6. Festin
Bateau, procession de limousines, hélico, tout y passe, jusqu'à ce qu'on ait récupéré tous nos nababs. Madjid fait partie du lot, suivi d'Aziz, les yeux fermés, à la recherche de son lien perdu avec Allah*.
Le soir : réception. En apéritif, sirops de dattes aromatisés, avec les macarons. La première dégustation d'une toute nouvelle recette d'un grand chef trois étoiles, roux, chapeau de paille et poncho noir, ça n'est pas rien !
Je circule entre les tables, avec Ahmed et Jamal pour me seconder, chargés de plateaux, veillant soigneusement à ce que chacun se serve selon ses goûts. Vu les félicitations, j'ai de quoi être fier, même si on doit faire attention. Faut pas non plus qu'ils se gavent. Le dîner est à suivre, et il faut qu'ils puissent survivre...
Une fois mes nababs installés à table, par souci d'humanité, je fais servir l'ensemble des gardes du corps : « Prenez les gars, servez-vous, faites pas la fine bouche. Me remerciez pas. Fée générosité, ma marraine, m'inspire... ».
Deux heures après, vers la fin du dessert, début du bal.
Pour commencer, les gardes du corps : tout d'abord ceux qui se sont bâfrés, qui se roulent par terre, dans leur vomi, avec des hoquets. Ils font peine à voir.
Ils sont rapidement suivis de leurs camarades qui se sont moins goinfrés, puis du chargé d'affaire, de complexion fragile, et enfin des nababs, un par un. Aziz termine la procession, désormais protégé par Allah et par sa vocation ascétique.
Les nababs se lèvent, bien décidés à regagner leur chambre et à garder leur dignité, mais ils n'ont pas fait trois pas qu'ils s'effondrent, les uns sur les autres, roulant des yeux terrorisés, comme le petit personnel au black quand on les fout à la porte.
Et ils se mettent à vomir en hoquetant, eux aussi, sans aucun égard pour la moquette, désormais totalement irrécupérable.
Ahmed, toujours serein et surplombant, appelle les secours et prévient l'hôpital, sans oublier la police. Il a une profusion de brancards à sa disposition, et les malabars qu'il faut pour les remplir.
Conformément au plan prévu, je profite de la confusion pour rejoindre l'arrière-cuisine et retirer moustaches, favoris, perruque, poncho et chapeau de paille, que je fourre dans un grand sac, enfermé dans un placard, bien caché mais pas trop, juste ce qu'il faut pour que Gehrart, en commissaire, puisse faire fructifier.
Edouard, dans l'oreillette temporale me dit : « C'est bien Popol, c'est bien ; tu enfiles la cagoule et le masque anti-pollution qui sont dans la poche de ton blouson ; tu sors, décontracté ; tu te mêles aux badauds ; tranquille ; tu regardes si l'évacuation se passe bien ; tu nous informes ; et puis tu dégages ; instructions à suivre ».
Les nababs attirent toujours les foules. Alors les nababs fourrés à la ricine, en train de crever, tordus de douleur, vomissant partout !
Les gars de Tomy ont organisé en sus des fusillades dans la ville, quelque chose de bruyant, bien rythmé, avec des balles perdues, qui font péter les vitrines. Les pompiers sont là, évacuant les blessés, un vrai ballet, musique de sirènes, éclairage de gyrophares.
Pendant ce temps, la police ne sait plus où donner de la tête. Même après minuit, ça grossit de minute en minute, chaines de télévisions en prime. Comme par miracle, elles sont toutes là, caméra au poing, journalistes à l'attaque.
Il se murmure, dans la foule comme dans les média « Attaque bio terroriste, attaque bio terroriste, bio terrorisme : anthrax, biotox, asphix... asphix, anthrax, biotox... ». Des masques sortent des poches et tombent du ciel. Avec le mien et ma cagoule, je ne dépare pas.
Alors que je m'apprête à m'éclipser, Edouard, dans l'oreillette, me prend par surprise...
* Allusion au tome 1, Opération Désherbage, chapitre 22.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro