-36-
Chapitre 36
-Leia-
avril 2023
L'air marin faisait virevolter mes cheveux au vent. C'était la deuxième fois que je venais ici, et ce serait peut-être la dernière. J'avais ce sentiment amer, au creux de la gorge qui ne voulait pas partir. Il restait encré en moi, comme gravé dans le marbre. Mon ventre me faisait souffrir, me tordant de douleur. Le stress, la peur, l'appréhension étaient revenus. Pourtant, j'étais heureuse d'être là, ici, à Mytilini, avec Ken.
Ce serait peut-être nos dernières vacances ensemble, en tant que couple, alors on comptait bien en profiter. On va tout faire pour se créer les plus jolis souvenirs et ne pas finir sur une note négative. Mais parfois c'est compliqué, surtout quand j'entends Ken pleurer dans la douche. Je l'appelle de moins en moins Kaji ou mi focu, comme si je savais que quelque chose s'est brisé, cassé. Notre relation est faite de cristal, fait du plus beau sable, brillant de mille feux, adulée pour sa perfection, mais fragile. Néanmoins, avec le feu à mes côtés, je n'avais pas brulé, au contraire. Je nous admirais pour notre force, nos projets. C'est à peu près à cette période l'année précédente qu'on avait fêté le disque du $-Crew. À l'heure actuelle, Kaji revoyait tout son album, le retravaillant de sorte que ce dernier parle de ce qu'il traverse vraiment aujourd'hui, avec moi... J'imagine que quand je l'écouterais je le pleurerais. Car malgré tout ce qu'il se passe, j'aime Ken, du plus profond de mon cœur.
Le cri des mouettes et des goélands me sortit de mes pensées. Je me tournais vers Ken. Ses cheveux lui aussi dansaient dus à la brise marine. Son regard noisette me contemplait avec tristesse et affection... Je mordis ma lèvre inférieure, sentant les larmes me monter aux yeux. Très vite, nous nous embrassâmes, dans une étreinte d'une douceur inestimable. Ses mains dans son dos me réchauffaient. Le ciel était couvert. Mon menton dans son cou, je humais son odeur pour les dernières fois. Je ne savais pas combien de jours ils nous restaient, mais plus beaucoup... J'avais l'impression que le temps, qui se ruisselait dans le sablier, ne s'arrêtait plus, s'étant accéléré et devenant incontrôlable face au regard du lion.
Peu importe que le roi de la savane m'aime ou non, qu'il éprouve toujours des choses pour moi, ou qu'il veuille revenir dans mon quotidien ou pas, je ne pouvais plus nier ce que je ressentais. Je devais être honnête avec moi-même.
Après un long moment à pleurer silencieusement, à l'intérieur, les larmes coulant dans nos âmes souffrantes et pourtant si heureuses d'être ensemble, nous nous séparâmes pour rentrer en direction d'un petit appartement que Ken avait loué. Nous irions voir Déméter, la grand-mère de Kaji, mais ne pas vivre chez elle, nous avions besoin de nous retrouver, en dehors de la vie active, de nos boulots, de la France, peut-être pour la dernière fois...
*
Dans l'appartement, nous entreprîmes d'imaginer. Finalement Kenia, comme nous appelait Doums, c'était un couple d'artistes. Notre bulle d'amour, de respect, de confiance s'était bâtie avec la créativité. Ken était à côté de moi dans le canapé, un casque de la marque de mon père sur les oreilles, un cure-dent en bouche. Après tout ce temps, il n'avait pas cédé. Aucune cigarette n'avait été consommée depuis que je le connaissais. J'étais fière de lui. Il tapotait avec un crayon la table basse et son carnet remplis de maux, de ratures, d'erreurs, et de solutions. C'était le pouvoir des mots.
Moi-même, j'étais assise à même le sol, préférant son contact. Je portais aussi un casque Focal, une toile apposée sur un bout de bâche à moitié sur la table basse pour la protégée. Je me laissais aller, représentant mes émotions sur la toile. Cela faisait un siècle que je n'avais pas peint. Mes dernières peintures avaient été des portraits offerts pour les QLF. Après cela, ça avait été trop dur de peindre. Bien évidemment, j'avais cédé, faisant quelques esquisses, mais jamais un tableau entier. Il y avait toujours eu cette boule au fond de mes entrailles, qui roulait, grignotant de plus en plus mon âme. Mais avoir été au côté de Ken, son entourage, prendre encore plus mon envol qu'avant en emménageant avec, en travaillait à McDo, puis en trouvant un boulot finalement dans ma branche. Tout cela avait fait, que je m'étais compris, enfin à vingt-quatre ans. Mieux vaut tard que jamais. Maintenant, une grosse partie de mon être était apaisée. Car je savais que les épreuves de la vie étaient là, pour le meilleur.
*
Malgré la signification lourde de ce voyage en Grèce, dans le pays natal de l'homme qui faisait toujours battre mon cœur, l'ambiance sur la plage ce matin-là était insouciante. Nous nous préoccuperons de demain plus tard. Nous serons des adultes responsables un autre jour. J'étais venue tôt après mon footing dessiner au bord de l'eau. Il faisait bon, mais de gros nuages bien gris menaçaient de plus en plus ce ciel bleu clair. J'avais enlevé mes chaussures pour sentir les grains de sable entre mes orteils. En ce moment, je passais moins de temps à prier ou à célébrer les fêtes de mes croyances. Je m'en voulais... Alors, je profitais de ce instant avec la nature, surtout l'eau, mon élément, et cette brise rattachée à mon signe astrologique. J'étais connectée, ancrée dans notre précieuse Terre. Je la remerciais pour tous ces bienfaits et en dessinais sa beauté au creux du papier.
J'avais fait cela pendant bien une bonne heure, à contempler le paysage pour l'immortalisé avec mes coups de crayon. Le tout me rendait paisible. Pourtant, au fond de moi, j'éprouvais toujours cette petite boule, cette épée de Damoclès au-dessus de ma tête. Ce n'était qu'une question de temps. Mais ce matin, je préférais ignorer tout cela.
Sentant que j'avais fini mes croquis, je me relevais et époussetais le sable contre mes cuisses et fesses. Je sentis une main m'aider. Ken était là. Je lui souris. Puis un grondement se fit et les nuages qui jusqu'à présent n'était pas si loin, cédèrent au-dessus de nos têtes. La pluie commença à s'battre sur nous, s'écrasant fortement au sol.
« - Aaaah ! Rentrons ! Criais-je.
- Tu rigoles ? Profitons-en pour nous amuser. Lança Kaji.
On échangea un regard espiègle avant de se rapprocher de la mer et s'éclabousser l'un après l'autre, ou en même temps. Ouvrant la bouche pour rire, je reçus une grande quantité d'eau salée dans la cette dernière. Je toussais, m'étouffant presque, et repris mon hilarité de plus belle.
- Toi ! tu ne perds rien pour attendre ! » M'exclamais-je.
La guerre, il voulait l'avoir, il l'aurait ! Parole de Paoli !
Avec mes maigres forces de le jeter dans la mer turbulente. Il s'écrasa comme une merde dans le sable et me rejoignit dans mon fou rire. Je n'avais jamais été vraiment musclé, n'aimant le sport que depuis quelques années et n'en faisant pas tout un objectif. Malgré tout, je restais fière de l'avoir poussé à terre. Surtout que Ken n'était pas si léger que ça. Mon rire reprit de plus belle, comme des grelots dans le vent. Le sourire de Ken illuminait ce moment gris et froid.
On continua de s'éclabousser. Puis ce fut mon tour de finir dans l'eau complètement trempée. J'étais bien, vraiment. Même si c'était la fin, j'avais sans cesse confiance en Ken. Même si mes sentiments étaient toujours là, au fond de moi, j'avais déjà pris ma décision. Autant profiter du peu de temps qu'il nous reste. « C'est complètement égoïste » me chuchotèrent ces mots dans ma tête. Peut-être, mais on est égoïste à deux. Et je n'ai pas besoin de partir violemment. J'ai envie qu'on écrive notre histoire jusqu'au bout, jusqu'au dernier point final.
*
Après ce jeu sous la pluie à s'éclabousser dans la mer, nous nous étions réfugiés dans l'appartement. J'étais grelottante. Ken m'entoura d'une énorme serviette et frottant mes cheveux qui avait repoussé. Les racines étaient bien visibles. Tellement qu'ils n'y avaient plus que mes pointes qui portaient l'ancienne trace de ma teinture. J'en avais marre du bleu. Je sentais bien que ce n'était plus ma couleur. J'avais besoin de changement. Mais est-ce que j'étais vraiment prête à cette transition ? Je ne le saurais que le moment venu.
Nous nous dirigeâmes vers la salle de bain. Par réflexe, j'allumais l'eau chaude. Je commençais à enlever les habits de Ken, tendrement, le plus lentement possible. Comme si c'était la dernière fois que je pourrais parcourir son corps de cette manière, comme si c'était la dernière fois que je pourrais toucher sa peau de cette façon, comme si c'était la dernière fois que l'on s'aimerait comme ça.
Enfin nus, notre position, nos regards, nos mains parlaient pour nous. Nous souffrions de cette situation, pourtant nous étions bizarrement heureux. Je plaquais ma poitrine contre le torse de Ken. Je le serrais fort contre moi, comme s'il allait disparaître, alors que c'était moi qui partirais... C'était ironique. J'esquissais un sourire amer. C'était trop beau pour être vrai... Il m'empêcha presque de respirer tellement sa prise était forte. Je ressentais tout son amour. Je tremblais, mais plus de froid, mais d'émotions. Mon hypersensibilité finirait par me tuer. Cela me prenait dans tout mon corps, surtout dans le ventre. Car je ressens tout dans le ventre.
Il posa sa main sur ma joue et me demanda s'il pouvait m'embrasser. Je lui autorisais, avant de succomber à son toucher. Très vite, nos bassins se joignirent s'entrechoquant, se donnant de suaves caresses brûlantes. Le froid avait disparu, remplacer par de la buée et nos corps fiévreux. Ce moment intime avait plus de signification qu'il n'y paraissait. C'est comme si nos enveloppes charnelles se disaient au revoir. Elles se chérissaient une toute dernière fois. Nous étions doux, dans nos mouvements, nos regards, nos gémissements. Je profitais juste de cette connexion à l'homme que j'aimais toujours, peu importe les tempêtes entre nous.
Quand il fut en moi, non sans s'être protégé, je sortis un énorme soupir de soulagement. Des larmes perlèrent le long de mes joues. Trop de sentiments m'envahissaient, tellement que je peinais à être totalement ici, dans le moment présent. Sa main enlaçant la mienne, sa bouche contre mes lèvres, et la passion qu'il me transmettait m'aidait. Je devais profiter. Alors oui, je pleurais, de bonheur, de tristesse. Nos corps se contractèrent presque simultanément, car nous ne faisions vraiment qu'un. Deux âmes destinées à se croiser, se toucher, se marquer, s'aimer, juste un instant. Toute ma vie, je garderais ses traces sur mon enveloppe de lumière.
*
Les mois étaient passés depuis mon anniversaire. Je m'étais concentré sur moi, et Ken sur lui. J'avais fait le plus d'aller-retour entre la Corse et Paris. J'avais envie de voir ce projet avec Tonia, Jeanne et Lou avancer. J'en avais besoin.
Mon travail se déroulait extrêmement bien. J'avais l'impression de revivre. D'avoir enfin ce que j'attendais depuis tant d'années. Que ces moments de souffrances et sacrifices n'avaient pas été vains. J'en avais pleuré certains soirs, mais de soulagement et de bonheur.
Cela faisait plus d'un an que je n'avais pas parlé avec Addison et je m'en portais tellement mieux. Je voyais de moins en moins Clément à mon plus grand malheur. Nos emplois du temps et nos positions géographiques nous séparaient. Mais mon amour et ma connexion pour mon meilleur ami étaient toujours aussi forts.
Mei, parfois, montait à Paname passer du temps avec moi, et faire le tour des magasins de mangas ou de K-pop. On avait tellement plus que dans notre ville natale. C'était le paradis pour elle. Elle essayait depuis plus de six mois de me faire devenir Army en me faisant écoutant les BTS. Pour l'instant, elle n'avait pas réussi, mais vu ma playlist actuelle, cela ne saurait tarder... Ah, là, là... Cette meuf, mon petit rayon de soleil, ma Franco-Japonaise préférée. Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans elle ces dernières années. Elle a été mon pilier. Je ne la remercierais jamais assez.
Pour le reste de la team, que ce soit Éric, Alice, Martin ou encore Maya, je les avais vus en coup de vent au Nouvel An et quelques fois dans l'année. C'était éternellement bref, mais toujours aussi ressourçant.
Pour Tonia et Elizabeth, on se voyait une fois toutes les deux semaines dans un café tout mimi, écoresponsable, bio, faisant du sans gluten et des gourmandises végans. Cela nous changeait du Starbucks si famous et bondé. Nous préférions.
Tonia était bien occupée avec ses nouvelles responsabilités de Colonel. Mais elle était sans cesse aussi présente. Larry et David m'invitaient régulièrement dans leur petit nid douillet de couple, cela faisait trois mois qu'ils avaient emménagé ensemble. Ils puaient l'amour. Tonia essayait toujours de venir aux soirées où j'étais conviée. On chérissait bien ces moments-là tous les quatre. Ils étaient précieux.
Quand je regarde ma vie en arrière, surtout lors de ma fin d'études, et maintenant, je peux dire que j'ai eu tout ce que je voulais. J'étais passée, de seule au milieu d'une trop grande ville, dans un environnement toxique et angoissant, plein de problèmes, de doutes, et beaucoup trop sensible, à être entourée des meilleurs, sans cesse en vadrouille, dans une boite de rêves avec des conditions incroyables, souvent avec des complications mais moins, forte, femme et sûre de moi.
La seule chose qui me mettait à terre en ce moment était ma situation avec Ken. Clairement, c'était la fin...
Peu importe que la suite soit aux côtés de Tarik ou non, c'était le dénouement. C'est la finalité.
Ken ouvrit la porte pour me rejoindre dans la chambre, il s'assit à côté de moi dans le lit. L'ambiance était lourde. J'avais mal au cœur, au ventre, l'envie de pleurer. C'était dur. Ma lèvre tremblait, et mon corps frissonnait. J'avais envie de vomir. Tout cela me pesait. Comment pouvait-il rester auprès de moi, alors que j'étais la cause de ses déchirements ? Dans ces instants, je me dégoutais.
« - Leia ? Qu'est-ce qu'il y a ?
- Je suis horrible...
- Mais non...
- Si, je te fais souffrir.
- C'est vrai. Mais moi aussi. Si on n'était pas ensemble, tu ne serais pas face à ce dilemme. Enfin, tu as déjà pris ta décision.
- Ce n'est pas ta faute, arrête. Et avec des si, on mettrait Paris en bouteille. Rétorquais avant de continuer plus tristement. Oui, j'ai pris ma décision.
- Alors ? Demanda-t-il à son tour tremblant.
- J'attends le mariage. Après, je partirais. J'ai préparé les papiers pour l'appartement, j'ai repéré quelques annonces, même si ce sera compliqué car c'est Paname...
- Je ne te mettrais jamais à la porte Hoshi. Le suppliais-je.
- Arrête avec ce surnom Ken... C'est trop dur...
- Mais peu importe le futur, tu seras pour toujours ma petite étoile Leia.
J'éclatais, comme le tonnerre après des jours brûlants. Nous avions connu l'enfer, la lave, le magma. Aujourd'hui j'explosais et inondais notre lit, dans notre logement en Grèce.
Il me prit dans ses bras et me berça.
- Ça va aller. Je sais que tu n'y crois pas, mais cela ira.
- Hum. Arrivais-je à répondre.
Il se mit aussi à pleurer. Cela me détruisit, alors mes sanglots revinrent de plus belle. Nous tremblions, habiter par nos soubresauts.
- Merci pour tout.
- Non, merci pour tout. » Finis-je.
Jusqu'au bout j'aimais avoir le dernier mot.
Puis je chuchotais, alors que Ken s'était assoupi dans mes petits bras :
« - Désolée pour tout... »
Bonsoir ! 🥰
J'espère que vous avez passez une bonne semaine ! ❤️
Qu'avez-vous pensez du chapitre ?
Les updates dans la vie de Leia depuis tous ces mois ? ☺️
Ce dernier voyage en Grèce en amoureux avec Ken ? 🌊
Leia ? 💙
Ken ? 🧡
Je vous souhaite à tous une très belle semaine ! ☀️
Merci pour tout 🙏🏼
Prenez soin de vous 🤍
A la semaine prochaine ! 🫰🏻
Saphira 💙
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro