25 Février 2 222

Ça y est, on est enfin le 25, enfin le rendez-vous avec le prof est arrivé. J'ai attendu cette journée depuis la première et dernière fois ! Je regarde ma montre toutes les deux secondes en attendant la pause. J'ai l'impression que le temps s'est arrêté, exprès pour que je ne puisse pas savoir la suite. Cette heure n'en finira donc jamais ? En plus, l'homme face à nous, qui nous explique comment réagir face à un patient en plein crise psychotique, est beaucoup trop soporifique.

Après ce qui m'a paru être une éternité, ma lutte acharnée pour ne pas m'endormir cesse enfin avec la sonnerie annonçant la fin du cours, et donc la pause. Mon énergie remonte alors en flèche Je range le plus vite possible tout ce qui se trouve sur ma table et me précipite vers la sortie. Une fois devant la porte, je me retourne pour vérifier que Kaeya est bien derrière moi. Cependant, je ne la vois nulle part dans la foule d'élèves qui se bousculent pour partir. Je rebrousse chemin pour la retrouver, toujours à sa place, en train de ranger ses stylos à la vitesse d'une limace. Je me fraye un passage jusqu'à elle et la supplie de passer la seconde.

- Qu'est-ce que tu fais ? Dépêche-toi, on va être en retard ! Je lui rappelle en chuchotant pour que personne ne puisse nous entendre.

- C'est bien la première fois que je t'entends dire ça !

- C'est sûr que je l'ai plus ignoré que dis. Allez, s'il te plaît.

- Oui, oui, j'arrive, je te rappelle que c'est toi Aesh qui voulais absolument faire partie de ce groupe, pas moi. Je le fais uniquement pour toi je te signale, même si je commence à me prendre au jeu et m'intéresser vraiment à ce qu'on pourrait faire.

- Je sais, et je t'en remercie. Tu vois, je te l'avais bien dit. Bon grouille-toi un peu s'il te plaît, je ne veux vraiment pas être en retard.

- Sans rire ? Je n'avais pas compris. C'est bon, on peut partir.

- Hallelujah ! Je déclare en levant les bras vers le ciel en signe de remerciement, même si je ne crois pas du tout en Dieu ou qui que ce soit.

On sort rapidement de la salle et je cours presque pour aller à la salle 17, le lieu du rendez-vous, en jetant de temps à autre des regards derrière moi pour vérifier qu'elle me suit bien. Arrivé devant la porte, j'attends Kaeya avant de l'ouvrir doucement, en veillant à ce que personne ne nous voit entrer. Je m'imagine bien en espionne professionnelle à ce moment précis. Tout le monde, ce qui ne fait pas beaucoup de personnes, est installé au fond de la pièce, de telle sorte qu'une personne passant devant la porte ne puisse pas les voir par la vitre. On se dépêche de les rejoindre et on s'installe entre Ryder et Thalira, en face de Diranor. Un instant, les voyant tous là, je crains d'avoir manqué quelque chose, qu'ils aient commencé sans nous.

- Ah, vous voilà, on attendait plus que vous.

Ouf, on n'est pas en retard, on n'a pas loupé le début.

- Désolée, nous voilà, on peut continuer !

- Très bien, où en étais-je déjà ?

- Vous disiez que Maestro a profité du fait que le monde lui faisait confiance et aussi que c'était le premier à prendre le pouvoir par la force à l'échelle mondiale, je réponds d'une traite.

- Et bien, je vois que quelqu'un a écouté attentivement ce que j'ai dit, dit-il, un sourire aux lèvres, en me regardant. C'est bien, j'ai besoin de gens impliqués. Donc, continuons, nous avons peu de temps devant nous. Il a commencé doucement, au début, il continuait de donner des avantages, puis, sans que personne ne voit le changement, il débuta le processus inverse. Il modifia ses robots à distance, via un programme pré-enregistré, pour qu'ils soient en mesure d'espionner les logements dans lesquels ils avaient été placés. Maestro a des serviteurs, en plus de ceux dirigeant les pays, un peu partout dans le monde qui analysent ces données à chaque instant. Ainsi, dès qu'une de ces satanés bestioles repère quelque chose d'anormal ou d'interdit au sein du foyer, son système envoie un signal au contrôleur le plus proche. Ces derniers ne se posent aucune question, ils envoient à leur tour un groupe d'intervention, humain pour changer, qui arrête tous les habitants du logement. Si l'un d'eux oppose une quelconque résistance, même minime, il est abattu sur le champ, sinon, ils sont conduits dans un centre de détention en attendant leur jugement. Si le signal du robot s'avère justifié, ils sont tous condamnés à mort, même si une seule personne est responsable et que tous les autres n'étaient pas au courant, ils ne font pas de demi-mesure.

- Si c'est le cas, pourquoi n'en a-t-on jamais entendu parler ? Intervient Ryder

- Tout simplement parce que c'est gardé secret, mais réfléchissez, n'avez-vous pas une famille vivant à côté de chez vous qui a disparu du jour au lendemain ? On vous a sûrement dit qu'ils avaient déménagé.

Sa réponse me rappelle une amie qui avait déménagé subitement quand j'étais petite. Je n'avais jamais remis en cause cette excuse, je n'avais alors pas de raison de le faire. Maintenant, je doute fort que ce soit la vérité.

- C'est pour cela que j'ai codé le message, d'ailleurs le code sera toujours le même, et que je vous demande de faire très attention à ce que vous dites ou faites chez vous.

- Bien sûr, approuve Ryder

- Si je vous dis tout ça, c'est pour que vous sachiez ce que vous risquez, que vous continuiez en tout connaissance de cause. Je sais que je vous en demande beaucoup, et je comprendrais si certains d'entre vous veulent arrêter là.

Pour moi, c'est juste hors de question. Je me rends bien compte que je ne peux plus demander à Kaeya de rester pour moi, même si j'espère qu'elle restera.

- Ici, on est tous égaux, tous ensemble dans cette aventure. Il faut que je vous pose une question délicate, il faut que je sache jusqu'où vous êtes prêts à aller pour connaître la vérité et changer les choses.

- Prête à faire tout ce qu'il faut ! Je m'exclame directement, sans réfléchir, comme d'habitude. En tout cas pour ma part, j'ajoute en regardant les autres.

- Je la suivrais partout, donc pareil pour moi, annonce Kaeya.

Je souffle intérieurement. Je suis soulagée qu'elle accepte de continuer, d'aller jusqu'au bout, en sachant les risques. Je suis touchée qu'elle court le danger pour moi. J'espère qu'elle ne le regrettera pas.

- Pareil, poursuit Ryder.

- Et toi, Thalira ? Demande Diranor

- Je ... je ne sais pas, hésite-t-elle.

- Très bien, ne t'en fais pas, je ne te forcerais jamais à faire quoi que ce soit, tu verras le moment venu si tu veux. D'ailleurs, reprend-t-il en regardant chacun de nous, si ça devient trop lourd à gérer pour vous, vous êtes libre de partir quand bon vous semble.

- Merci, répond Thalira.

- Pour revenir à notre affaire, je voudrais créer un groupe d'observation à mon tour, vous, si vous êtes partants.

- Génial ! On doit observer quoi ? Je m'enthousiasme déjà

- Premièrement, ce n'est pas "génial" pour reprendre vos mots jeune fille, ce n'est pas un jeu. Si on en est arrivé au point de surveiller les actions des gens qui nous dirigent, c'est que le monde va mal.

Je me suis peut-être un peu trop emballée sur ce coup-là. Je vois Kaeya rire, en essayant de se cacher. Elle qui n'arrête pas de me dire de mieux contrôler mes émotions, il lui donne raison. Je baisse donc les yeux, honteuse.

- Deuxièmement, continue-t-il, j'avais pensé commencer par le fonctionnement même du robot. J'ai déjà mené ma petite enquête avec l'autre groupe. Ils peuvent être reprogrammés. Je n'ai pas encore tenté, mais j'ai étudié en détail leur composition et leurs programmations. Ils ont un système central pouvant être piraté, avec un certain savoir-faire c'est vrai.

-  Mais nous n'avons-pas ce savoir-faire... Rappelle avec raison Thalira

- Moi si, et j'aurais besoin de vous, si vous voulez participer. Je peux vous montrer comment faire en piratant un premier robot ensemble. Vous pourrez ensuite le faire sur ceux de votre domicile. Sinon, je m'en occuperais seul, ou avec l'autre groupe.

- Non ! Je m'exclame, véritable cri du cœur, sortis tout seul. Je veux dire, j'aimerais beaucoup le faire avec vous et participer, je tente de me rattraper.

- Qu'est-ce que vous pensez de se tutoyer ? Ce serait déjà plus agréable. Et je dois bien dire que ton enthousiasme me surprend beaucoup, continue-t-il après l'acquiescement silencieux de chacun de nous, je ne suis pas certain que tu te rendes réellement compte de la situation, mais ça viendra bien assez tôt. En tout cas, ton désir de t'impliquer est le bienvenu.

On se regarde les uns les autres, mi-effrayé, mi-excité. Ça commence à devenir tellement réel !