Chapitre 2
Depuis son arrivée au 143 Lonely Street de la petite ville de Yellow Wood quelques heures auparavant, Félix n’avait eu de cesse de faire le tour des principales pièces de la maison les unes après les autres. Il ne se lassait pas de toutes les choses qu’il y avait à découvrir dans son nouveau chez-lui. Il avait beau passer quatre fois dans la même salle, il y avait toujours des éléments qu’il n’avait pas vus avant. C’était une succession de surprises sans fin.
Après avoir passé près d’une demi-heure à hésiter sur quelle chambre devait accueillir leur lit, Félix avait finalement arrêté son choix sur la plus grande qui disposait de sa propre salle de bain. Étrangement, il n’y avait qu’un tour de lit, sans sommier ni matelas, le couple avait donc pu y poser les leurs sans aucun problème, tout en gardant le côté ancien de la bâtisse en réutilisant le tour de lit en bois foncé. La salle de bain était chic, elle avait besoin d’un coup de balai mais la céramique des lavabos, de la baignoire et de la grande douche était encore dans un état impeccable.
En faisant le tour, Félix et Seungmin avaient découvert que la plupart des pièces de l’étage n’avait pas l’air d’avoir servi depuis des siècles. Ça n'était pas si étonnant que ça compte tenu du fait que l’ancienne propriétaire vivait seule, elle n’avait pas dû avoir l’utilité d’autant de pièces pour une seule personne. En caressant les linges blancs qui protégaient les meubles inutilisés de la poussière, Félix s'était fait la réflexion qu’il n’avait pas dû être évident pour cette dame âgée de vivre dans ce manoir pendant toutes ces années. Lui qui pourtant n’était pas vraiment du genre à se soucier des sentiments d’inconnus, il devait avouer avoir eu un pincement au cœur en imaginant le quotidien solitaire de cette pauvre grand-mère. Enfin “pauvre” c’était une façon de parler. Pour être propriétaire d’une demeure comme celle-ci, il était certain que cette dame devait venir d’une famille aisée, ou peut-être avait-elle, comme Seungmin, hérité d’une somme conséquente qu’elle avait investi dans la maison de ses rêves.
Une fois les déménageurs partis, les jeunes amoureux n’avaient pas perdu de temps pour aller baptiser leur toute nouvelle chambre à coucher. L’euphorie de toute cette nouveauté, de cette nouvelle vie qui s’offrait à eux les avait tenu éveillés une bonne partie de la nuit.
Nu dans les bras de Seungmin, Félix ronronnait de plaisir, appréciant la chaleur émanant du corps de son amant et la douceur des draps neufs sur sa peau.
— Je me disais que tu pourrais installer ton atelier dans le petit bureau en bas, qu’est-ce que tu en penses ?
Seungmin tourna la tête pour regarder son fiancé dont le visage était partiellement éclairé par la lumière de la lune, qui entrait sans encombre dans la pièce puisqu’ils n’avaient pas pris la peine de fermer les vieux volets en bois.
— Tu ne veux pas le garder pour te faire une petite pièce à toi ?
Félix secoua la tête, un sourire aux lèvres.
— Non, tu as déjà été assez gentil de nous offrir la maison de mes rêves, tu peux bien profiter de la pièce la mieux éclairée. Tu en as besoin pour le boulot, je me contenterais d’une des autres chambres à l’étage, ça ira très bien.
— Merci mon amour. Si tu veux, plus tard on pourra même faire aménager les combles, tu as vu l’espace qu’il y a ? De quoi facilement refaire cinq ou six pièces !
— C’est clair… À ce stade on pourra ouvrir un hôtel ! Je sais déjà pas ce qu’on va faire de toutes les pièces restantes.
— On vient d’arriver, on aura bien le temps d’y penser au fur et à mesure.
—Hum, tu as raison, pour l’instant on a juste à profiter.
— Et à défaire les cartons, gloussa Seungmin.
Son fiancé se roula dramatiquement dans les draps.
— M’en parle pas, ça va nous prendre des jours ! Surtout si on doit en même temps faire le tri avec les affaires de l’ancienne proprio.
— Hum, mais avec un peu de chance on va trouver des choses intéressantes. Si les premiers propriétaires et elle ont laissé des souvenirs, tu imagines les morceaux d’histoires qui sont peut-être encore cachés un peu partout ?
Félix s’installa sur le ventre, surplombant ainsi le torse de son aîné.
— Tu vas peut-être trouver l’inspiration pour des dessins ? C’était pas toi qui parlais de te lancer dans une exposition ?
— Si, et mon agent me le demande aussi, il aimerait que j’ai plus à proposer que des illustrations de bouquins.
— Ça élargirait probablement le champ des opportunités pour toi.
Seungmin se contenta d’hocher la tête. Félix l’observa en silence quelques instants avant de se redresser pour chercher ses vêtements.
— Tu vas où ? demanda son fiancé en le voyant se lever.
— Je vais descendre boire un peu d’eau et peut-être manger un truc avant de remonter me coucher. Tu veux quelque chose ?
Son compagnon fit non de la tête.
— Nan, je vais essayer de dormir, on a du boulot qui nous attend demain et faut pas que je traîne à installer mon atelier si je veux pouvoir me remettre au boulot rapidement.
Félix se pencha pour l’embrasser, tout en dégageant les mèches brunes qui étaient restées collées au front de son vis-à-vis.
— Ça marche, bonne nuit alors.
— Bonne nuit, et ne te perds pas en chemin.
Félix palpa la poche de son pantalon.
— J’ai toujours le plan sur moi en cas de besoin.
Ils rirent de bon cœur et il quitta la pièce en fermant la porte derrière lui. Le ciel était dégagé dehors, la lumière de la lune éclairait la maison presque comme en plein jour. Félix s’approcha de l’une des grandes fenêtres du palier et jeta un œil sur le jardin qui s’étendait à perte de vue. Il frissonna et vida tout l’air de ses poumons, avec tout ce qu’il y avait à faire que ça soit à l’intérieur ou à l’extérieur, ça n’était pas plus mal qu’il ait quitté son travail dans la petite pâtisserie près de leur ancien appartement. Il allait pouvoir consacrer tout son temps à la rénovation et à l’entretien de la maison pendant que Seungmin pourrait continuer son travail d’illustrateur. Il gagnait bien sa vie, et avec l’héritage de cet oncle inconnu qu’il avait touché, le couple avait pu s’offrir ce manoir sans avoir à faire de crédit. Ils pouvaient se permettre ce nouveau mode de vie, pour leur plus grand plaisir.
D’un geste de la main, Félix essuya une trace de poussière sur l’appui de fenêtre, en plus de l’installation, il allait devoir récurer la maison de fond en comble. Il aurait peut-être même probablement à faire appel à une société de nettoyage tellement il y avait de travail.
Il fit volte-face et se dirigea vers le grand escalier. Le parquet qui couvrait la totalité de l’étage grinçait à chacun de ses pas et il aimait cela. Il aimait entendre le bois travailler, ça pouvait donner une impression un peu lugubre à certains en pleine nuit, mais ça n’était pas le cas de Félix. Ces nombreux bruits rendaient le manoir vivant, il avait vécu, il avait des choses à raconter. Chaque recoin de chaque pièce avait vécu quelque chose en tant d’années. Félix était curieux de découvrir tous les petits secrets que la bâtisse pouvait bien avoir à cacher. En vivant dans un lieu aussi chargé en histoire, le couple allait peut-être mettre du temps avant de se sentir totalement chez lui, mais ça n’était pas grave. Félix savait que le fait de rénover le manoir ensemble allait leur permettre de se familiariser plus vite.
Une fois dans le hall, Félix alluma enfin les lumières, l’endroit étant moins éclairé que le palier du haut. Il frissonna en sentant la fraîcheur aigue du carrelage sous la plante de ses pieds et se dépêcha d’enfiler ses chaussons, heureusement posés non loin de là. Il allait entrer directement dans la cuisine lorsqu’un détail attira son attention. Lors de son arrivée quelques heures plus tôt, il n’avait pas prêté attention à tous ce qui se trouvait déjà à l’intérieur. Son regard s’était porté sur les quelques cadres accrochés sur les murs de l’entrée. Des photographies, anciennes, elles représentaient probablement la famille de l’ancienne propriétaire. Félix y jeta un coup d’oeil rapide, il aurait plus de temps à leur accorder dans les jours suivants que cette nuit-là à deux heures du matin. Il eut tout de même le temps de remarquer que les photos avaient plutôt mal vieilli. Elles étaient ternes, avaient perdu leurs couleurs, elles avaient désormais l’air de photographies sépia datant des années vingt ou trente.
En se servant un verre d’eau dans la cuisine, Félix se fit la réflexion que c’était un peu étrange. Si les photos étaient là depuis plusieurs années, sous verre et à l’abri de la lumière directe du soleil, il était plutôt improbable que leur état se soit dégradé en si peu de temps.
Il ouvrit le frigo pour se faire une assiette avec ce qui s’y trouvait et prit bien soin de n’utiliser que leur propre vaisselle, n’étant pas certain de la propreté de celle se trouvant dans les vieux meubles. Il n’avait pas vraiment envie de faire la vaisselle en pleine nuit.
Il jeta un œil à son portable sur le plan de travail carrelé et consulta quelques messages avant de l’y reposer. Il s’installa à la petite table de la cuisine et avala le contenu de son assiette.
"Pas lui."
Un sursaut, Félix regarda autour de lui.
— Minnie ? Minnie c’est toi ?
Pas de réponse. Il fronça les sourcils, il était pourtant sûr d’avoir entendu quelque chose, il n’avait pas bien compris, des paroles ou un bruit, ça n’était pas très clair. Il se leva de sa chaise et posa son assiette désormais vide dans l’évier. Il soupira en prenant son téléphone en main. Une notification était apparue sur l’écran pour lui indiquer la mise en ligne d’une vidéo.
Félix secoua la tête, dépité.
— Faut vraiment que j’aille me coucher si je commence à confondre ta sonnerie avec des voix, souffla-t-il en quittant la pièce.
Il éteignit les lumières et monta rejoindre sa chambre. Il se déshabilla et enfila son pyjama avant de se glisser sous les couvertures, enlaçant Seungmin avec satisfaction. Celui-ci réagit dans son sommeil et passa le bras autour de ses épaules.
— Je t’aime, murmura Félix en lui embrassant le torse.
— Moi aussi, marmonna son fiancé en retour.
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