Le briquet est un zippo. On ne change pas les bonnes habitudes après tout. Il est d'un gris métallique, avec gravé dessus les mêmes lettres que sur la plaque qui pend de sa chaine, celle dont il ne se sépare jamais.
K.A.
F.I.
E.H.
Au dos du briquet, un grand L barre le métal. Ce n'est pas le plus beau, mais il porte quelque chose de significatif. À mes yeux, c'était un beau cadeau. Là, je commence à stresser.
En voyant un coin de ses lèvres se retrousser, j'anticipe la moquerie qui risque de sortir de sa bouche et pointe un doigt accusateur en sa direction.
-"Si tu oses te moquer Ackerman, je te le fais bouf-"
Il m'interrompt en attrapant délicatement ma main et glissant un baiser au creux de ma paume.
Je meurs.
Non mais genre littéralement, je suis entrain de décéder. Ironiquement, et comme je suis un personnage dans une fanfic Wattpad dont l'auteur adore les jeux de mots, j'ai les joues en feu.
Briquet, feu, vous voyez le truc.
-"Bon bah euh... Il est vraiment l'heure de rentrer là."dis-je, rougissant de la tête aux orteils. C'était si inattendu, si tendre, si...
Il va me tuer.
-"Comme tu veux."
Livaï me raccompagne jusqu'à chez moi, son bras balancé nonchalamment autour de mes épaules tandis que je continue à fondre silencieusement. Il ne dit rien non plus, ce qui m'intrigue, moi qui croyait qu'il allait me taquiner à n'en plus finir.
Arrivé au seuil de mon immeuble, j'essaie d'éviter son regard et de me contenter de le saluer d'un signe de la main, mais il me tire vers lui et m'étreint presque aussi fort que le jour de l'attaque.
-"Merci. Je l'adore."
Retenant mal un énorme sourire, j'hoche la tête et cette fois le salue proprement avant de m'en aller. Lui lançant un dernier regard avant que le porte ne se ferme derrière moi, je vois qu'il a traversé la rue et qu'il tient triomphalement le bout de papier que j'avais caché dans ma poche entre ses doigts, un sourire mesquin sur les lèvres.
-"Espéce de..."
Plus que 9 chapitres.
Le nombre de fois où j'ai dû résister pour ne pas glisser des expressions arabes dans ce chapitre. J'ai éventuellement craqué car avec mes amies, on emploie énormément celle ci.
J'avais autre chose à dire, mais j'ai oublié, du coup on laissera pour plus tard.
Ou pas. Je pense que je voulais dire que je ne suis aucun des trois schémas que j'avais tracé pour les derniers chapitres, mais je ne sais pas ce que c'était.
Alors dites moi, avec l'approche de la fin, vous avez de nouvelles théories ?
À bientôt mes petits Nekos !
~Caporal Neko
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