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Le Secret

-Foutue Sheira! S'emportait Morgane, projetant contre le mur du bureau tous les objets qui lui passaient sous la main. Si je choppe cette dragonne, je lui... je... je...

-Tu ne lui feras rien du tout, oui. L'interrompit Wendigo, l'air détaché, en train de se limer les ongles sur une chaise dans un coin de la pièce. Elle te déchirerait en deux d'un seul coup de griffe.

Morgane fulminait, et jeta un regard mauvais à son interlocutrice. Mais ne la contredit pas. Elle se contenta de saisir une liasse de papiers sur un bureau et de la jeter avec rage au sol. Avant de s'immobiliser, et de reprendre, peu à peu, une contenance.

-Cette imbécile de Mikayla... si elle n'avait pas interverti les poches, tout cela ne serait jamais arrivé! Je devrai lui arracher les membres pour sa négligence...

-Laisse m'en un morceau, si jamais tu la tue. Commenta Wendigo.

-Si seulement c'était la seule chose dont j'avais à me soucier, maintenant! S'emporta Morgane. A cause d'elle, tout notre plan est chamboulé. Sticks et Rain n'ont toujours pas éliminé la fille de Sang... Sheira rode dans les environs. Et Sélène est toujours en vie je ne sais où. Tout cela pourrait très mal tourner... pour nous.

-Vraiment?

-Peux-tu arrêter de faire comme si tu n'en avais rien à faire? Apostropha Morgane.

Wendigo se contenta de lever un sourcil.

-Mais je n'en ai réellement rien à faire, chère Morgane. Tout ça, c'est ta croisade.

-C'est aussi la tienne, que tu le veuille ou non. Rétorqua Morgane d'un air mauvais. A moins que tu ne préfères qu'il n'arrive quelque chose à ta petite protégée...

Wendigo poussa un long soupire.

-Commence par arrêter de tout briser dans ce bureau, et réfléchis deux secondes. Finit par dire la femme au masque chirurgical. Est-ce que les choses sont si terribles que ça? Avance juste le plan, au lieu de te morfondre.

-Avec Sheira qui pourrait débarquer à n'importe quel instant pour me déchirer en deux d'un coup de griffe? Ricana Morgane. Tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement.

-Nous deux, on ne peut pas la vaincre, c'est évident. Admit Wendigo. Mais face à nous quatre... rappelle juste Sticks et Rain. Mets en place la suite de ton plan. Et arrête de te plaindre comme une enfant.

Morgane sembla hésiter un instant. Ouvrit la bouche. La referma. Puis, un sourire espiègle apparut sur son visage. Comme une réalisation soudaine.

-Oui... oui, tu as raison. Il est peut être juste temps de rentrer dans les choses sérieuses, au lieu de tourner autour du pot.


***


Blanc, le monde. Blanc, ses paupières. Blanc, tout ce qui se présentait à elle, son esprit, ses pensées, son champ de vision. Même ce qu'elle entendait semblait étouffé sous une épaisse couche de neige. 

Alors elle grogna de frustration face à la blancheur de la blouse, lorsqu'elle ouvrit les yeux. 

Alice sentait que son esprit devenait plus lucide, plus régulièrement. Elle parvenait de plus en plus à articuler. Elle parvenait à échanger avec sa mère. C'était presque toujours elle, qui se trouvait à son chevet lorsqu'elle parvenait à se réveiller. Mais pas cette fois. Les traits émaciés, la chevelure rousse parsemée de gris, le regard froid et chirurgical... de toute les personnes qui auraient pu se trouver proches d'elle à son réveil, il s'agissait probablement d'une de celles qu'elle avait le moins envie de voir. Après les parents de Yuu. Et cette connasse de Sabrina, à qui elle avait fini par casser un bras en seconde pour lui apprendre à s'en prendre à Roméo. 

-Tu peux dégager... grogna-t-elle d'une voix qui ressemblait plus à un croassement qu'à son habituel ton suave. Tu empeste mon air.

