Vendredi 10 janvier

C'est avec une surprise apparente que je fixais Livaï traverser la porte de la librairie avec sa posture nonchalante habituelle.

C'est fou comment il parvient à me couper le souffle à chaque fois que je le vois. C'est limite s'il gagne en beauté et en charisme chaque jour.

-"On est fermés monsieur."Plaisantais-je en me penchant sur le comptoir. Il pose à son tour ses coudes sur ce dernier, se baisse légèrement et me fixe dans les yeux. Nos visages sont tellement proches que j'ai envie de reculer, mais je refuse d'être celle qui cède.

-"Tant mieux. J'avais envie de te kidnapper ce soir."

-"C'est moi ou tu ne peux plus te passer de ma présence ?"

-"Va savoir. Tu commences à prendre la confiance gamine."

Je ne sais pas d'où me vient l'audace en ce moment, mais je me sens pousser des ailes.

-"Et bien la gamine semble faire de l'effet au petit."

-"Je dirais plutôt que c'est le petit qui semble te faire de l'effet."

Ses doigts remettent une mèche derrière mon oreille. Pourtant, je viens de faire un chignon, donc je doute qu'il y ait quelques cheveux rebelles. Mais je m'en fous, son contact contre ma peau est suffisant pour me faire oublier ce détail. Doucement, ils se glissent jusqu'à mon cou et la froideur du contact envoit une centaine de frissons dans mon corps, bien que je doute que ses gestes nonchalants mais pourtant calculés n'y soient pour rien.

En sentant mon corps tressaillir, un petit sourire satisfait étire ses lèvres, ce qui m'agace fortement.

-"Alors ? On se tire ou t'as encore du boulot ?"

-"J'en ai pour un quart d'heure."dis-je en tournant mon regard vers l'horloge murale. Je profite de cette occasion pour m'extirper au champ d'action de son regard. Ma gorge me semble sèche et j'essaie d'attraper la bouteille d'eau posée sur le comptoir d'une manière aussi naturelle que possible.

Livaï s'installe sur l'un des petits fauteuils mis à disposition des clients, croise les jambes et parcourt les étagères du regard. L'affiche que je viens de coller semble capter son attention.

-"Qu'est-ce que cette librairie a à voir avec le festival du lycée ?"

-"Le club culturel veut aménager un petit espace lecture pour la journée et cherchaient un lieu pour se procurer des livres assez intéressants. Le propriétaire m'a entendu parler au téléphone avec une amie membre du club et m'a demandé leurs coordonnées. Il m'a dit être toujours partant pour motiver des jeunes à lire."

Livaï hoche la tête et se lève pour inspecter la liste des livres que le libraire leur fournira minutieusement.

-"Qui a choisi ces livres ?"

-"Les membres du club. J'en ai choisi quelques uns aussi."

-"Lesquels ?"

-"Essaie de deviner."

Quelques secondes de silence s'écoulent avant qu'il ne se retourne vers moi.

-"Je n'ai pas la moindre puta*n d'idée. Il y'a au moins cinquante livres ici en plus de ceux compris dans 'et d'autres'. Comment je suis supposé deviner ?"

Je rigole devant sa mine perdue.

-"Tu as un peu raison. Aucun livre ne te tape dans l'œil ?"

-"A Farewell to Arms, d'Ernest Hemingway. Ça fait longtemps que j'ai envie de le lire."

-"Ah ! J'adore ce livre. Tu peux profiter du festival et y jeter un coup d'œil."

-"Non, je préfère lire dans le calme. Il y'aura trop de boucan là-bas. De toute façon, je prévois d'y faire un saut pour le match de football avant de déguerpir. Je vais peut-être aussi rester un peu pour assister à la performance de Petra."

-"Pourquoi ? Ça pourrait être sympa."

-"J'aime pas les grands rassemblements. Tu comptes y aller toi ?"

-"Je n'avais pas non plus spécialement envie, mais Eren m'a dit que son groupe de musique aller y jouer un morceau, donc j'irais le voir. Normalement, ça sera après les matchs des deux équipes, donc je vais tenter de m'éclipser après si Hanji ne me voit pas."

-"Alors tu comptes changer tes plans pour Eren ?"

Au fur et à mesure qu'on parlait, Livaï s'était rapproché, et j'avais quitté ma place derrière le comptoir.

-"Bah oui, c'est le moins que je puisse faire pour un ami."

-"Je n'ai pas à m'inquiéter alors ?"

Je reste bouche bée devant sa question. Je ne m'attendais pas à ce qu'il soit si direct. Qu'il parle comme si nous sortions ensemble.

Pourtant, bien qu'une voix de ma tête me susurre d'en profiter pour mettre les points sur les i, je décide de rentrer dans son jeu.

-"C'est plutôt à moi de te poser cette question. C'est toi qui n'aime pas les rassemblements mais qui part assister à un concours de talents pour ton ex."

-"Tu n'aimes pas les foules non plus et tu comptes endurer ça tout de même pour le mec duquel tu étais amoureuse. On est un peu à égalité."

Je roule des yeux et croise les bras.

-"Ben tu es celui qui a pointé du doigt en premier le fait que c'était pour Eren que je restais."

Il ne scille pas et adopte la même posture que moi.

-"Tu as raison, parce que ce truc me dérange depuis ce soir au resto', quand vous avez chanté ensemble une chanson où tu disais clairement "I hate accidents, except when we went from friends to this.". Alors tu sais quoi ? Je vais être on ne peut plus clair dans ma question. Est-ce que j'ai du soucis à me faire concernant ce mec ? Est-ce que je ne suis qu'un bouche trou émotionnel ?"

Le fait qu'il ne tourne pas autour du pot me prend de court. Pour une fois, Livaï semble trouver les mots directement alors qu'il a toujours du mal à s'exprimer.

Je fronce les sourcils. Il déballe ses mots comme si... comme s'ils étaient préparés.

-"Tu récites presque ce truc, comme si tu avais pensé à ce que tu dirais plus tôt. Ne me dis pas que tu es venu jusqu'ici pour me demander... ça ?"

-"Non. J'y pense, mais je suis venu car j'en avais envie."

-"Car je te manquais."soulignais-je avec un sourire amusé.

-"Tu n'as toujours pas répondu à ma question."

Nouveau roulement d'yeux. Comment peut-il faire autant de sous-entendus quant à son attirance et me montrer clairement qu'il est jaloux sans oser me confronter directement quant à ses sentiments ?

-"T'es con parfois... Bien sûr que non. Je n'ai plus de sentiments pour Eren. J'ai même vu ses abdos la dernière fois sans rien ressentir. Enfin si, ses muscles pourraient chambouler qui que ce soit, mais tu vois bien ce que je veux d-"je m'arrête devant son sourcil levé. Oups.

-"Alors tu ne l'aime plus, mais ses abdos te font de l'effet."

-"Pour ma défense, ses abdos feraient de l'effet à n'importe qui."

Pourquoi suis-je en train de parler à mon crush actuel des abdos de mon ancien crush ?

Il soupire en secouant la tête.

-"T'es irrécupérable. Allez, ton boulot est fini, non ? On devrait filer."

J'hoches bêtement la tête, très gênée, et il me lance un casque avant de sortir fumer le temps que je ferme le magasin. En voyant sa silhouette traverser la porte, je meurs d'envie de le retenir et de lui demander ce que nous sommes.

Je sais que c'est débile, mais j'ai besoin de l'entendre le dire. Le fait qu'il fuit toute verbalisation de ses sentiments à ce point me donne l'impression qu'il n'assume pas.

Oui, c'est ridicule, mais qu'on on ne s'aime pas tant que cela, on a du mal à se convaincre que quelqu'un nous aime.

Ma main levée pour l'interpeller retombe et je continue à fixer la porte. Je n'ai pas osé.

Bravo [t/p], c'était le moment parfait pour te rappeler à quel point tu étais complexée.

Et bah c'est pas joyeux tout ça.

Je file dormir, j'espère que le chapitre vous a plu et que ce n'est pas trop lent. L'histoire avance doucement mais sûrement.

Je vous aime.

♡

~Caporal Neko