Day 104
Dimanche 29 décembre
Je vérifiais une dernière fois ma tenue avant d'attraper mes clés et mon sac, les mains légèrement tremblantes. Après avoir fermé la porte, je me rappelais que j'avais oublié mon téléphone et mon écharpe, et je m'administrais une claque mentale.
Ce n'est que Livaï, ce n'est pas un rendez-vous officiel, ce n'est pas la première fois que vous allez vous retrouver seul à seul. Alors pourquoi mon cœur battait-il si vite ? Pourquoi ne pouvais-je m'empêcher d'imaginer vingt-six milles scénarios ? Pourquoi me demandais si ma tenue n'était pas trop négligée ?
En essayant de ne pas en faire trop, j'avais peur de ne pas en avoir fait assez. Mon jean noir me semblait trop banal, et le haut gris aussi. La veste de cuir noire que je portais tout le temps donnait un certain charme, mais peut-être croirait-il que je ne faisais aucun effort et que je n'étais pas intéressée. J'avais essayé de me rattraper avec les accessoires et le maquillage sauf que d'un coup, je me sentais ridicule avec mon vernis bleu nuit.
Non mais qu'est-ce qui m'a pris de l'inviter en premier lieu...
Je lançais un regard furtif et l'horloge murale et me rendis compte que j'allais finir par être en retard.
Et s'il me posait un lapin ?
Deuxième claque, cette fois réelle et particulièrement douloureuse.
Je branchais mes écouteurs, bien que Livaï était supposé m'attendre en bas et que j'allais le retrouver dans à peine quelques secondes, mais la nervosité me poussait à tenter de me changer les idées par tous les moyens, même les plus ridicules.
Arrivée en bas de l'immeuble, je le vis, aussi beau que toujours, et eu le réflexe stupide de me cacher, alors que je savais très bien que la porte permettait uniquement de voir ce qui se produisait dehors.
J'essayais de retrouver le calme que je n'ai pas eu depuis l'avant-veille et tournai la poignée. Quand Livaï releva sa tête de l'écran de son téléphone, l'ombre d'un sourire traversa son visage. Il rangea l'appareil dans la poche arrière de son jean et s'approcha de moi, avant de me faire la bise.
[t/p].exe a cessé de fonctionner.
Je jure ne jamais avoir rougi aussi vite de toute ma vie, encore moins aussi fort. Je m'empressais de remonter mon écharpe pour bien cacher mes joues cramoisies et lui souris, bien qu'il ne pouvait pas le voir.
Il recula de quelques pas et s'adossa contre sa moto, les bras croisés sur son torse.
-"C'est la deuxième fois."
-"Hein ?"Demandais-je en le regardant soudain dans les yeux.
Il se désigna du doigt avant de me pointer à mon tour, s'approchant un peu.
-"Qu'on s'habille de la même façon."
-"C'est... Vrai..."balbutiais-je en vérifiant, "Sauf que tu portes un pull blanc !"Lui fis-je remarquer avec un sourire triomphant.
-"Wow."dit-il sans même faire l'effort de prendre un ton étonné, "Quelle différence."acheva t-il en roulant les yeux.
-"N'empêche que ça a tout de même l'air meilleur quand c'est moi qui portes cette tenue."Répliquai-je avec un air faussement arrogant.
Il m'adressa un magnifique doigt d'honneur avant de faire un pas vers sa moto quand une idée brillante me traversa l'esprit. Cela faisait sacrément longtemps que je n'avais pas eu une idée purement merdique.
-"L'exposition et à quelques pas seulement et on a encore du temps devant nous, on pourrait y aller à pieds. Si ça ne te dérange pas bien sûr."
Histoire de pouvoir parler un peu plus, me retins-je de justesse d'ajouter.
Il haussa les épaules et commença à marcher. Je m'empressais de lui enjamber le pas.
-"On se gèle les couilles quand même."
-"L'écharpe de merde que tu portes est là pour faire joli ?"
-"Bah oui idiot, c'est un accessoire. C'est un peu réchauffant, donc c'est aussi pratique."
-"Je croyais que ça te servait surtout à cacher tes joues rouges."
La tape que je lui administrai n'avait rien d'amical. À vrai dire, cela tenait plutôt du coup de poing, mais Livaï n'a bien évidemment pas bouger d'un pouce.
-"Tu veux vraiment jouer à ça ?"dit-il avec un rictus
Je me contentais de le foudroyer du regard.
Nous arrivâmes très vite au lieu de l'exposition. C'était une galerie d'art assez réputée dans la ville, et une photographe y exposait son travail pour la première fois, mais grâce au bouche à l'oreille, un bon nombre de visiteurs venaient admirer ses clichés.
L'endroit était spacieux et l'éclairage rendait justice aux sublimes photos.
L'exposition avait quelque chose de personnel. On sentait que l'on s'introduisait dans le vie de la photographe et de ses amis. Ils étaient ses principaux admirateurs, à en croire les légendes qu'elle avait écrit sous chaque image.