Le docteur Sigurdsson releva ses yeux gris vers la jeune femme. 

-Content de te voir retrouver ton acidité habituelle, Alice.

-Pfff. Croassa-t-elle. Comme si tu avais la moindre idée de mes habitudes. Je suis acide envers toi car tu n'es qu'un lâche qui le mérite. 

Sigurdsson ne répondit pas, ce qui enragea Alice. Cet homme était tout ce qu'elle détestait. Un piètre père, un piètre homme, et un beau visage. Comme si la nature refusait d'accorder l'apparence physique à la pourriture intérieure. Il était chirurgien réputé? La belle affaire! Alice espérait simplement ne jamais avoir à passer sous son scalpel, elle savait que sa fierté ne pourrait supporter de savoir qu'il aurait pu voir à l'intérieur de son corps. De toute façon, elle doutait qu'il soit capable de ne serait-ce qu'entailler sa peau. 

-Où est Joseph? Dit-elle finalement, après qu'un long silence se soit écoulé, durant lequel sa conscience commença à voguer avant qu'elle ne la reprenne en main. Ah, suis-je bête. Tu ne t'es jamais intéressée à ton fils, comment pourrai-tu savoir où il se trouve?

L'expression sur le visage du vieil homme changea. Et Alice fut profondément choquée de voir de la souffrance et de la tristesse sur ces traits qu'elle avait toujours connus durs et froids. Son cœur coula au fond de sa poitrine, comme si des poids avaient remplacé ses globules rouges. Personne n'avait voulu lui dire quoi que ce soit, jusqu'ici. Peut être... peut être...

-Sigurdsson. Insista Alice. Ou... est... Joseph.

Le chirurgien releva les yeux. Ils restèrent fixés un long moment dans les pupilles mauves d'Alice, comme si l'homme s'y était perdu, sans jamais parvenir à retrouver son chemin. La jeune femme avait l'habitude de cet effet qu'elle avait sur les gens, et secoua sa main devant le visage de Sigurdsson pour l'en tirer. 

-Répond moi, l'ancien. Ajouta-t-elle, menaçante. 

-A quoi bon? Dit-il dans un souffle. Ai-je besoin de le dire pour que tu le saches? Ou bien vas-tu continuer à le nier?

Ce fut comme s'il avait planté une lame de fer en fusion dans le ventre d'Alice. Elle sentit sa colère lui monter, ses cheveux platine onduler dans son dos, ses yeux s'injecter de sang, mais une profonde douleur la saisit à la poitrine, comme si son propre corps lui refusait cette colère.

-Tu mens. Parvint-elle seulement à articuler en serrant des dents. Comme toujours. Tu n'as jamais aimé ton fils, mais prétendre ça... c'est un nouveau record de bassesse, félicitation. 

Sigurdsson souffla, et commença à se lever. 

-Je sais que tu ne m'aime pas, Alice. Et honnêtement, j'ai toutes les raisons de te haïr également. Mais que tu arrives à prétendre que je puisse mentir là dessus... que tu puisse jeter ces phrases à la figure d'un père éploré...

-Toi, un père éploré? Ricana-t-elle. Laisse moi rire. Rappelle moi la dernière fois que tu as adressé la parole à Joseph, au juste.

Un léger silence passa, et Alice sut qu'elle avait tapé juste. Depuis que leur fils avait refusé de suivre la voix chirurgicale si chère à la famille, il avait comme été désavoué. Ses parents continuaient de lui envoyer de l'argent, mais il aurait tout aussi bien pu être un cousin éloigné dans le besoin... cependant, Sigurdsson se retourna, à la moitié du chemin vers la porte.

-Il est des choses dont on ne réalise l'importance qu'une fois qu'elles ont disparu, Alice. Déclara-t-il tristement. 

-Tais toi. Eructa Alice. Joseph ne peut pas être mort. Pas avec Charlotte et moi dans les environs! Tu mens comme tu respire.

-Alors pourquoi crois-tu que personne ne t'en ai parlé jusqu'ici? Rétorqua le chirurgien. J'ai décidé de venir t'en parler parce que je pense que tu as le droit de le savoir, et que tu es en capacité de l'accepter. Mais j'avais visiblement tort.

Et, sans rien ajouter, le chirurgien sortit de la pièce, à l'instant où le brouillard commença à envahir de nouveau l'esprit d'Alice. Elle tenta vainement de le combattre quelques instants, mais rien n'y faisait. En tout cas, elle était sûre d'une chose... Sigurdsson avait menti. C'était la seule option.


***


-Elle n'est pas au courant? S'exclama Lutz, interdite. 

Jill grogna, faisant signe à l'inspectrice de baisser d'un ton, tout en posant le verre d'un de ses clients sur le comptoir du bar bondé. Lutz n'avait pas vraiment ni l'habitude ni le désir de venir finir ses soirées après son service dans une guinguette rempli à ras bord de soiffards... surtout après ses récentes expériences avec l'alcool. Il lui semblait qu'il valait mieux qu'elle en reste éloignée un moment, mais Jill lui avait donné rendez vous ici, et les offres de Jill ressemblaient en général plutôt à des ordres. Lutz n'en avait aucun à recevoir de la jeune femme, bien évidemment, mais le sujet lui avait semblé important - et au vu de ce que la bartender venait de lui dire, elle n'avait pas fait le déplacement pour rien.

-De rien du tout, non. Confirma Jill, concentrée sur son service, mais peu avare en parole. Jenn a décidé qu'il était trop tôt, et que Alice n'était pas encore assez en état pour qu'on lui annonce le décès de... d'à peu près tous ceux qui comptaient à ses yeux. 

-C'est stupide.

Ce n'était pas la voix de Lutz qui avait lâché cette réponse acerbe à Jill. A son côté, Nokomis, la suomen aux imposants tatouages, trempait ses lèvres avec une méfiance non dissimulée dans le verre que Jill lui avait servi un peu plus tôt. Il n'y avait aucune trace dans les environs de sa célèbre amie de journaliste, ce qui était une première pour Lutz. A ses yeux, Rosson et Nokomis étaient un tout, et voir l'une sans l'autre lui semblait étrange. Encore plus puisque l'invitation émanait de Jill, et que les deux femmes ne cachaient pas vraiment leur hostilité l'une envers l'autre. 

Néanmoins, Lutz n'était pas du genre à laisser son amie se faire insulter de "stupide" sans réagir.

-Je ne vous permet pas. Jenn a vécu une période difficile, et Alice vient à peine de se réveiller. Si j'ai bien appris une chose au cours de mon enquête, c'est à quel point ce groupe d'ami était soudé. Qui sait ce que pourraient être les conséquences si on lui annonçait de but en blanc une telle nouvelle? Argumenta Lutz.

Mais Jill ne prit pas le parti de Jenn et de son inspectrice. 

-Ça m'arrache de le dire, mais la gamine a raison. Grogna-t-elle en désignant Nokomis d'un air dédaigneux. Alice a le droit de savoir. Ça va la détruire, pour sûr, mais elle en a besoin. Attendre pour le lui révéler, c'est lui mentir. Et on sait parfaitement qu'elle tenait assez à tous ces pauvres gosses pour que ça lui fasse encore plus mal d'apprendre qu'on lui a caché des choses.

-Elle comprendra si c'est sa mère qui a choisi de le lui cacher. Rétorqua Lutz. Je ne sais pas grand chose d'Alice, mais j'ai bien compris à quel point elle aime sa mère.

Jill eut un rire cynique, et même Nokomis accompagna sa nouvelle gorgée d'un sourire légèrement moqueur. 

