-J'ai réfléchi.

La voix d'Alice interpella Morgane dès l'instant où elle pénétra dans sa chambre. La fausse infirmière leva un sourcil intéressé, poussant son interlocutrice à continuer.

-Vous m'avez gardée endormie ici pendant des mois. Déclara-t-elle. Durant cet intervalle, vous auriez eu mille occasions de me réveiller. 

-C'est vrai. Admit Morgane. Mais il était important de faire croire au Réseau que-

-Cependant. La coupa Alice. Vous auriez aussi eu mille occasions de me tuer, si c'est ce que vous désiriez. Si vous souhaitiez vraiment m'éliminer. J'ai beau être la fille de Satan, je ne suis pas non plus... indestructible. Et, en étant toi même une fille de Satan, tu en es parfaitement consciente. Ce qui signifie bien que vous ne cherchez pas à me tuer. 

Morgane eut une expression légèrement surprise, suivie d'un léger sourire.

-C'est ce que je t'ai expliqué, oui. Approuva-t-elle. Je suis rassurée que tu me croies. 

-Mais pourquoi suis-je réveillée, désormais? Demanda Alice. Pourquoi maintenant? Tu as prétendu que vous me gardiez endormie le temps de retrouver Charlotte pour la mettre en sécurité, mais, de toute évidence... vous n'y êtes pas parvenus. 

-Non, je l'admets. Soupira Morgane en s'avançant dans la chambre, et en venant se placer entre les lits d'Alice et de Tom. Mais il y a eu... une attaque. 

-Une attaque?

Morgane hocha la tête, en fermant les yeux, l'air désolé.

-Nous avions dispatché nos forces afin de retrouver Charlotte, et nous étions donc affaiblis, ici. Il y avait un risque que le Réseau tente de s'en prendre directement à toi, afin d'éliminer une menace potentielle... le fait que tu sois dans le coma n'était pas suffisant à les rassurer totalement. C'est pour cette raison que le poison que nous t'avons administré était particulier. Il te gardais endormie, certes, mais il diminuait également ta puissance, ce qui te rendait... moins détectable, en somme. Et également, devait les conforter dans l'idée que tu étais trop affaiblie pour causer le moindre problème. 

-Et ça n'a pas marché?

-Au contraire! S'exclama fièrement Morgane. Tout cela marchait très bien, et les agents du Réseau se tenaient tranquille, tant que nous t'administrions bien régulièrement le poison. Cependant... un jour, une infirmière a fait une erreur, et t'a administré la poche de ton voisin de chambre, au lieu de la tienne. Ton métabolisme démoniaque a joué contre toi... et ta puissance a soudainement reparu. Quand ils s'en sont rendus comptes, ils n'ont pas hésité un seul instant, et on surgi dans ta chambre pour tenter de t'éliminer. Jill et l'inspectrice Lutz ont réussi à te protéger, et, la commotion nous ayant alertée, notre arrivée a poussé la créature envoyée par le Réseau à prendre la fuite. Non sans avoir blessé l'inspectrice, et failli tuer ce pauvre Tom.

Morgane poussa un soupire théâtral en jetant un regard rapide aux mèches rousses du jeune homme endormi. 

-Cela nous a forcés à nous réorganiser. Et à mettre en pause la recherche de Charlotte, pour le moment, afin de nous concentrer sur ta protection. Mais le Réseau ne va pas rester sans rien faire. Il te sait réveillé... et il n'a pas pu m'empêcher de t'approcher pour te dire la vérité.

-Donc le Réseau sait que je vais venir chercher sa peau... déclara Alice d'un air sombre.

-Oui. Et cela les effraie terriblement... 

-Mais que vont-ils faire, maintenant? S'en prendre à ma famille? 

-Je pense que ce qu'ils vont tenter est bien plus insidieux que cela. N'oublie pas que c'est une association de criminels fourbes et retords... je pense... qu'ils vont tenter d'échapper à ton courroux en tentant de te convaincre qu'ils n'y sont pour rien.

-Comme si j'allais les croire. Railla Alice.

-Oh, eux, tu ne les croirai pas. Mais s'il s'agissait de gens proches de toi... de gens auxquels tu tiens... 

-Ma famille... murmura Alice, en serrant le poing. 

-J'ai peur que ce soit vers eux que le Réseau se dirige, oui. Je pense qu'ils avaient déjà une certaine influence sur eux... et que le fait que je sois venu te révéler la vérité hier ne les ai poussé à agir vite. Fais attention à toi, Alice. Ta famille va probablement se méfier de nous, à cause du Réseau, mais toi... s'ils pensent encore qu'ils peuvent te convaincre, alors tu peux les laisser t'approcher, et leur donner le coup fatal.

-Mais... et Charlotte, dans tout ça?

Morgane eut une expression contrite.

-Nous ignorons toujours sa localisation, et même si elle est encore en vie... 

-Elle l'est. Assura Alice. Je le sais.

-Me voilà rassurée. Répondit Morgane. Mais, n'oublie pas, Alice. Un animal blessé peut être dangereux. S'ils n'arrivent pas à te convaincre de les rejoindre... ils pourraient devenir violents. 

-Je ne risque pas de l'oublier. Ne t'en fais pas. Grommela Alice.

Morgane eut un sourire attendri.

-Tant mieux. Je te fais confiance. Prends bien garde à toi, et aux tiens.

Une fois Morgane sortie de sa chambre, Alice resta silencieuse quelques instants. Morgane était une femme bien mystérieuse. La jeune demi-démone ne doutait pas un instant qu'elle lui cache des choses. Cependant... tout ce qu'elle lui avait dit faisait sens, et collait très bien avec tout ce qu'elle savait de la situation actuelle, c'est à dire pas grand chose, certes, mais suffisamment pour qu'Alice se fasse un avis. Ce qui n'empêchait pas sa colère de troubler en partie son jugement... Elle brûlait de détruire les responsables de l'attentat qui avait pris les vies des siens. Elle brûlait de réduire en centre leur organisation, de les traquer, et de les massacrer. Et s'il s'avérait que Morgane avait menti... peu importait. Elle la détruirait elle aussi. 

Alice se retourna pour faire face à son mutique voisin de chambre. Elle sorti ses jambes de la prisons de ses draps, et tenta de les poser sur le sol. Ils étaient encore très ankylosés... et si raides qu'elle parvenait à peine à plier ses articulations, néanmoins, cahin-caha, elle se porta jusqu'au bord du lit de Tom, et fixa le visage serein du jeune homme, en plissant les yeux.

-Alors comme ça, tu as failli mourir par ma faute, hein... murmura-t-elle, plus pour elle même que pour son interlocuteur silencieux. Tu n'avais rien demandé, pourtant... mais Alexandre... Yuu... Joseph... Fatimah... Roméo... eux aussi, ils n'avaient rien demandé. Et pourtant, ils ont été les victimes de cette vengeance insensée. Que ç'ait été pour me tuer moi... ou pour tuer Charlotte... 

Alice déglutit, et poussa un long soupire, en passant une main dans la chevelure rousse du jeune homme.

-Espérons que tu ne seras pas la prochaine victime collatérale de cette faide... 

***

-Je crois qu'il va nous falloir des explications un peu plus... complètes.

La voix des Jill était rocailleuse, bien plus grave qu'à l'accoutumée, et résonnait étrangement dans le bar. Mélody, à ses côtés, lui jeta un coup d'œil inquiet, et posa une main apaisante sur son épaule. De son côté, Lutz s'était placé entre Jenn et la porte d'entrée, sur le seuil de laquelle se tenait toujours la silhouette de celle qui s'était présentée elle même comme Sheira.

Son apparence avait de quoi mettre quiconque mal à l'aise. La frontière entre les parties humaines et monstrueuse de son corps étaient floues. La couleur flamboyante de ses pupilles était intimidante, tout comme ses crocs, ses longues cornes s'enroulant se le côté de sa tête, ou les imposantes griffes qui étaient proches de toucher le sol, au bout de ses bras démesurés et écailleux. Lutz pensait s'être plus ou moins habituée au surnaturel, désormais. Elle avait fini par accepter que Jill n'était plus tout à fait humaine, que Alice était une demi-démone, et que toutes sortes d'autres créatures rodaient... mais c'était autre chose de le voir réellement. Jill avait une apparence tout à fait banale. Et malgré son magnétisme étrange, il en allait de même pour Alice. Alors que celle qui se tenait timidement dans l'entrée... était une chimère si improbable qu'elle doutait qu'un film de fantasy n'ose en créer une similaire.

-Je... oui, oui, des... des explications. Bien sûr!

La créature semblait peu assurée, malgré sa présence terrifiante. Elle jetait des coups d'œil nerveux en direction de Jill... ce qui ne semblait pas améliorer l'humeur de cette dernière.

-Je... je peux rentrer? Tenta tout de même Sheira. J... je ne préfère pas trop attirer l'attention des humains...

Jill échangea un regard circonspect avec sa femme. Puis, de toute évidence à contrecoeur, elle soupira, et fit signe à Sheira de passer le seuil, ce que cette dernière fit sans hésiter un instant, fuyant la rue et la grisaille du ciel. Elle s'avança, un peu incertaine, dans la pièce, restant à bonne distance du bar auquel étaient assises ses quatre interlocutrices. Après avoir rapidement observé quelques sièges, elle décida finalement qu'il lui valait peut être mieux rester debout, et commença alors à se dandiner d'un jambe à l'autre en évitant soigneusement le regard acéré de Jill, qui s'impatienta.

-Alors? Grinça-t-elle.

-Pardon! Glapit la créature. Euh... oui, alors... le Coven est... non, euh... oui, c'est ça, les Gardiennes sont en fait... attendez... non c'est plus...

-Décide toi! S'emporta Jill.

-P-p-pardon, j-j-je ne sais pas par où commencer! Gémit la créature.

Lutz soupira. Sheira, contrairement à ce que son apparence laissait penser, semblait être encore plus mal à l'aise que les quatre autres, et bafouillait sans cesse en cherchant à s'exprimer, comme une élève devant son examinateur de concours. L'inspectrice ne parvenait pas encore à discerner s'il s'agissait d'une ruse, ou du véritable caractère de la créature. Dans le doute, elle prit cependant la tête de l'interrogatoire - c'était, après tout, elle la professionnelle.

-Commence par nous dire qui tu es, et ce que tu es, précisément.

-O-oui madame! Je m'appelle... euh... Sheira, du coup. Et, je suis une Gardienne.

Un silence s'ensuivit. Lutz sentit Jill commencer à s'énerver, mais elle reprit la parole avant que cette dernière ne puisse le faire.

-Qu'est ce que tu veux dire par Gardienne? Interrogea l'inspectrice. Est-ce l'espèce à laquelle tu appartiens?

-Oh, non, je suis une dragonne, de toute évidence. Rit-elle nerveusement. Mais je suis aussi une Gardienne. Ce n'est pas... c'est juste... enfin, l'un peut aller avec l'autre... même si c'est vrai que c'est rare, mais-

-Donc Gardienne est ton rôle, en quelque sorte. Coupa Lutz avant que le monologue de Sheira devienne trop long.

-Oui! Oui, c'est ça! Mon rôle! S'exclama-t-elle avec enthousiasme, et un sourire qui eut pu être attendrissant s'il ne laissait pas entrevoir une rangée de crocs terrifiants.

-Et... qu'est ce que tu es sensée garder, au juste? Continua Lutz.

-Vous, bien sûr. Rétorqua Sheira. Enfin, pas vous, spécifiquement, mais les gens comme vous.

Ni Jenn, ni Jill ne semblaient très convaincues par cette explication. Lutz pressa donc un peu plus.

-Et par "gens comme vous", tu veux dire... ?

-Les... gens... que nous devons garder? Tenta Sheira.

-Mais pourquoi devez vous nous garder spécifiquement?

-Ça, je ne sais pas trop. Avoua Sheira. Je sais simplement que Seigneure Satan l'a demandé, je ne vais pas lui demander pourquoi, ça ne me regarde pas.

-Pardon? S'exclama Jill, faisant sursauter la dragonne sur place.

-Jill, du calme... tenta de la réfréner Mélody.

Lutz tourna la tête vers Jenn, qui, elle, était livide. L'inspectrice déglutit. Elle savait bien ce que tout cela signifiait.

-On dirait que tu avais raison... soupira la rousse, en se mordant le pouce.

Jill tourna immédiatement le regard vers l'inspectrice, suspicieuse.

-Raison à propos de quoi? Demanda-t-elle.

Lutz grimaça. Elle se souvenait encore très bien de cette discussion qu'elles avaient eu, à ce petit restaurant auquel elles aimaient tellement se rendre. Lorsque l'inspectrice avait exposé à Jenn toutes ses théories. Et que cette dernière en avait déduit une évidence qui n'avait pas plu à Lutz.

-Lorsque Isa a supposé que la créature à la chevelure rousse que nous recherchions était peut être notre alliée... commença Jenn. J'ai supposé qu'elle ne pouvait être qu'envoyée par Satan elle même. Qui d'autre qu'elle aurait cherché à nous protéger ainsi?

-Sanguine. Grommela Jill, une lueur peu avenante dans les yeux.

-Sanguine n'aurait pas demandé à ses... Gardiennes de se contenter de nous protéger de loin. Nous en aurions entendu parler beaucoup plus tôt. Tout ce secret portait bien la patte de Satan, et on dirait... que j'ai eu raison.

Un silence tomba sur le petit groupe, le temps que ces réflexions prennent forme dans leur esprit, tandis que Sheira, elle, affichait une expression mélange d'incompréhension et de crainte.

-Pourquoi...

La voix de Jill grondait une nouvelle fois, plus menaçante encore que la première.

-Pourquoi n'êtes vous jamais intervenues plus tôt? Pourquoi n'apparaître que maintenant? Où étiez vous, lorsque Jenn était au fond du trou? Lorsque Alice se débrouillait seule pour tenter de la sauver, de la supporter? Vous vous satisfaisiez d'avoir laissé ça à une enfant qui n'avait même pas ses dix ans? HEIN?

-J-je ne sais pas. Avoua Sheira, penaude. C-ce n'était pas la mission.

-ET QUELLE ÉTAIT LA MISSION, ALORS? S'emporta Jill.

-Jill, s'il te plaît... murmura Mélody, ce qui sembla partiellement apaiser sa femme.

-J-je ne sais pas. Répéta Sheira. C-c-c'est toujours Sélène qui organise les missions... moi, j-je ne fais que ce qu'elle me dit.

-Si je mets la main sur cette Sélène, je vais la réduire en bouillie. Grogna Jill.

-Ça, je ne vous laisserai pas faire! Rétorqua Sheira, cette fois-ci d'un ton bien plus agressif qui fit se tendre Lutz.

-Du calme, du calme. Intercéda l'inspectrice. Jill a cependant raison sur un point: même si votre mission était simplement de les protéger de loin, vous avez échoué. Preuve en est... l'attentat du Véloce.

L'agressivité qui était née soudain chez Sheira mourut aussi vite qu'elle était apparue. La dragonne sembla soudain bien plus triste que timide.

-C'est... notre échec, oui... le Coven nous a attaqué, et... et Sélène a failli mourir. Et pendant que je la sauvais, ils... ils...

La dragonne se tut, le regard baissé, et les épaules légèrement tremblantes. Le reste de l'assistance resta muette. Il y avait donc enfin... un nom sur les coupables. Ce n'était pas le Réseau, comme l'avait supposé Rosson. C'était le Coven.

Ce n'était pas par vengeance envers Sang. C'était à cause de Satan. Une fois encore. Et Lutz sentit que, malgré l'air stoïque que Jill conservait, elle était en quelque sorte soulagée d'entendre que la démone qu'elle avait aimée n'était pas la source de cette tragédie. Jenn, elle, serra le poing.

-Mais pourquoi... murmura-t-elle. Que nous leur avons-nous fait? Nous avons souffert de l'abandon de Satan tout autant que tous ses autres enfants! Pourquoi s'en prendre à Alice? Et à tous les autres?

-J-Je ne sais pas. Admit Sheira. M-mais ils en veulent toujours à Alice! I-ils rôdent autour d'elle, à l'hôpital! I-il faut l'en éloigner, il faut la mettre à l'abri de Morgane!

Lutz mangea la révélation de plein fouet, et Jenn sembla être toute aussi estomaquée à ses côtés.

-M-morgane? L'infirmière Morgane?

-Quoi, tu la connais? S'exclama Jill.

-Elle... elle est souvent à l'accueil, quand je vais voir Alice, mais... mais nous avons toujours discuté très aimablement.

-Ça n'est peut être pas d'elle que Sheira parle. Fit remarquer avec justesse Mélody.

Lutz n'avait bien qu'un moyen d'en avoir le coeur net.

-A quoi ressemble-t-elle exactement, cette Morgane? Demanda-t-elle à Sheira.

La dragonne grimaça.

-A... une... femme humaine... elle a une odeur assez désagréable, cependant. Et sa vibration magique est très mauvaise aussi.

Lutz soupira. Jusqu'à ce qu'un autre détail lui donne une idée.

-Est-ce qu'elle est souvent collée à un vieux médecin? Cheveux blancs, l'air très sévère, les yeux d'un bleu glacial...

-Lutz, quel rapport avec ce connard de Sigurdsson... commença Jill.

-Oh, cet humain? Oui, oui, je ne sais pas ce qu'elle lui trouve, mais elle est souvent avec lui. Il est sûrement sous son emprise.

Quelqu'un ayant accès aux poches de sang. A toutes les poches de sang, pour pouvoir les empoisonner. En s'infiltrant à l'hôpital avec l'aide d'un de ses membres les plus prestigieux après l'avoir séduit... pour rester au plus proche de sa proie, sans attirer l'attention... tellement proche qu'elle était sous ses yeux depuis le début. Lutz jura dans sa barbe. C'était une telle évidence... Morgane était arrivée dans le service à peine après que Alice y ait été transférée. Elle traînait toujours autours de Sigurdsson... c'était même elle qui leur avait fait part d'une "rumeur" concernant un intrus à la chevelure rousse dans les couloirs de l'hôpital. Comment avait-elle pu rater tout cela?

-Je n'arrive pas à croire que... pas un instant... murmura Lutz.

-Si c'est une fille de Satan, il ne faut pas s'étonner qu'elle soit capable d'altérer nos émotions et sensations. Grogna Jill. Surtout si elle est puissante.

-Oh, non. L'interrompit Sheira. Morgane est douée pour manipuler l'esprit des humains, mais elle n'est pas vraiment très puissante. Les autres, par contre...

-Parce qu'elle n'est pas seule, donc... soupira Jill.

-Bien sûr que non. Sinon, je m'en serai occupée directement. Fit remarquer Sheira.

Ce fut l'instant que choisit Jenn pour bondir de sa chaise vers la sortie, à la grande surprise de tout le monde, y compris la dragonne.

-Jenn! Attends! S'exclama Lutz.

Jill fut plus rapide. Avec une vitesse presque surnaturelle, elle rattrapa sa demi-soeur avant qu'elle n'atteigne la porte du bar, et la plaqua au sol.

-Lâche moi! S'égosilla Jenn. Je refuse de laisser ma fille entre les mains de ces CHIENS un instant de plus!

-Jenn, écoute... tenta de la calmer Jill, mais sans succès.

-Qui sait ce qu'ils se préparent à lui faire? Qui sait ce qu'ils sont DÉJÀ en train de lui faire? Voir ce qu'ils lui ont déjà fait! ABYSSE, JILL, LÂCHE MOI!

-Pour que tu ailles te faire tuer? Rétorqua la concernée. Crois moi, je ne compte pas te laisser mourir aussi facilement, ma belle. Tu n'as pas survécu toutes ces années aux saloperies que tu t'injectais pour aller te faire tuer aussi stupidement!

-Alors, quoi? Je suis sensée la LAISSER là bas? Entre leur MAINS?

-Je n'ai jamais dit ça non plus. Grogna Jill. On va simplement... jouer ça intelligemment. Et cela commence par ne pas paraître suspicieuses, capiche?

Jenn ne semblait pas vraiment calmée pour autant, mais les paroles de Jill l'avaient au moins faite réfléchir. Lutz, dont le cerveau cogitait à toute allure, déclara.

-Ils ne lui ont rien fait jusqu'ici... peut être ont-ils peur de Sheira? Si c'est le cas, alors nous devons simplement continuer à agir comme si elle pouvait être dans les environ, tout expliquer à Alice, et... la sortir de l'hôpital.

-Allons y. Maintenant.

-Maintenant? S'exclama Mélody. C'est peut être un peu précipité, et-

-Il faut agir vite... qui sait quel genre de paperasse ils pourraient tenter de nous faire remplir pour l'y retenir?

-Maintenant est sûrement le meilleur moment. Approuva Sheira, de son côté. Il ne pleut pas.

-Pourquoi la pluie aurait-elle quoi que ce soit à voir avec tout ça? S'énerva Jill.

-A cause de Rain. Répondit la dragonne, comme s'il s'était agi de la réponse la plus évidente du monde.

Jill laissa échapper un nouveau grognement, tandis que Lutz aidait Jenn à se relever. Ses jambes étaient tremblantes... son regard, hagard... l'inspectrice sentit son cœur se serrer.

-Ne t'en fais pas... murmura-t-elle à l'oreille de Jenn, en la prenant dans ses bras. Tout se passera bien... ce soir, Alice dormira avec toi, chez toi.

Lutz n'était pas sûre que Sheira soit digne de confiance... mais le fait qu'elle n'ait jamais eu de doute jusqu'à cet instant vis à vis de l'infirmière Morgane, malgré son habituel flair, lui avait mis la puce à l'oreille. Cependant, et peu importe que Sheira soit digne de confiance ou non... sortir Alice de l'hôpital où on l'avait tenue empoisonnée depuis si longtemps était, de toute manière, l'un des choix les plus évidents à faire. Maintenant que la demi-démone pouvait de nouveau marcher et parler, plus rien ne la retenait dans cette chambre. Lutz eu tout de même une pensée terrifiée à l'idée que son fils, son petit Tom, la chair de sa chair... allait continuer à dormir à proximité de tels monstres. Lutz pensa à le changer d'hôpital... mais ni son ex-mari, ni le docteur Roman ne comprendraient, et elle ne pouvait décemment pas leur dire qu'elle craignait que des demi-démons s'en prennent à lui en représailles, et espérer être crue.

Ou peut être qu'elle devrait tenter...