La lettre rouge

*Lundi 14 mai*

*"Selon plusieurs études, les bâtiments colorés nuisent à l'esthétique globale de la ville et déconcentreraient 76% des travailleurs. De plus, ils contribueraient à renforcer les inégalités visuelles entre les habitants des quartiers huppés et ceux des quartiers plus modestes. Basé sur ces études, tous les bâtiments seront repeints en gris, à commencer par la capitale. C'est ce qu'à annoncé ce matin le nouveau gouvernement, que beaucoup surnomment d'ores et déjà « parti gris ». "

*Eleonore Park*

Quelle drôle d'idée. Bien contente que mon immeuble soit déjà gris, cela épargnera des frais de peinture. Dans l'article du dessous, un journaliste peste contre cette réforme. Réaction un peu exagérée, si vous voulez mon avis.

Repeindre la ville en gris ne vas pas nous tuer, si ?

Une jolie maison aux volets verts attire mon oeil, et une femme en sort: une chevelure rousse, flamboyante, tombe sur ses épaules vêtues d'une veste de tailleur verte.

Ses yeux noisette brillent d'un éclat doré, et le franc sourire qui se forme sur son visage quand elle me salue me fait chaud au coeur.

Je continue ma route, profitant de ce doux soleil de ma peau, avant de presser le pas pour ne pas être en retard au travail.

La lettre rouge
*Mercredi 16 mai*
"Après l'ordre de repeindre en gris tout les bâtiments de la ville, les vêtements de couleur sont désormais eux aussi interdits à la vente. Je vous invite à vous poser la question, mesdames et messieurs: que viendra-t-il ensuite. Interdiront-ils les livres colorés ? Les aliments colorés ?
Ou passeront donc touts ces couleurs, ces rouges sombres, ces jaunes éclatants, ces verts pommes, ces bleu cyan, ces multitude de nuances qui composent le monde?
Réfléchissez bien à cela: où ce parti-gris va-t-il nous emmener? "

*Eleonore Park*

Je referme mon journal, pensive. Les gens s'indignent pour pas grand chose,: après tout, quand on y réfléchit, les teintures pour vêtements coûtent cher et polluent, je pense, donc ce n'est sûrement pas si mal de les interdire à la vente. De ma part, avec mon pantalon gris et ma chemise blanche, cela n'aura pas grande incidence sur moi. Le ciel est un peu plus nuageux, aujourd'hui. Les nuages cotonneux étiolés voilent le bleu du ciel.

Un bruit de bottes m'arrache à ma contemplation. La même femme qu'hier marche d'un pas déterminé, vêtue aujourd'hui d'un ensemble de tailleur violet pâle. Je remarque que sa maison n'est d'ailleurs pas repeinte: les volets verts détonnent dans ce paysage gris, en une nuit des dizaine de bâtiments ont déjà été repeints.

Elle me salue et je croise son regard: avec ses cheveux assemblés en un chignon fou, son visage volontaire et sa démarche assurée, elle paraît prête à vaincre le monde entier.

La lettre rouge
*Vendredi 18 mai*
" Les vêtements de couleurs ne sont plus seulement interdits à la vente: tout personne portant des vêtements ou accessoires jugés trop colorés recevront une amende puis seront arrêtés si récidive, a annoncé aujourd'hui le parti gris. Mais à la une ce matin, ce qui inquiète bien des citoyens: une « milice grise » serait à l'origine de plusieurs dégradations dans la nuit d'hier à aujourd'hui. De nombreux commerçants proposant à l'achat des vêtements de couleurs ont retrouvés leurs magasins saccagés, pillés, leurs vitrines brisées. Le gouvernement n'a fait aucune annonce à ce sujet, pourtant, beaucoup suspectent le parti gris d'être derrière ces évènements."

*Eleonore Park*

Être arrêté pour des vêtements coloré? Là, ce n'est pas normal! Je comprends que certain s'insurgent. J'ai beau vérifier que je ne porte rien de coloré, je ne peux pas m'empêcher de rentrer la tête dans les épaules en entendant des pas pressés, et de me détendre une m'assurant que ce n'est pas une milice où je ne sais quoi.

La femme que j'ai désormais l'habitude de croiser ressort aujourd'hui particulièrement: son tailleur bordeaux ressort particulièrement dans la population toute de grise vêtue. Sa maison n'est toujours pas repeinte, c'est à se demander si elle lit les nouvelles. Pourtant, un exemplaire de la lettre rouge, le quotidien le plus réputé et le plus fiable de la ville, est enroulé dans son poing fermé.

Je me retourne sur son passage pour observer cette étrange dame, point rouge dans ces rues grises, entre ces gens vêtus de gris, même le ciel est couvert de lourds nuages gris, je me demande pourquoi diable ne se plie-t-elle pas aux règles, comme tout le monde.

Et elle continue de s'éloigner, comme une flamme ardente dans un monde éteint, jusqu'à s'évanouir dans la masse de gens gris.

La lettre grise
*Samedi 19 mai*
"Le journal « La lettre rouge » ne sera plus publié en raison de propos diffamatoires.
Aux nouvelles d'aujourd'hui, toutes personnes n'ayant pas les cheveux bruns où châtains se verront dans l'obligation d'effectuer une coloration de cheveux dans le but d'unifier la population et d'effacer, de manière symbolique, les inégalités qui nous séparent dés la naissance. Dans le même but, tout les écoliers du pays devront tous être vécus de l'uniforme national.
Toutes ces mesures devront être appliqués dans les deux semaines à venir, après quoi les réfractaires seront sanctionnés."

En lisant cette nouvelle, mon esprit se dirige immédiatement vers la femme aux cheveux roux et aux yeux brûlants d'un éclat mordoré que je crois chaque matin. Cette inconnue dont je ne sais rien, cette inconnue que je n'a pas vu ce matin. Peut-être est-elle simplement partie de chez-elle plus tôt, où plus tard.
Pourtant, quand je sors mon parapluie noir afin de me protéger des grosses gouttes fouettant mon visage, quand je vois ce monde tout de gris autour de moi, une petite voix me dit que ce n'est pas ça.

La lettre grise
*Dimanche 20 mai*
"Une criminelle, dont l'objectif était de répandre des fausses informations et d'encourager le non-respect des lois à été arrêtée ce vendredi.Cette jeune femme, du nom d'Éléonore Park, était rédactrice dans le journal « La lettre rouge » et faisait courir des accusations envers le gouvernement. "

Sous l'article en question, une photographie en noir et blanc de la fameuse «criminelle » s'étale.
Une jeune femme y tient une petite pancarte.
Sur ses bras dénudés s'étendent d'affreuses cicatrices, qui de loin paraissent récentes.
Ses traits sont tirés, ses lèvres enflée, son oeil est entouré d'un hématome. Le gouvernement fait passer un message clair à tout ceux qui tenteraient de résister: vous serez battus, et vous subirez les pire souffrances.
Ce n'est qu'en passant devant la maison en train d'être repeinte tout de gris, cette maison aux volets anciennement verts, que je prends conscience de la personne sur cette photographie.

Devant moi, imprimée sur le papier, s'étale le visage de la femme rousse, l'inconnue que je pensais parfois connaître. Eléonore Park.
Pourtant, son visage n'était plus volontaire, sa posture n'était plus assuré, et, dans ses yeux, la flamme avait disparue.
Sur le muret de cette maison autrefois si belle est dissimulé un paquet de tracts, et, sur ces tracts, une adresse.
Sans aucune autre information, je devine pourtant à quoi elle correspond.

Ce soir là, en observant le ciel orageux, je me rends compte à quelle vitesse la situation s'est dégradée: en une semaine à peine, le parti gris nous à privé de toutes nos libertés.
Je toque à la porte. Celle-ci s'entrouvre, une vieille femme me demande la raison de ma venue.
Un éclair illumine la nuit, tandis que je réponds sans une once de doute:

« Je veux entrer dans la résistance ».

Ecrire une nouvelle sur un régime totalitaire

Une nouvelle écrite pour mon cours de français, la plus longue de tout ce receuil!
Je publie moins en ce moment car j'ai beaucoup de travail et car je bosse sur d'autres projets en parallèle, notamment pour des concours. Enfin bref, j'espère qu'elle vous aura plu!
Bonne soirée!