Chapitre 7
Seungmin ne s’était pas vraiment inquiété de l’étrange aventure de son fiancé à la supérette, pour lui, la caissière avait simplement cherché à lui faire peur puisqu’il était nouveau en ville. Il avait néanmoins promis à Félix de l’accompagner les prochaines fois si ça pouvait le rassurer. Celui-ci essayait de croire les paroles de Seungmin, de se dire qu’il ne s’agissait en effet que d’une mauvaise blague, pourtant il ne pouvait s’empêcher d’avoir un étrange pressentiment depuis cet échange bizarre.
En allant faire les courses en compagnie de Seungmin, Félix n’avait pas l’occasion de revoir Yeji. Soit elle était occupée avec d’autres clients, soit elle travaillait dans la réserve. Il était impossible pour le jeune homme de lui adresser la parole comme il l’aurait souhaité. Pourtant il avait bien remarqué la façon étrange avec laquelle elle continuait de le fixer chaque fois qu’ils se croisaient. Félix comprit vite que s'il voulait en savoir plus, il devait la revoir seul à seule.
Ce jour-là, Seungmin déposait les articles sur le comptoir tandis que Yeji les scanait en silence. Hormis eux et le responsable qui arrangeait la vitrine, il n’y avait personne. Yeji ne faisait que jeter des petits coups d'œil à Félix, ce qui commençait à particulièrement lui taper sur le système.
— Oh, fit-il soudain, on a oublié le thé au jasmin, je ne l’ai pas vu en rayon, vous pourriez me montrer où il se trouve ?
La caissière battit des cils et ses yeux passèrent des trois hommes présents l’un après l’autre.
— Tu veux que j’y aille ? proposa Seungmin.
— Non, non, on a besoin de l’aide d’un employé, je ne l’ai pas vu dans les rayons.
— Bien, répondit la jeune femme, suivez-moi, je vais vous montrer où ça se trouve.
Ravi que son petit stratagème ait fonctionné, Félix la suivit jusqu’à un rayon au fond du magasin.
— Voilà.
— Qu’est-ce que vous vouliez dire par “elles arrivent” l’autre fois ? lui chuchota Félix en l’empêchant de s’enfuir.
— Je ne peux pas vous parler ici.
— Alors donnons-nous rendez-vous quelque part ?
— Non je-
— Yeji ! Le client attend ! appela le responsable.
— Oui j’arrive, je cherche l’article !
Elle se tourna vivement vers Félix, ses yeux sombres plantés dans les siens.
— Vous et moi nous sommes pareils.
— Quoi mais-
— Voilà votre thé monsieur, le coupa-t-elle, je vous retrouve en caisse.
Il n’eut pas le temps d’ajouter quoi que ce soit, la caissière avait déjà filé. Il n’y avait pas d’autres possibilités, si Félix voulait en savoir plus, il devait trouver un moyen de la voir en privé.
***
Félix avait profité que Seungmin soit occupé une après-midi pour se rendre à la mairie de Yellow Wood. Il avait dans l’idée de consulter les archives de la ville afin de potentiellement y trouver des informations. Si son fiancé était persuadé que Yeji était simplement une blagueuse et qu’elle avait bien eu Félix en lui faisant peur, ce dernier n’était pas du même avis. Les paroles de la caissière, les courriers trouvés dans le bureau, les albums photos d’une autre époque et cette salle satanique, ça faisait vraiment trop de choses. Félix avait besoin de trouver quelques miettes d’informations au moins au sujet des anciens propriétaires de son manoir.
Il arriva sans trop de problèmes à accéder aux archives de la ville en prétextant vouloir en apprendre plus sur l’histoire de Yellow Wood et se retrouva seul dans une salle ressemblant à une vieille bibliothèque. Tout avait l’air vieux, et pas forcément mis à jour. À y regarder de plus près, rien n’était plus à jour depuis plusieurs années. Félix consulta les registres, les actes de naissance et de décès ainsi que ceux de mariages. Il remarqua plusieurs choses parmi toute cette paperasse : premièrement, il y avait très peu de nouveaux arrivants dans cette ville et deuxièmement, une fois installés, peu importe à quel âge, les habitants restaient à Yellow Wood jusqu’à leur mort. Il y avait des naissances, pas beaucoup mais il y en avait, beaucoup moins que des décès par contre.
Félix soupira en fermant le registre qu’il avait fini de parcourir et rangea ce qu’il avait emprunté à sa place. Finalement, peut-être valait-il mieux qu’il continue à trier les papiers de cette chère madame Yu, il y trouverait probablement plus d’informations. Il était également curieux d’en apprendre plus sur cette étrange dame solitaire.
De retour au manoir, Félix monta dans le bureau et farfouilla parmi les papiers qu’il pouvait trouver. Dans une armoire, derrière une pile de vieux documents, il trouva un carnet à moitié déchiré. Il s’en saisit et s’installa sur une chaise devant le secrétaire pour le parcourir. Cela ressemblait à un journal intime, des pages avaient été arrachées, d’autres étaient griffonnées et illisibles ou il ne restait que des phrases qui n’avaient aucun sens. Il n’y avait rien de très intéressant, seulement des anecdotes sans grandes importances. Cependant, une page en particulier attira son attention. L’écriture était étrange, comme couchée sur le papier à la va-vite par une personne pressée ou paniquée. Félix parcourut les lignes des yeux jusqu’à être parcouru d’un frisson. Il bondit de sa chaise et quitta la pièce avant de dévaler les escaliers en courant.
— Seungmin ! Faut que tu vois ça !
Il ouvrit la porte d’un coup sec ce qui fit sursauter son fiancé.
— Ça va pas de crier comme ça Lix ? Qu’est-ce qui t’arrive ?
— Regarde ce que je viens de trouver en haut ! Je crois que c’est comme un journal intime qui devait appartenir à la vieille.
Totalement déchainé, il lui balança le carnet sur les genoux et indiqua un passage en particulier.
— Là, regarde ce qu’elle raconte : “Ne vous inquiétez pas mes très chers, je vous trouverai des enveloppes et nous pourrons enfin être réunis, je vous le promets.”
Seungmin ferma les yeux quelques instants et vida tout l’air de ses poumons. Il referma le carnet et se tourna vers Félix pour le faire asseoir sur ses genoux.
— Tu as trouvé ça dans les affaires de madame Yu ? dit-il calmement.
— Oui, dans son bureau en haut, dans l'armoire, c’est fou non ? De qui elle parle tu crois ? Des esprits ?
Seungmin prit son visage en coupe.
— Lix, regarde-moi. Calme-toi. Il t’est pas venu à l’esprit qu’elle parlait peut-être d’enveloppes pour envoyer des lettres ? Tu as dit toi-même qu’elle ne finissait pas son courrier, tu as bien vu qu’elle avait l’air de perdre la tête. Pourquoi tu te mets dans un état pareil ?
— Minnie je- Enfin tu as vu comme moi ? La salle satanique, les lettres, peut-être que c’était une sorcière et qu’elle voulait communiquer avec les morts ou rendre la vie à des personnes de sa famille ?
Seungmin fronça les sourcils.
— C’est vraiment ce que tu crois ?
Félix sembla prendre conscience qu’à cet instant, c’était lui qui devait passer pour un fou.
— Je-je sais pas, enfin tu trouves pas qu’il y a vraiment des choses étranges ? Et puis je suis allé voir les archives de la ville, les gens naissent et meurent ici. Tu peux quand même admettre qu’il y a des trucs bizarres non ?
Seungmin déposa un bref baiser sur les lèvres de son vis-à-vis. Les mains dans les siennes, il lui caressait tendrement la peau du bout des doigts.
— Dis-moi Lix, est-ce que tu as envie de partir d’ici ?
— Qu-quoi mais… non ? Enfin non je cherche juste-
— On est arrivés y’a pas longtemps, tu m’as dit que c’était la maison de tes rêves, mais si tu ne te sens pas bien ici je comprendrais. Ça peut prendre du temps mais… tu veux qu’on déménage ? Qu’on retourne à Séoul ?
Comme mis devant ce que ses inquiétudes impliquaient pour sa vie de couple, Félix prit le temps de réfléchir. Seungmin avait fait de son bonheur une priorité, il savait que s’il lui disait qu’il voulait partir, Seungmin ferait aussitôt le nécessaire. Félix ne put s’empêcher de culpabiliser. Après tout ce que son fiancé avait fait pour lui, pour lui faire plaisir, pour qu’il soit heureux, comment pouvait-il lui demander de faire marche arrière juste pour un pressentiment farfelu. Il avait peut-être trop regardé de films d’horreur ou lu des témoignages paranormaux. Il était peut-être temps qu’il s’inquiète du bien-être de Seungmin et qu’il relativise.
Félix força un sourire et serra son fiancé dans ses bras.
— Non, non, tu as raison, je fais tout un foin de pas grand-chose. C’est juste une petite ville avec une caissière bizarre et un manoir pleins de vieilleries qui appartenaient à une mamie sénile. Excuse-moi d’avoir paniqué comme ça.
— C’est rien Lix, je comprends. Ça nous a fait beaucoup de changements d’un coup et tu as besoin d’un peu plus de temps pour te sentir chez toi.
— Je suis désolé de t’ennuyer avec toutes mes trouvailles ridicules.
Seungmin sourit et lui embrassa le cou.
— Mais non, tu sais que tu peux me parler de tout. Je t’aime et c’est important qu’on communique, hum ?
Cette fois, les lèvres de Félix s’étirèrent pour de vrai et il resserra son étreinte sur le corps de son partenaire.
— Tu as raison, admit-il après un temps. Et sinon, tu crois qu’on pourrait prendre un chien ou un chat pour que je me sente plus rassuré ?
— Hum, ok pour un chat.
— T’es le meilleur.
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