Dans l'oeil du cyclone
-Je ne pense pas me tromper... Déclara Jules Sigurdsson, le visage creusé, penché au dessus du visage souffrant d'Alice. Elle a des contractions, et a perdu les eaux... elle est en train d'accoucher.
-C'est n'importe quoi! S'exclama Charlotte, derrière laquelle s'était réfugiée Cassandre, un peu perdue au milieu de tous ces inconnus. J'ai vu Alice il y a moins de deux mois, et elle n'avait pas le moindre ventre!
-Elle n'en avait pas plus il y a une semaine, quand elle a quitté la maison. Enchérit Tom, le visage soucieux. Vous êtes sûrs, docteur?
-Jpense qu'il nous raconte des conneries. Grinça Charlotte en s'avançant, menaçante.
-Ecoutez, je suis tout aussi surpris que vous l'êtes! S'exclama le chirurgien. Mais il n'y a aucun doute... Alice est bel et bien en train de donner la vie.
-Tu-
-Cha. Arrête, s'il te plait. S'interposa Mélody, interrompant sa fille qui semblait prête à sauter à la gorge du médecin. Quant à toi, Jules, il va nous falloir plus d'explications que cela.
La voix de l'ex-pianiste était froide et imposante. La voix d'une femme qui avait dû s'imposer pendant des années dans l'univers impitoyable du spectacle et de la musique. Mais aussi celle d'une femme qui avait trop subi en trop peu de temps pour accepter de prendre plus de risques. Sigurdsson déglutit. Il venait, après tout, d'annoncer à cette même Mélody qu'il savait depuis le début toutes les machinations de Morgane. Il venait d'admettre être un traitre. Et sa défection du Coven n'était pas actée, ni prouvée. Le vieil homme pesa ses mots avec prudence, conscient qu'à cet instant précis, c'était sa vie qui était sur le fil... mais aussi peut être celle de Alice.
-Je pense qu'il s'agit d'un déni de grossesse. Expliqua-t-il finalement. Il s'agit d'un cas assez rare de grossesse durant laquelle les signes apparents habituels apparaissent tardivement. Je ne suis pas expert en la matière, mais nous avons eu un cas similaire à l'hôpital il y a quelques mois, et c'était si impressionnant que je me suis renseigné.
-J'en ai entendu parler, oui. Admit Mélody, toujours froidement, mais cela permit à Jules de respirer un peu plus sereinement. Mais il y a une différence entre des signes retardés et un accouchement surprise.
-Dans les cas les plus rares, les signes avant coureur de la grossesse n'apparaissent pas avant l'accouchement lui même. Ce sont aussi les cas les plus dangereux, car la grossesse n'a eu aucun suivi médical, et le choc psychologique de réaliser ce qui arrive est très violent sur les jeunes mères. On ne sait pas forcément ce qui cause ce genre de déni, mais des raisons psychologiques sont souvent avancées.
-Comme... une terreur irrationnelle de devenir mère? Demanda Tom, livide.
Jules croisa son regard, et hocha subrepticement la tête. Charlotte se passa la main dans les cheveux, de plus en plus paniquée, jusqu'à ce que Cassandre passe une main se voulant rassurante sur son épaule. Mélody, elle, fronça les sourcils, plongée dans ses pensées.
-Imaginons que tu ai raison. Déclara-t-elle finalement, son unique oeil lançant des éclairs. Qu'est ce qui te fait croire que je vais laisser un des assassins de Jenn s'occuper de l'accouchement de ma nièce.
Tous les regards se fixèrent immédiatement sur Jules Sigurdsson, et plus particulièrement celui de Charlotte. Il était évident que c'était la première fois qu'elle entendait parler de cela, et une frisson la parcourut tandis que la température diminua soudain dans la pièce. Jules déglutit de nouveau. Avant de répondre.
-Parce que vous n'avez pas le choix. Décida-t-il de répondre en toute franchise. Vous n'avez pas d'autre médecin sous la main, et les membres du Coven sous les ordres de Morgane occupent déjà tout l'hôpital. Si vous vous y rendez, elle le saura immédiatement... et nul doute qu'elle profitera du fait que Alice est aussi affaiblie. C'est une terrible coïncidence que cela arrive maintenant... mais aussi une occasion en or pour Morgane. Si elle l'apprend, elle n'hésitera pas une seconde à venir.
-Il n'a pas tort.
La voix qui venait de s'élever depuis l'entrée de la chambre était celle de Sélène. La petite fille semblait terriblement sérieuse.
-Ce n'est qu'une question de temps avant que Morgane ne sache que nous sommes de retour à Lyon. Continua-t-elle. Peut être même est-elle déjà au courant. Sheira, Jill et moi pouvons sans doute défendre la maison un certain temps, mais pas indéfiniment. Nous avons besoin du pouvoir de Alice face aux troupes de Morgane. Laisser cet homme s'occuper d'accoucher Alice est un risque, mais aussi le meilleur moyen que nous ayons à notre disposition de la remettre sur pied au plus vite.
-E-eh, Sélène. L'interpella Charlotte. Moi aussi je peux me battre.
Sa voix n'était pas assurée. Sélène la fixa longuement de ses pupilles mauves. Mais avant même qu'elle n'ait son mot à dire, c'est Mélody qui coupa court à la discussion.
-C'est hors de question. Je viens à peine de retrouver ma fille, je refuse de l'envoyer se battre contre les monstres de Morgane.
-Ma! Ils sont aussi monstres que moi, jte fais dire! Protesta Charlotte.
-Non, c'est non. Déclara Mélody, catégorique.
-Je me range à l'avis de ta mère, petite. Approuva Sélène - ce qui était assez étrange venant d'une personne ayant l'apparence d'une enfant de huit ans. Tu es peut être de première génération, mais tu n'as quasi aucune expérience du combat. Je ne pense pas que t'avoir en première ligne soit sage. Et puis... il faut bien que quelqu'un reste ici pour surveiller que ce médecin ne fasse pas de faux pas.
-Mais... commença à protester Charlotte.
C'est alors que Cassandre lui prit la main. Le regard de l'ex-nonne était un mélange de supplique et d'inquiétude. Charlotte frissonna. Elle devait admettre qu'elle avait peur. Qu'elle était terrifiée. Et si... Wendigo n'était pas parvenue à convaincre Rain et Sticks? Si cette dernière apparaissait? Même Sheira et Sélène auraient du mal à la contenir. Alors, que dire de Cassandre? Ou de sa mère? De Tom et Isabelle? Ou de Alice? Aucun n'étaient en capacité de se défendre face à la monstruosité du Coven. Charlotte soupira, légèrement tremblante, et serra la main de Cassandre en réponse.
-Je serai la dernière ligne de défense. Déclara-t-elle. Mais si vous êtes incapables de les empêcher de nous atteindre, je ne resterai pas sans rien faire. Prévint-elle tout de même.
Les épaules de Mélody s'abaissèrent ostensiblement. Elle était rassurée. Un gémissement d'Alice fit revenir tout le monde à la raison et mit fin à la conversation.
-Je descend surveiller les environs. Déclara Sélène. Si Morgane sait déjà, alors elle ne tardera pas.
Mais sur le chemin de la sortie, la petite fille buta contre une silhouette hagarde. Evidemment, malgré sa silhouette menue, Sélène n'en restait pas moins une sang pur très puissante, et elle projeta donc violemment en arrière Isabelle Lutz, qui menaça de basculer en arrière dans les escaliers.
-Maman?
-Isabelle!
S'exclamèrent en cœur Mélody et Tom en accourant. La vieille inspectrice semblait toujours bien loin... mais c'était la première fois depuis des mois qu'elle se déplaçait ainsi de son plein gré, sans être accompagnée. Tom vint lui prendre le bras, une expression inquiète sur le visage... mais incapable de cacher l'once d'espoir qui brillait dans son cœur. C'était la première fois que l'état de sa mère semblait réellement s'améliorer.
-Là, là... tout va bien, Maman?
-Elle a vraiment monté les escaliers seule? S'interrogea Mélody en venant prendre le second bras de l'inspectrice.
Un nouveau gémissement d'Alice, plus puissant cette fois, retentit dans la pièce. Et Isabelle Lutz y réagit, avançant en direction du lit, comme mystérieusement attirée. Ses deux accompagnateurs la suivirent avec attention. Le regard vide de la vielle femme se figea sur le visage suant et déformé par la douleur d'Alice.
-Qu'est ce qu'elle a, elle? Interrogea Charlotte, toute proche. C'est qui?
-Shh! Lui intima sa mère, en observant Isabelle avec une attention redoublée. Isabelle? C'est Alice. Vous vous souvenez d'Alice? La... la fille de Jenn? Ça vous dit quelque chose?
Isabelle Lutz sembla tressaillir légèrement. Mais Mélody n'aurait su dire si c'était vraiment ce qu'il s'était passé, ou ce qu'elle aurait souhaité voir.
-J'ai l'impression qu'elle comprend un peu. Insista-t-elle. Parle lui, Tom.
-Moi? Mais-
-Tu es son fils! Elle te connaît mieux que moi! ta voix a probablement plus de chance de l'atteindre!
Tom ne demanda même pas comment elle pensait que ce genre de chose fonctionnait. Au point où ils en étaient, il n'avait rien à perdre. Sa mère n'avait jamais particulièrement réagi à sa voix auparavant, mais elle n'avait jamais bougé de son propre chef non plus.
-Eh, Maman... tu... tu m'entends? C'est moi, Tom. Et elle, c'est Alice. C'est la fille de Jenn. Tu te souviens de Jenn? On m'a dit que vous étiez très proches. J'aurai bien aimé la connaître, tu sais. Et puis, Alice... c'est aussi... ma petite amie. Nous avons gardé le secret jusqu'ici, mais...
-C'était un secret? Sourit gentiment Mélody.
Tom rougit légèrement, mais se reprit.
-Elle... elle est la femme avec qui je veux passer le restant de mes jours, Maman. Et... elle est sûrement en train d'accoucher de notre enfant. Ton petit-enfant, Maman! Et celui de Jenn aussi! Et-
-Tom. L'interrompit Mélody.
Tous les regards se tournèrent vers Isabelle. Une unique larme roulait le long de la joue ridée de l'inspectrice. Sa bouche semblait chercher à articuler quelque chose sans y parvenir. Mais sa main, elle, s'agrippa de toutes ses forces au bras de Tom.
-Oui! S'exclama ce dernier. C'est moi, Tom! Tom! Je suis réveillé, Maman! Depuis des mois!
-Abysse... soupira Mélody en se laissant aller contre le mur. Vous revoilà, Isabelle... Je n'y croyais plus.
***
La maison retentissait des cris de douleurs de Alice. Au rez de chaussée, Jill et Mélody discutaient - en tout cas, c'est l'impression qu'elles donnaient, mais il était tout à fait probable que Mélody soit surtout en train de remonter les bretelles à sa femme pour sa fugue prolongée. Sélène et Sheira, surveillaient les environs depuis le perron et le jardin, aux aguets. Dans la chambre de Tom, auprès de la future mère, ne restaient que Sigurdsson, Tom, et Isabelle, assise dans un coin de la pièce, mais qui semblait reprendre peu à peu de ses esprits.
Le médecin encourageait la jeune femme du mieux qu'il pouvait, sans savoir si elle l'entendait vraiment. Son ventre avait tellement gonflé en si peu de temps que c'en était inquiétant. Jules n'avait osé faire part de ses craintes, mais il avait peur. Peur de l'état de Alice après cette épreuve, en premier lieu. Elle avait beau être solide physiquement, Alice était très instable, psychologiquement. Et sa terreur à l'idée d'être mère n'allait pas aider. Jules avait aussi peur pour l'état de l'enfant. Sa mère avait, après tout, passé les mois de sa grossesse à parcourir l'Europe pour se battre contre les sbires du Réseau, et n'avait pas particulièrement pris grand soin de son corps. Comment savoir si le nourrisson n'avait pas déjà pris un mauvais coup lors de l'un de ces combats? Sigurdsson craignait fort de voir un mort-né sortir des entrailles de Alice. Cette dernière préférerait sans doute cette option, mais le chirurgien craignait de potentielle complications, et qu'un sentiment de culpabilité s'empare également de Alice. Elle avait beau ne pas désirer d'enfant, il n'était pas dit qu'elle ne se considérerait pas comme responsable du décès de celui-ci.
Et enfin... Morgane. Jules savait qu'il s'agissait d'une course contre la montre. Il espérait encore que sa compagne reviendrait à la raison. Qu'elle cesserait cette folie. Elle avait changé durant ces mois passés aux côtés d'Alice, Jules en était persuadé. Mais Morgane était trop obnubilée par sa vengeance pour accepter ce fait. Et, ce faisant, elle allait détruire tout ce qui comptait réellement pour elle. Ce qui comptait tellement plus que cette stupide vengeance, envers une créature si immense et hors du temps qu'elle semblait ridicule. Tuer Satan? Quel intérêt si c'était pour semer mort et désolation en chemin? Quel intérêt si c'était pour détruire celle qui s'était approché le plus près d'être une fille pour la stérile Morgane? Tout cela ressemblait à une mauvaise tragédie. Peut être était-ce la punition de Jules pour avoir cru qu'il aurait le droit à une deuxième chance après avoir abandonné son propre fils. Pour avoir céder tous ses sentiments à son métier et sa carrière. Peut être que tout ce qu'il touchait, tout ce qu'il approchait, était condamné à être retourné à la poussière. Peut être était-ce sa punition pour avoir été un si piètre parent. Peut être était-ce sa punition pour toutes ces vies qu'il avait échoué à sauver en tant que médecin. Peut être ne pouvait-il tout simplement pas avoir droit au bonheur.
-J... Jules...
Un murmure à peine audible tira le médecin de ses sombres pensées.
-Oui, Alice. Lui répondit-il. C'est très bien. Tu t'en sors très bien.
-Alice! S'exclama Tom, qui se jeta à son chevet.
-Tom! Le rappela à l'ordre le médecin. J'ai besoin de ton aide ici!
-Je... vais aider.
Ce fut l'inspectrice, encore hagarde, qui vint remplacer le jeune homme auprès du médecin. Jules sursauta. Mais se reprit vite.
-Très bien, inspectrice. Mais lavez vous bien les mains avant, dans ce cas.
-J-j-jules... râla une nouvelle fois Alice.
-Oui, Alice. Je suis là.
-E... est-ce que... c'est vrai?
-Oui, tu vas avoir un magnifique enfant. Lui assura l'homme. Et-
-Q... que c'est Morgane... q-qui a tué ma mère? Termina Alice, en l'interrompant.
Jules se tut, la gorge serrée. Quel imbécile il était. Ses grandes idées de bonheur et de famille de remplacement étaient construite sur un meurtre. Sur plusieurs meurtres, même. Peut être était-ce pour cela que Morgane avait réalisé avant lui que tout ça n'avait aucun sens. Qu'il n'y avait aucun avenir pour leur petite famille de substitution. Que tout cela n'avait été qu'un jeu malsain, joué aux dépends d'Alice. La seule à ne pas savoir qu'elle offrait son cœur à ceux là même qui le lui avait arraché. Finalement, tout était peut être prédestiné à finir ainsi...
-Oui. Répondit le médecin dans un souffle.
Alice ne jura pas. Ne s'emporta pas. Aucune de ses habituelles colères ne tenta de faire surface malgré sa douleur et son épuisement. Elle ne répondit qu'une courte phrase, dans un souffle, elle aussi. Deux mots. Rien que deux mots.
-... Je vois...
-Ali! S'exclama Tom, à côté d'elle. Je suis là, moi. Je ne vais pas t'abandonner.
Peut être qu'Alice voulut lui répondre. Ou peut être pas. Peut être même ne l'entendit-elle pas. Quoi qu'il en fut, une violente contraction lui tira un nouveau cri de douleur.
-Je vois une tête! S'écria Jules.
***
Charlotte était sortie de la chambre assez rapidement. Elle ne pensait pas que Jules Sigurdsson tente quoi que ce soit. Et elle ne supportait pas de voir Alice dans un tel état. Elle restait prostrée, assise devant la porte, tel un fidèle chien de garde devant le lit d'hôpital de son maître mourant. Cassandre était assise à ses côtés. Elle avait posé sa tête contre l'épaule de la demi-démone.
-C'est étrange... finit par dire Charlotte, après cri particulièrement puissant d'Alice. Je devrai être heureuse d'être enfin rentrée à la maison. Après presque deux ans... je suis enfin de retour à Lyon. Mes mères vont bien. Alice... est en vie. Mais... j'ai l'impression d'être une étrangère.
Cassandre releva la tête, et fixa Charlotte. Elle fit un simple signe de la main pour toute réponse.
-Pourquoi? Je... je sais pas trop. Répondit Charlotte. Ce n'est pas ma maison. Je ne connaissais même pas le petit ami de Alice. Je ne savais même pas que Jenn avait retrouvé l'amour. Je ne savais même pas que M'man avait arraché un œil à Ma pendant une crise. Et maintenant, Alice va même devenir mère... j'ai l'impression que tout le monde a continué sa vie sans moi, et que je suis la seule a être restée coincée sur ce bateau il y a presque deux ans.
Cassandre protesta avec véhémence par signes interposés.
-Je sais que j'avais perdu la mémoire! S'emporta Charlotte. Mais ça ne change rien! En deux ans, toute ma famille a traversé tant d'épreuve, et... et moi? Moi, je n'ai fait que tenter de revenir... et échouer. Nous faire perdre du temps. Être effrayée. Être terrifiée. Être inutile. Alors que pendant tout ce temps j'aurai pu être là, à leur côté, à les aider, à les soutenir... à empêcher qu'on en arrive à ce point. J'aurai peut être l'impression d'encore avoir ma place ici, alors.
Cassandre prit le visage de Charlotte entre ses mains, et lui serra fort les joues, tout en fronçant les sourcils.
-Oïe! Orrête, cho fait mol! Protesta la demi démone.
Cassandre la lâcha, mais elle semblait tout de même sincèrement énervée. Elle commença à signer, se reprenant plusieurs fois, comme si elle ne parvenait pas à trouver les mots. Ou bien que leur petit système de signes improvisé atteignait enfin ses limites. Finalement, elle sembla se décider, et signa une simple phrase. La gorge de Charlotte se serra en la lisant.
"Tu m'as sauvée, moi"
Charlotte n'y avait même pas pensé... sans elle, Cassandre serait toujours prisonnière du Monastère, sous l'emprise de la mère supérieure, à ne pas savoir qui elle était, à ne rien connaître du monde extérieur, et à attendre que le temps passe, indéfiniment... sans aucun espoir de s'en échapper un jour. Mais... Charlotte n'avait pas tiré Cassandre de cet endroit sur un simple coup de tête.
-Toi aussi tu m'as sauvée. Admit Charlotte avec un léger sourire. Si tu n'avais pas été là... qui sait en combien de temps j'aurai retrouvé ma mémoire. Qui sait si j'aurai tenu le coup quand elle a fini par me revenir... je ne pouvais pas te laisser là bas.
"Ne dis plus jamais que tu es inutile" fut la réponse de Cassandre. "Pour moi, tu es la personne la plus importante du monde"
Charlotte déglutit.
-Je ne suis pas digne de ça. Répondit-elle, amère. Je t'ai peut être tirée de là bas, mais c'était... simple. Je ne savais meme pas ce que je faisais. Je ne réalisai pas que t'amener dans le vrai monde était t'exposer à de tels dangers. Je ne sais même pas si on va survivre à la confrontation avec la Coven! Je... je...
Charlotte tremblait comme une feuille. Cassandre s'approcha, et posa ses lèvres sur sa joue. La demi-démone secoua la tête. Comment pouvait-elle être l'objet d'un amour aussi pur? Elle était faible. Elle était couarde. Elle n'avait jamais réussi à sauver personne. Ni Yuu, ni Joseph, ni Roméo, ni Jenn, ni ses mères, ni même Alice. Au milieu de cette hécatombe, Cassandre brillait telle une exception. Elle ne l'avait pas sauvée une fois, mais deux. Mais combien de temps encore y parviendrait-elle? Au vu des évènements à venir, il lui semblait si dur d'imaginer que tout le monde en sortirait indemne. Et si... et si Sticks revenait lui enlever Cassandre? Comment Charlotte pourrait-elle se regarder dans le miroir? La peur lui tordait le ventre.
La réalisation de ses sentiments la frappa en même temps que les premières gouttes de pluie vinrent s'abattre soudain contre le carreau de la vitre surplombant les escaliers tout proches. Charlotte eut un rire nerveux.
-On dirait que Sticks et Rain seront de la partie, finalement...
Le regard de Cassandre s'écarquilla, mais Charlotte vint noyer ces doutes dans un doux baiser. Elle aimait cette belle blonde muette. Comme elle avait aimé Yuu par le passé. Comme elle aimait sa famille. La peur et la terreur lui tordaient les entrailles. Elle n'avait qu'une envie, prendre ses jambes à son cou, fuir, très vite, très loin, s'échapper des horreurs innommables en approche.
Mais elle ne pouvait pas. Elle avait tant de monde à protéger. Tant de proches à chérir et à aimer. Et même si cette lutte était vaine... au moins, elle avait trouvé le courage d'embrasser la personne qu'elle aimait une fois dans sa vie. Charlotte regrettait de ne pas avoir trouvé cette force plus tôt. Mais était rassurée d'y avoir réussi avant de mourir. Car Charlotte se leva et descendit au rez-de-chaussée avec l'intime conviction qu'elle allait mourir en ce jour.
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