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Prologue

"Liberté, égalité, fraternité ou la mort"

Les rues de Nantes grouillent, ça grouille de partout comme des fourmis, mais des fourmis rouges. Leurs bonnets phrygiens remplacent leurs cheveux gras et semblent ressortir au sein de la pénombre d'un début de matinée, ce rouge est sanglant et le rouge c'est la couleur de Nantes en ce 13 Frimaire An II*. Les rues étroites, biscornues ressemblent à des boyaux tortueux qui cinglent les maisons, les quelques places ne sont pas désertes, mais en proie à un brouhaha continu. Des "Citoyens ! Citoyennes !" jaillissent de partout, pourtant, un silence lourd est toujours présent en arrière-plan. Mais ce silence, ils ne l'entendent pas, assourdis par leurs cris et leurs convictions. Le ciel est gris, ou bien blanc, peut-être même noir, ceci dit personne n'y fait attention. Ils font attention aux autres, à tous, ne font confiance à personne, de peur d'être fusillé, poignardé sur place et le ciel leur importe peu. Qu'il pleuve ou qu'il fasse soleil, la menace est toujours la même : mourir.

La fraicheur de l'hiver a recouvert Nantes et la Révolution française, ce monde qui semble avoir été éteint, comme si quelqu'un avait soufflé sur la bougie de la vie. Les habitants paraissent brulants de haine, mais glacés de peur, eux qui grimpent les rues, un sac sur le dos, un bonnet rouge sur la tête en hurlant des chants révolutionnaires. Ils ont peur du silence, car le silence c'est la fin, c'est le bruit de la Louisette qui tranche un cou, c'est le bruit d'une tête qui roule et du sang qui glisse, c'est ce silence en arrière-plan, ce silence hivernal. Les premiers flocons de neige ne devraient pas tarder et recouvrir les cadavres autrefois chaud, cette couche d'un blanc immaculé ce sera le paradis rapidement tâché par le sang, la haine, les corps en putréfaction. Les fusillades ne cessent pas et ces scènes atroces sont marquées par les cadavres laissés derrière. L'air en devient même irrespirable, les mouches grouillent, les vers semblent faire respirer les défunts. Une fausse respiration. Ce premier jour de neige ils l'attendent tous et le redoutent tous. Ils comment à redouter autant la vie que la mort, alors que la Révolution grimpe dans les échelons de la Terreur, que les têtes tranchées s'entassent à Paris, que les pires horreurs se dessinent dans les prairies et au fin fond des esprits.

Le rouge c'est la couleur du sang, mais aussi de la rébellion et il est partout, présent dans les drapeaux tricolores qui ornent fontaines et balcons, sur leurs précieux bonnets, dans le sang qui dégouline des rues. Ce sang souvent frai, ruisselant entre les pavés, de plus en plus fluide à mesure qu'il rencontre l'eau des dernières pluies et des dernières larmes. Il est partout ce sang, sur les murs par de grosses tâches qui ressemblent à des explosions, sur les trottoirs dans des ruisseaux aussi fins que du fil, sur les vêtements comme s'il avait été déposé par la pluie. Nantes semble avoir été repeint en quelques jours, allant du vermeil au pourpre, une palette rouge incroyablement morbide.

Les fourmis rouges cavalent, une main sur le couvre-chef, leurs chaussures de cuir tapant les pavés avec rythme. Ils semblent tous pressés, allant d'un point A à un point B sans vraiment penser, guidés par leurs désirs et leurs peurs grandissantes. Sortant de toutes parts, femmes, enfants et hommes trottinent et semblent se réfugier chez eux comme si un danger imminent allait s'abattre. La ville de Nantes ne s'endort pourtant pas, en proie à la Terreur de la Révolution française, car même lorsque les fourmis rouges disparaissent, leurs ombres restent. Les petits commerces qui bordent les différents quartiers sont les seuls à être encore un peu chaleureux et bons vivants, vivants oui, car tout est mort de l'intérieur. Les cris des marchands ont pourtant disparu, les étalages ont été rentrés à l'intérieur, l'alcool envolé des consciences de chacun. Il ne reste plus que les murs de pierre, les toits abimés, les meubles bancals, et pour combler le silence il ne reste plus que les voix de l'Humanité.

Une routine cruciale s'est instaurée dans Nantes, chacun cherchant comment se combler l'esprit, pour ne jamais qu'il y ait une part de vide, une brèche où la peur pourrait s'immiscer. Des tisserands vont chercher leur fil, ce fil aussi fin et fragile que leur vie, qu'ils tentent d'assembler sans penser à la métaphore de ce qu'ils font. Les paysans vont à leurs champs et domaines tous les matins, travaillent, travaillent, sans penser à leur corps et leurs cultures, élevages qui se meurent à petit feu. Charpentiers, maçons, forgeront, fabriquent pour oublier, s'épuisent pour dormir le soir et ne pas penser à la réalité autour d'eux.

Dans les rues de Nantes, les maisons se font face par leurs façades vieillottes, leurs toits abimés, leurs fenêtres écorchées, leurs poutres émiettées, entre deux logements se dessine un minuscule chemin poussiéreux et nauséabond. C'est ce chemin qu'ils empruntent tous, qu'ils traversent et grimpent dans un espoir d'une vie meilleure. Ce sont ces petits commerces dont ils franchissent la porte avec courage, où l'odeur des quelques produits frais remplace celui du sang. Nantes se divise en huit arrondissements, tous plus touchés par la révolution les uns que les autres, de près ou de loin. La Loire tranche la ville de Nantes, constituée essentiellement de petits immeubles de deux ou trois étages, aux grandes fenêtres et leurs volets grinçants, les rues sont souvent pavées où les chevaux attelés y passent souvent, provoquant un remue-ménage de sabots et de hennissements.

Nantes a été peinte par les couleurs de la Révolution, autant par tout ce sang que par la couleur des affiches jaunâtres. Sur tous les murs de pierres ou de bois, ont été accrochés ou éparpillés, des prospectus au papier corné, aux caricatures grossières. L'un d'eux, résiste face au vent et tangue de droit à gauche, celui-ci est teinté de bleu, de blanc et de rouge, deux drapeaux tricolores qui encadrent un dicton "liberté, égalité, fraternité ou la mort". Autour de ces paroles belliqueuses, deux hommes tendent le bras et semblent la montrer, tous deux habillés des mêmes couleurs et armés d'une hache et d'un pique. Cette atmosphère inscrite sur du papier c'est celle qui traverse, embrume les rues de la France et plus précisément de Nantes.

Près du ponton La Thérèse, l'eau laisse entendre son gargouillis incessant tel un râle cadavérique, ce râle tous l'entendent qu'ils soient conscients ou inconscient ; c'est un son qui les hante et les hantera. Ce ponton de bois humide, imbibé, couvert de mousse sur les bords, est un ponton important, car il mène au-dessus du fleuve qui découpe Nantes et c'est un des seuls encore en état avec celui de La Samaritaine. La ville de Nantes est encadrée par les champs et les fermes indépendantes à cette époque-ci, mais en décembre les champs sont morts, les fermes deviennent dépendantes de la vie. L'hiver s'est trop installé et ronge peu à peu l'âme de chacun, jusqu'à l'avaler entièrement. Le manque de récoltes a provoqué une famine importante et qui n'est pas surmontable pour le moment. La terre est trop dure ou bien trop humide, les moyens agricoles sont pauvres, les animaux faiblissent et maigrissent, l'eau est glacée et souvent empoisonnée, Nantes se meurt à petit feu. C'est visible par les corps étalés dans les rues, trop visibles pour les enfants qui passent par là. Mais des hommes, affamés bien souvent, dont les vêtements ont la même teinte que leur peau crasseuse, reposent dans des coins de rue. Repliés sur eux-mêmes, le regard vide, le visage figé, la gueule livide, ils semblent aussi loin que proche, aussi vivants que morts, ils sont un oxymore à eux tout seuls.

L'un des cadavres est plié en deux, sur lui-même, comme s'il avait essayé de se réchauffer, mais en vain, car à présent sa peau est aussi froide que le marbre, un marbre qu'il n'aurait jamais vu ni touché. C'est un vieil homme, M. Auguste, qui tenait une ferme à quelques pas de ce sentier, mais il a perdu toutes ses vaches avant de mourir et s'est laissé affamer. Celui-ci tient même dans sa main un morceau de pain blanc, à peine entamé. Ce bout de mie n'est même plus une simple nourriture, mais un véritable trésor, un trésor aussi précieux que de l'or pur. Corbeaux et corneilles sont d'ailleurs aux aguets, ceux-ci reposés sur les poutres à deux doigts se s'effondrer, observent avec attention le cadavre, au cas où celui-ci serait encore vivant. Mais ce bout de pain, ils ne sont pas les seuls à l'avoir repéré. Les cheveux gris qui encadrent le crâne nu de M. Auguste semblent voleter par le vent, ses deux petits yeux plissés paraissent fatigués et leurs cernes n'ont même pas disparu. La bouche entrouverte, laissant découvrir des dents désorganisées et jaunâtres, il semble songer, au final, c'est ce que dirait l'enfant qui le fixe avec la même attention et intention que les oiseaux. Tous oublient que M. Auguste est un défunt, que si ses lèvres sont blanches ce n'est pas à cause de la farine du pain, que si ses côtes ressortent ce n'est pas parce qu'il est âgé. Soudain, le gamin au bonnet phrygien détale vers le corps, au même moment que les corbeaux se posent au sol. D'un geste vif, il écarte les volatiles et s'accroupit près de son trésor. Lentement, il ouvre la main glacée du défunt, de ses doigts potelés attrape la mie, referme sans aucun son la main du cadavre. L'enfant s'en va, courant vers chez lui, tenant d'une main son bonnet rouge orné d'une cocarde tricolore . Lentement, la porte grince derrière lui, et à peine qu'elle ait eu le temps de se refermer, le gamin a déjà englouti le morceau de pain.

*

- Il va accentuer l'épidémie l'gamin là pis la pénurie aussi, sale gosse.

- Tu as tué quelqu'un ce matin, tu accentues la guerre civile, Armand.

- C'pas pareil, pis ils foutent quoi là, ils trament des trucs à la prison l'entrepôt des cafés, j'le vois bien. Il s'trame des trucs, tout pleins d'trucs.

- Tu te souviens de nous, Armand ?

- De nous ? Ouais, b'sûr, pourquoi' ? C'va pas ? Eugène ?

- Si, ça va, je pense, je veux juste me souvenir des bons moments.

- Ça, j'sais faire ! Quand on était p'tit, on allait'au ponton La Samaritaine et La Thérèse, tu t'souviens ? Pis on se baignait, tout nus ! Avec la petite Roseline, j'sais pas c'quelle est d'venue et le petit Abélard aussi ! Pis le soir, on remontait les berges d'la Loire ou d'le Loire, ça s'accord comment c'machin ? Pis'on allait chez mon père, t'sais, on allait la ferme de la vieille Françoise et on allait traire les vaches et on caressait toutes'les chiens. T'apprenais à lire à c'tette époque là, je t'enviai tel'ment ! T'm'avait appris quelques mots et tu m'parlais de ta religion et ta' vision du monde, tssss, j'ai jamais rien compris, t'fais ce que tu veux avec ta tête, t'sais. D'ailleurs, t'entends ? Les nobles continuent d'être envoyés à la Louisette* ! Et les insermentés* sont traqués, suffit une personne qui dénonce et bim, sont'envoyés à la prison de l'entrepôt des cafés un peu plus haut, j'comprends pas pourquoi on est'aussi violents, ç'sert à rien.

- Ca sert à rien oui... souffle Eugène en baissant la tête. Ca sert à rien...

- T'pas un réfractaire toi citoyen, t'es pour la république hein, donc t'as rien à craindre ! T'sera pas enfermé à la prison des cafés*, avec les milliers d'autres, t'sera pas contaminé, y t'arriv'ra rien, t'fait pas de soucis.


*3 décembre 1793

* Guillotine

* Clergé réfractaire : hostiles à la nouvelle constitution civile du clergé

* Prison de l'entrepôt des cafés : Prison à Nantes sous la Révolution où se déclare une épidémie de typhus, ainsi que de nombreuses noyades et fusillades concernant ceux hostiles à la Révolution. 

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