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Chapitre 3
-Leia-
Septembre 2023
« - Et toi, tu te rappelles de la deuxième fois qu'on s'est vu ? Me demanda Ken toujours son cure-dent au coin de sa bouche.
- Oui, je me rappelle. C'était dans la rue. À croire qu'on se croise que là-bas. Que c'est un peu notre endroit. » Dis-je en souriant.
Octobre 2020
Je marchais tranquillement en plein Paname. C'était le premier automne où je ne ferais pas ma rentrée. Cette idée me perturbait extrêmement. La première année depuis mes trois ans où je n'irais pas à l'école. Ça y est les études étaient bien terminées. Mon diplôme s'étant bien passé malgré les tensions avec certaines personnes. J'avais dû rendre mon appartement faute d'argent il y a quelques jours seulement. Déjà que mes parents avaient dû remuer ciel et terre pour payer les loyers, jusqu'ici que ce soit par leurs propres moyens comme par mon prêt. Je sentais une pression énorme flotter au-dessus de ma tête. Je devais trouver un travail et vite. Malgré mon stage chez Mess Films cette année, je ne trouvais quasiment rien. Je m'étais donc résonné à chercher un job alimentaire en attendant. J'avais créé mes propres cartes de visite, rouvert les commissions, etc. Tout ce que je pouvais entreprendre, je le faisais. Au moins, je n'avais pas une seule minute pour penser à Tarik.
J'étais retourné vivre chez mes parents quelque temps. Malgré tout, je remontais à Paris très souvent. Le fait de rendre mon appartement m'avait fait un coup. J'avais tous mes souvenirs avec lui là-bas. Je n'arrivais toujours pas à me dire que c'était fini entre nous. Pourtant, c'était aussi ma décision. Mais sa présence était si forte dans ma vie, que je me sentais de nouveau seule dans cette grande capitale. D'habitude, j'étais presque en permanence entourée des QLF, qu'ils soient deux ou vingt, ou encore une cinquantaine. Tonia m'envoyait des nouvelles de temps en temps. Apparemment, c'était la routine. Elle a évité de me parler de Tarik, sachant que ça remuait le couteau dans la plaie. J'étais heureuse de savoir que tout le monde allait bien là-bas. Car quoi que je puisse en dire les Tarterêts, c'est aussi chez moi. Cela me faisait bizarre de ne pas y être allé depuis déjà un mois.
J'avais passé mon anniversaire sans les QLF. Le mois d'octobre portait de bien tristes couleurs ces derniers temps. J'essayais de rassembler tous mes amis en fin de mois, pour pouvoir le fêter en plus grand nombre.
Mon anniversaire... Je l'avais fêté avec mes parents et mon frère le soir même. Clémence, la petite amie de mon frère, était là aussi. Ils m'avaient gâté d'un tourne-disque et des vinyles d'Harry Styles et de Daniel Balavoine. J'étais aux anges. Clémence m'avait offert une photo où nous étions tous les cinq. J'en avais lâché une larme. Cette fille est si adorable. La journée même, je l'avais passé aux côtés de Mei, mon amie tatoueuse et franco-japonaise. J'avais décidé de prendre plusieurs rendez-vous avec elle pendant l'année pour s'occuper de mes jambes. J'avais un projet manga en tête. Le samedi précédent mon anniversaire, je m'étais fait tatouer par elle le personnage en question qui resterait gravé dans ma peau, sans grande surprise : Monkey D. Luffy. Le jour de mon anniversaire, quelques jours après, m'être fait tatouer, j'étais passée au salon pour la voir. Quand elle finit de tatouer son dernier client, nous étions allés en ville boire un verre avec son copain et Addison. J'étais heureuse d'avoir mes deux nanas préférées le jour de mon anniversaire. Que demander de plus ? Nous étions allés dans un salon de thé et avons discuté pendant une bonne heure avant qu'Addie ne me ramène chez mes parents en voiture dans notre petit village.
Je marchais toujours en plein Paris. Les feuilles orangées et brunâtres tombaient sur le sol, mes chaussures les effleurant. Les écouteurs toujours vissés sur mes oreilles comme à mon habitude, j'écoutais QALF de Damso. Les mots dans ma tête n'en finissaient plus. Quant à travers ma musique, j'entendis comme une voix m'appeler. Au premier abord, je m'étais dit que c'était ma paranoïa et que j'hallucinais. Puis je fis plus attention. J'enlevais un écouteur.
« - Hey !
Je me retournais et vis Nekfeu au loin m'appeler. Ce con rameutait tous les gens vers nous. C'était d'une discrétion. Néanmoins, ça eut le don de me faire sourire. Je m'approchais de lui tout en enlevant mes écouteurs.
- Hey.
- Tu as confiance en moi ? Me demanda-t-il tout en regardant les environs.
Autour de nous, les gens s'accumulaient voulant savoir qui avait appelé fort quelqu'un. Les gens commençaient à reconnaître Nek.
- Euuuh. Puis comme si la réponse avait toujours été évidente, je répondais avec plus de sérieux et de certitude. Oui, j'ai confiance en toi.
Il me regarda, puis prit ma main avant de me dire de courir. C'était ce qu'on fit, on courut comme ça de longues minutes avant de s'arrêter essoufflés devant un immeuble, pas le même que son appart. Je peinais à reprendre ma respiration malgré le fait que je courais une fois par semaine. Car même si ma rupture m'avait retiré énormément de choses, elle ne m'avait pas enlevé toutes mes bonnes habitudes et routines.
- Ton nom ?
- Quoi ? Demandais-je, n'ayant pas capté que Ken me posait une question.
- Je ne connais pas ton prénom.
- Ah. Comprenant. Leia, Leia Paoli.
- Ken, Ken Samaras.
Cela me fit rire. Je lui tendis alors ma main.
- Enchanté Ken Samaras.
- De même Leia Paoli.
On se sourit.
- Vais-je savoir ce qui te faisait pleurer comme ça ? Me demanda-t-il.
Sa question me fit instantanément perdre mon sourire. Presque automatiquement, j'eus quelques larmes au coin de mes yeux. Je le vis être peiné d'avoir posé cette question. C'était trop tard Ken maintenant.
- Rien, une rupture. Lui répondis-je.
Ken acquiesça sachant parfaitement le mal-être et le vide que pouvait laisser une séparation.
- Tu veux bien monter, ne serait-ce qu'une seule minute ? Me demanda-t-il.
Je réfléchis une longue minute avant de faire mon choix. Qu'avais-je au fond à perdre ? J'avais déjà tout perdu si on oubliait mes amis les plus proches et ma famille. Mais sinon tous les QLF, si ce n'était Tonia, tous ces moments passés aux Tarterêts, tout ça était parti en fumée. Alors je dis oui.
- Ok, mais une minute.
On monta alors des marches jusqu'à arriver devant un appartement. Il sonna, puis on lui ouvrit. C'était Framal. Si je m'attendais à ça. Il avait la peau halée, de longs cheveux ondulé, une barbe d'une bonne semaine bien taillée et des yeux sombres.
- Salut mon kho. Dit-il tout en tchèquant Ken. Tu es revenu chercher tes affaires ?
J'étais resté en retrait depuis le début.
- Je venais aussi boire un verre avec mon amie Leia.
Le regard de Framal se posa enfin sur moi. Il ne fut pas vraiment surpris de voir Nek accompagné. Il ouvrit un peu plus la porte m'indiquant que je pouvais rentrer.
- Ça te dérange si je me rase maintenant ? Demanda Nek à Idriss a.k.a. Framal.
- Non, t'inquiètes, fais mon kho.
- Leia, fais comme chez toi. » M'indiqua Nek.
Je m'exécutais m'asseyant dans le canapé. J'avais une vue sur le miroir de la salle de bain où je voyais Nek se raser. C'était un peu ma vengeance de l'autre soir quand Ken m'avait maté sous la douche même si ce n'était que mon ombre et que là, il n'était pas nu. Mais j'appréciais tout de même la vue.
« - Alors tu es l'amie du fennec ?
Je sentais du jugement dans sa voix et son regard. Il devait penser que je couchais avec Ken.
- Apparemment. Dis-je gênée.
- Ça fait longtemps que tu le connais ?
- Deux semaines.
- Ouais, je vois.
Super le mépris.
Ça changeait de l'accueil que j'avais eu des QLF, qui étaient connus comme des personnes méfiantes. Mais en même temps, je m'attendais à quoi ? Il devait avoir vu les photos avec Tarik ou Nabil. Dans le rap, ça parle pas mal. Il devait savoir pour ma relation avec Tarik. Je me sentais sale dans les yeux de Framal.
Nek revint de la salle de bain.
- Bah, t'as pas proposé à Leia à boire ?
- Non, mais ce n'est pas grave, je n'ai pas très soif.
- Coca, jus de pomme ou de l'eau ? Demanda Ken en regardant dans le frigo.
Cet homme était fidèle à lui-même : têtu. Je soupirais.
- Jus de pomme s'il te plaît.
- Bah voilà. Tiens.
