Judith était morte bien avant que son cœur ne s'arrête. Judith est morte une première fois à quinze ans, à cette soirée où Charles lui avait proposé une cigarette. Peut être n'aurait-elle pas du accepter. Mais elle était jeune, elle était insouciante, et puis, au fond, qu'est ce qu'elle risquait ?

Judith a recommencé à respirer un peu plus librement quand, à dix-huit ans, elle décida d'arrêter de fumer pour les beaux yeux de sa copine du moment. Judith était prête à déplacer des montagnes pour cette fille. D'ailleurs, c'est quand elle était avec elle qu'elle a eu le courage d'annoncer à ses proches son orientation sexuelle.

Elle replongea après sa rupture, se sentant trahie, seule, abandonnée. Les cigarettes apparurent vite comme les objets de la situations.
Lentement, sans même s'en rendre compte Judith en fuma de plus en plus souvent jusqu'à en devenir dépendante. Affreusement dépendante. Incapable de survivre une journée dans ce monde qu'elle jugeait tout à fait indigne d'elle.

Judith vécut ainsi cinq ans. Cinq annees durant lesquelles elle essayait tant bien que mal de garder la tête hors de l'eau, même si elle ne réalisait pas encore que c'était elle même qui tentait de se couler. Elle devint professeur d'histoire géographie comme elle l'avait toujours souhaité, elle enchaîna les histoires ratées, quasiment une par mois. Judith essayait de se persuader qu'elle était heureuse.

Heureuse, elle va l'être à vingt-huit ans, quand elle va rencontrer Diane, qui va, elle, réellement la changer.  Peu à peu, elle abandonna ses vieilles amies les cigarettes au fond de son placard pour se concentrer sur Diane, leur couple, leur futur. Mais le passé ne pardonne jamais et le médecin qui lui annonça qu'il fallait passer un test, voir plusieurs, au sujet de ses poumons, serait d'accord avec nous.

De ce rendez vous plus que catastrophique s'ensuivit une soirée bien sombre dans le logis du couple, et, malgré, l'espoir que conservent les deux femmes, Judith sait déjà être condamnée. Les tests ne font que confirmer l'évidence et une dure période arriva pour cette femme enfin heureuse. Elle refusa les traitements qu'on lui proposait, préférant profiter de la fin de sa vie plutôt que d'être horriblement affaiblie pour potentiellement rien.
C'est a trente-et-un ans que Judith laissa Diane seule dans une chambre d'hôpital, cette fois définitivement envolée.

Aujourd'hui, Judith est bien entourée, allée A, par ses grands parents, ses arrières grands parents, plus tard ses parents, et, elle espère, celle qui lui aura redonner goût à la vie.
C'est une jolie plaque de marbre toute blanche, décorée avec soin par sa famille...

Judith Grel 1988-2019

morte trois fois, enterrée une seule.