2 Janvier 2 222

- Bonjour, je me présente, je m'appelle Zayre Diranor et je suis votre nouveau professeur de pathologie. Mon prédécesseur a eu un léger problème d'informatique annonce-t-il, un sourire au coin des lèvres. C'est ce qui arrive quand le monde déraille ! Enfin oublié ça, on va commencer.

Personne n'osa bouger le petit doigt pour sortir ses affaires, sûrement car il venait tout juste de critiquer le système, ce qui représente un délit puni par la loi par la peine de mort. Autant Maestro a sauvé le monde et fait tout pour l'améliorer, autant chaque résistance est punie. Il ne veut pas que son travail soit anéanti, ou source de raillerie, ce qui est normal et que je peux facilement comprendre. Après, la peine de mort est peut-être un peu exagérée, mais je ne connais rien à la politique donc je ne peux rien dire.

Il commença alors son cours normalement, comme si tout était parfaitement normal. Je jetai un rapide coup d'œil à Kaeya, qui faisait exactement la même tête que moi et que tout le monde, la tête de quelqu'un sous le choc. Ce prof allait soit avoir de très gros problèmes, soit être adoré de tous les élèves, soit les deux. Il faut bien avouer qu'un prof rebelle, c'est génial ! Au fur et à mesure que les minutes passent, tout le monde se met petit à petit à suivre le cours et prendre des notes. Son cours est juste parfait comparé aux autres. Certes il est plus vivant, logique, mais on sent qu'il connait son sujet et il parvient à le rendre nettement plus intéressant que tous les humanoïdes réunis n'ont jamais réussi à le faire.

Le cours touchant à sa fin, M. Diranor revient sur ce qu'il pense de notre système, même s'il ferait mieux d'éviter.

- Ecoutez, commence-t-il en s'asseyant sur son bureau, face à nous, je sais que vous avez toujours vécu ainsi et que c'est normal pour vous, mais je peux vous dire qu'il y a bien mieux qu'une vie comme ça. Je suis contre ce système et je n'ai pas peur de le dire. Je sais ce que je risque à vous en parler, mais il le faut, c'est important. Contrairement à ce qu'espérait Maestro, je suis capable de penser et réfléchir par moi-même, et ce malgré tous ses efforts pour mettre tout le monde sous son contrôle. J'aimerais que vous puissiez en faire autant, et je suis là pour cela. Je voudrais que vous puissiez être capable de vous rebeller, de voir les limites de cette société comme je les vois et de pouvoir changer ce qui ne va pas. Je sais que ne vous donnent pas les clefs pour réussir et vous épanouir parce que soyons honnêtes, vous ne pourrez jamais être heureux dans un monde sans libertés. Vous savez pourquoi aucun humain n'a jamais pu enseigner ici ?

Quelques signes de tête négatifs timides se montrèrent.

- Je vais vous le dire, je vais être honnête avec vous. C'est dû au fait que, pour Maestro, la psychologie représente un danger potentiel. Ses robots lui permettent de contrôler ce que vous apprenez comme aucun humain ne pourra jamais le faire, évitant ainsi toute possibilité de rébellion. Vous êtes influencés, poussés à penser et réfléchir d'une certaine manière, qui vous paraît normal, mais qui est loin de l'être parce que si vous pouviez réfléchir par vous-même, vous verriez que ce système est néfaste. Pourquoi la psychologie et pas autre chose vous allez me demander. Et bien tout simplement car vous étudiez le cerveau humain, son fonctionnement, et ceci vous apprend les causes des actes de chacun, comment et pourquoi il en arrive là où il est, à faire ce qu'il fait. Ainsi, vous pouvez voir le jeu du Maestro. Vous êtes donc sous surveillance constante, comme d'autres facs "à risques" selon ses termes tel que les facs du domaine politique évidemment, mais aussi celles de l'ingénierie par rapport à la programmation des robots. Alors oui j'ai que 27 ans et je n'ai pas beaucoup de souvenirs de la belle époque, celle où on pouvait se lever à l'heure qu'on voulait, dire ce qu'on pensait à voix haute, arriver en retard, sortir le soir et voir des amis sans craindre de réprimandes, ou pire, la mort, mais je sais que nous pouvons revenir à cette époque, à cette société de libertés. Bon aller, je vous libère, et surtout réfléchissez à ce que je viens de vous dire. Rien n'est impossible quand on se donne la peine d'y croire.