- Grazie.
Framal ne disait toujours rien. Qu'est-ce que j'avais avec les hommes taiseux ? Ou alors c'était moi qui les rendais silencieux. Je me sentais mal à l'aise, pas à ma place. J'avais juste envie de quitter au plus vite cet appartement. Je regardais mon téléphone machinalement.
- Je vais y aller. Il est déjà dix-neuf heures passées, j'ai des choses à faire. Merci pour l'accueil. Salut. »
Je pris naturellement la fuite. Je détestais les conflits. J'entendais la voix de Tarik me dire que je ne prenais pas mes responsabilités, encore une fois, que je ne faisais que fuir. Mais je n'avais pas la force de me battre. J'avais déjà assez donné. J'ai déjà des amis et une famille aimants. Je n'ai besoin de personne d'autre. Je n'ai pas besoin qu'on m'accepte. Ça, c'était l'ancienne Leia. Celle qui voulait qu'on l'aime pour ce qu'elle était à tout prix. Celle qui adorait se faire de nouveaux amis. Aujourd'hui, je ne forçais plus les gens. S'il ne voulait pas de moi dans son appartement, il ne fallait pas me faire prier. J'aurais voulu qu'il le dise directement, je n'aurais pas perdu du temps. Je soupirais en pensant au fait que j'aurais pu être chez moi en train de manger devant une bonne série. Je n'avais plus envie de me battre pour ce genre de choses. Framal ou pas. Nekfeu ou pas, pareil. Je m'en branlais. Cette fois-ci, j'entendais la voix dure de mon père me disant que je parlais mal avec un ton accusateur. Ça au moins, Tarik s'en est toujours foutu. Au contraire, il disait toujours que ça me rendait naturel, comme quand je parlais de cul. Il n'en avait rien à faire que les gens disaient que c'était contraire à une hlel.1 Car à ses yeux, je l'étais.
Comment on avait pu passer d'une relation à envisager de peut-être se fiancer, à une relation inexistante ?
J'ai vraiment cru que j'allais pouvoir construire quelque chose, qu'il était différent. Finalement, j'ai encore été déçue. En même temps, c'est aussi de ma faute. Je croyais qu'on pourrait faire face à nos défauts, mais aucun de nous deux n'était prêt à faire de compromis. Enfin surtout Tarik. Après, j'avoue que j'étais plus enclin à en faire pour éviter les conflits. Je détestais les disputes, malgré le nombre de fois où j'en ai déclenché entre lui et moi. Parfois, j'en viens même à me demander si ce n'est pas que de ma faute.
-Ken-
Je regardais la porte qui venait de se fermer derrière Leia. Je ne réalisais pas, elle avait disparu en une seconde.
« - T'es sérieux mec ? Demandais-je.
- Très.
- Explique-moi. Ordonnais-je presque.
- Mais c'est Leia Paoli. La meuf des magazines qui a été avec Ademo.
- Je sais. Je le savais depuis le début, même si je ne lui ai pas dit. Après je ne pense pas qu'elle soit naïve non plus.
- Et ça ne te fait rien ?
- Pourquoi ça me ferait quelque chose ? Je ne vais pas la juger pour si peu. Je me ferai un avis sur elle à force.
- Mais imagine elle veut se taper que des rappeurs ? Que ce soit une kehba ?2
- "J'ai plus d'amour pour les salopes que pour tous ces fils de pute." Et tu le sais bien. Je ne vais pas te citer tous mes textes.
- T'es sérieux à te citer mec. Dit-il en se foutant de ma gueule.
On rigola. Puis le silence s'installa.
- Va la rattraper avant qu'elle ne soit trop loin. Je sais que tu en meurs d'envie.
- Merci. » Dis-je avant de quitter l'appartement en courant.
-Leia-
J'étais déjà bien loin de l'appartement de Framal. Je voulais être chez-moi. Enfin chez-moi : mon nouvel appartement. Je n'arrivais pas à m'y sentir bien. J'essayais de positiver, au moins, il n'y avait plus aucun souvenir avec Tarik.
Malgré tout, mon ancien appartement me manquait terriblement. Mon quartier, mes voisins, mes habitudes, toutes ces choses me manquaient. Après, qu'aurais-je pu faire d'autres ? Mes parents ne pouvaient pas payer des loyers dans le vide. En plus, je n'avais quasiment plus d'argent sur mon prêt, ayant fini mes études. La seule solution avait été de rendre mon ancien cocon. Paris me manquait trop. De plus, c'était bien plus logique de chercher sur places au niveau des studios. J'avais passé un deal avec mes parents. Je trouvais un job alimentaire en attendant pour mettre de l'argent de côté pendant un an avant de commencer à rembourser mon prêt. Je devais aussi tout faire pour trouver un métier dans ma branche quitte à harceler les entreprises. Alors, après six mois loin de la capitale dans ma petite ville natale, j'étais retournée retrouver Paris.
Je repensais à mes anciennes habitudes, mon école. Bizarrement certaines personnes de cette dernière me manquaient elles aussi. Mais cet établissement, et tout ce qui va avec, pas du tout. J'étais bien soulagée d'en avoir fini avec le stress, les nuits blanches, le harcèlement, la compétition, ce rythme militaire.
Alors que j'allais tourner à droite, pour me diriger vers la station de métro la plus proche, j'entendais encore cette fameuse voix m'appeler. Devenais-je folle ?
« - Leia ?!
Je me retournais soupirant. Il arriva à ma hauteur essoufflé.
- Qu'est-ce que tu veux ? Dis-je d'un ton dédaigneux.
Il me répondit après avoir repris son souffle.
- Je suis désolé pour l'attitude de Framal. Il se fait du souci pour moi. Mais je suis un grand garçon, je fais ce que je veux.
- Et qu'est-ce que tu veux ? Dis-je, nous donnant un air de déjà-vu.
- Je veux apprendre à te connaître. Tu m'intrigues. Je veux voir où ça nous mène.
- Tu sais pourtant que je sortais avec Ademo, il y a encore quelques semaines et tu veux quand même me fréquenter ? Tu sais cependant très bien ce que les gens vont dire.
- On emmerde les gens ? Et puis, tu n'as pas envie de voir ce que l'avenir nous réserve ?
- Si, mais je n'ai pas envie de souffrir, ni de faire souffrir.
- Qui te dit qu'on va souffrir ? Et je ne te parle pas forcément de relation. On peut juste être amis ? Des amis, c'est ce qu'on est, non ?
Je souris malgré moi.
- Oui, on est des amis. Même si je crois en l'amitié garçon fille, j'ai des doutes par rapport à tout ça.
- Pourquoi cela ?
- Car tu me plais. Je ne vais pas m'en cacher. Oui, j'écoute tes sons, mais je sais apprécier un beau physique quand j'en vois un.
Il sourit face à ces mots.
- Toi aussi, tu me plais.
- Alors pourquoi tu veux qu'on soit amis si tu sais que ça va sûrement déraper ? Demandais-je intriguée.
- Peut-être parce que j'ai envie que ça dérape. Dit-il avec un sourire narquois.
- Je ne veux pas de relation pansement. Je ne veux pas t'utiliser, ce n'est pas moi. Ce n'est pas en accord avec mes valeurs. Dis-je, repoussant ses avances.
- Mais si je t'utilise aussi en retour ? Un échange de bons procédés. J'ai besoin d'oublier quelqu'un, et toi aussi. Et qui sait, peut-être qu'on tombera amoureux ?
- Mais si on tombe amoureux, on risque de souffrir... Ça ne durera peut-être pas...
- C'est ça le risque.
- Et tu as l'amour du risque, j'imagine ? Le taquinais-je tout en pensant à Risibles amours.
- Oui. Toi aussi, ou je me trompe ? Me répondit-il avec toujours un sourire malicieux, fier de ma référence.
- Non, tu ne te trompes pas. Du moins, je l'ai depuis quelque temps. Alors on tente, même si on risque de se détruire ?
- On tente. Me dit-il en me tendant sa main.
Je m'avançais pour la serrer.
- On tente. » Répondis-je.
Je ne savais pas que je m'engageais dans l'une des plus belles histoires de ma vie.
1 hlel : petite-amie ; fille à marier ; fille sérieuse, chaste, vierge en arabe
2 kehba : prostituée, femme qui monnaye son corps, femme méprisante, femme vulgaire en arabe
Bonsoir ! 🌆
J'espère que vous avez passez une bonne semaine 🥰
Qu'avez-vous pensez du chapitre ?
Leia qui croise Ken dans la rue ?
Les deux qui courent pour échapper aux gens ?
Leur venue dans l'appartement de Framal ?
Framal ?
Ken ?
Leia ?
Leia qui s'enfuit ?
La conversation entre Ken et Framal ?
Ken qui l'a rattrape ?
Leia et Ken qui tente ?
Vous pensez qu'il va se passer quoi dans les futurs chapitres ?
Je vous souhaite à tous une très belle semaine ! 😘
Prenez soin de vous 🤍
A vendredi prochain ☺️
Saphira 💙
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