-Je crois que tu sous estime la vitesse à laquelle un amour peut se transformer en haine, Lutz. Alice s'est occupée de Jenn depuis qu'elle est en âge de comprendre que sa mère allait mal. Elle se sent responsable d'elle. Crois moi qu'il n'y a rien de pire que de se sentir trahi par quelqu'un en qui tu avais placé toute ta confiance...

Un long silence tomba sur le trio, seulement interrompu par le brouhaha incessant de la salle remplie, et le bruissement des boissons fusant dans les verres que Jill servait à la chaîne. Lutz finit par le briser, bien consciente de ce qu'on attendait d'elle à cet instant précis.

-Tu veux que je convainque Jenn de lui en parler. 

-Je n'ai rien dit de tel. Rétorqua Jill.

-Ça ne t'empêche pas de le penser. Asséna Lutz, l'expression sérieuse. 

Jill soupira. 

-Écoute, ma chère inspectrice. Rosson lui en a parlé. Je lui en ai parlé. Et elle fait la sourde oreille. Je comprend qu'elle ait envie de considérer que tout est derrière elle, mais elle ne réalise pas qu'elle a eu le temps de se faire à l'idée que tous ces gamins qu'on a vu grandir... on ne les reverra jamais. Mais Alice, elle, non. Elle a besoin de temps. Mais elle ne peut pas commencer à se faire à cette idée si on la laisse dans le flou.

-Tu n'as qu'à le lui annoncer toi même. Fit remarquer Lutz. Tu es la tante d'Alice, non? Ce n'est pas comme si quoi que ce soit t'en empêchait.

-Je suis peut être en désaccord avec Jenn, mais elle reste sa mère. Rétorqua Jill. Tu n'aimerai pas qu'un de tes cousins ai un droit de décision sur l'état de ton fils, sans que tu ai ton mot à dire.

Lutz ne pouvait rien répondre à cette remarque... alors, elle changea d'angle d'attaque.

-Et qu'est ce qui te fait dire que j'aurai le moindre impact si même toi, tu n'as rien pu faire? 

-Parce que tu lui plais. 

Ce n'était pas la voix cynique et grave de Jill qui venait de prononcer ces mots, mais celle froide et distante de Nokomis. Lutz cligna des yeux quelques instants, avant d'apostropher sa cadette. 

-Pardon?

Nokomis leva les yeux au ciel devant la condescendance de son aînée.

-Par Ukko, je suis la seule à le voir, ou bien vous êtes tous aveugle? J'ai cru que vous aviez un truc dès la première fois où je vous ai vu. 

-!! Il n'y a... absolument rien entre Jenn et moi! Rétorqua Lutz, ivre de rage devant une telle supposition. 

-Aveugle, donc. Ricana Nokomis.

Lutz se leva de son tabouret, ce qui ne fit pas grand chose pour intimider Nokomis, qui ne bougea pas d'un cheveux. Le regard de l'inspectrice s'attarda sur les tatouages de la suomen, ses quelques cicatrices, et sur les muscles qui saillaient sous sa peau. Elle se serait volontiers permise d'apprendre à cette femme à lui parler correctement, et à ne pas dire de bêtise sur son amie. Mais elle se serait sans doute prise une branlée monumentale... alors elle se contenta de fulminer, les yeux roulant dans leurs orbites en regardant fixement la rousse flamboyante. Il fallut que Jill intervienne.

-Écoute, la relation que t'as avec Jenn regarde que toi, Lutz. T'es un dernier recours pour que Jenn prenne la bonne décision, point barre. A toi de voir ce que tu fais de cette info.

Lutz fixa tour à tour Jill et Nokomis, dont aucune ne semblait intimidée par la méthode, avant de lâcher, fulminante.

-Très bien. Je lui en parlerai. Et je suis sûre qu'elle sera ravie d'apprendre ce que vous dites dans son dos sur la manière qu'elle a de s'occuper de sa fille.

Et, sans attendre une réponse, Lutz sortit en trombe du Nirvana, bien décidée à en parler au plus tôt à Jenn. Jill et Nokomis échangèrent un regard circonspect.

-Pas facile, les bi qui se découvrent sur le tard, hein? Ricana la seconde, en replongeant ses lèvres dans son verre.

Jill ne put s'empêcher de sourire à cette remarque.

-Tu me plais bien, pour une chasseuse de démon. Déclara-t-elle.

-C'est un grand mot... pour moi, tout ça, c'est des légendes, des histoires, des mythes. J'ai encore du mal à croire que tout est vrai... alors chasser des démons...

Le regard de Jill se fit compréhensif. C'était une scène particulièrement étrange, notamment étant donné le fait que Jill semblait au moins quinze ans plus jeune que son interlocutrice, mais se comportait comme son aînée. Nokomis n'en prenait pas ombrage. 

-Des nouvelles sur notre créature mystérieuse? S'enquit finalement cette dernière.

Jill grogna de frustration.

-J'ai trouvé sa trace en me servant des effluves qu'elle a laissé lorsqu'elle a débarqué dans la chambre des petits. Je la traque. Mais elle est prudente. Et maligne. Et, si j'en crois les traces qu'elle laisse... puissante.

Nokomis grimaça.

-Puissante comment?

-Puissante comme dans mon état actuel, je doute de faire le poids face à elle. Admit Jill, le regard sombre.

-Et si tu ne fais pas le poids, qui nous reste-t-il? Ironisa Nokomis, connaissant la réponse.

Elle était en effet évidente. Ni Jenn, ni Mélody, et encore moins Lutz n'avaient la force proférée par les pouvoirs démoniaques de Jill. Nokomis n'avait pas la moindre expérience de combat face à des êtres surnaturels. Rosson aucune expérience de combat tout court. Seule Alice aurait pu faire quelque chose, mais Alice... elle restait terriblement muette et absente, comme si le poison qui avait couru dans ses veines ne s'était jamais totalement dissipé. Alors si cette créature décidait de s'en prendre à elles...

-Il nous reste l'espoir que mon intuition soit bonne, et qu'elle soit de notre côté. Murmura finalement Jill. 


***


Lutz n'avait pas perdu une seconde. A peine sortie du Nirvana, elle s'était rendue, furieuse, au domicile de Jenn. Ce qui était stupide, bien entendu, elle s'en rendit compte lorsqu'elle trouva porte close... le travail de son amie était chronophage, et le peu de temps libre qu'elle avait, elle préférait le passer avec sa fille. Toujours en furie, l'inspectrice traversa donc les portes de l'hôpital quelques minutes plus tard. Le soleil était bas, mais il restait encore du temps, les visites étaient encore ouvertes. 

-Bonsoir, Madame Lutz. Lui sourit amicalement l'infirmière Mikayla. Ce n'est pas votre jour habituel.

La mauvaise humeur de l'inspectrice faillit lui faire répondre d'une manière qu'elle aurait regretté, et elle se calma donc d'un soupire. Elle n'était pas une adolescente... et Mikayla n'avait rien à voir avec toute cette histoire. 

-Bonsoir, Mikayla. Finit-elle par dire. Non, en effet, mais un peu de changement ne peut pas faire de mal... je vois que vous avez récupéré votre siège à l'accueil.

-Oh, oui... grimaça la jeune blonde. Et... je ne me suis pas encore excusée. Je... je ne savais pas pour le contenu de la poche de sérum, je vous le jure! Je... je ne voulais pas les échanger, j'étais... simplement distraite, et... et...

-Stop, Mikayla. L'interrompit Lutz, en la fixant dans les yeux. Vous n'avez absolument rien à vous reprocher.

-La direction de l'hôpital ne semble pas tout à fait d'accord... répondit-elle avec un rictus gêné.

Lutz soupira de nouveau. Elle connaissait la lueur dans le regard de l'infirmière. Ses gestes un peu brusques. Son regard fuyant. Combien de fois avait-elle croisé ces signes dans sa salle d'interrogatoire? Combien de témoins encore sous le choc, traumatisés à vie, avait-elle dû interroger tout de même pour les besoins de son enquête, quitte à les replonger dans les souvenirs qu'ils souhaitaient tant oublier? Lutz avait perdu le compte. Mais son intuition était assez aiguisée pour s'assurer d'une chose; Mikayla avait peut être vu quelque chose. Et si tel était le cas... cela expliquait sans doute en grande partie son état.

-Vous ne devriez pas travailler, Mikayla. Soupira Lutz avec un sourire compatissant. Ce n'est pas tout les jours qu'on survit à une explosion pareille, il n'y a rien de honteux à prendre du temps pour soi... et à aller voir quelqu'un.

L'infirmière eut un léger rire ironique. 

-Je ne gagne pas vraiment assez pour me permettre de poser des jours non payés...

Lutz fronça les sourcils.

-Après ce qui vous est arrivé, vous offrir quelques jours de repos et une aide psychologique est le minimum que l'hôpital doive vous offrir.

-En théorie, peut être... mais dans les faits, nous sommes en manque constant de personnel, et les psychologues n'ont pas de créneau. Alors... on fait avec.

-Mikayla...

-Et puis, vous pouvez bien parler! S'exclama soudain la jeune femme sur un ton un peu plus guilleret, mais qui sonna terriblement faux aux oreilles de Lutz. Vous avez été blessée, vous! Et vous êtes sortie de l'hôpital en moins d'un jour. Les médecins en réclamaient plus!

-Ça n'est pas comparable. Assura l'inspectrice. Et puis, j'en ai vu d'autres.

C'était un mensonge éhonté. Lutz se réveillait encore en pleine nuit, le souvenir de la créature hantant chacun de ses rêves. Ses ailes en peau translucide, ses yeux reptiliens, ses cornes, ses longues griffes aiguisées qui auraient pu si aisément la réduire en charpie... Lutz sentit son corps se tendre. Peut être que c'était elle qui avait besoin de voir quelqu'un, finalement. Mais un quelconque psy l'enverrait sans la moindre hésitation en asile psychiatrique... 

-Oh, toutes mes excuses. S'exclama Mikayla. Je parle, je parle, et l'heure de la fin des visite approche... 

-C'est toujours un plaisir de discuter avec vous, Mikayla. Lui assura Lutz avec un sourire confiant. Et ne vous flagellez pas pour cette histoire, prenez plutôt du repos. 

Lutz vit l'étincelle de curiosité réprimée dans les yeux de l'infirmière avant de se détourner. Elle avait vu quelque chose... elle voulait en parler avec quelqu'un, s'assurer qu'elle avait bien vu, qu'elle n'était pas folle... mais elle avait peur de découvrir qu'elle l'était. Et Lutz se refusait à impliquer une personne de plus dans cette affaire, quand bien même cela impliquait de mentir à Mikayla. Au moins elle en savait, au mieux elle se porterait. 

Lorsque Lutz se glissa dans la chambre, la voix de Jenn y retentissait avec douceur. Mais une autre voix lui répondait, une voix qui aurait probablement dû être profonde et suave en temps normal, mais qui ne ressemblait plus qu'à un croassement.

-... manger autre chose que la bouffe infecte de cet endroit. Disait cette dernière.

-Je sais bien que ce n'est pas vraiment délicieux, y répondait Jenn, mais non, je ne pense pas pouvoir t'apporter un burger la prochaine fois...

-Rhooo, allez, m'man... depuis quand on en a quelque chose à faire de ce que les gens disent? S'ils veulent pas que tu fasse de la contrebande de nourriture, ils ont qu'à engager de meilleurs cuistots. 

-Je ne pense pas que... Oh, Isa!

Lutz s'était retrouvée figée, la porte à moitié entrouverte, la main encore posée sur la poignée. Elle aurait pu rester ainsi pétrifiée longtemps si Jenn ne l'avait pas remarquer, à observer avec une pointe de jalousie cet échange mère-fille. Mais les mots de son amie la tirèrent de sa torpeur, et elle entra, fermant avec soin la porte derrière elle. 

-Bonsoir, Jenn. Et... bonsoir, Alice.

Alice. 

Elle semblait relativement bien éveillée, en cet instant, même si son regard semblait légèrement trouble, et qu'il parût à Lutz qu'elle dut la fixer quelques instants pour la voir au travers du brouillard qui l'envahissait encore. Mais elle était bel et bien éveillée. 

Alice.

Il y avait quelque chose d'à la fois profondément dérangeant et envoûtant dans son apparence. Il aurait été impossible de ne pas la remarquer dans un groupe, tant elle détonnait. Tant elle semblait briller, tant elle semblait unique, et à la fois... dangereuse. Lutz ignorait si cette impression lui venait du fait qu'elle connaissait la vraie nature de la jeune femme... il lui semblait que n'importe qui se retrouvant face à cette paire si étrange d'iris mauves se retrouverait envoûté à jamais. 

-C'est qui, elle? Grogna cependant la jeune fille, après quelques secondes à détailler l'inspectrice avec difficulté. 

-Alice! S'exclama sa mère, avec une expression outrée. Tu as le droit de rester polie. Excuse là, Isa, elle n'est...

-Oh, ne t'inquiète pas. La rassura l'inspectrice, sans laisser son amie terminer. Tu... veux peut être que je vous laisse tranquille.

-Ouais, ce serait bien. Lâcha Alice.

-Alice! Gronda Jenn. Ne l'écoute pas, Isa. J'ai un peu monopolisé la chambre, alors tu as bien droit à un peu de temps avec Tom.

Lutz ne put s'empêcher de jeter un regard au corps inanimé de son petit champion. Mais pas longtemps. C'était... dur. Trop dur. Se retrouver avec lui alors qu'Alice était réveillée, si proche... elle ne se sentait pas à l'aise avec cette idée. Et elle avait en même temps l'impression de trahir sa confiance. 

-Ne t'en fais pas. Profite juste de ta fille. Déclara Lutz, en ressortant.

-Isa! L'interpella Jenn, mais l'inspectrice était déjà sortie. 

Elle se retourna donc vers sa fille en fulminant.

-Quoi? Fit semblant de s'interroger cette dernière. 

-Le fait que tu sois à l'hôpital ne t'autorise pas à te comporter de cette manière!

-Je me comporte comme je veux... et puis c'est quoi son problème, à elle? Rentrer sans permission dans une chambre, sans même demander s'il y a déjà des gens?

-Elle est la mère de ton compagnon de chambre!

-C'est un légume! Rétorqua Alice. Elle veut faire quoi, lui parler? Autant discuter avec un mur!

-Bon sang, j'ai l'impression d'entendre ta mère! S'emporta Jenn.

Les yeux d'Alice roulèrent de colère dans leur orbite, mais elle ne rajouta rien. Jenn hésita à s'excuser. Alice détestait plus que personne qu'on lui rappelle sa démone de mère absente, et les ressemblances qu'elles entretenaient malgré elle. Elle lui en voulait trop pour ça. Jenn ne lui disait cependant pas cela pour la blesser... tant de choses en Alice lui rappelaient Satan. Ses longs cheveux argentés, ses yeux mauves... son ton cassant, sa manière de toujours prendre les choses à bras le corps. Son manque d'empathie également, malheureusement... Alice était telle une mère louve pour ceux qui lui étaient proches, mais avait plus de mal à ne pas être insensible avec le reste du monde. Tout comme sa mère, avant elle... Satan aussi avait la remarque acerbe facile. 

Mais Isabelle n'était pas n'importe qui, pour Jenn, et voir sa fille se comporter ainsi avec elle l'avait mise en colère. Bien sûr qu'Alice ne pouvait pas le savoir, mais ne pouvait-elle pas juste essayer, pour une fois, de ne pas être hostile? Pourquoi Jenn devrait-elle se sentir obligée de s'excuser de la comparaison qu'elle avait faite entre Alice et sa mère, quand bien même elle savait qu'Alice ne s'excuserait certainement pas de son comportement envers Lutz? Elle était bien trop fière pour ça. Et Jenn trop fatiguée pour lui dire ses quatre vérités.

-Je vais y aller. Déclara-t-elle finalement.

-Q-quoi? Déjà? S'exclama Alice, dont le visage avait soudain perdu toute son arrogance. 

-Tout à fait. Et nous reparlerons de ton comportement. 

-M-mais... attends, m'man! C'est juste une inconnue, c'est...

Jenn fusilla de nouveau sa fille du regard. 

-Isabelle n'est pas une inconnue, Alice. Et quand bien même elle en aurait été une, qu'est ce que ça change? Elle est la mère d'un enfant, un enfant dans le coma. Comme toi tu l'étais il y a à peine plus d'une semaine dois-je te le rappeler? Comment crois-tu que j'aurai réagi si quelqu'un t'avais traitée de légume?

-C'est pas pareil! Insista Alice, avec une hargne retrouvée.

Jenn poussa un long soupire. 

-Évidemment que tu ne cherches même pas à t'excuser. Lâcha-t-elle d'un ton amer, se rappelant que, cela aussi, était un trait qu'elle avait en commun avec sa mère. A demain, Alice.

-Attends, Maman!

Jenn ferma la porte derrière elle, et se laissa tomber contre le battant, légèrement tremblante. Une pointe de culpabilité la frappa. C'était sa fille, son bébé, son bijou, celle qu'elle avait cru perdre à jamais... comment pouvait-elle la traiter aussi durement? La réponse se trouvait face à elle, mordillant son pouce en fixant un point sur le sol. Lutz était immobile, silencieuse, adossée au mur faisant face à la chambre. Jenn se perdit dans l'observation de ses boucles rousses, de son visage dur marqué par les ans, mais également d'une telle maturité... si elle revoyait un jour Satan, à quoi ressemblerait-elle? Probablement à la même jeune adulte pulpeuse et sans ride qu'elle avait rencontrée, alors qu'elle n'était même pas sortie du lycée... mais Jenn, elle, avait vieilli. Elle le sentait dans chacun de ses os, dans son besoin en sommeil toujours plus grand, dans le recul qu'elle avait sur certaine choses. 

Et ce recul lui rappelait les mots d'Alice à l'égard d'Isabelle, et donnaient raison à son comportement. Alice avait peut être failli disparaître... mais elle restait Alice. Et les défauts qu'elle avait eu auparavant n'en avaient pas été effacés pour autant. 

L'inspectrice finit par remarquer la présence de Jenn, et sursauta légèrement. 

-Jenn? C'était rapide. 

-Hm. Tu sais que tu as le droit de passer du temps avec ton fils... 

-Profite-en plutôt pour en passer avec ta fille. Rétorqua la rousse sans broncher. 

Jenn soupira, légèrement amusée. 

-Tu as l'air épuisée. 

La voix de l'inspectrice ramena le regard de Jenn à elle. Etait-elle épuisée? Oui, elle le ressentait... plus jeune, elle aurait tenu le coup, mais plus maintenant. Le travail, le temps auprès d'Alice, le stress quand il fallait dormir... 

-Je vais aller me coucher tôt, ce soir. Lui assura Jenn. Et toi, que fais-tu là? Nous ne sommes pas jeudi, pourtant...

Cette phrase sembla ranimer la colère de Lutz en un éclair.

-C'est Jill! Fulmina-t-elle. Tu sais ce qu'elle a osé me demander?

Jenn sourit. Isabelle n'était pas du genre à s'emporter... mais la colère collait bien à son air de maturité.

-Je ne sais pas ce qu'elle a osé dire... répondit finalement Jenn, en entraînant son amie le long du couloir. Mais je suis sûre que tu vas me le dire. 

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