Livaï semblait plus captivé par les photos de paysages. Ils s'arrêtait devant chacune d'elle, et semblait se perdre dans ses pensés.
L'un des clichés avait été pris à Londres, et Livaï resta figé encore plus longtemps devant lui. Une lueur de nostalgie et un air mélancolique que je ne lui connaissais pas ornaient son visage.
-"Tu y es déjà allé ?"demandais-je.
-"J'y ai vécu une bonne dizaine d'années."
-"En même temps qu'Hanji ?"
Je savais que ma meilleure amie, bien que née en France, avait voyagé en Angleterre très tôt avant de s'y installer pour le travail de ses parents. Elle avait, à mon souvenir, étudié la maternelle et le primaire là-bas, revenant très fréquemment dans son pays natal, mais je n'avais aucune idée qu'elle avait rencontré Livaï là-bas, ce qui est très stupide, vu qu'il m'a clairement raconté leur rencontre.
-"Je suis né en France et j'y ai passé quatre ans, puis on est partis y vivre avec ma mère, chez mon oncle. Je suis venu ensuite finir mes études ici au lycée comme ma mère devait rentrer. Elle est malade depuis longtemps et le médecin lui conseille de se rendre dans cette ville aussi fréquemment que possible, histoire de profiter un peu du soleil et du beau temps."
-"Donc vous habitez tous les deux là maintenant ?"
-"C'était le cas deux ans auparavant, mais ma mère insistait pour rentrer régulièrement à Londres. Elle dit ne se sentir chez elle que là-bas, et avec le temps, elle ne pouvait plus se permettre autant d'efforts, donc elle y est restée de façon permanente. Elle vient deux ou trois fois par an, mais ça ne lui réussit plus trop."
-"Si j'ai bien compris, elle vit à Londres avec ton oncle, et tu vis seul ici."
-"T'es moins conne que tu en as l'air."
J'ignorais sa remarque et continuais.
-"Pourquoi tu n'habites pas avec eux."
-"J'y ai eu... des problèmes pendant l'adolescence. Furlan et Isabel sont nés là-bas par contre, ils sont seulement venus en début d'année. N'empêche que je passais énormément de temps avec Hanji comme elle y venait régulièrement."
C'est moi ou est-ce qu'il change de sujet ?
Voyant clairement qu'il était à présent plus mal à l'aise qu'autre chose et que le charme des photos qui l'avait poussé à parler de lui si longtemps s'était estompé, je le suivis dans sa lancée.
-"La dernière fois, quand tu parlais au téléphone, tu avais un accent américain tellement authentique ! Comment ça se fait ?"
-"Je trainais avec beaucoup d'américains."
Il ne développa pas et je compris que je m'étais gourée de sujet. Remarquant son air très sombre, j'attrapais sa main dans la mienne et le tirais vers une autre partie de l'exposition. Je m'attendais à ce qu'il me fuit et la lâche, mais il n'en fit rien et la serra un peu plus fort.
Un cliché trônait parmi tous les autres. C'était celui d'un homme d'une trentaine d'années, qui fixait d'un air rêveur la personne qui se cachait derrière l'objectif. Un coucher de soleil sublimait le portrait par ses reflets et ses ombres. Je me penchais légèrement, sans lâcher Livaï, pour lire les deux mots qui avaient été ajoutés.
Ma muse.
La photo n'en était que plus belle, et je me dis qu'il n'y avait de plus belle déclaration que celle-ci.
-"On part manger quelque chose ?"demanda soudain Livaï.
-"Euh... Oui, pourquoi pas ?"
J'essayais de cacher ma joie aussi bien que je le pouvais. Je m'attendais à ce que notre rendez-vous s'arrête après notre visite de la galerie. C'était ce que nous avions convenus lors de notre dernière discussion la veille. Mais voir Livaï prendre l'initiative et me demander de passer plus de temps avec lui que prévu me remplissait d'une joie qu'il était le seul capable de me faire ressentir.
Nous nous dirigeâmes vers un restaurant du coin, ma main toujours dans la sienne. Il ne la lâcha que quand il fallut s'assoir l'un en face de l'autre.
Une fois la commande passée, je dirigeais mon regard vers la vitre. Elle offrait une vue imprenable sur la grande rue, plus précisément sur l'ancien théâtre.
Livaï sembla remarquer la nostalgie qui teignit mon regard.
-"Tu y es déjà venue ?"
-"Oui, avec mes parents. On venait dans cette ville exclusivement pour nous y rendre."
-"Tu ne viens pas d'ici non plus ?"
-"Non, je suis juste venue étudier là il y'a deux ans, comme il n'y a presque pas de bons établissements chez moi. Du moins, pas de bons établissements qui ne coûtent pas la peau du c*l."
Il posa une main sous son menton et me fixa un instant.
-"Et vous veniez jusqu'ici pour voir ce théâtre ?"
-"Oui ! je ne me souviens pas de tous les détails vu que j'étais jeune, mais à en croire ma mère, je n'avais pas envie d'y aller la première fois. Mais une fois que j'y ai posé un pied, c'est devenu mon endroit préféré et je ne demandais qu'à y revenir."