Je reste un moment, assise sans bouger après la sonnerie, sans voix, comme presque tout le monde. Je fixe ce nouveau prof qui sort de nulle part, me demandant si tout ceci n'était pas qu'une vaste plaisanterie, s'il va maintenant nous dire "c'était une caméra cachée, vous auriez dû voir vos têtes ! Bon aller je vous laisse retrouver votre ancien professeur, salut !" en rigolant. Cependant, rien ne vient, il range ses cahiers et s'apprête à sortir quand il se rend compte qu'aucun de nous n'a bougé.

- Vous pouvez partir, je ne savais pas que vous aviez besoin de mon autorisation, excusez-moi. Vous ne pouvez vraiment plus rien faire tout seul ! Ajoute-t-il, plus pour lui-même que pour nous.

Personne n'osait le quitter des yeux.

- Bon si vous ne me croyez pas, libre à vous, mais j'espère en avoir convaincu quelques-uns. Je vous demande simplement de réfléchir à ce que je vous ai dit, c'est tout. Ne craigniez pas de représailles si vous ne partagez pas mon point de vue, je veux que ma classe soit un endroit de liberté. Allez à la prochaine les jeunes ! Enchaîne-t-il en se dirigeant vers la porte.

Une fois devant, il s'arrête puis se retourne doucement.

- Ah et une dernière chose, vous ne devez parler de ceci à personne, vraiment je ne plaisante pas, et surtout pas chez vous.

- Pourquoi ? Demande quelqu'un

- Ça, je vous le dirais une autre fois, mais faites-le, c'est très important.

Après un dernier regard appuyé sur l'ensemble de son assistance, il se retourne vers la porte et s'en va pour de bon cette fois.

Quelques minutes de silence, perturbé seulement par le bruit des pas dans le couloir, s'installent une fois M. Diranor parti. Puis chacun commence à ranger ses affaires, au ralenti, comme si leur corps était passé en mode autonome et que leur esprit s'était évadé, submergé par quelque chose. Peu à peu, la salle de vide jusqu'à ne rester plus que Kaeya et moi.

- Bon tu te bouges ! S'exclame-t-elle, me sortant de ma réflexion.

Je me dépêche donc de ranger ce qui reste, encore étalé sur ma table. Elle a déjà tout rangé et est prête à partir. Je pense qu'elle m'attend depuis un petit moment.

Quelques minutes plus tard, je referme mon sac et nous descendons les marches en direction de la sortie.

- Dit, qu'est-ce que tu penses de ce M. Diranor ? Je questionne Kaeya, ne sachant pas ce que moi-même j'en pense.

- La vérité je ne sais pas trop. Je ne suis pas sûr qu'il dise la vérité, mais si c'est le cas, c'est grave.

- En même temps, pourquoi prendrait- il tous ces risques pour nous mentir ? Je demande, autant à elle qu'à moi-même

- Franchement je ne sais pas. Peut-être que c'est faux, mais qu'il ne nous ment pas pour autant. Je pense qu'il croit réellement tout ce qu'il nous a dit, reste à savoir si c'est vrai ou pas.

- Ouais tu dois avoir raison, comme toujours, la voix de la sagesse et de la raison.

Je suis un peu perdue, ce prof a bousculé tout ce en quoi je croyais, enfin ce en quoi je crois. Je ne comprends pas pourquoi il prend tous ces risques juste pour convaincre une classe d'étudiants. Même s'il est convaincu de ce qu'il dit, pourquoi nous le dire à nous, qu'est-ce qu'il attend de nous ? Malgré cela, j'ai quand même hâte d'être à son prochain cours, voir ce qu'il va nous dire. Je crois que je veux en savoir plus sur le système.

Il est 18h et il faut que je me dépêche si je ne veux pas louper le seul et unique bus qui mène chez moi, et me faire arrêter par la même occasion.

- Reviens sur Terre, il faut aller au bus, il va bientôt arriver !

Cette fille lit dans mes pensées.

Devant mon air perdu, elle devine le sujet de ma réflexion et me rassure :

- Ne t'en fais pas, il sera toujours là au prochain cours pour continuer ses affabulations, enfin j'espère pour lui, ajoute-t-elle en chuchotant, sûrement pour pas que je l'entende.

Moi aussi je l'espère, je veux en savoir davantage sur ses histoires, savoir ce qu'il attend de nous, pourquoi il a raconté tout ça. Et aussi parce que je ne pense pas qu'il mérite la peine de mort, il est jeune et intelligent, il peut encore faire plein de chose de sa vie avant que la mort ne vienne l'interrompre.