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Chapitre 8

C’était comme si Seungmin avait été entendu, le lendemain, en faisant un peu de tri dans l’une des dépendanes, Félix avait trouvé un jeune chat noir caché entre des caisses en bois. L’animal était immédiatement venu à sa rencontre, ronronnant tout en se frottant autour de ses jambes. Il n’en fallut pas plus à Félix pour le convaincre de ramener le félin dans la maison, qui eut l’air d’aussitôt s’y plaire. 

Seungmin s’en était amusé, après tout ce qui avait perturbé son fiancé, voilà qu’en plus il trouvait un chat noir dans le jardin. Félix avait préféré en rire, ils emmenèrent ensemble leur nouvel animal de compagnie chez le vétérinaire et lui achetèrent de la nourriture ainsi que quelques jouets. Félix avait décidé de baptiser son nouvel ami Lino et, une fois de retour à la maison, il passa une bonne heure à en apprendre plus sur le comportement des chats sur internet.

***

Ce jour-là, Félix était occupé à désherber la petite allée qui menait à la porte d’entrée. Seungmin avait un rendez-vous en visio avec son agent et en avait pour un bon moment à devoir rester tranquille dans son bureau. Son fiancé en avait donc profité pour s’occuper de l’extérieur du manoir, ça lui faisait au moins prendre l’air. 

Il avait essayé de s’éloigner un peu des affaires de l’ancienne propriétaire depuis sa conversation avec Seungmin. D’ailleurs, il n'avait pas osé faire de remarques lorsque Lino s’était mis à grogner face à la porte de la cave. Il devait certainement y avoir des odeurs particulières dans la maison qui n’étaient pas perceptibles par les humains. En parlant de la cave, le couple n’avait pas encore eu de nouvelles de l’agent immobilier concernant la clé manquante. Ils avaient eu beau fouiller la maison de fond en comble, il ne l’avait pas trouvée, Seungmin avait donc contacté madame Woo qui lui avait promis de remédier à ce problème au plus vite. D’après elle, la clé avait dû être rangée dans le mauvais dossier et il allait lui falloir un peu de temps pour la retrouver. Ça n’était pas si urgent que cela, ils n’avaient pas besoin de l’espace de la cave pour le moment, mais il était normal que la clé manquante soit retrouvée et leur soit rendue. 

Ses mains gantées pleines de terre, Félix poussa un long soupir avant de se redresser. Il jeta un regard autour de lui, la rue était déserte. Il aurait bien aimé avoir un peu de compagnie. En arrivant à Yellow Wood, il s’était dit que sa vie deviendrait peut-être comme celle que l’on voyait dans les séries amricaines. Que les voisins et voisines se retrouvaient le temps d’un après-midi pour boire un café et papoter. Depuis la visite des Bang, Félix n'avait pas fait la connaissance de grand monde. Il lui arrivait de croiser quelques personnes en allant se promener ou en allant faire des courses. D’ailleurs il avait remarqué que les habitants étaient beaucoup plus sympathiques lorsqu’il était en compagnie de Seungmin que lorsqu’il était tout seul. Peut-être qu’il ne faisait pas bonne impression et que les gens n’avaient simplement pas envie de se rapprocher de lui…

— Tu devrais faire attention.

Félix manqua de tomber à la renverse, il se retint de justesse et fit volte-face, découvrant, à sa grande surprise, Yeji qui se tenait debout derrière lui, droite comme un piquet et son air grave habituel.

— Tu m'as fait une de ces peurs ! Qu’est-ce que tu fais là ?

Il épousta son pantalon et essaya de se lever, mais la jeune femme l’en dissuada.

— Continue ce que tu es en train de faire, et parle moi fort. On doit pas savoir que je suis venue te voir.

— Euh ok ? Tu veux qu’on aille derrière la maison ou dans un endroit plus tranquille ?

Yeji fronça les sourcils en regardant le manoir avant de secouer la tête.

— Non, je ne dois pas m’approcher.

Félix expira d’un coup.

— Bon, au lieu de jouer les Madame Mystère, ça te dirait pas de me dire ce que tu as comme problèmes avec moi ? Les menaces au magasin et tout ça, ça commence à suffire. Mon mec trouve que je suis ridicule de flipper pour ça.

Il marqua une pause avant de se souvenir de ce que la jeune femme lui avait dit un peu plus tôt.

— Me méfier de quoi au fait ?

Yeji fit un pas en avant et se mit accroupie afin de l’aider à retirer les mauvaises herbes.

— Toi tu n’as rien à craindre, c’est ton copain à qui tu dois faire attention.

— Tu me fais des menaces ou-

— L’agent immobilier, ne la fait pas entrer.

— Quoi ? Madame Woo ? Pourquoi tu me parles d’elle ?

Yeji planta ses yeux dans les siens et lui attrapa le poignet.

— Tu ne dois surtout pas la laisser entrer ici tu m’entends ? Sous aucun prétexte.

Félix déglutit, il fuit rapidement le regard de sa vis-à-vis et se remit à la tâche. Il devait se rappeler de ce que Seungmin lui avait dit : Yeji devait aimer faire des blagues et elle continuait car elle devait voir que ça fonctionnait sur lui. D’ailleurs il commençait à se demander si elle n’était pas tout simplement un peu folle, peut-être qu’elle avait des probblèmes psychologiques et que son comportement était indépendant de sa volonté. Félix avait déjà lu ça quelque part, face à des personnes qui perdent la tête, il vaut mieux ne pas les contredire et les laisser se rendre compte eux-mêmes qu’ils disent n’importe quoi.

— Hum, d’accord, et tu peux au moins me dire pourquoi ?

Yeji jeta un oeil autour d’eux et se pencha pour être certaine de ne pas être entendue par quelqu'un d'autre.

— Je ne suis pas folle Félix, si tu lui ouvres, c’est fini pour toi et ton copain.

Félix se racla la gorge.

— J’ai pas dit que tu étais folle.

— Mais tu le penses.

Cette fois il se tourna pour lui faire face, au diable la bienséance.

— Et je suis supposé penser quoi d’autre ? Tu m’interpelles dans un magasin alors qu'on se connaît même pas pour me dire que je dois fuir, t’es mystérieuse, t’es toujours toute seule et tu viens me trouver pour me parler de menaces bizarres qui pèsent sur mon mec. Alors oui, désolé mais je suis en droit de penser que tu as un grain.

La jeune femme n’en parut pas blessée du tout mais elle esquissa néanmoins un sourire triste.

— Et toi Félix, tu n’es pas toujours tout seul ? Tu n’as pas remarqué que les gens t’évitent ? Comme moi, parce qu’on est pareils tous les deux.

— Mais pareil en quoi bon sang !

Yeji leva la tête, un couple venait de sortir de chez eux un peu plus haut dans la rue. Elle sembla aussitôt perturbée. Les lèvres pincées, elle se dépêcha de dire à Félix ce qu’elle semblait avoir à lui dire.

— Tu sais pourquoi les chats grognent ou regardent dans le vide ?

— Comment tu sais qu'on a un chat ?

— C'est parce qu’ils sentent les esprits, lâcha-t-elle en ignorant totalement sa question.

Elle se leva d’un bond et frotta l’avant de son jean.

— Pense à ce que je t’ai dit, si tu tiens à ton mec, ne laisse pas cette femme entrer, sous aucun prétexte.

Félix l’imita et tenta de la retenir.

— Tu comptes m'expliquer tout ça un jour ? s’énerva-t-il.

— Un jour.

Voyant que le couple au loin s’approchait de plus en plus, Yeji s’en alla à grandes enjambées sans demander son reste.

Félix lâcha un long soupir, elle tombait bien celle-là… Maintenant qu’il avait réussi à mettre de côté toutes ces histoires un peu bizarres, voilà que l'étrange caissière refaisait surface pour lui bourrer le crâne d'idées saugrenues…

***

Comme se sentant coupable de repenser à cette conversation totalement folle, Félix n’en avait pas parlé à Seungmin. Étant en visio avec son agent, il semblait qu’il n'avait rien remarqué de ce qui s'était passé à l’extérieur.

Enlacés dans le canapé à regarder la télé, le chat sur les genoux, Félix ne put s’empêcher une remarque.

— Tu sais ce que j’ai lu sur les chats ?

Seungmin remua un peu pour lui embrasser la tempe.

— Non vas-y dis-moi.

— Y’a une croyance qui dit que quand les chats regardent ou grognent dans le vide c’est parce qu’ils peuvent voir les esprits.

Son fiancé gloussa.

— Ah oui ? Eh ben tu devrais le prendre tout le temps avec toi dans la maison et t’en servir comme radar.

Félix se mit à rire et se blottit un peu mieux dans les bras de Seungmin. Pourtant, cette idée lui avait bel et bien traversé l’esprit.

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