Day 70
Lundi 25 novembre.
La salle de classe était, contre mon attente, déjà occupée. Avec Conny et Sasha, nous devions passer nos deux premières heures de colle dans la salle qui faisait face au bureau du surveillant général. C'était le professeur Pixis qui nous surveillait, ce qui laissait entendre une retenue passée à bavarder et rigoler si l'on en croyait Sasha.
Je fis semblant de ne pas avoir vu Isabel, Livaï et Furlan, attablés au centre de la pièce et prit place à la table du fond, près de la fenêtre. Il y'avait deux ou trois autres élèves dont j'ignorais le nom, et Pixis ne semblait pas se préoccuper du brouhaha qu'ils causaient. Il les rappelait de temps en temps à l'ordre, mais sa seule véritable interaction avec nous fut quand il nous demanda si sa photo de profil sur Tinder était assez belle. Ce mec est une légende.
Conny s'installa à côté d'Isabel et Sasha ne le lâcha pas d'un pouce. Un des élèves restants se joigna à eux et pendant qu'ils faisaient les pitres, le petit brun et le grand blond se retirèrent. Furlan tira sa chaise jusqu'à la dernière rangée dont deux tables étaient occupées : l'une par moi, l'autre semblait avoir été désignée porte manteau vu la masse importante de vêtements entassés en pile dessus.
Il prit place près de celle ci et sortit un livre de son sac pendant que Livaï se dirigeait vers la seule table libre, celle près de la mienne.
Yes.
Si j'avais voulu qu'une telle coïncidence arrive avec Eren pendant que j'étais encore amoureuse de lui, je serais toujours en train d'espérer.
En voyant la couverture du livre du blond, je me levais. C'était un de mes livres préférés, du moins version papier, et quand quelqu'un s'intéressait à la même chose que moi, j'avais du mal à ne pas leur en parler. Pourtant, je n'arrivais pas à me décider à lui parler. Je ne voulais pas l'interrompre en pleine lecture.
Pendant les quelques secondes d'hésitation que j'ai eu, Livaï c'était rapproché et je l'ai percuté. Pas le genre de collision qui me mène droit dans ses bras ou contre son torse musclé, ce qui serait un compliqué au vu de notre différence de taille, mais le genre qui te déboîte l'épaule.
Je tenais tant bien que mal de garder contenance et de ne pas gémir de douleur. Si ceci n'est pas un signe pour que je n'aille pas déranger Furlan...
Livaï me toise, et je me sens si petite face à son regard désarmant. Après quelques secondes de silence, il se retourne et s'affale sur la chaise, croisant ses pieds sur une autre. Aujourd'hui, il a opté pour une chemise grise rentrée dans un jean noir. Sobre. Classe. Lui.
Je tire sur les manches de mon pull jaune moutarde et prends à mon tour un livre que je feuillette distraitement. Sa présence près de moi est trop déstabilisante. Je sens cette tension, la même que celle qui a empli l'air quand je me suis retrouvée coincée entre lui et le mur chez Hanji. Sauf que celle d'il y'a quelques jours était chargé d'électricité, d'attraction, alors que celle là est plus lourde. Plus étouffante.
Mes yeux parcourent sans arrêt la même phrase. À qui puis-je parler ? À Hanji ? Je suis supposée faire quoi au juste ? Lui dire que je ne suis pas indifférente à son meilleur ami déjà en couple ? Chercher du réconfort aux côtés de Sasha et Armin ? Non, je ne peux pas. J'ai trop peur de les décevoir. Je me sens si minable, si méprisable. Pourtant ce sont des sentiments. Cela ne se contrôle pas. Les actes par contre peuvent l'être, et je suis bien décidée de ne pas agir en fonction de ce que me dicte mon coeur.
Je pense un instant à ma mère. Habituellement, quand quelque chose va mal, je l'appelle. Sa voix me calme instantanément et m'aide et faire le vide. Mais cette fois, un mélange entre l'appréhension que j'ai quant à la réaction d'Hanji et de celle de mes deux autres amis me bloque et m'empêche de composer son numéro. Je ne veux pas qu'elle me comprenne mal et qu'elle pense que je ne suis plus la fille qui se respecte et qui ne tourne pas autour d'hommes pris.
Bord*l.
Inconsciemment, des larmes perlent au coin de mes yeux. Je sais que c'est mal, mais l'avis des autres m'importe. Je ne prétend pas le contraire car je ne veux pas me mentir à moi même. Si les gens que j'aime ont une mauvaise vision de moi, cela m'affecte terriblement.
Je cligne des yeux plusieurs fois et chasse les gouttes salées qui menaçaient de couler avant de reprendre ma lecture. Où plutôt ma contemplation de cette même et unique phrase.
-"Tu tiens ton bouquin à l'envers idiote."
Bêtement, je commence à tourner mon livre avant de me rendre compte de l'absurdité de ce geste
-"Tu te fous de ma gueule maintenant ?"
-"Un peu, oui."
Livaï pianote sur l'écran de son téléphone et ne me jette pas le moindre regard. Profitant du fait que son attention est captivée par le message qu'il écrit, je tente de le frapper avec mon livre sur le crâne, mais il stoppe ma main en plein chemin, me tord légèrement le poignet -assez pour desserrer ma prise- et maintient mon bras suspendu en l'air. Tout ceci avec une main, sans me fixer une seconde. L'ouvrage menace de s'écraser sur le sol mais je parviens de justesse à le récupérer avant l'impact. Je ne ressens nullement l'envie d'avoir tous les yeux sur nous.
-"Ne joue pas à ce jeu avec moi. T'es pas prête de m'avoir avec ta rapidité d'escargot."
-"C'est toi qui a des réflexes inhumain."
-"Fermes la merdeuse. J'essaie de me concentrer."
-"Connard."
-"Tas de merde."
-"Tête de c*l."
-"Face de merde."
-"Tu ne sais pas sortir une insulte qui n'a pas de rapports avec la merde ?"
-"Si, mais je doutes que ça te plaise."
-"Parce que merdeuse, tas de merde et face de merde c'est supposé être flatteur ?"
-"Tu préfères merde tout court ? Remarque, ça te définit bien."
Je tente de libérer mon bras de son emprise mais impossible de bouger sa main. Ses doigts sont fermement enroulés et les miens ne parviennent pas à lui faire lâcher prise.
D'un mouvement aussi rapide qu'habile, il lâche un instant mon poignet pour saisir mes deux mains d'un coup.
Je m'empourpre et son contact propage une douce chaleur en moi. Je le vois souvent être très tactile autour d'Hanji, Furlan et Isabel, donc je sais que son geste est sans arrière-pensée. Si la simple perspective de voir en lui plus qu'un ami va contre mes principes, je peux au moins me permettre de profiter de ces moments.
-"Connard !"
-"Tu te répètes."
-"Tu ne veux pas me lâcher ?"
-"Et prendre le risque que tu m'emmerdes ?"
-"Je n'ai rien fait que je sache ! Tu as commencé !"
-"Tu as voulu m'agresser physiquement."
Je m'indigne et me débats plus férocement. Il envoie son message et tourne la tête vers moi. Quand nos regards se croisent, je m'immobilise un instant, subjugué par ces iris que les rayons de soleil rend bleues, comme il aurait calmé un océan déchaîné. Ses yeux racontent une histoire et aussi addictive qu'elle s'annonce, je suis prête à en tourner les premières pages. Quitte à ne jamais pouvoir reposer le livre. Quitte à ne jamais oublier ce que son regard me contera.
Mon coeur se serre et je comprends que j'ai déjà lu le premier chapitre.
-"Tu parlais à qui ?"demandais-je quand le son d'une notification me sort de ma tropeur.
-"Petra."
Ouch. Retour sur terre.
-"Avant que tu me parles d'elle, je n'aurais jamais deviné qu'il y avait quelque chose entre vous."
PUTAIN TAIS TOI [T/P] !
-"Petra est beaucoup trop sociable. Être avec elle au lycée signifie devoir traîner avec ses potes innombrables ou la leur arracher et la priver de sa liberté. Je ne me vois faire ni l'un ni l'autre. Les petits moments que nous partageons ne nous appartiennent qu'à nous, pas la peine d'en faire une démonstration publique à chaque couloir."
-"Ouah. C'est beau."
Une minuscule rougeur colore son visage et au lieu de le charrier, je préfère profiter de la situation.
-"Vous étes ensemble depuis quand ?"
-"Un an et quelques poussières."
Ouch×2.
J'hoche la tête innocemment.
-"Tu n'oublies pas quelque chose ?"demande t-il soudain.
-"Hein ?"
-"Tu ne m'as pas demandé comment on s'est rencontré, quand a eu lieu notre premier rendez-vous, si je la laisse m'appeler Li-"
-"Arrêtes de te moquer de moi !"
Il esquisse un sourire en coin et lâche enfin mes poignets. J'ai presque envie de reprendre sa main dans la mienne.
-"Vous vous êtes rencontrés comment du coup ?"demandais-je en me balançant sur ma chaise.
Crush naissant ou pas, cette histoire m'intriguait beaucoup, moi qui ne suis pas une grosse commère mais je n'aurais jamais cru que Livaï s'ouvrirait ne serait-ce qu'un brin sur sa relation et tout ceci m'intrigue.
-"T'es désespérante."
-"Merci. Alors ?"
-"Je t'en pose des questions ?"
-"Connard."
-"Ton vocabulaire est apparemment très limité."
-"Je t'emmerdes."
-"Tu vois ? Je t'ai bien dit que tu finirais par le faire."
-"Co- Va te faire foutre."
-"Tant de vulgarité."
Je tente de le foudroyer des yeux mais finis par éclater de rire. Son petit rictus, son sourcil relevé et la lueur de malice qui danse dans ses prunelles ont raison de mon sérieux. Je me rends compte d'un coup qu'il me fait complètement face et que mon bras droit est négligemment posé sur son épaule.
Et qu'on est donc proches.
Un peu trop.
En espérant que mon geste ne lui semble pas brusque, je m'éloigne légèrement et cherche ma bouteille d'eau pour trouver une excuse et regarder ailleurs.
L'atmosphère se trouble à nouveau de cette stupide électricité. Et cette fois, je suis sûr d'avoir perçu dans les traits de Livaï qu'il l'a senti aussi.
Il faut que je prenne mes distances avant que ce jeu ne devienne trop dangereux.
Wouah. Je pense que c'est le chapitre le plus long de l'histoire ! ~1670 mots ! Merci de toujours être là mes petits Nekos ! Je vous aime♡.
~Caporal Neko
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