Chapitre 12
~ Madeleine ~
Ses mains me saisirent avant que je ne m'écroule. Verhoeven me redressa lentement, comme si j'étais en porcelaine. Le sang me battait aux tempes. Ma respiration devint plus courte. J'étais sous le choc. L'adrénaline retombait. Cette attaque m'avait non seulement ébranlée mais aussi indirectement blessée. Au travers de Jäger. Par la faute du capitaine Hoffman.
Verhoeven fit crisser les pieds de la chaise au pied du lit de Jäger et me força à m'y asseoir. Je m'arrimais à ses bras comme si j'allais sombrer à tout instant. Ce n'était pas fondamentalement impossible vu mon état. Je lui indiquais ma tête d'un signe confus de la main, le souffle court. La porte s'ouvrit au moment où je basculais en avant. Un uniforme blanc apparut. Verhoeven fut presque immédiatement en retrait, devant son colonel.
Une voix parla, lointaine et incohérente pour moi. Des mains me redressèrent, me donnant la nausée. Les yeux familiers de la mère infirmière percutèrent les miens. Leurs vois me parvinrent plus distinctement. Verhoeven semblait la disputer. Anne lui répondait sèchement mais je ne comprenais toujours pas leurs mots. Je lui agrippais les poignets avec désespoir en tournant la tête vers l'allemand blanc comme un linceul, allongé sur son lit de fortune. Elle ramena doucement mon visage vers le sien en commençant un examen minutieux de mon état. Sa voix revint brutalement, me faisant grimacer.
- J'ai percuté...
Je ne finis pas ma phrase. Jäger venait de revenir parmi nous. Il battit plusieurs fois des cils, perdu. Je me redressais aussitôt alors que Verhoeven se rapprochait avec un bref soulagement. Mais son colonel était encore dans un état alarmant et manqua de sombrer à nouveau aussitôt dans l'inconscience. Il ne dut son salut qu'à notre échange silencieux mais ô combien important, son regard rivé au mien.
Son visage était livide. Plus les secondes passaient et plus, il perdait en couleurs. Une fine couche de sueur perlait sur ses tempes, me rappelant l'urgence de la situation. La main d'Anne arriva au même instant sur l'arrière de mon crâne, me faisant chanceler. Je couinais en cherchant à retirer sa main mais un autre geste de sa part me fit retomber sur ma chaise, déboussolée.
- Tu as une vilaine bosse... Pas de sang ni de plaie ouverte, c'est déjà ça, asséna-t-elle brusquement. Je vais te chercher de quoi te soulager.
- Elle doit rester consciente de ses faits et gestes, lui rappela Verhoeven.
- Je sais, claqua sèchement l'infirmière en lui tournant le dos.
Je me redressais immédiatement en me rapprochant de l'allemand mais ce dernier avait replongé dans l'inconscience. Verhoeven m'aida pour les premiers soins, le mettant sur le ventre pour me permettre d'examiner son dos. Lorsque nous réussîmes à lui retirer l'intégralité de son uniforme, la veste comme la chemise étaient bousillées. Je m'en servis d'ailleurs pour éponger le sang qui n'arrêtait pas de suinter de certaines plaies. Lentement et avec précaution, je me mis au travail.
Malgré son état, le corps du militaire restait chaud. Un long frisson m'étreignit quand je frôlais la peau de son dos. Il était blessé mais ce n'était pas irréparable si les bons soins étaient prodigués. Lorsqu'Anne revint, j'étais trop perdue dans mon travail pour sentir la piqûre qu'elle me fit. Mon front se couvrit lentement de sueurs. Ma respiration devint chevrotante au fil des heures. Cependant, je poursuivis mes efforts. Lorsque je relevais les yeux pour la première fois après avoir presque fini de soigner le dos blessé, la soirée était déjà bien avancée. Verhoeven se redressa péniblement, les yeux ensommeillés.
- Je vais aller vous chercher de quoi manger.
- Je n'ai pas... C'est gentil,me repris-je en lui adressant un bref sourire. Je vous en remercie,capitaine mais je suis incapable d'avaler quoi que ce soit pour l'instant.
Ses lèvres se retroussèrent brièvement avant qu'il n'écrase un bâillement. Je lui fis signe de prendre ma couchette en revenant contempler le dos de mon patient. Le processus de cicatrisation pouvait prendre plusieurs jours mais à priori, ses jours n'étaient pas en danger. Je passais le reste de la soirée et une bonne partie de la nuit à m'en assurer, changeant les bandages que je lui avais posé par intermittence.
Lorsque la fatigue manqua de m'emporter, la porte claqua violemment contre le mur. Je sursautais sur ma chaise avant d'écarquiller les yeux. Je n'eus le temps que de me redresser et de baisser les yeux pour ne pas affronter ceux des nouveaux arrivants. Verhoeven grommela avant de redresser la tête. Mes yeux me brûlaient mais je fis en sorte de rester totalement immobile alors que le militaire avançait lentement dans la pièce. Mon cœur rata un battement quand il s'approcha du colonel, à deux pas de moi.
- Fraülen (Mademoiselle), claqua-t-il sèchement.
Je gardais la tête baissée sans savoir quoi faire. L'officier rompit le dernier pas qui l'empêchait de me toucher pour me saisir le menton avec fermeté. Je retins de justesse une grimace de douleur, ses doigts s'enfonçant désagréablement dans ma peau. Ma respiration s'accéléra, me laissant démunie face à lui. Son regard percuta durement le mien. Son visage était glacial. Ses yeux, meurtriers.
- Esist die Krankenschwester des Oberst, Obersturmbannführer (C'est l'infirmière du colonel, lieutenant-colonel), intervint soudain la voix éraillée de Verhoeven.
Mon souffle se bloqua lorsque j'entendis le grade. L'uniforme ne m'avait pas trompé. Pas plus que la croix gammée présentée fièrement sur son bras. La SS. Le lieutenant-colonel lui jetait un regard glacial avant de m'attraper fermement par la gorge. J'écarquillais les yeux, le faisant ricaner.
- J'espère, reprit-il en français avec un horrible accent, que le colonel survivra, très chère.
- Ses constantes sont...
- Je ne vous ai pas autorisé à parler ! Claqua-t-il froidement en resserrant ses doigts.
Je m'étranglais en posant la main sur son poignet, ne m'attirant que davantage sa colère. Il me força à reculer jusqu'au bout juste derrière la tête de lit de Jäger, le visage à quelques centimètres du mien. C'aurait pu être un bel homme... Des cheveux blonds ramenés en brosse, des yeux bleus océan, un visage viril, une peau impeccablement lisse... Mais son regard rappelait sa folie. Ici, c'était l'uniforme qui reprenait le dessus sur l'homme. Il n'avait rien avoir avec Jäger.
- Je devais rejoindre le colonel depuis deux jours. Voilà cependant que nous avons été pris pour cible dans votre maudit village. Lorsque j'ai rencontré le capitaine Hoffman, ce dernier m'a relaté les dernières événements. Vous avez l'honneur de vous occuper d'un officier supérieur, très chère... Un officier qui sert l'armée allemande et son Führer, appuya-t-il. Il est donc évident que vous n'aurez droit au repos que lorsque le colonel Jäger sera sorti totalement d'affaire. Suis-je assez clair ?
Je hochais la tête en sentant l'air commençait à me manquer cruellement. L'officier me lâcha brusquement pour se tourner vers les deux capitaines de la Wehrmacht maintenant debout derrière lui. Le mur dans mon dos fut la seule chose qui me maintint sur mes jambes. Je portais la main à mon cou, ma peau me brûlant par endroit.
- Wenn sie dich in Schwierigkeiten bringt, töte sie (Si elle vous cause des ennuis, tuez-la).
- Zu Ihren Diensten ! (à vos ordres !) Claqua Hoffman.
J'écarquillais les yeux en me tournant vers Verhoeven, le regard paniqué. Il me fit un signe sec de la main, m'indiquant de baisser la tête. J'obtempérais sans chercher à comprendre pourquoi, le coeur au bord des lèvres. Les allemands discutèrent encore quelques minutes sans que je ne parvienne à me concentrer sur leurs voix. Lorsque je ne fus qu'avec Verhoeven, ce dernier se tourna lentement vers moi et rompit la distance qui nous séparait. Il s'arrêta cependant à quelques pas, me laissant relever la tête sans qu'il ne m'y contraigne. Lorsque je le fis, l'indulgence et la honte partageait son regard.
- Ils auraient compris que vous parliez allemand, laissa-t-il doucement tomber.
Un sourire amer se dessina sur mes lèvres alors que je me laissais enfin glisser contre le mur. Verhoeven se baissa en même temps, restant à ma hauteur.
- Je ne vous en veux pas, Madeleine. Je ne dirais rien non plus si vous ne voulez pas le dire vous même au colonel Jäger. Entre nous cependant..., je pense qu'il s'en doute, me taquina-t-il.
Un nouveau sourire apparut, un peu plus sincère que le précédent. Ma gorge me rappela cependant bien vite à la réalité.
- Il survivra, articulais-je difficilement.
- Je n'en doute pas.
Je hochais la tête sans trop savoir quoi faire de plus.
- Capitaine...
- Ludwig, me reprit-il.
- Ludwig, repris-je avec gêne. Est-ce que je... L'officier de la SS, est-ce qu'il va me tuer ?
Je trébuchais sur les derniers mots, la peur revenant me tordre l'estomac. Il me tendit la main, le visage aussi impassible que possible.
- Je n'en sais rien, Madeleine. Je ne veux pas vous mentir et pour ça, je ne peux pas vous certifier qu'il ne vous fera rien. Mais le colonel Jäger le pourrait..., laissa-t-il tomber lentement.
- Je croyais que la SS..., commençais-je.
- Wilhem est très apprécié dans la hiérarchie, sourit l'allemand. La SS ne peut pas se mettre un partisan du Führer à dos.
Je frissonnais à ses mots. Wilhem Jäger, un partisan d'Hitler ?! Toutes les conversations que nous avions eu ne laissaient supposer que son attachement à sa patrie et non pas à un individualiste qui avait accédé au pouvoir. Ludwig laissa un petit rire lui échapper en se redressant, me tendant la main pour m'aider. Je l'acceptais et me retrouvais soudain contre le militaire, écarquillant les yeux. Il resta impassible jusqu'à être sûr d'avoir toute mon attention.
- Ne croyez pas tout ce que vous entendez sur l'Allemagne, Madeleine. Ni sur le parti socialiste...
- Vous êtes pour l'Allemagne, soufflais-je.
- Evidemment, claqua-t-il un peu trop abruptement. Je vais donc vous proposer un marché..., baissa-t-il la voix. Je veille sur vos infirmières et vous, sur mon colonel. Je serais moins présent à vos côtés mais je peux essayer d'assurer une certaine tranquillité à l'hôpital pendant votre absence.
- D'accord ! Soufflais-je.
- Cela vous expose à plus de temps sous la garde d'Hoffman, me rappela-t-il.
Je frissonnais mais hochais à nouveau la tête.
- Et potentiellement avec le lieutenant-colonel de la SS.
- Le colonel Jäger sera sur pied dans moins de deux jours, croassais-je. Ca devrait aller.... Vous devriez y aller, Ludwig.
Il hocha silencieusement la tête avant de me relâcher. Son regard ne quitta pourtant pas le mien. Il recula légèrement pour être à la hauteur de son supérieur et lui jeta un regard en biais, l'inquiétude revenant prendre possession de ses traits. Il hésita mais finit par hocher à nouveau la tête dans ma direction.
- Pass auf dich auf, Magdalena (Prenez soin de vous, Madeleine), murmura-t-il.
- Sie auch (vous aussi).
Un sourire glissa sur ses lèvres une courte seconde avant qu'il ne claque des talons. La porte s'ouvrit la seconde d'après, me laissant seule avec l'allemand qui signait ma perte comme ma survie.
~
Les heures défilèrent sans que personne autre que le garde à côté de la porte n'entre dans la pièce. Lorsqu'il fut relayé au bout de ce qui me sembla être une éternité, ce fut évidemment la tête de ce bélître d'Hoffman qui apparut. Je tombais de sommeil et avais de plus en plus de mal à soigner Wilhem sans trembler. Ma tête me lançait à nouveau et je repris des comprimés sous le regard d'acier de l'allemand. Mes mains tremblèrent à nouveau alors que je me rapprochais du colonel. La main glacée de l'allemand saisit brutalement la mienne, me forçant à me tourner vers lui. Je me forçais à m'exhorter au calme et le devançais pour ne pas entrer dans une discussion interminable avec ce gougnafier.
- Je dois changer ses pansements.
Il étrécit les yeux sans me lâcher, tournant vivement son regard vers son supérieur.
- Faites vite.
Il me relâcha brutalement, me faisant buter contre le lit. La seconde d'après, ma joue chauffa et mon cri de douleur résonna contre les murs. Je portais la main à mon visage en écarquillant les yeux, le regard tourné maintenant vers celui de Jäger. Ce dernier n'ouvrit pas les yeux, toujours inconscient. La voix de son sous-fifre résonna à nouveau.
- Apprenez à parler quand on vous y autorise, cracha-t-il. Dans le cas contraire, je me ferais un plaisir de vous éduquer.
Je retins une salve d'insultes en laissant retomber ma main. Je me mis au travail en fulminant, injuriant encore et encore l'allemand dans mon dos. Lorsque je m'assis aux côtés de Jäger pour contrôler ses constantes, l'allemand refit des siennes et m'arracha la chaise sans même me dire de me redresser. Je ne dus mon salut qu'au lit en face de moi mais tombais rudement à genou, m'écorchant sur mes plaies pas encore cicatrisées. Je retins un gémissement en serrant les dents, décidée à ne pas lui donner satisfaction.
Sa main agrippa mes cheveux, me tirant la tête en arrière. Je me retrouvais à sa merci, le regard furibond. Il ricana pour toute réponse avant de me renvoyer une gifle cinglante sur la joue qu'il n'avait pas encore touché. Mon corps heurta durement le lit, ma tête presque à côté de celle de Jäger. Je relevais la main lorsque l'officier leva une nouvelle fois la sienne, ne pouvant que me défendre. Pourtant, l'arme de Jäger était à portée de main... Le tabouret avec ses affaires et ses rechanges n'attendaient que lui. Ou moi. Je n'avais qu'à tendre le bout des doigts... Anne avait tenu à ce que nous sachions manipuler les armes à feu.
Le coup ne vint pas. Je ne baissais pourtant pas le bras, sachant que l'allemand attendait seulement que je baisse ma garde. Je ne fis que lorsque je le vis reculer pour savoir sur la chaise qu'il m'avait prise. Il s'installa en face de moi, contre le mur opposé à Jäger. Je ne me redressais pas, regardant l'allemand comme s'il allait revenir à l'assaut. Il n'en fit rien. Son regard resta rivé au mien, attendant le prochain pas de ma part qu'il considérerait comme faux.
Une longue attente commença. Je ne bougeais que pour contrôler les constantes du colonel, sans jamais laisser Hoffman hors de mon champ de vision. A deux reprises, je passais à deux pas de l'arme de Jäger. A deux reprises, j'hésitais. Au bout d'une éternité, un coup fut frappé à la porte. Hoffman ne se redressa pas. Un plateau repas fut posé par l'un de ses soldats, à mon attention. Trop près de l'officier allemand. Je ne bougeais pas, remerciant pourtant du bout des lèvres le soldat. Lorsqu'il disparut, un nouveau rictus apparut sur les lèvres de mon geôlier. Parce que c'était clairement ce qu'il était.
- Venez ici, cingla-t-il.
- Je n'ai pas faim.
Une vague de colère traversa ses iris. Il resta pourtant calme, le sourire toujours présent.
- Venez-ici.
Je me rapprochais du bureau sans pour autant lâcher les barreaux du montant du lit de Jäger.
- Vous avez peur, Magdalena ? Ricana-t-il.
- Quelle est la réponse que vous attendez ? Demandais-je sur le même ton.
- Vous pensez être en position de la ramener, petite garce ?
Son ton avait changé. Le sourire avait disparu. Mon sang-froid s'effrita. Je coulais un regard vers Jäger. Vers son arme, juste derrière. Vas-y, Maddy !
- Il ne peut rien pour vous, ricana encore l'allemand en se redressant.
Prends ton courage à deux mots, nom d'un chien !!
- Je vous ai dit de venir ici ! Claqua encore l'officier.
Ma respiration s'accéléra. Mon regard dériva encore. Plus que quelques pas et je serais à sa portée. Mon instinct de survie me criait de le faire. Ma raison m'incitait à ne pas bouger. Mes chances de réussite étaient dérisoires. Je serrais les dents en voyant l'allemand amorçait un nouveau pas. Mon corps se mit en mouvement. Trop tard. Sa main se referma brutalement autour de mon bras. Je m'accrochais alors à la seule chose à porter de main. Les draps sous mes draps se tendirent, bloqués sous le corps du colonel. Hoffman jura en tirant plus fort sur mon bras. Je raffermis ma prise, l'adrénaline me fouettant le sang. Le drap glissait, millimètre par millimètre.
- Vous allez le faire basculer ! M'écriais-je.
- Lâche ce drap, petite putain !
Il m'insulta encore, oscillant entre l'allemand et le français. Je restais accrochée aux draps alors que mes jointures blanchissaient, que la force commençait à me faire défaut. Jäger bascula légèrement sur le côté, grommelant dans sa demi-conscience. Hoffman me relâcha aussitôt en jurant pour mieux me rattraper. Ses mains s'abattirent encore, cette fois sur mes deux bras. Je ramenais ma main maintenant libérée sur les draps que je tenais encore. L'officier perdit patience et m'envoya une nouvelle gifle. Alors que je ployais déjà, il jugea nécessaire de me renvoyer un nouveau coup. Mon souffle se coupa lorsqu'il m'envoya son poing en plein estomac.
Je manquais de régurgiter mon dernier repas, le corps maintenant plié en deux. Mes mains lâchèrent pour m'éviter une rencontre trop brutale avec le sol. Hoffman n'en attendit pas plus. Il me releva sans délicatesse, les doigts emmêlés dans mes cheveux et me jeta contre le bureau. Je peinais à reprendre ma respiration en m'écroulant à nouveau. Le plateau valsa dans la pièce à ma suite, l'allemand au-dessus de moi.
- Maintenant, tu ramasses ! S'insurgea-t-il.
Je regardais la purée et les petits pois recouvrir le sol. Le bout de pain était dans l'angle de la pièce, derrière la porte. L'eau avait volé de part et d'autre de la pièce, mouillant mon uniforme. Les bouts de verre ne m'avaient heureusement pas touchés mais jonchaient aussi le sol. Hoffman crut bon d'en rajouter en prenant la carafe encore intacte sur le bureau. Alors que je pensais qu'elle allait rejoindre le reste de la vaisselle, il inclina le récipient et me versa l'intégralité de l'eau dessous.
Un cri m'échappa. L'eau s'infiltra sous mes vêtements, collant le tissu contre ma peau. Des mèches de cheveux vinrent barrer mon front et je dus faire appel à toute ma volonté pour ne pas hurler ma haine contre l'officier. Il ricana en reposant brusquement le récipient sur le bureau et me poussa du pied, dédaigneux.
- Voilà qui est mieux ! Avec un peu d'espoir, cela retirera l'odeur pestilentielle qui flotte dans la pièce !
Il hurla encore et je dus tant mieux que mal m'exécuter. La purée me colla au doigt. Le mélange avec l'eau fut une catastrophe. J'en fus bientôt maculée. Je m'essuyais sur mon uniforme et fus contrainte d'enlever mon tablier après avoir nettoyé un minimum la pièce. La tiédeur de la pièce n'arrangea rien à ma situation et bientôt, je fus prise de tremblements incontrôlables.
Le bout de pain m'échappa des doigts et je dus m'y reprendre à deux fois pour le reposer sur le plateau, maintenant sur le bureau. Hoffman se délectait de la situation. De ma situation. Je le maudis encore en regagnant ma position, me mettant contre le mur juste derrière Jäger. Je me laissais glisser contre le mur en ramenant mes genoux contre ma poitrine, morte de froid. J'allais attraper une pneumonie. Et cette alternative semblait être la meilleure. Je fermais les yeux en essayant de contrôler mes réactions, de me réchauffer sans que rien n'y fasse.
Ma robe me collait à la peau. Je n'avais pas passé mon uniforme d'hiver, trouvant que le mois d'octobre était encore doux et le regrettais. J'étais transie. Ma tête tomba contre mes genoux. Mes dents se mirent à claquer. Hoffman ne bougea pas, me laissant dans cet état. Je l'en maudis d'autant plus. Lorsque la fatigue revint, j'essayais de me redresser tant bien que mal. Contrôler l'état de Wilhem. Changer ses pansements. Ne pas s'endormir. Mes yeux se relevèrent juste avant pour apercevoir la crosse de l'arme. Mes doigts se tendirent lentement. Je posais mon autre main autour des barreaux de la tête de lit. Hoffman ne pouvait rien voir de sa position. Il fallait juste que je m'assure que l'arme soit chargée. Il fallait qu'elle le soit !
Je me redressais sur les genoux, à bout de souffle. Je perdais la notion du temps dans cette pièce. Cela pouvait bien faire quelques secondes ou quelques heures que j'étais dans la même position. Mes muscles s'étaient désagréablement engourdis et j'avais du mal à me remettre en mouvement. Je m'encourageais pourtant à forcer sur mes jambes, sur mes bras et sur tout autre muscle que je pouvais encore solliciter. Mes doigts se refermèrent sur la crosse. L'adrénaline me fouetta le sang. Je renvoyais toute ma haine à Hoffman du regard avant de glisser le doigt sur la détente.
Je finis de me redresser sur les genoux. J'avais maintenant une vue assez dégagée pour le toucher mortellement. Un calme étrange m'étreignit alors que je m'apprêtais à tuer un homme. Il me fixait toujours. Tu auras au moins le privilège de regarder ta mort en face, sombre merde. Et tout s'enchaîna. Je levais le bras. La porte s'ouvrit. Hoffman détourna les yeux sans plus se soucier de moi. L'uniforme de Jäger tomba au sol, dévoilant ma main et l'arme. Je détournais les yeux à mon tour pour croiser ceux d'Anne. Mon cerveau disjoncta. Ludwig apparut derrière elle et me lança un regard incandescent. L'arme m'échappa. Mes forces m'abandonnèrent.
Anne fut soudain devant moi, masquant la vue de mon bourreau. Je renvoyais un regard partagé d'indignation et de désespoir vers la mère infirmière alors que le tabouret tombait à son tour dans un joyeux fracas. Je reposais les doigts sur l'arme, le cœur tambourinant sourdement dans ma poitrine. Ludwig fut aussitôt à nos côtés et posa sa main sur la mienne, bloquant mon mouvement. Les larmes m'assaillirent. L'allemand récupéra l'arme en silence et la glissa dans la poche intérieure de sa veste.
- Qu'est-ce qu'elle fout là ?! Siffla soudain mon bourreau. Personne n'a droit d'entrer ici, Ludwig !
- L'infirmière Anne est sous ma garde, lâcha calmement l'officier qui me fixait toujours. Elle vient contrôler l'état de santé de l'infirmière Madeleine qui doit pouvoir s'occuper convenablement du colonel. Tu y vois un inconvénient, Franz ?
Le silence s'abattit dans la pièce. Je me rendis alors compte de ce que je m'apprêtais à faire. De ce qu'avait vu Ludwig. Ou plutôt, la capitaine Verhoeven. Parce qu'il n'y avait pas de doute que je risquais la peine de mort pour ma tentative d'assassinat. J'inspirais soudain brusquement mais Ludwig ne me laissa pas parler et m'attrapa par les aisselles pour me forcer à me redresser. Je couinais, tentant de reprendre mon souffle et de trouver les mots justes sans y parvenir.
Il me redonna ma chaise. Les examens commencèrent. Les mains d'Anne s'activèrent alors que le sommeil revenait s'abattre sur moi. J'étais déshydratée alors que je n'avais jamais été aussi trempée. J'avais chaud alors qu'il faisait un froid sibérien dans la pièce. Je rêvais de m'endormir tandis que mes nerfs me criaient de rester réveillée. Et tout cela, pour quoi ? Pour une foutue carafe d'eau. Pour un foutu manque de sommeil. Pour un misérable manque de nourriture. Pour une vigilance constante qui me mettait sur les nerfs. Pour des coups reçus gratuitement et encaissés difficilement. Pour une bosse à la tête après une attaque de Lancaster.
Des petites problèmes qui séparément n'étaient pas si graves. Pourtant ensemble, ils prirent une autre dimension. Le constat était sans appel. J'étais mal. Bien trop mal pour continuer à m'occuper de Wilhem. Ma respiration devint lourde et plus lente. Le monde devint flou. Une douce torpeur m'enveloppa. Mon rythme cardiaque s'affaiblit progressivement.
- Madeleine, regarde-moi ! Tonna la voix alarmé d'Anne.
Alarmée ? J'essayais de comprendre pourquoi. Je devais le savoir mais l'information disparut. Je voulais juste me reposer maintenant qu'elle était là. Maintenant qu'il y avait Ludwig. Je n'avais qu'à me laisser aller.
- Maddy !
Juste quelques minutes...
~ Et voilà pour le chapitre 12 !
Il s'est fait attendre mais la suite n'en est que meilleure ! A vos claviers et vos souris pour me dire ce que vous en avez pensé !
Puis surtout, à vous de me dire ce qu'il VA SE PASSER ! Maddy va-t-elle s'en sortir ? Qui va s'occuper de Jäger ? Comment va évoluer la situation ? Que se passera-t-il avec le SS ? Verhoeven va-t-il garder secret sa maîtrise de l'allemand ? La suite très rapidement !
Des bisouuus ! ~
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