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Une invitation renouvelable

Le silence dans le petit appartement de Jenn était écrasant. La brune restait mutique, assise sur le bord de son lit, le regard perdu dans le vague, et les yeux encore rougis d'avoir tant pleuré. Lutz hésitait. Elle avait ramenée son amie chez elle, mais vu l'état dans lequel elle se trouvait... elle n'était pas sûre de devoir la laisser seule. En fait, elle ne voulait pas la laisser seule. La violence que Jenn se faisait, le reproches sous lesquels elle s'enterrait... Lutz aurait voulu pouvoir tout balayer, afin qu'elle se remette à sourire, à lui sourire, comme il lui arrivait de sourire avant que Alice ne se réveille, et que tout semble devenir plus fou et moins certain. Mais Lutz, toute excellente enquêtrice qu'elle était, n'était pas vraiment une femme de mots. Elle ne savait comment rassurer Jenn. Elle ne savait comment lui dire que tout irait bien mieux qu'elle ne l'avait déjà fait. Elle ne pouvait faire disparaître la culpabilité qui rongeait son amie, à l'idée de ce qu'elle continuait à cacher à sa fille, de son incapacité à lui dire la terrible vérité en face. 

Lutz jeta un rapide regard dans la chambre d'Alice, contre la porte de laquelle elle s'appuyait jusque là. Elle remarqua qu'un grand nombre de photos avaient disparu depuis sa dernière visite. Elle ne s'étaient pas simplement volatilisée; elles étaient simplement parties décorer le mur et la table de nuit de la chambre d'hôpital d'Alice. Cela fit sourire Lutz. Le foyer de Jenn se trouvait, finalement, là où se trouvait son unique famille, plus que dans ce grand appartement qui semblait si vide... et qui poussait Lutz à refuser d'y laisser seule son amie.

-Eh, Jenn... déclara-t-elle en s'avançant finalement vers la brune, toujours mutique. 

Cette dernière sembla être tirée de ses pensées, et releva les yeux vers la rousse, qui se tenait droite, face à elle. 

-On en parlera, d'accord? Continua-t-elle d'un ton doux. Avec Jill, et Mélody. Demain, au Nirvana. C'est la réunion du samedi, après tout, non? Je suis sûre qu'elles auront une solution... après tout, Jill m'a bien dit qu'il fallait dire toute la vérité à Alice sur l'attentat, donc elle n'aura aucune difficulté à s'en charger, du moment que tu es d'accord...

-Pauvre Alice... murmura Jenn. Ma pauvre Alice, qui ne se rend même pas compte que tous ses amis... et même son petit ami... ah... 

-Jenn... jenn...

Mais les larmes avaient déjà repris. Presque malgré elle, Lutz vint s'asseoir sur le lit, tout proche de Jenn, et passa une main dans son dos, pour tenter de la consoler. La brune se retourna pour faire face à l'inspectrice, et sangloter sur son épaule, cherchant son contact, comme pour épancher un besoin d'affection... La rousse le lui rendit. Ses bras se refermèrent tendrement autour de ses épaules. Et une chaleur peu familière grandit au creux de la poitrine de Lutz, tandis qu'elle continuait de tenter de consoler son amie... amie? Vraiment?

Non. Lutz n'était plus une enfant depuis bien longtemps... et quand bien même elle avait tenté d'occulter, voir d'effacer ces sentiments, elle ne pouvait plus les ignorer, tant ils paraissaient tout aussi inévitables qu'inappropriés alors que la femme qu'elle aimait était lovée au creux de ses bras, et en proie à une telle détresse. La réalisation frappa durement l'inspectrice. Elle n'avait jamais été attirée par une femme, avant. Et, à vrai dire, à la suite de son divorce, elle n'avait jamais réellement imaginé retrouver l'amour à son âge... et encore moins se découvrir ce genre de préférence, la cinquantaine approchant. Cela avait de quoi ébranler n'importe qui, après tout. Depuis combien de temps? Comment ne pas l'avoir remarqué plus tôt? Et tout une myriade de souvenir cascadèrent devant ses yeux, qui, vu sous la lentille nouvelle de ces nouveaux sentiments, lui apparurent comme autant de signe qu'elle n'avait jamais su interpréter avant cet instant. Et cela lui fit se questionner sur à quel point elle se connaissait réellement elle même, au final. Si une part aussi fondamentale de son être, son orientation sexuelle, lui était restée en partie camouflée pendant si longtemps... qu'est ce qu'elle pouvait avoir raté d'autre, au juste? 