-"Et pourquoi ? Il n'y en a pas dans ta ville ?"
-"Si, si, mais en fait... On est partis voir une comédie musicale, et depuis, je rêvais de monter sur scène. C'était tellement magique de voir ces acteurs jouer ainsi... J'étais subjuguée ! Mais bon, il a fermé depuis plusieurs années déjà. Il sert surtout de point de ralliement à quelques groupes de délinquants en attendant que les autorités construisent un autre centre commercial. C'est en négociation, alors ça me rend un peu triste de voir l'endroit qui compte autant pour moi disparaître. Cela va te sembler ridicule peut-être, mais je... J'ai toujours rêvé d'y venir un jour avec mon autre moitié, ou peut-être avec mes enfants, si j'en ai un jour, et de partager la magie de cet endroit avec eux. Ah puta*n, j'ai encore parlé plus que raison..."
-"Non, pas du tout."me rassura Livaï avec un air... attendri ? Le temps que je m'en assure, il avait déjà disparu.
Le repas se passa dans une atmosphère beaucoup plus calme que je ne l'aurais cru. Nous ne nous étions pas embêtés comme nous avions l'habitude de faire, enfin, sauf quand Livaï m'a charié en me voyant galérer à manger avec mon écharpe, tout en étant incapable de l'enlever à cause du froid. Il m'avait en fin de compte donnée sa veste qu'il avaiy enlevé en entrant dans le restaurant après que je lui ai fait les yeux doux.
-"Prends ce que tu veux, juste arrête de tirer cette tronche dégueulasse."avait-il dit.
Porter deux vestes de cuir était particulièrement gênant et j'essayai de ne pas trop bouger, je n'avais donc malheureusement pas pu frôler les doigts de Livaï 'par accident' quand il avait posé sa main négligemment sur la table.
-"Je ne comprends pas comment tu fais pour ne pas mourir de froid."m'enquis-je sur le chemin de retour.
Nous avions passé toute l'après-midi à discuter, assis sur un banc du parc où je l'avais vu dessiner la dernière fois.
Livaï s'était montré beaucoup plus curieux quant à mon passé que je ne l'aurais imaginé, évitant soigneusement de parler du sien. Je ne comprenais pas pourquoi il était si réticent quand il s'agissait de s'ouvrir, mais préférais respecter son choix. À chaque rencontre, il se confiait un peu plus, alors avec un peu de chance, je saurais tout de son enfance et de son adolescence un jour.
Nos mains perdus sur le banc s'étaient retrouvé, et notant à quel point les miennes étaient froides, il avait refusé de la lâcher. Pas que j'en ai manifesté l'envie, loin de là même.
En finissant notre repas, j'avais insisté pour qu'il reprenne sa veste et j'avais enroulé mon écharpe autour de mes épaules. Certes, s'il avait froid, il ne se serait pas gêné pour me demander de la lui rendre, mais tout de même, il ne fallait abuser de la sympathie des autres. Mais même avec une veste, je ne comprenais pas comment il pouvait ne pas frissonner. Il haussa les épaules et me demanda si j'avais toujours froid. Quand je lui lançais un regard qui voulait clairement dire "Vous foutez-vous de ma gueule jeune homme ?", il avait entouré mes épaules de son bras, nos doigts toujours entrelacés.
-"Tu es bien tactile aujourd'hui."avais-je lancé pour cacher ma gêne. D'un coup, la sensation du froid avait disparu, et les rougeurs sur mes joues n'étaient plus dûes au vent glacial.
-"Ça n'a pas l'air de te déranger."
Ses épaules qui s'étaient tendus à ma remarque se relàchèrent quand un petit rire s'échappa de ma gorge.
Arrivés en bas de chez moi, je lui souris avant de me détacher, bien que je n'en avais guère envie.
-"Bon voyage. Tu me tiendras au courant des... développements de l'état de ta mère. J'espère qu'elle se rétablira bientôt."
-"Moi aussi..."soupira t-il, "Bon bah... À plus."
Il semblait beaucoup plus gêné maintenant qu'on se faisait face.
-"Ouai, à plus. C'était chouette, aujourd'hui."
-"Oui, ça l'était vraiment."
Je m'éclaircis la gorge et rassemblais le courage nécessaire pour croiser son regard.
-"Au revoir."
-"Au revoir."
Je lui adressais un dernier signe de la main et il ne démarra sa moto qu'après s'être assuré que j'étais entré dans l'immeuble.
Bon bah, il est temps de me jeter sur mon lit et de repasser cette journée en boucle.
SORRY DU RETARD. Il est toujours dimanche techniquement, non ? :)
La prochain chapitre peut prendre du retard car comme vous avez pu le constater, j'ai du mal avec les dates fixes et que je n'ai pas la moindre idée de ce qui y arrivera. J'essaierais tout de même de le publier le jour prévu, et un peu plus tôt cette fois X)
À PLUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUS!
~Caporal Neko
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro