Chapitre 11
~ Madeleine ~
La chaleur de ses lèvres me berça dans son baiser un quart de secondes. Avant que mon cerveau ne se remette en marche à toute allure. Je baissais la tête en reculant légèrement, lui échappant. Il ne bougea pas, son souffle aussi court que le mien. Des larmes me brûlèrent violemment les cils alors que je faisais brusquement volte-face.
- Madeleine...
Ses doigts me saisirent le poignet avec douceur alors que son torse se collait presque à mon dos. Je battis des cils pour ne pas m'effondrer, les idées embrouillées. Nous restâmes sans bouger un long moment, sans savoir quoi faire ou quoi dire. Il pouvait me contraindre à n'importe quoi. Mais il ne semblait pas le vouloir. Et j'aurais pu partir à tout moment, sa main ne me retenant pas réellement. Mais je ne le fis pas non plus. J'entrouvris les lèvres mais il me devança en glissant sa main libre sur mon bras.
- Tu devrais y aller.
Pourtant, il ne m'y incita pas plus que cela, ne bougea pas plus que les secondes précédentes. Je m'essuyais les joues en regardant la porte avec un nouvel intérêt. C'était plus facile de faire face à un bois poncé qu'à l'âme tourmenté du militaire.
- Paul était toute ma vie.
Ses doigts se crispèrent. Je me forçais à reprendre en essuyant la première larme silencieuse qui glissait sur ma pommette.
- La guerre fait de nombreux ravages, vous l'avez dit... Et je sais que vous avez raison. Je ne peux pas m'accrocher à son souvenir. Il ne reviendra jamais, j'en ai conscience.
- Je suis désolé.
Je hochais la tête en essuyant une nouvelle larme.
- Je ne vous en tiens pas pour responsable, haussais-je les épaules. En tout cas, pas vous, appuyais-je en laissant un rire sans joie m'échapper. Je ne suis pas sûre d'avoir la même faiblesse pour votre Chancelier. Ou encore pour certains de vos hommes..., confiais-je plus bas.
Le silence me répondit. Seules ses mains toujours présentes sur mes bras me confirmèrent qu'il était encore derrière moi. Alors je poursuivis, la gorge nouée par l'émotion.
- Je déteste ce qu'est devenue l'Allemagne... et je sais que pour cette simple confession, vous pourriez me tuer, osais-je. Je déteste cette guerre et je déteste les décisions que vous prenez en tant que militaire du IIIème Reich.
- Alors, pourquoi me le dire ? Murmura-t-il sans s'attendre à une réponse.
- Parce que je veux être honnête, soufflais-je en me retournant.
Ses yeux azur me foudroyèrent sur place, manquant de me faire baisser ma garde à nouveau. Cet homme allait me faire avoir un arrêt cardiaque en moins de temps qu'il n'en faudrait pour le dire. Ses mains retombèrent le long de son corps. Il ne chercha pas à me toucher à nouveau et je ne revins pas vers lui. Pourtant, mon cœur se mit à battre la chamade.
- Je ne vous déteste pas, bien au contraire... Vous m'attirez irrémédiablement et je ne sais pas comment appréhender ce que je ressens pour vous. Vous m'éloignez de ma seule famille restante et en même temps, vous me protégez de tout et n'importe quoi.
- C'est mon rôle, me rappela-t-il sur le ton de l'évidence.
- Envers vos hommes, souris-je par mécanisme. Pas envers une infirmière française sous vos ordres.
Il esquissa un début de sourire avant de redevenir sérieux, me laissant poursuivre. Je baissais le regard, perturbée par ce simple changement d'attitude.
- Il suffit que vous entriez dans une pièce pour que je ne sois plus concentrée... Mais la seconde d'après, je m'en veux de ce ressenti et j'essaie de vous être indifférente et froide.
Je repris mon souffle avant de le regarder à nouveau.
- Je me déteste de penser pouvoir aimer un allemand, de quelque manière que ce soit.
Le silence retomba et cette fois, je n'essuyais pas les larmes qui vinrent baigner mes joues. J'en étais incapable. Son regard me transperçait, assimilant des mots - et une vérité - que je ne pouvais changer. Lorsqu'un coup retentit dans mon dos, je sursautais violemment en faisant volte-face. Mais Jäger fut plus rapide et abattit sa main sur la porte qui venait de s'entrouvrir. Mon corps fut propulsé en avant, pris en étau entre le sien et le bois. Il glissa ses doigts sur ma bouche pour étouffer mes sanglots, son visage juste au-dessus du mien.
- Ja ? (Oui ?) Grinça-t-il.
- C'est Ludwig.
Jäger baissa la tête et sa joue frotta légèrement contre mon front. Je relevais les yeux vers lui mais il me fit signe de me taire. Son ami reprit alors.
- Je... repasse dans cinq minutes ?
- Ja.
L'allemand sembla hésiter avant qu'un petit rire ne nous parvienne de derrière la porte.
- Gute Nacht, Magdalena (Bonne nuit, Madeleine).
Mes joues virèrent au cramoisie alors que Jäger baissait les yeux vers moi. Il ricana pour toute réponse en retirant ses doigts encore sur mes lèvres. L'allemand partit en claquant des talons et son ami me libéra lentement, laissant sa main traîner plus longtemps que le permettaient les convenances. Mais bon, rien ne se fait vraiment dans le respect des convenances ou de la bienséance avec lui...., me souffla ma conscience.
- Je devrais..., commençais-je.
- Oui. Il va revenir.
Je hochais la tête sans me retourner, la main sur la poignée. Je tournais la tête vers lui mais n'eus pas le temps de reprendre. Ses lèvres retrouvèrent les miennes, étouffant mes protestations ou ne serait-ce que la moindre esquisse de rébellion. Je le lui rendis, m'accrochant à son bras avec force. Il s'éloigna soudain, son regard ombrageux torturé par un étincelle primale. Mon bas-ventre répondit en conséquence en se contractant brusquement, me coupant la respiration. Il me désigna la porte de la main en essayant de réguler sa respiration.
- Prenez le temps qu'il vous faudra.
On revient au vouvoiement, soulignais-je en hochant la tête.
- Et si je décide de ne pas revenir ? Soufflais-je avec une pointe de provocation.
Un sourire s'épanouit lentement sur ses lèvres alors que son regard continuait de soutenir le mien.
- Je viendrais vous chercher. Vous oublierez vos craintes, Madeleine.
- Je n'ai donc pas le choix ?
- Vous l'avez encore jusqu'à présent, il me semble.
Je souris à mon tour en hochant la tête et ouvris lentement la porte.
- Alors, bonne nuit. Wilhem.
Son regard se mit à briller étrangement alors qu'il inclinait lentement la tête.
- Bonne nuit... Maddy.
Mon cœur se remit à tambouriner avec force dans ma cage thoracique alors que je refermais la porte dans mon dos. Au bout du couloir avant la volée d'escaliers menant à mon étage, Verhoeven attendait, adossé au mur. Il me regarda passer avec un petit sourire amusé et je lui frappais le bras sans pouvoir me retenir.
- Sombre idiot !
- Je note, Madeleine ! Se moqua-t-il en se redressant. Filez dans vos quartiers, rit-il ouvertement.
La porte de Jäger s'ouvrit à la volée et il tourna aussitôt la tête vers nous. Je rougis violemment en faisant les gros yeux à l'allemand. Ce dernier continua de rire en s'avançant pourtant de son colonel.
- Diese Frau... (cette femme), s'amusa Verhoeven.
- Das ist genug (ça suffit) ! Grinça Jäger avant de refermer la porte sur eux deux.
Je partis à mon étage sans demander mon reste, le cœur prêt à lâcher. Sauf que lorsque je refermais ma porte, une silhouette m'attendait sur mon lit. Je souris avec inquiétude alors que Jeanne se redressait, un sourire amusé aux lèvres. Je ne pouvais pas en dire autant de l'expression d'Anne, assise sur le rebord de la fenêtre. Dieu tout puissant...
~ Octobre 1943 ~
Heureusement pour moi, les deux infirmières en chef n'avaient pas posé plus de questions que nécessaire et la convocation inventée par Jäger était passée auprès d'Anne. Beaucoup moins auprès de Jeanne qui m'avait questionné de longues minutes après le départ de la mère infirmière. Je m'étais finalement endormie une courte heure avant le réveil et étais extrêmement fatiguée. Lorsque j'arrivais dans le réfectoire, Jäger était déjà là. Il releva un regard impassible sur mon visage alors que Jeanne me bousculait pour entrer à ma suite.
- Bouge tes fesses, nom de Dieu ! On est en octobre, ma vieille !
Je lui lançais un regard agacé alors que le ricanement de Verhoeven me fit définitivement me retourner vers l'infirmière encore dans mon dos. Ce dernier referma la porte en silence et me fit un clin d'œil pour toute réponse avant de partir rejoindre son supérieur et ami. Je soupirais profondément en fusillant Jeanne du regard. Elle haussa les épaules pour toute défense, se frottant les mains l'une contre l'autre.
