-19-
Chapitre 19
-Leia-
août 2021
La chaleur était insoutenable. La tôle grondait comme le tonnerre. Les gens se bousculaient dans les escaliers. Des enfants pleuraient, des papas rouspétaient et les mamans s'impatientaient. Certains tombaient dans les pommes. C'était comme ça chaque année. Les seules exceptions étaient les seules fois où j'avais pris l'avion pour m'y rendre. Je cherchais la voiture, était-elle à côté d'une Renaud Scénic patate ou d'un Picasso familial ? Tonia à mes côtés plongeait sans peur dans l'agitation de la foule et ces Italiens brayant si fort. Elle était sûre d'elle, je la suivais alors sans rechigner. Je fixais ses rangers tapés sur la tôle au sol. Même si je détestais la descente dans la cale pour aller retrouver notre précieux véhicule qui nous transporterait ces deux prochaines semaines, j'étais heureuse, car je savais que bientôt sonnerait le cri de la délivrance. Bientôt, nous sortirons du paquebot nous ayant permis de traverser la mer Méditerranée. Bientôt, Tonia et moi, serions à la maison, notre chez nous : Corsica.
Ça y est, nous étions à l'intérieur de l'habitacle, j'avais pu ouvrir la portière et passé. Pourtant, j'ai bien cru qu'avec mon ventre, je ne passerais pas. Tonia, elle, n'a pas eu la même chance. Il n'y avait plus de place entre la voiture voisine et la nôtre. J'avais alors baissé la vitre depuis l'intérieur côté conducteur pour qu'elle puisse s'infiltrer dedans. Elle s'était soulevée aisément et était rentrée comme si elle avait fait ça toute sa vie. Cette vision me fit l'imaginer comme cela au milieu des flammes s'engouffrant d'une petite ouverture pour sauver une famille prise dans l'enfer qu'est un incendie. J'admirais tant cette femme. Tonia avait ce courage, cette force que je n'avais pas.
« - Avanti !1 Hurlait les Italiens, employés du bateau.
Ils nous ordonnaient de sortir du paquebot. C'était la croix et la bannière. Malgré l'habitude de ces voyages, j'avais toujours peur que nous ne ressortions pas tous de cet enfer. Pourtant, dans ce Tetris infernal des cinq-cents voitures que nous étions, les Italiens nous sortaient un par un dans un temps record d'une petite heure.
- Più veloce !2 Criaient-ils en faisant de grands gestes.
Je serrais les dents à chaque mouvement des voitures voisines et de la nôtre. Mais Tonia gérait, comme à son habitude. Elle était méthodique et calme. Je ne respirerais de nouveau normalement que dehors. Peu à peu, la soute se vidait. Devant nous, il n'y avait presque plus que la lumière du jour et les matelots qui continuaient de donner des ordres.
- Continua !3 »
La voiture franchit enfin la sortie. Je le sus au son des roues qui ne résonnait plus sur le métal de la taule, mais bien sur le béton du port. Enfin ! Nous y étions, sur l'île de Beauté.
Je regardais Tonia, elle comprit toute suite, et ouvrit les fenêtres. L'odeur de la Corse s'infiltra dans l'habitacle. Tout en continuant de conduire, presque à l'arrêt à cause de tous ces pinzutu, Tonia défit l'élastique qui retenait ses cheveux d'un roux flamboyants.4 Maintenant, ils volaient au vent, comme les miens toujours coupé en carrés et de nouveau bleu. J'avais refait ma couleur quelques jours auparavant. Je savais bien que le sel de la même désengorgerait la teinture lors de mon séjour, leur faisant perdre leur belle couleur outremer pour un vert douteux, mais j'avais envie de me sentir belle pour ce premier jour de vacances.
Je n'en revenais pas que Marie, la patronne, m'ait accordé des vacances malgré mes moins d'un an d'ancienneté. Au pire, j'aurais pris des congés sans solde. Car le fast-food à la capitale, c'est l'horreur, on est limite tout le temps en rush, c'est juste que le midi et le soir, les rushes sont l'enfer sur terre.5 Et puis, je devrais bientôt rembourser mon prêt, tout cela me pesait plus que je ne voulais l'admettre. Et c'était hors de question que Ken le rembourse à ma place. Je l'avais engueulé d'avoir cette idée, ne serait-ce qu'un instant.
Alors, oui, j'avais besoin de souffler.
J'adorais Tonia et mes « vacances » au moins de juin avec Addison avaient été un cauchemar. J'avais besoin de me rattraper avec quelqu'un qui était réellement mon amie et qui me respectait. Pas quelqu'un qui crachait sur nos vingt ans d'amitié. Je n'aurais jamais pu penser un seul instant que ma plus chère amie Addie, me trahirait.
Bref, je n'avais pas envie de penser à tout cela. Le couteau dans ma plaie béante remuait trop à mon goût. Et puis j'avais déjà dû gérer ma rupture amoureuse. J'avais été emplie de tristesse et parfois de colère, mais là, cette rupture amicale aussi grave me laissait pleine d'amertume. Je pris une grande inspiration, et expirais tout ce négatif me focalisant sur ma patrie. La fragrance de mon pays me calma peu à peu. Je retrouvais les senteurs des figues de barbaries et des eucalyptus. Tonia, enlevant sa main du levier de vitesse, la posa sur ma cuisse.
« - Tu es forte ma princesse. Bien plus que tu ne le crois. Il n'y a pas que la force physique dans la vie, tu as ça aussi. Fit-elle en montrant du doigt mon cœur.
- Merci Tonia. J'avais besoin d'entendre cela. Tes mots apaisent mes maux.
- C'est pour cela qu'ils sont puissants, plus encore qu'un geste. Même si l'action prouve les dires des autres, ce n'est pas les actes qui restent, c'est ces trahisons vocales, elles laissent des cicatrices à vie. »
Je souriais à nouveau. La sagesse de Tonia me sauvera.
*
« - Tu me passes la crème solaire ? Me demanda Tonia
- Tiens. » Lui dis-je, ayant fini de m'en appliquer.
Je sortis de mon sac de plage tressé en paille le nouveau livre de Marie Vareille : Ainsi gèlent les bulles de savon. Je ne connaissais pas du tout cette auteure avant les vidéos d'About Estelle sur YouTube. Elle m'avait fait découvrir tellement de choses sur les livres et l'écriture. Estelle et toute sa clique me donnaient envie d'acheter la bibliothèque entière.
Tonia avait aussi emmené un bouquin pour lire tranquillement sur la plage. C'était un roman sur le rap, Sabri lui avait conseillé.
Sabri, penser à lui me ramenait forcément au QLF et ce ne sont pas les œillères que je me mets quand je suis avec Tonia qui m'aideront. Mon cœur se serrait. J'avais eu ma dose de trahisons amicales ces derniers mois, si ce ne sont ces dernières années... Néanmoins, je savais pertinemment que certains ne m'avaient pas tourné le dos, c'était plutôt que nous nous étions perdu de vue, dû à la rupture avec Tarik.
Ce n'était pas parce que j'y pensais à ce moment-là, en vacances avec mon amie que cela gâchait ces dernières, loin de là. Au contraire, depuis que nous étions arrivées, j'avais complètement déconnecté. Nous étions allées voir nos familles respectives. Tonia avait retrouvé son frère Rayan chez ses parents. Je l'appréciais énormément. C'était un garçon droit dans ses bottes, intelligent, sérieux et surtout bienveillant. Les parents de Tonia et Rayan était adorables, bien que parfois toxiques sur les bords, surtout leur mamma. Décidément, je cumulais les amis ayant les mêmes soucis.
Tonia et moi, avions aussi visité les menhirs préhistoriques, les musées. Elle était fan d'art et extrêmement cultivées. Quand l'une de nous ne savait pas, l'autre l'aidait. Mes études d'histoire de l'art complétaient ces propos. Parfois, je m'arrêtais sur un banc pour dessiner un tableau. D'ailleurs, je dessinais partout, dans la voiture, sur la plage, lors d'une pause pendant une randonnée, ou assise à la table d'un café. Ce voyage était vraiment bénéfique pour ma productivité et mon évolution en dessin.
Tonia aussi dessinait, elle colorait des dessins imprimés dans les thèmes qu'elle affectionnait le plus : rap, fleurs, art, femme. Elle faisait aussi énormément de mandalas. Elle comme moi, apprécions chaque matin faire notre petite session papeterie. C'était notre moment à nous.
Tonia se coucha à côté de moi sur sa serviette. Elle ouvrit son livre et se concentra. Je respirais l'air marin, le sable, et les graminées. Heureusement que ni elle, ni moi, n'étions allergique. Le soleil tapait fortement sur ma peau, mais nous étions protégées par le parasol et la crème. Je pris ma gourde dans mon sac.
Victoire !
L'eau était encore fraîche. J'avalais goulûment plusieurs gorgées. Ma bouche me semblait aussi sèche que le Sahara.
Au bout d'un quart d'heure Tonia me regarda avec un sourire espiègle.
« - Oui ? Demandais-je.
- Ça te dit d'aller dans l'eau ?
- Aller !
- La première à la mer a gagné. »
Nous entamions notre plus beau sprint, prises pour des folles par les touristes, ces pinzutu...
Mais nous n'en avions rien à faire. Nous étions si bien.
Oui, si bien...
1 avanti : avancez en italien.
2 più veloce : plus vite en italien
3 continua : allez en italien.
4 pinzutu : étranger, touriste, parigot, de façon négative, comme une insulte en corse
5 rush : mot anglais signifiant un moment ou un effort violant, dans le langage du fast-food, il signifie le moment où il y a le plus de clients.
Bonsoir ! 🌇
J'espère que vous avez passez une bonne semaine ☺️
Qu'avez-vous pensez du chapitre ?
Le bateau pour la Corse ? 🛥
Tonia ? 💜
La scène sur la plage ? 🏖
Leia ? 💙
Vous pensez qu'il va se passez quoi dans les prochains chapitres ? 😌
Je vous souhaite à tous une très belle semaine ! ✨
Prenez soin de vous 🤍
A mardi soir pour un petit bonus ! 🎉
Saphira 💙
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