Lutz déglutit, légèrement effrayée par cette prise de conscience. Mais entre ses bras, sanglotait la preuve irréfutable que son cœur ne se trompait pas. Et, comme pour apporter une preuve de cette pensée, une de ses mains quitta le dos de Jenn pour se glisser dans ses cheveux, et l'attirer encore plus proche d'elle. Le geste lui sembla si naturel, qu'elle en fut de nouveau quelque peu effrayée. Et, en même temps, cela était simplement... juste. Comme si tout était parfait. Comme si le corps frêle et ballotté par les ans de Jenn venait parfaitement se blottir entre les bras de Lutz, comme si elles n'étaient, au final, que deux pièces d'un puzzle faites pour s'emboîter. Comme si toutes les épreuves qu'elles avaient endurées toutes les deux n'avaient été que le lourd prix à payer pour enfin se trouver ainsi... L'inspectrice se détendit. Et continua de chuchoter à l'oreille de Jenn, dont les sanglots commençaient à s'espacer, ses doigts enroulant de longues mèches noires dans ses cheveux. 

-Pardon... finit par croasser Jenn en s'éloignant légèrement. Abysse, je suis tellement... je crois que j'ai besoin de sommeil. 

-Oui, tu as l'air épuisée. Approuva Lutz, tout en replaçant une mèche de cheveux derrière l'oreille de Jenn.

Cette dernière fixa l'inspectrice, un peu abasourdie, et la concernée prit également conscience de l'intimité d'un tel geste, et tenta de se reprendre maladroitement.

-Enfin! Voila... je t'ai ramenée, j'espère que tu vas... bien dormir, te remettre de tes émotions... voilà. On se revoit... demain pour en discuter avec Jill et Mélody, et... voilà...

Elle s'était levée de manière un peu brusque en prononçant ces mots, et se dirigeait vers la porte de la chambre, évitant soigneusement le regard de Jenn. 

-Oui... merci de m'avoir conduite. Répondit Jenn, après un léger hoquet. Rentre bien, et bonne nuit, Isa.

-Oui... toi aussi. Rétorqua Lutz en se retournant vers elle, sur le pas de la porte. Enfin... je voulais dire dors bien, parce que tu es déjà rentrée... donc je n'ai pas besoin de te dire rentre bien.

Jenn hocha la tête silencieusement, un air dubitatif sur le visage. Lutz ouvrit la bouche. Elle se sentait stupide. Elle se sentait stupide de ne pas vouloir partir ainsi, de vouloir rester avec elle, toute la nuit, s'il le fallait. Même dormir dans la chambre d'à côté, ou par terre, dans la cuisine, lui allait, vraiment, tant elle semblait soudain déborder d'affection autant que d'habitude. Elle espérait qu'il n'y avait pas de drogue dans l'appartement... mais demander aurait été ne pas faire confiance à Jenn. Et elle voulait lui faire confiance. Et lui avouer ces sentiments qui bouillonnaient en elle, mais pourquoi était-ce... si difficile! Elle n'était plus une lycéenne, et pourtant elle avait la sensation d'être sur le point de confesser ses sentiments à son premier amour d'enfance. La vie et l'expérience ne lui avaient-ils donc rien appris sur la question? Ou peut être que la vie de femme mariée, pendant vingt ans, l'avaient convaincue qu'elle n'aurait plus jamais à faire face à ce genre de situation, et qu'elle se retrouvait terriblement mal préparée à y faire face. De toute manière, tout cela était terriblement inapproprié. Tout d'abord, Jenn était en train de vivre un drame familial... elle n'avait pas le temps de penser à ce genre de choses. Et puis, elles étaient amies, que penserait-elle au juste si l'inspectrice lui avouait soudain ses sentiments, de but en blanc? Elle serait probablement terriblement gênée... quand bien même Jenn semblait avoir une inclinaison pour les femmes. Ou peut être... juste pour les démones? De toute façon, elle était encore, de toute évidence, encore amoureuse de cette ingrate de Satan et - Lutz ne comprit qu'à cet instant l'origine profonde de l'irritation qu'elle avait envers cette démone qu'elle n'avait jamais connue. Une jalousie tenace de voir qu'elle avait encore le cœur de Jenn entre ses mains, malgré tout ce qu'elle lui avait fait...

-Isa?

La voix de Jenn tira l'inspectrice de ses pensées tortueuses. Elle fit mine de rien?

-Oui?

-Tu... vas bien?

-Parfaitement bien, oui.

-Alors... pourquoi reste tu immobiles à... me fixer?

-J... Je me demandais si tu allais réussir à dormir correctement, et... enfin... si jamais tu veux que je reste, ou... non, ce n'est pas ce que je veux dire. Je suis simplement un peu inquiète, et...

Jenn sembla s'amuser de la gêne de l'inspectrice. Un léger sourire vint décorer son joli visage. 

-Je vais parvenir à dormir seule, Isa. Plaisanta-t-elle. Je n'ai plus six ans. Mais ton inquiétude me touche.

-Oui! Oui, bien sûr, tu n'as plus... Je crois que je t'aime, Jenn. 

La phrase était sortie si vite. Elle lui avait presque échappée. Lutz elle même en fut si surprise, qu'elle se maudit intérieurement de ne pas avoir simplement écouté les bon conseils qu'elles s'était pourtant auto-proférée à peine quelques instants plus tôt. Jenn, elle, cligna quelques fois des yeux, encaissant la déclaration. Mais... ce qui était fait était fait, il n'y avait pas de machine arrière possible, et Lutz n'était pas le genre de femme à fuir devant ses erreurs.

-...I... Isa? 

La rousse poussa un long soupire en s'adossant au chambranle de la porte, sans quitter Jenn des yeux.

-Ça m'a... un peu échappé. Admit-elle. C'est vrai, cependant.

-Mais... tu n'étais pas... je veux dire, tu as un ex-mari, j'ai toujours pensé que tu étais...

-Oui, oui, moi aussi, je... je le pensais aussi. Mais de toute évidence, il me manquait une partie du... tableau. 

Une légère teinte rouge monta aux joues de Jenn. Lutz pensa que cela la rendait définitivement magnifique. 

-Je... je ne sais pas quoi dire, Isa, je... je suis un peu prise de court.

Lutz déglutit.

-Oui, tu as raison. Je... je m'excuse. Je suis chez toi, tu es fatiguée, et avec tout ce qu'il se passe ce n'est pas le moment. Mais... je voulais au moins que tu le sache. Voilà. Bonne nuit... 

Lutz fit demi tour prestement et s'éloigna dans le couloir. Son coeur était lourd... c'était un sentiment qu'il lui semblait ne pas avoir vécu depuis une éternité. Ses conquêtes de lycée était bien lointaine, après tout. Elle était presque parvenue à la porte d'entrée de l'appartement lorsque la voix de Jenn l'interpella, toute proche dans son dos.

-Attends, Isa...

Le cœur de la rousse s'emballa légèrement, et elle se retourna. Jenn semblait gênée. Mais elle ne fuyait pas son regard pour autant. Elle sembla hésiter un instant. 

-Tu... veux rester passer la nuit? 

-... je... peux? Demanda Lutz, préférant s'assurer qu'elle ne comprenait pas de travers. Vraiment?

-Tu peux même... rester autant de nuits que tu voudras. Eut Jenn comme réponse.

Un léger silence passa, durant lequel les deux mères de familles se fixèrent, se jaugèrent, s'admirèrent. Ce fut Jenn qui raccourcit la distance qui les séparait pour venir gratifier les lèvres de l'inspectrice d'un baiser. Ce fut au tour de cette dernière de rester abasourdie. 

-Alors? Demanda Jenn.

-Si ça ne te gêne pas, ma maison est plus grande... répondit simplement l'inspectrice en se penchant à son tour pour répondre à ce baiser. 

-Oh... une invitation? 

-Pour venir autant de nuit que tu voudras, oui. Murmura Lutz, en se noyant dans les senteurs du cou de Jenn. 

-Je ne me vois pas refuser... répondit simplement la brune, en ramenant l'inspectrice jusqu'à sa chambre. 


***


Le soleil était couché depuis de nombreuses heures déjà, et Charlotte fixait avec intensité les lueurs dansantes du feu de camp face à elle. Cassandre restait immobile à ses côtés, assez proche pour être rassurée, mais suffisamment éloignée pour laisser à la jeune femme son espace personnel, son intimité. La brune lui en était reconnaissante. Ce n'était pas qu'elle avait oublié le contact des lèvres de Cassandre, ce jour là. Au contraire, cette sensation restait brulante encore sur ses lèvres. Mais elle ne savait pas qu'en penser. Ni des sentiments que la jeune nonne - ou du moins, ex nonne, puisqu'elle s'était enfuie du monastère avec elle - avait pour elle. Ni de ce premier baiser. 

Car c'était bien de cela qu'il s'agissait. Toute sûre d'elle qu'elle était, du moins au vu des souvenirs qui lui étaient déjà revenus, Charlotte n'avait jamais embrassé qui que ce soit. Elle s'était toujours... préservée. Pour le grand jour. Pour elle. Cette femme qu'elle aimait à en mourir, et dont la disparition lui semblait encore trop absurde pour être réelle. C'était stupide, mais Charlotte en voulait presque à Cassandre de lui avoir voler ce premier baiser, celui qu'elle avait réservé pendant si longtemps pour Yuu. Mais Yuu... n'était plus là pour en profiter, et cette rancœur était donc bien futile...

D'un autre côté, Charlotte se posait la question des sentiments de Cassandre. Comment une nonne aussi obéissante et pieuse avait elle oser braver un tel tabou de son ordre? Sans même compter le fait que Charlotte se rappelait désormais très bien être une demi-démone, ce qui devait rendre la chose encore plus hérétique qu'elle ne devait l'être à la base. La jeune nonne blonde avait toujours vécu au monastère, de ce dont elle se souvenait. Mise de côté par toutes, sinon par la Mère Supérieure, elle n'avait jamais reçu beaucoup d'affection... peut être était-ce juste cela? Juste parce que Charlotte était la seule à n'avoir jamais témoigné d'autant d'intérêt et d'affection pour elle, Cassandre pensait être tombée amoureuse... mais la demi-démone ne souhaitait pas que son amie ne finisse par devenir aussi dépendante d'elle qu'elle ne l'avait été de la Mère Supérieure. Ce n'était pas sain. Et surtout...

-Je crois que nous devrions être tranquille pour la nuit. Déclara Sélène en venant se laisser tomber de l'autre côté du feu qu'elle avait elle même allumé.

Et surtout, il y avait cette enfant. Cette demi-démone. Celle qui avait effacé la mémoire de Charlotte... et avait avoué en avoir fait autant pour Cassandre. Si sa mémoire était en train de revenir, la brune tatouée ne doutait pas que cela soit également possible pour sa compagne blonde. Et peut être que, ses souvenirs retrouvés, Cassandre serait frappée par une réalisation semblable à la sienne... que quelqu'un l'attendait quelque part. Ou que, elle aussi, elle était hantée par un ancien amour. Avec un peu de chance, cet amour serait même encore en vie... et Charlotte refusait d'être un frein pour Cassandre, si jamais cette éventualité devait se révéler vraie. 

-Quoi? Demanda Sélène. Pourquoi tu me fixes comme ça? J'ai quelque chose sur le visage?

-Tu as surtout beaucoup de choses à nous expliquer, je crois. Rétorqua Charlotte, sans vraiment cacher son antipathie à l'égard de la petite fille. 

-Oui, sûrement, mais nous sommes pressés par le temps, et-

-Et comme tu refuses de prendre le train, et qu'aucune de nous n'a de permis, remonter jusqu'à Lyon va nous prendre quelques jours, donc autant commencer à parler maintenant. L'interrompit Charlotte. Je pense même que tu nous dois des explications, si tu tiens à ce qu'on continue à te suivre.

La brune tourna le regard vers Cassandre, pour chercher son assentiment. L'ex nonne eut une expression surprise. Elle n'avait pas l'habitude qu'on lui demande son avis... mais elle était du même avis que Charlotte. Eut-elle pu parler qu'elle n'aurait cessé un seul instant s'assaillir Sélène de questions, et elle était déjà surprise que son amie se soit retenue jusqu'au soir pour le faire, tandis qu'elles avaient pris la route du nord pour rejoindre Lyon. 

Sélène roula des yeux, avant de soupirer, un air particulièrement épuisé sur le visage. 

-Qu'est ce que vous voulez savoir, au juste? Céda-t-elle.

-Tout? Tenta Charlotte.

-Ecoute, gamine, j'en ai peut être par l'air, mais j'ai plus de trois cents ans, alors il va me falloir des indications un peu plus précises. Grommela-t-elle. 

-Ok... d'accord... alors, tu es qui au juste, et c'est quoi ton rôle dans toute cette histoire? 

-Là, tu es plus claire. Approuva Sélène. Ce qui ne m'aide quand même pas beaucoup. Hmm... on me nomme Sélène, et... j'ai été chargée par mon imbécile de mère de veiller sur vous. J'imagine que c'est le meilleur résumé que je puisse faire.

-Ton imbécile de... tu parles de Satan? S'exclama Charlotte, et Cassandre frissonna à la mention de ce nom. Impossible. Tu mens. 

-Tu ne peux pas me demander des explications pour ensuite prétendre que je mens quand je t'en fournis. Fit remarquer Sélène. 

-Satan n'a jamais eu la moindre intention de nous protéger. Elle ne l'a même jamais fait. Jenn et Alice ont toujours du se débrouiller seules. Et puis, on voit bien que vous avez fait du bon boulot, avec... ce... ce qu'il s'est passé sur...

-Sur le bateau, oui... finit Sélène en baissant le regard, alors que Charlotte refoulait avec rage ses sanglots. Ce qui est arrivé avec le Véloce... c'est la preuve de notre... non, de mon échec, en tant que Gardienne. Satan m'a donné une mission, et je n'ai pas été en mesure de la mener à bien. 

-Je vois ça, ouais! Rétorqua avec rage Charlotte, les yeux noyés de larme, tandis que Cassandre posait une main qui se voulait rassurante sur son épaule. Où étais tu, au juste, pendant que tout ça arrivait? Si tu es puissante au point de pouvoir effacer mes souvenirs, tu devais bien être capable d'empêcher ça!

-C'est vrai. Admit Sélène.

-Alors!- s'emporta Charlotte, mais la petite fille la coupa.

-Mais je n'étais pas en état de le faire. Ou plutôt... j'étais trop occupée à tenter de survivre. Et c'est pour cette raison que le Coven a choisi cette occasion pour frapper. 

Charlotte, le visage toujours déformé par les pleurs, ne répondit cette fois-ci rien à tout cela. Sélène continua.

-Le Coven est une organisation secrète dont l'origine se perd dans les âges. Son objectif n'a jamais été très clair, jusqu'à ce que sa politique interne ne tombe entre les mains d'une certaine Morgane. Une demi-démone sans grande histoire, mais vouant, à raison, je dois le dire, une haine tenace envers Satan, et cherchant à la détruire par tous les moyens. Le Coven a donc pris cette voie... et nous autres, les Gardiennes, avons été choisies par Satan pour protéger ce à quoi elle tenait des mains du Coven. 

-Comme sa fille, sans pour autant intervenir pour aider Jenn quand elle allait mal, hein? Enragea Charlotte.

-Ce n'était pas notre mission, non. Admit Sélène. Et, de toute manière, le Coven a toujours été bien plus intéressé par le moyen de s'en prendre à Satan plutôt qu'à s'en prendre à sa descendance. Cependant... quelque chose a dû changer dans les plans de Morgane. Elle est parvenue à se rallier certaines factions dissidentes du Coven qui n'avaient jamais adhéré à ses objectifs, et... a lancé une attaque sur nous, directement. J'ai failli y passer, je dois l'admettre. La surprise a été trop importante. Et pendant que je me remettais de mes blessures... le Coven s'en est pris directement à vous. 

-Pourquoi??? Pourquoi s'en prendre à nous, alors que tu as toi même dit qu'ils se fichent de la descendance de Satan? Et pourquoi maintenant, alors que Satan a disparu depuis des années, et que nous toutes la détestons cordialement? 

-Je n'ai pas de réponse à cela. Soupira Sélène. Si j'en avais, crois moi que je n'aurai pas été prise par surprise par leur attaque. Mais Morgane doit bien avoir une idée derrière la tête... et elle est peut être en lien avec Alice. Mais je ne saurai dire quels sont ses objectifs précis. Tout ce qui compte, c'est de rejoindre Lyon, de rassembler nos forces, et de faire front face au Coven. 

-Mais s'ils sont à ce point puissants, nous ne pourrons jamais rien contre eux. S'énerva Charlotte. Satan est stupide au point d'avoir cru que vous parviendriez à les retenir, et voilà où nous en sommes!

-Il faut dire que Satan a fait une grave erreur de calcul. Dans ses plans, une démone pur sang allait rester là, à veiller sur vous aux côtés des Gardiennes, et à s'assurer qu'il ne vous arrivais rien. Mais cette démone s'est... volatilisée, elle aussi.

-Tu... tu parles de ma mère. Déclara Charlotte d'une voix blanche. 

-Oui. Mais il est un peu tard pour s'apitoyer sur ce qui aurait pu être. Avec les Gardiennes, Alice, et toi, nous avons moyen de nous défendre. Probablement pas de porter un coup fatal au Coven, mais... si nous pouvons ne serait-ce que leur mettre des bâtons dans les roues... ce sera déjà une belle réussite.

Un silence tomba sur le petit campement, uniquement dérangé par le craquement du feu qui perdait peu à peu en puissance. Cassandre semblait perdue. Charlotte, bouleversée. Et Sélène, fatiguée. Ce fut la seconde qui reprit cependant la parole.

-J'imagine que nous aurons plus le temps de rentrer dans les détails, mais... à quoi doit-on s'attendre, au juste?

-Très bon point. Approuva Sélène. Le Coven a de nombreux sous fifres, mais sa direction est menée par celles que l'on nomme les Cinq Rameaux, représentant les cinq branches du pentagramme: le Plomb, le Mercure, le Sang, l'Or, et l'Ether. Morgane est le rameau de l'Ether, et celle qui dirige de facto les nombreux sous fifres du Coven, la plupart étant demi-démons de générations variées. Elle n'est pas particulièrement puissante, mais très intelligente, et elle a hérité d'un charisme très proche de celui de Satan elle même, ce qui la rend... très dangereuse. Il y a ensuite Wendigo, le rameau du Sang. Elle n'a jamais vraiment suivi Morgane jusqu'ici, mais elle est impliquée désormais. Wendigo n'est pas une demi-démone, mais une lamia. Ces créatures prennent la forme de ce dont ils se nourrissent, et, Wendigo ayant une apparence humaine, je vous laisse deviner de quoi est constitué son régime alimentaire. Elle n'est pas puissante en soit, mais très dangereuse, de par ses poisons et ses toiles. Enfin, il reste Sticks, du Rameau du Plomb. Une demi-démone très ancienne et terrifiante. Plonger son regard dans ses yeux fait ressortir les plus grandes terreurs de quiconque s'y tente, et il est donc très dur de la combattre. Elle est toujours accompagnée de Rain, une ancienne humaine ayant été maudite par Satan. Où qu'elle aille, une pluie battante l'accompagne, pluie qui est enchantée. Elle peut suivre tous les déplacements de ce qui se trouve dessous, ce qui compense sa cécité - Satan lui aurait arraché les yeux. Si l'on se retrouve à faire face à elles, ce qui arrivera nécessairement, s'abriter de la pluie rend Rain techniquement aveugle. Ne pas regarder Sticks dans les yeux est une nécessité absolue. Et pour Morgane et Wendigo, tant qu'Alice, toi, et nous autres Gardiennes sont en état, elles ne poseront pas de problèmes. Le risque pourrait être si Morgane fait appel à son armée de sous fifres. La plupart sont certes peu puissants, et nous en avons exterminé un certain nombre lorsque le Coven s'en est pris à nous... mais leur quantité peut rester un problème. Je pense que c'est tout ce que vous devriez avoir besoin de savoir au sujet du Coven.

-Il reste deux rameaux que tu n'as pas cités. Fit remarquer Charlotte.

-Oui... le rameau du Mercure n'était occupé par personne, aux dernières nouvelles. Celle qui en avait la responsabilité a quitté le Coven lorsque Morgane a pris en importance au sein de sa politique interne. Quant au rameau de l'Or... jusqu'à nouvel ordre, elle ne s'est pas impliquée dans la croisade de Morgane, et cela ne devrait pas changer. Il est donc inutile de la mentionner. 

-J'ai plutôt l'impression que tu continue à nous cacher des choses. Grogna Charlotte.

-Je n'en ai pas l'intention. Je préfère simplement ne pas vous assommer de trop de choses à la fois, il est important que vous reteniez précisément les détails sans confondre. Et puis... il est aussi important que nous restions reposées. Notre chemin jusqu'à Lyon pourrait être long, et je ne garantis pas que certaines des informations que vous désirez temps ne vous ôte le sommeil.

-J'ai le sommeil solide, ne t'en fais pas.

-Toi, peut être. Qu'en est-il de ta compagne?

Cassandre avait le regard perdu dans les flammes face à elle. Et Charlotte prit conscience qu'elle avait en effet déjà beaucoup de choses à absorber. 

-Il n'est pas facile pour beaucoup d'esprits humains de se faire à l'idée que les demi démons et autres créatures surnaturelles existent vraiment. C'est dans la nature des choses. Conclut Sélène. Laisse lui un peu de temps.

-Ça t'arranges bien, j'ai l'impression. Grogna Charlotte.

-Je ne prétendrai pas le contraire. Rétorqua Sélène.

D'un geste de la main, elle éteint le feu, comme si deux géants doigts invisibles étaient venus écraser le bout d'une allumette. La petite fille déclara alors.

-Bonne nuit. Et ne tardez pas à aller dormir. Notre voyage sera long. Et n'oubliez pas, s'il se met à pleuvoir soudain... réveillez moi, et mettez vous à couvert. 

Sélène s'éloigna dans l'obscurité, laissant une Charlotte sur des charbons ardents, et une Cassandre en proie à une terrible crise existentielle. Savoir qu'elle était tombée amoureuse d'une démone était une chose déjà difficile à accepter, mais... démons? Demi démons? Créatures anthropophage? Satan? La tête lui tournait. Son monde était retourné. Sans dessus dessous... comment dormir avec tout cela? Et... avait-elle sût tout cela, avant de perdre la mémoire? Elle ne le savait pas... ses souvenirs restaient toujours autant scellés. Inaccessibles. Il lui semblait impossible d'avoir pu oublier des choses pareilles, après tout. Et... Sélène avait sous entendu qu'il y avait pire. D'autres secrets qu'elle gardait bien cachés dans sa petite tête d'enfant, et qui ôteraient le sommeil à Cassandre. Plus que ce qu'elle venait déjà d'apprendre? L'ex nonne n'arrivait pas à y croire. Il ne pouvait y avoir pire. Elle refusait d'y croire.

-Eh, Cassandre... 

La voix rauque de Charlotte tira la blonde de son début de panique. Auparavant, elle se serait tournée vers Dieu, mais ne lui avait-elle pas tourné le dos en fuyant le monastère? Il ne lui restait plus que Charlotte, désormais, qu'elle le veuille ou non... Cassandre se laissa aller contre le corps de la femme qu'elle aimait, espérant que sa chaleur serait une ancre lui permettant de ne pas se laisser entrainer dans le flot de tout ce qu'il se passait. La jeune femme était terrifiée... pour la première fois de sa vie, probablement. Le monde hors des murs du monastère, auparavant empli de tellement de promesses, ressemblait désormais à un enfer, un champ de bataille rempli de créatures mortelles. Comment pourrait-elle y survivre, elle? Elle qui n'était pas une demi démone ou une autre créature surnaturelle? Elle qui ne pouvait même pas parler comme le reste des humains? 

-Du calme... lui murmura Charlotte, dont la main légèrement tremblante laissait pourtant sous entendre qu'elle n'était pas aussi sereine qu'elle le laissait paraître. Tout ira bien. Je suis avec toi, et je te protège, d'accord? Jusqu'à ce que tu retrouves tes souvenirs. C'est ce qui compte en priorité, peu importe ce que dit Sélène. Je ne sais même pas à quel point on peut lui faire confiance. Et si tu as le moindre doute, ou la moindre question... je suis là. D'accord?

Cassandre hocha la tête avec lenteur, sans pour autant quitter le douce embrassade des bras de Charlotte. Des questions? Elle en avait tant qu'elle ne saurait même les compter. Tout ce qui était hors du monastère était un mystère à ses yeux. 

Mais elle n'était pas sûre d'avoir assez de signes dans le langage rudimentaire qu'avait créé Charlotte pour les poser toutes. 


***


-On dirait que la pluie s'est enfin calmée. Grommela Jill, en jetant un coup d'œil par la devanture du Nirvana. Ça veut dire beaucoup de clients ce soir, ça. 

-Je n'arrive pas à croire qu'on ait affaire à un tel déluge fin août... soupira Mélody en aidant Jenn à retirer son manteau trempé. Ce n'est pas un temps d'été, ça. 

Jenn, elle, restait mutique. Elle n'était pas là pour parler du temps, elle en était consciente. Elle était là, comme elle l'avait décidé avec Lutz la veille, pour discuter de la manière dont tout avouer à Alice. L'inspectrice se tenait juste derrière elle, comme un pilier solide sur lequel elle savait qu'elle pouvait se reposer... corps et âme. Isabelle la soutenait. Et Jill et Mélody étaient sa famille... elles comprendraient. 

Leurs habits trempés ayant été pendus aux porte manteaux, elle vint finalement s'asseoir au bar, face à Jill qui commençait déjà à choisir quel étrange cocktail elle allait leur faire goûter cette fois. 

-Jill, Mélody... déclara Jenn d'un ton solennel. J'ai quelque chose à vous avouer...

-Oh? Fit Mélody d'un air très surpris.

-Pas besoin de faire semblant, Mélo. La railla Jill, un sourire carnassier au coin de la bouche. Félicitation, en tout cas, Jenn. Et toi aussi, Lutz.

Jenn eut une expression confuse. Elle échangea un rapide regard avec Lutz, à côté d'elle, qui lui fit signe qu'elle ne comprenait pas beaucoup plus qu'elle. Mais Jill insista.

-Oooh, arrêtez vos petites cachotteries. Ricana-t-elle. Je l'ai senti dès que vous avez passé cette porte, alors inutile de le cacher. Je dois dire, j'avais mes doutes sur toi, Lutz, mais de toutes les personnes que Jenn a rencontré, je ne penserai pas que ce serait toi qui lui ferait oublier cette connasse de Satan, haha!

Les yeux de l'inspectrice s'écarquillèrent, tandis qu'elle prenait conscience de ce dont Jill parlait réellement. Quant à Jenn, elle avait rougi jusqu'aux racines, et se cachait le visage derrière les mains, semblant prier pour être n'importe où ailleurs qu'en cet endroit, à cet instant précis. Cela ne faisait même pas 24h qu'elle avait embrassé et enfin fait l'amour avec Isabelle, qu'elle était déjà découverte.

De leur côté, Mélody et Jill semblaient particulièrement guillerettes. Surtout la seconde, qui sifflotait gaiment en sortant ses verres et ses bouteilles. C'était un spectacle tellement contradictoire avec la Jill toujours renfrognée et sombre que Lutz avait l'habitude de voir qu'elle en resta bouche bée. Était-ce là la véritable personne derrière toute la tristesse, la douleur et la colère que leurs malheurs leur avait causé? Derrière cette facette démoniaque qui tendait à prendre chaque jour un peu plus de place? 

Ce fut Jenn qui reprit la parole en première pour dissiper le malentendu, Lutz encore trop sous le choc de cette nouvelle facette qu'elle découvrait à la terrible Jill. 

-Non, non, ce n'est pas de ça dont je voulais parler. Soupira la brune.

-Mais ça veut bien dire que c'est vrai. Rétorqua Jill.

-Je... eh bien... eh bien, oui, j'imagine... Admit-elle en rougissant de nouveau. 

-Je le savais! S'exclama Jill.

-Mes félicitations, Jenn. Sourit Mélody. Et à vous aussi, inspectrice.

-Euh... merci, je suppose... répondit Lutz.

-Stop! S'exclama Jenn. Je ne suis pas venue parler de ça.

-Ce qui ne va pas m'empêcher d'être aux anges que tu passes enfin à autre chose! Rétorqua une Jill guillerette. 

-Jiiiilll... grogna Jenn en roulant des yeux de gêne. 

-Laisse la parler, chérie. Gloussa Mélody en posant une main sur l'épaule de Jill. 

-D'accord, d'accord... ricana la concernée. Alors, qu'est ce que tu viens nous annoncer d'autre, ma chère Jenn? Un mariage? 

Jenn poussa un long soupire. Ce fut Lutz qui finit par reprendre le fil, face au mutisme de sa compagne.

-Jenn aimerait tout révéler à Alice. Mais... 

-Mais je n'y arrive pas. Déclara la brune, le ton plus sombre. Je ne peux pas m'y décider, je ne peux pas lui faire ça... pas toute seule, en tout cas. 

-Oh... fit Jill, dont l'air sérieux revint très vite, même si son petit air goguenard n'avait pas totalement disparu. Si ce n'est que ça, aucun problème. Je peux juste tout lui dire, ou t'accompagner... ce qui t'arranges. C'est... quelque chose qui sera difficile pour elle, c'est certain, mais... mais il est nécessaire qu'elle finisse par y passer.

-Oui... oui, tu as raison. Approuva Jenn. Et je le savais, mais je n'y arrive juste pas.

-Je sais. La rassura Jill. Je n'ai pas dit que c'était simple... je suis simplement rassurée que tu ai fini par te rappeler qu'on était toujours là pour t'aider. 

-Hm. Merci, Jill... et merci, Mélody.

-De rien. Susurra cette dernière. Cependant, si je puis me permettre... repoussez un peu l'annonce de vos fiançailles à Alice. J'ai peur qu'elle... ne comprenne pas. Que les choses soient trop récentes pour elle.

Jenn et Lutz échangèrent un regard.

-Ça me semble évident. Approuva l'inspectrice. Cela fait des mois pour vous, mais pour elle... ce sera comme si c'était la veille. Les cicatrices seront trop récentes pour accepter ce genre de... bonheur.

-Elle a dit bonheur. Railla Jill. Ralala, je ne te pensais pas aussi fleur bleue, Lutz. 

-Jill. S'emporta Jenn. C'est une discussion sérieuse, donc...

Elle fut interrompue par l'ouverture soudaine de la porte du bar, qui vint s'écraser bruyamment contre le mur. Tout le monde tourna le regard dans cette direction. Et Jill éleva la voix.

-Le bar n'est pas encore ouvert. Et ma porte n'est pas un punching ball. 

-Je... je... je viens juste vous prévenir...

Les poils de Lutz se hérissèrent sur ses bras. Jenn se leva de sa chaise. Mélody eut un mouvement de recul. Et les yeux de Jill se noircirent, faisant disparaître instantanément toute once de bonheur ou d'humour en eux. 

Dans l'encadrement de la porte, se tenait une femme. La longue chevelure rouge qui cascadait sur ses épaules n'était pourtant pas l'aspect le plus marquant de son apparence. Qu'est ce qui attirait le plus l'oeil, chez elle? Etait-ce ses bras démesurés se terminant par de longues griffes recouvertes d'écailles? Les milles nuances orangées qui constituaient ses iris, marqués en leur centre d'une fente semblable à l'œil d'un chat? Les deux imposantes cornes qui s'enroulaient de chaque côté de sa tête, et clairement visibles malgré le capuchon rabattu à la hâte? Il ne manquait que les ailes démesurées, et Lutz aurait reconnu la créature qui avait surgi quelques temps auparavant dans la chambre d'Alice et Tom. Celle qui avait... sauvé, son fils. 

Une odeur désagréable de soufre se répandit dans la bar. Et lorsque la créature ouvrit une nouvelle fois la bouche pour parler, la rangée de dents acérées qu'elle possédait fit reculer légèrement l'inspectrice. Le ton peu assuré et hésitant de la créature avait cependant de quoi surprendre, vis à vis de son apparence.

-J... je m'appelle... Sheira... et...j-je viens vous prévenir de mettre... Alice à l'abri. Vite...


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