- En avant, mauvaise troupe ! S'écria-t-elle. On a du pain sur la planche !
Je la suivis en secouant la tête et passais le tablier qui m'attendait en cuisine. Le reste de la journée passa tout aussi vite alors que les tâches qui se succédaient. Sauf qu'à chaque fois que je croisais Jäger, nous jouions au chat et à la souris. Personne ne parlait et nous reprenions nos tâches ou nos routes en silence. Malheureusement, cette situation continua plusieurs jours et s'éternisa. Elle devint parfois électrique ou pesante.
Plus le temps passait et plus je refusais de me retrouver seule dans les couloirs. Jäger m'ignorait dès que nous n'étions pas tous les deux. Lorsque cela arrivait, son regard était éloquent. Il voulait une discussion. Et mon mutisme et mon éloignement ne lui plaisaient absolument pas. Notre dernière conversation dans sa chambre remontait à plus de deux semaines. Le mois d'octobre était déjà bien entamé et je n'arrivais toujours pas à passer outre ses décisions passées. Je n'arrivais pas à lui refaire face.
Il était parti deux fois au village depuis. Je ne doutais pas qu'il avait revu Louis. Mais pas moi. Mon presque frère commençait à me manquer terriblement. Lorsque Jäger partit pour la troisième fois, le même sentiment de froid m'envahit. Je détestais ne pas le savoir dans l'hôpital, notamment quand il partait avec Verhoeven. Or, je n'avais pas véritablement le choix. Il était implacable et ses ordres ne laissaient pas matière à discussion. Je regardais les infirmières qu'il avait désigné faire leur sac, l'angoisse me tordant le ventre. Anne me regarda avec gravité en cinglant le sien.
- Fais attention aux filles.
- Tu seras de retour dans quelques heures, me forçais-je à sourire. Jeanne est là, de toute façon.
- Je sais. Mais l'autre forban aussi !
Un véritable sourire m'échappa sous l'insulte alors que le colonel se rapprochait de la mère infirmière, le visage grave.
- Mère infirmière, je dois parler à Madeleine. Attendez-moi à l'entrée de l'hôpital.
Elle lui adressa un regard froid avant de revenir sur moi.
- Maddy ?
- Ce n'était pas une question, reprit Jäger sans me laisser le temps de répondre.
- Ça va, Anne, répondis-je pourtant.
Avant qu'elle ne puisse répondre, une alarme résonna au loin. Je me tendis en même temps que la mère infirmière alors qu'une voiture arrivait à toute allure vers l'hôpital.
- A l'intérieur ! Hurla Anne.
Le petit groupe se dispersa dans le chaos total alors que notre propre alarme éclatait à l'intérieur des murs. Jäger se mit à faire tomber les ordres à toute allure, à quelques pas de moi. Les soldats se mirent en branle comme un seul homme. J'attrapais le bras d'Elisabeth encore dans les rangs au moment où la voiture percutait violemment le mur, détruisant une partie du portail et du muret d'entrée de l'hôpital.
- Babeth, dedans ! Criais-je au-dessus de l'alarme.
- Et toi ?! Paniqua-t-elle. Me laisse pas, Maddy !
- Va retrouver Jeanne ! Essaie-je de la rassurer en la poussant vers le bâtiment. Je vous rejoins !
- Maddy ! Me contredit presque aussitôt Anne. J'ai besoin de toi, ici !
Elle se pencha dans la voiture au moment où les premiers avions passaient au-dessus de nos têtes.
- ANNE !
Je me précipitais vers elle et la tirais par le bras en désignant le ciel.
- On n'a plus le temps !
- Raison de plus ! Aide-moi à le sortir de là, bon sang !
De nouveaux bruits sourds se firent entendre. Trois nouveaux avions rasèrent les murs de l'hôpital. Des Lancaster. Encore. Je tournais vivement la tête vers la place à ciel ouvert que formait l'enceinte. Elle grouillait d'uniformes allemands. L'aviation britannique allait nous bombarder. Jäger intercepta mon regard et jura copieusement avant de se remettre à crier. Le village était certainement touché, à moins que ce ne soit des pilotes anglais qui se soient crashés. Dans les deux cas, ça n'annonçait rien de bon. Mon cœur se mit à battre à tout rompre. Des doigts m'attrapèrent violemment le bras pour me faire reculer vers les bâtiments. J'allais l'envoyer paître quand je reconnus Hoffman.
- A couvert ! Siffla-t-il. Tout de suite !
- Lâchez-moi ! M'énervais-je. Anne ! Anne !
La mère infirmière tira le conducteur hors du véhicule en jurant comme un charretier. La Royal Air Force arrivait en force et le premier obus tomba à l'opposé de l'entrée de l'hôpital, démolissant une partie du mur d'enceinte. J'échappais à Hoffman qui jura en allemand en attrapant deux autres infirmières à proximité. J'allais aider mon amie et supérieure et me retrouvais rapidement couverte du sang de l'un des jeunes assistants du boulanger. Ce dernier gémis dans nos bras alors que Verhoeven apparaissait soudain à nos côtés, le souffle court.
- On le déplace, dépêchez-vous !
- C'est impossible ! Cria Anne.
Il lui attrapa brusquement le bras, le regard ombrageux.
- Sauf votre respect, nous sommes en train de nous faire bombarder, Anne. On le transporte. Maintenant !
La mère infirmière frémit mais hocha la tête. Verhoeven n'en attendit pas plus pour le basculer sur son épaule, faisant gémir davantage le français. A vue d'œil, une commotion cérébrale et une fracture à l'épaule droite le mettaient à mal. Verhoeven nous précéda, courant aussi vite que le poids du jeune adulte le lui permettait vers les dortoirs.
- Au fond du couloir ! Criais-je par-dessus le vacarme. Troisième porte sur la gauche !
Verhoeven hocha la tête et alors qu'Anne le suivait, je refermais la porte dans mon dos et la barrais de l'extérieur. Mon amie se précipita presque aussitôt contre en hurlant.
- MADDY !! Maddy, ouvre cette porte, nom de Dieu ! Tu vas te faire bom...
Je me reculais en contenant mon émotion, l'adrénaline me fouettant le sang. Je n'entendis pas la fin de sa phrase mais elle ne fut pas compliquée à comprendre. Les Lancaster ronronnèrent à nouveau au-dessus de ma tête. Puis une explosion eut lieu, faisant s'écrouler une partie du deuxième étage. Un cri m'échappa alors que je me plaquais au mur en protégeant autant que je pouvais mon visage. Des pierres me frôlèrent tout de même le visage et le bras, me mettant en difficulté. Dès que les débris cessèrent de tomber, je me précipitais au centre de la place. J'écarquillais les yeux en voyant Jeanne me rejoindre en soutenant une Elisabeth blessée au visage.
- Prends-là ! M'ordonna-t-elle sans détour.
- Viens avec nous !
- Cours, Maddy ! S'énerva-t-elle.
Je jurais en attrapant le bras de l'infirmière en second, le regard noir. Elle voulut se dégager mais je tins bon, parfaitement immobile. Ce fut Jäger qui nous remit en mouvement en venant nous pousser brusquement vers le fond de l'hôpital. Sur la droite des murs effondrés, une porte nous attendait. Il attrapa Elisabeth dans ses bras et me fit signe d'avancer, les mâchoires contractés par l'effort.
- Rentrez immédiatement dans ce foutu abri, toutes les deux ! Jura-t-il.
Sa phrase à peine finie, la RAF nous bombarda à nouveau. Jeanne s'accrocha à ma taille pour me pousser aussi vite que possible en avant. Hoffman nous attendait devant l'entrée de l'abri, l'inquiétude voilant ses traits. Lorsqu'il aperçut Jäger dans nos dos, il sembla se détendre légèrement.
- Allez, allez, allez !! Cria-t-il alors vers nous.
Il referma la porte une fois que nous fûmes à ses côtés. Deux autres soldats et les deux infirmières qu'il avait attrapé au vol après moi y étaient déjà. Elles se précipitèrent vers nous, s'occupant d'Elisabeth pour Jeanne et moi. Cette dernière s'effondra, le souffle court. Je me précipitais vers elle, le front couvert de sueur. Un nouveau bruit nous parvint, ébranlant le bâtiment au-dessus de nous. Je chutais au sol sans pouvoir me retenir au mur.
La peur se peignit sur mon visage mais Jeanne me fit comprendre de me contrôler en m'attrapant le bras. Les trois infirmières derrière moi semblaient encore plus terrifiées. Elle m'aida à me rasseoir à ses côtés et jeta un regard réprobateur à mes genoux écorchés. Je me tournais alors vers les allemands pour vérifier que tout allait bien. Je n'eus le temps que d'apercevoir le visage blême de Jäger. La seconde d'après, il s'effondra contre les escaliers en perdant l'équilibre.
- Wilhem !
Mon cri se perdit dans le vacarme de sa chute. Hoffman se précipita vers lui mais son officier supérieur jura en allemand sans que je ne comprenne, l'empêchant de le toucher. Son regard croisa le mien une courte seconde. Il voulut lever la main pour se redresser mais il stoppa son mouvement en gémissant de douleurs. Son visage blêmit davantage, me forçant à le rejoindre. Hoffman m'attrapa brutalement le bras dès que je fus à sa portée, le regard assassin.
- Soigne-le ! Tout de suite !
Lorsque les autres infirmières voulurent s'approcher, il se remit à hurler dans mon dos en sortant son arme. Je me mis en mouvement en essayant de faire abstraction de mon anxiété. J'ouvris rapidement sa veste pour essayer de détecter la blessure, sous le regard fiévreux du colonel. Je glissais mes mains de part et d'autre de son torse sans rencontrer une quelconque plaie. Je passais dans son dos quand la voix d'Hoffman explosa.
- Personne d'autre ne le touche ou je vous tue ! Et tu as intérêt d'y parvenir, gronda-t-il plus bas pour moi en enfonçant son arme dans mes côtes. Sinon, t'es la prochaine !
- Franz..., jura Jäger.
- Mein Oberst ? (Mon Colonel ?)
Mais avant que son supérieur ne puisse parler, il perdit connaissance. Ma main rencontra alors le tissu poisseux au niveau de l'abdomen du militaire, dans son dos.
- Eh ! L'interpellais-je en attrapant son visage. Restez-avec moi ! Colonel !
- Soigne-le ! Hurla encore Hoffman.
- Je ne peux pas ! Paniquais-je. Il faut... le déplacer. Mettez-le par terre. Jeanne, donne-moi du linge propre !
Hoffman m'arrêta à nouveau en m'attrapant violemment le bras, ramenant mon visage à quelques millimètres du sien.
- Seulement toi ! Siffla-t-il. N'essaie pas de désobéir !
- Le linge, c'est pour poser son visage dessus... soufflais-je. Il est à même le sol.
L'officier jura alors que les militaires déplaçaient déjà leur supérieur. Hoffman ne me lâcha pas pour autant, le regard meurtrier.
- Fais ton boulot, petite garce... Ou tu passeras un très mauvais quart d'heure !
Il me relâcha brusquement, me faisant trébucher. Je tombais lourdement sur les fesses, aux côtés de Jäger. Ma respiration s'emballa alors qu'Hoffman continuait de me fixer. Je frémis en me tournant vers son supérieur et me mis au travail. Il avait visiblement reçu des débris après l'effondrement du bâtiment. Je ressentais encore les blessures que les pierres m'avaient faites. J'essayais tant bien que mal d'essuyer et de nettoyer les deux plaies les plus importantes alors que les bombardements continuaient. Un grognement attira mon attention alors que le militaire battait des cils.
- Colonel...
- Mein Oberst ! M'interrompit Hoffman en me repoussant brusquement.
Ma tête cogna brutalement le pied de l'escalier, me faisant gémir. Hoffman ne s'en soucia pas, me cachant le visage de Jäger. Un léger tournis m'indiqua que j'avais frappé assez fort pour me faire mal. Deux mains autoritaires vinrent retirer les miennes pour s'assurer que je n'avais pas de plaie ouverte.
- Jeanne...
- Le colonel a confiance en toi, Maddy..., murmura-t-elle très vite. Et ses hommes ne nous feront pas assez confiance pour le soigner. Je sais que ça va être compliqué mais tu dois être forte, d'accord ?
Avant que je ne puisse répondre, Hoffman m'attrapa le bras et me ramena auprès de Jäger, à nouveau inconscient. De longues minutes et deux vagues de Lancaster plus tard, Hoffman ordonna la sortie de l'abri. Pour tout le monde, sauf Jäger et moi. J'essayais tant bien que mal de contenir l'hémorragie avec le tissu que Jeanne m'avait laissé mais les éclats de pierre lui meurtrissaient la peau et le peu de matériel que nous avions laissé dans cette pièce ne pourrait bientôt plus m'être d'aucun secours.
