11. Emosson
J'ai pas trop le temps de penser ni d'admirer le paysage. J'ai la gueule du Tigre à moins de cent mètres devant moi ! Au troisième top, hurlé dans mon oreillette, saut dans l'inconnu.
J'entends l'hydravion m'exploser dans les omoplates. Je me sens tout déplumé dans mon costume de chauve-souris. J'écarte bien les bras et je ferme les yeux, tellement j'ai la frousse. Faut dire que quand je les ouvre je vois défiler les éperons rocheux à quelques mètres et se rapprocher un barrage, juste en dessous, précédé d'un plancher de glace qui reluit*.
Plouf, dans le lac. Emosson qu'il s'appelle. Deux mille mètres d'altitude, parait-il. Leur truc est franchement bien réglé : comme par miracle, la glace a implosé pile poil au moment de l'impact.
Mais pour être frisquet, c'est frisquet, et le costume wingsuit, c'est pas prévu pour l'eau froide. En plus, pour nager, c'est pas le top.
Heureusement, je suis à peine dans la flotte que deux plongeurs me collent une capsule d'oxygène dans le bec, me filent un coutelas et me tractent non loin de la berge, sous un trou rond, juste la taille qu'il faut pour que je puisse passer.
Je dois surgir, façon héros aux abois, devant un amateur de pêche blanche, Tomy en l'occurrence, qui joue l'ahuri quand je lui mets le couteau sous la gorge, bien en face de la caméra qui ne nous quitte pas de l'œil.
Il me murmure dans un rictus : « Tu m'égorges cruellement... non... pas là... plus bas... c'est ça... tu perces violemment la poche de plasma... attention... la caméra de CNN te lâche pas... et tu remontes, façon commandos, jusqu'à la cabane, juste sur la berge... tu fais çui qui s'y planque... tu écoutes les instructions... et rebelote... »
Il me souffle enfin, avant de jouer le cadavre ensanglanté : « Bon courage... à tta l'heure... »
Dans ladite cabane, bien chauffée, j'ai droit à une pause. Pas de whisky, non, mais des jus de fruits et des barres céréalées, pendant qu'une sympathique hôtesse me fait un massage, avant de m'aider à enfiler ma nouvelle tenue.
Un truc genre Spiderman, jaune citron, bien cagoulé, avec un gros masque de ski pour me rendre méconnaissable. En prime, j'ai droit à un gros fusil laser à visée de précision, chargé de balles à blanc.
Medhi me transmet ses instructions au fur et à mesure : « Maintenant, tu sors... et tu te rues... juste au dessus, à l'assaut du glacier de Finive... suis bien les signes jaunes, sur les rochers qui dépassent... puis sur la glace... tu l'attaques à mains nues... t'inquiète pas pour les séracs, c'est du plastoc... ça doit être facile... on t'a creusé des marches... »
« T'es toujours face à la Tour Salière, avec CNN et sa caméra dans le dos... n'hésite pas à rouler des mécaniques... »
« Arrivé au replat, t'es attendu par un commando... des chasseurs alpins... ils viennent de débarquer... en grandes pompes... »
« Tu sautes derrière le gros rocher... l'Œil de bœuf qu'il s'appelle... avec son trou au milieu... tu t'installes sous la mitraille et tu glisses ton fusil dans le trou... tu fais mine de viser... et tu dégommes un à un les sept membres du commando... »
« Voilà, parfait... tu sors... prudemment... tu les achèves au couteau... comme Tomy... en visant bien la poche de plasma... penche-les un peu... bien... que la neige fraiche se teinte vif de rouge... »
« Et tu n'as plus qu'à passer la crête... juste au dessus... qui est aussi la frontière... où tu trouveras leur hélico qui t'attend... »
« Tu sautes fissa dedans... fin du premier épisode... »
* Vue du lac d'Emosson en période hivernale, avec une vue satellite qui reprend ce petit périple
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