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10 ans plus tard

Bonjour !

J'espère que vous allez bien ^^

Je suis très heureux de vous proposer un bond dans le futur, 10 ans après Tant Qu'il Le Faudra.

J'espère que vous apprécierez le voyage.

Bonne lecture

*********

2029.

J'ai cru que cette réunion ne se terminerait jamais. Ce n'est pas que ce nouveau moteur électrique en passe de devenir le plus « vert » du marché ne m'intéresse pas, mais je suis attendu. L'écran de mon téléphone n'a pas arrêté de s'illuminer, le prénom de mon mari arrive bien évidemment en tête de liste.

Enfin, notre chef décide de clore le débat. Je prends sur moi pour ne pas me lever immédiatement, ce qui serait très mal vu et je ronge mon frein en attendant qu'il se décide à ouvrir cette putain de porte. Heureusement, lui aussi semble avoir envie de rentrer chez lui aussi il ne met pas longtemps à nous libérer. Je m'excuse auprès de mes collègues qui prévoient sans surprise d'aller prendre un verre en bas de l'immeuble. Ça sera sans moi.

Dans l'ascenseur, je rattrape tous les messages de Galahad.

Galahad : Est-ce que je dois t'attendre ou on se rejoint là-bas ?

Galahad : J'imagine que tu es encore en réunion...

Galahad : Je suis prêt, je t'attends.

Galahad : Bon, je crois que je vais y aller

Galahad : Tu prendras un taxi ? Je n'ai pas envie de m'embêter à garer ma voiture

Il a bien fait de ne pas m'attendre, j'ai presque une heure de retard. J'appelle un taxi. Pas le temps de repasser à la maison, je vais devoir y aller directement. Je dénoue simplement ma cravate pour la ranger dans mon attaché-casse en cuir. J'espère que je ne serai pas le seul en costume, sinon on va se foutre de ma gueule. Heureusement je crois que la soirée se veut institutionnelle, comme il y a dix ans. J'espère que les nouveaux ont retenu les leçons notre échec. Déjà, nous – les anciens – avons tous été invités. C'est bon signe.

Qu'est-ce que je déteste devoir aller bosser dans un uniforme pareil. J'adore mon travail, mais qu'est-ce qu'ils peuvent être coincés. J'envie Galahad qui peut aller bosser en jogging si ça lui chante. Ce qu'il ne fait jamais, mais s'il voulait, il pourrait. Ça fait toute la différence.

Il me faut une petite demi-heure pour faire La Défense-Mairie du 4e arrondissement. J'en profite pour checker les photos sur les réseaux sociaux. Putain, tout le monde y est sauf moi ! Ils ont l'air de trop bien s'amuser. Je trépigne sur la banquette arrière pendant que mon chauffeur tente de me faire la conversation.

Alors que la voiture s'arrête enfin devant la mairie, je ne perds pas de temps. Je règle ma course rapidement avant de me précipiter à l'intérieur.

*

L'événement a lieu exactement au même endroit qu'il y a dix ans. Histoire de bien nous foutre la honte. A la différence près que lorsque je pénètre enfin dans la salle des fêtes, ça grouille de monde. Beaucoup de visages inconnus, mais également des têtes familières. Je ne peux retenir un sourire. Ça fait trop bizarre et en même temps c'est un peu excitant.

J'attrape une coupe de champagne et commence à chercher mes anciens camarades d'HoMag – devenu Mag-en-ciel mais pour moi ça restera toujours HoMag – et accessoirement le mec qui me sert de mari.

Soudain, près du buffet (évidemment), ils sont là. Ils sont tous là. C'est comme prendre une machine à voyager dans le temps. Il y a des visages que je n'ai pas vu depuis des années.

Sen, je l'ai perdu·e de vue deux ou trois ans après avoir quitté HoMag. Iel n'a pas bougé d'un pouce, si ce n'est qu'iel a l'air d'avoir plus d'assurance. Priam, je crois que je ne l'ai pas vu·e depuis mon mariage. Iel a le crâne rasé, des piercings dans les oreilles et porte un costume sur un top en dentelle. Nathan a tellement vieilli, c'est bizarre. Mehdi aussi, merde je crois que je l'ai pas vu depuis presque dix ans. Je me rappelle que je l'avais croisé l'année après mon départ d'HoMag, puis silence radio. Je vois régulièrement ses BDs en librairie, une fois j'étais passé par hasard dans une où il dédicaçait, mais l'immense queue m'avait découragé de lui dire bonjour. Ça me fait trop plaisir de le revoir. Ina est venue avec Victoire. À une époque on se voyait souvent et puis on s'est éloignés quand elles ont déménagé dans le Sud. Je ne pensais pas qu'elles monteraient à Paris pour l'occasion.

Il y a aussi ceux et celles que je continue à voir régulièrement, à commencer par Léo et David, toujours aussi inséparables qu'à l'époque. Et pourtant ils ont connu des moments difficiles. Jade, bien sûr, que je vois un peu moins depuis qu'elle et Artemis, le meilleur ami de Galahad, sont séparés, mais qui prend régulièrement des nouvelles.