Une dizaine de minutes plus tard encore, ce fut le visage familier de Verhoeven qui apparut, suivi de deux hommes. Son regard s'arrêta sur mes mains couvertes de sang, pétrifié. Je voulus parler mais la main d'Hoffman s'abattit sur ma nuque, me faisant baisser la tête dans un gémissement. Il m'éloigna sans ménagement de Jäger, meurtrissant mes genoux déjà malmenés. Ces derniers frottèrent désagréablement sur le sol mais il me relâcha presque aussitôt, me faisant relever la tête. Lorsque je me retournais, Verhoeven le tenait contre le mur, le bras sur sa gorge et le visage glacial.
- Si le colonel l'a demandé, tu devrais faire attention à comment tu la traites..., gronda-t-il en français entre ses dents.
- S'il meurt, je l'en tiendrais pour responsable, ricana-t-il.
- Si tu la tues avant, il y a de fortes chances pour que lui aussi ! S'énerva-t-il. Elle est la seule à pouvoir s'en occuper, alors ne la touche pas, Franz !
L'officier jura en se dégageant et me lança un regard méprisant. Je me relevais difficilement et Verhoeven vint m'aider sans montrer la moindre émotion.
- Anne ? Demandais-je dans un murmure.
- Elle va bien. Je m'occupe de votre peste d'amie, sourit-il sans joie. Mais promettez-moi de vous occuper de Wilhem.
- C'est promis. Mais j'ai besoin d'aide, je ne peux pas le soigner seule, capitaine, soufflais-je avec angoisse.
Il me regarda avec une sorte de crainte mêlé au désespoir alors que nous sortions à peine du sous-sol qui me servait de protection, quelques secondes auparavant. Il esquissa un début de sourire mais son air grave reprit le dessus.
- Il va bien falloir, Madeleine... Par ordre direct du colonel, vous êtes la seule infirmière qu'il ait désigné pour s'occuper de lui en cas de blessures graves. C'est un officier supérieur... Très peu de personnel extérieur à notre unité ne doit pouvoir l'approcher lorsqu'il est dans un état critique.
- Mais il était presque inconscient quand il l'a dit à Hoffman ! M'écriais-je avec colère. S'il vous plait !
- Madeleine, j'ai ses ordres depuis presque deux semaines..., souffla Verhoeven. Cela n'a rien à voir avec Hoffman. C'est une décision que chaque officier doit prendre en fonction des affinités et de la confiance accordée au personnel sur place.
- Quoi ? Mais... Et vous ? Balbutiais-je en lui désignant une vilaine coupure au front.
Il me sourit avec un air coquin qui me fit comprendre ses précédents propos. Il me força à reprendre la marche alors que les militaires avaient disparu avec Jäger.
- Anne ?!
- Touché, ricana-t-il. J'assure vos arrières autant que possible, me promit-il encore alors que nous arrivions dans la pièce où avait été amené le colonel. Mais assurez les siennes, c'est tout ce que je vous demande.
Il reposait maintenant sur un lit, le visage tout aussi blême que dans les sous-sol. Je reconnus avec un temps de retard l'une des chambres du rez-de-chaussée qu'occupaient les résidents passagers qui venaient à l'infirmerie. Les militaires s'affairaient autour de lui pour dégager le maximum de place. Lorsque je me tournais vers Verhoeven, je ne doutais pas que j'avais perdu des couleurs à mon tour.
- J'aurais besoin de votre aide, alors...
- Pour le soigner ? Se tendit-il, l'inquiétude revenant plisser son front.
- Pas vraiment, grimaçais-je.
Je m'accrochais à nouveau à lui en sentant mes genoux me brûlaient douloureusement.
- Vous allez devoir être mon infirmier, capitaine Verhoeven..., soufflais-je en plissant les yeux de douleur.
Ce qui était sûr est que j'allais tout faire pour que Jäger ne meurt pas. Mais je ne donnais pas cher de mon sort si Verhoeven n'intervenait immédiatement. Le choc que j'avais reçu au niveau du crâne avait dû être plus fort que je ne le pensais. Les points noirs qui voilaient mon regard et la nausée qui arrivait par vague me le confirmèrent désagréablement.
~ Et voilà pour le chapitre 11 !
A vos claviers et vos souris pour me dire ce que vous en avez pensé ! Que va-t-il se passer pour nos deux jeunes héros ? Qu'arrivera-t-il à Madeleine ? Verhoeven saura-t-il assurer ? Qui prendra le commandement intermédiaire ? Que va-t-il arriver à Jäger ?
Comment la relation entre Wilhem et Maddy évoluera ? Et pourra-t-elle vraiment avoir lieu ? A vous de me le dire ! Des bisouuuus ~
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro