Cher inconnu,

Te guignant dans le métro lorsque je l'attendais. Tu azimutais le sol, bougeant frénétiquement le pied gauche au rythme de la musique que tu écoutais. Les écouteurs enfoncés dans tes oreilles légèrement rosées. Tu étais dans ton propre monde, loin de celui dans lequel nous vivons, loin de notre société oppressante, loin d'une vie compliquée où l'argent a une importance et loin de ce brouhaha dans ce long tunnel sans air frais.

Mon cœur battant à la chamade a manqué un battement quand tu as relevé le regard du sol. Tes orbites se sont braqués vers l'entrée du couloir, là où les lumières du métro éclairaient les rails. Au fond de moi-même, je sentais le rouge me monter au visage et ces milliards de papillons dans l'estomac, malgré le fait que tu ne m'observais même pas.

Tandis que les portes coulissantes se sont ouvertes, j'ai joint mes mains pour prier en demandant au bon Dieu et à ce destin, de te laisser une place dans ce métro bondé. Nous étions tous serrés comme des sardines et il faut dire que les différentes odeurs de transpirations venaient chatouillés mes narines. D'autant plus, qu'à mes côtés, il y avait une forte musique sortant des oreilles d'un jeune monsieur dont les yeux étaient clos et une petite fille s'accrochant à la rambarde, essuyait sa morve avec le bout de sa jupe tout en me narguant du regard. Beurk.

Je te cherchais vainement sans pour autant t'apercevoir. À vrai dire, je m'occupais l'esprit en attendant que mon cerveau puisse supprimer l'image dégoutante que je venais de voir de mes propres yeux. Prenant mon courage à deux mains, je pris l'initiative de me déplacer vers l'avant du wagon et enfin m'éloigner de ce rap casse-bonbons.

Les gens me dévisageaient pourtant, je m'excusais chaque fois que je les bousculais ou que je marchais, sans faire exprès, sur le bout de leur pied. Un léger tournant du métro a fait que je me suis cognée contre un corps masculin. Par pur hasard, c'était toi et je remercie le bon Dieu de m'avoir pour une fois écoutée. Tu me fixais de tes grands yeux noirs tandis que je bredouillais un 'pardon'. Avec ces pupilles-là, on aurait dit un animal – sans vouloir te vexer – chassant une bête trois fois plus grosse qu'elle-même.

Quand le métro s'est enfin immobilisé, j'ai jeté un coup d'œil au nom de l'arrêt et j'ai été déçue d'apprendre que je descendais au prochain. J'en ai profité pour rester près de toi, pendant ce petit quart d'heure et sentir ce parfum sucrée et doux.

En sortant, j'ai pris le temps de te zieuter encore un peu, avant que le métropolitain s'efface laissant derrière lui, un néant sans fin.

Salutations,

Une inconnue qui t'adore déjà.