Mais le premier à m'ouvrir les bras, c'est Harry. J'ai une seconde d'hésitation. Ça fait quoi ? Quatre ans ? C'est bizarre la manière dont on peut s'éloigner de ses amis, même les plus proches. Parce que nos vies prennent des chemins différents, parce qu'on n'habite plus au même endroit, parce que les années passent trop vite. Avec Harry, c'est clairement ça. Je sais qu'il vit avec son mec dans la Creuse, qu'ils ont une maison qu'ils retapent ensemble, qu'il bosse ponctuellement à droite à gauche. J'ai vu que Noah était enceint sur les réseaux sociaux, j'ai lâché un « félicitations » en commentaire. Je pensais envoyer un cadeau à la naissance du bébé, mais c'est tout.

— T'es en retard.

— Désolé, le boulot...

— Ça fait super plaisir de te revoir.

Son sourire m'indique qu'il est sincère. Lui aussi, il a vieilli. Il a beaucoup plus de barbe, sa carrure s'est développée. Il n'est plus le mec gringalet que j'ai connu en prépa. Il a l'air tellement mieux dans sa peau. Plus calme, moins nerveux, plus ouvert. Ça se voit à sa manière de se tenir, son sourire et les traits de son visage.

— Viens, on va prendre un verre. Il faut que tu me racontes tout.

Tout quoi ? Il y a tellement à dire. Mais je le suis jusqu'au buffet. Je prends une coupe de champagne, lui un jus d'orange. Ça m'étonne un peu, mais je ne fais pas de commentaire.

— Alors, qu'est-ce que tu deviens ? insiste-t-il alors que nous trinquons en souvenir du bon vieux temps.

— Eh bien... Je suis toujours dans la même boîte.

— Les bagnoles, c'est ça ?

— Ouais. J'ai eu une promotion l'an dernier donc maintenant je manage une équipe de quatre personnes. C'est plutôt cool même si j'ai des horaires pas possibles. Au moins, je m'ennuie pas.

Evidemment, je ne vais pas lui raconter combien les process sont lents, que parfois j'ai envie de m'arracher les cheveux et que mes collègues peuvent être super cons quand ils s'y mettent. On n'est plus assez proches pour ça et puis, je n'ai pas envie de l'embêter avec mes problèmes.

— Et ton mec ? Il fait quoi maintenant ?

— Il est entraîneur pour l'équipe française de patinage.

— Ah ouais, il a définitivement abandonné l'idée d'être ingé ?

— Ouais. Ça lui a jamais vraiment plu de toute manière. Enfin, à un moment il a voulu reprendre dans la recherche, mais tu le connais, il supporte pas d'avoir un patron et de devoir rendre des comptes.

— Et puis c'est pas comme s'il avait besoin de bosser de toute manière, hein ?

Je hoche la tête. Je suis gêné. Il est vrai que Galahad a beaucoup d'argent et par extension, moi aussi. En fait, si on le voulait, aucun de nous n'aurait réellement besoin de travailler. Sauf que je supporte pas l'idée d'être entretenu et puis... j'ai toujours cette crainte, dans un coin de ma tête, que ça se termine et de me retrouver comme un con. J'ai besoin d'avoir une carrière, de créer mon propre patrimoine. J'ai acheté une maison à mon père l'année dernière. Tout seul, sans Galahad. C'était un bon investissement. Mon père était tellement fier.

— Et vous, la Creuse ? Tu t'ennuies pas trop ? je rebondis pour changer de sujet.

— On n'a pas le temps de s'ennuyer, qu'est-ce que tu crois. Cet hiver, j'ai refait la salle de bain, franchement je suis grave fier de moi. Ça rend trop bien et maintenant on a une grande baignoire sur pied là, ça en jette. Et puis bon, avec le bébé qui arrive, on n'est pas prêts de se reposer.

— C'est pour quand déjà ?

— Juillet.

— C'est génial, félicitations. Vous savez si c'est un garçon ou une fille ? je demande par réflexe.
Harry éclate de rire. Un rire franc.

— Parce que tu crois qu'on va assigner un genre à notre bébé ? Bah alors vieux, tes années de militantisme sont si loin que ça ? se moque-t-il gentiment.

— Merde, OK ? J'ai dit ça par automatisme, je me défends.

— T'inquiète va. Donc non on dira pas si c'est une fille ou un garçon. Comme je bosse pas, c'est moi qui vais m'en occuper, iel n'ira pas à la crèche ou chez une nounou. On sera être tranquille jusqu'à la maternelle.

— C'est super de pouvoir faire ça.

Si j'avais des enfants, j'avoue que je ne sais pas si je serai capable de mettre en place ce genre de choses. Proposer une éducation non genrée comme Jade et Artemis avec Paul, OK. Mais de là à garder le sexe secret et faire en sorte que le bébé soit genré de façon neutre le plus longtemps possible... Je ne sais pas. Mais ça ne m'étonne pas d'Harry.

Nous sommes interrompus par Romane qui porte un bébé en écharpe. Manuela si je me souviens bien, on avait reçu son faire-part de naissance. Tout le monde a ou va avoir des gosses putain. Enfin non, pas tout le monde quand même. Il y a Ina et Victoire qui n'en veulent pas, si elles n'ont pas changé d'avis depuis la dernière fois. Pour Sen, Priam, Nathan et Mehdi, je n'en sais rien. Mais Romane et Gwen, c'est leur deuxième. Artemis et Jade ont eu Paul qui va sur ses cinq ans. David et Léo ont Zakaria dont on vient de fêter le sixième anniversaire. Et Harry qui va être papa. Et c'est sans compter la ribambelle de morveux du côté de Galahad, entre son frère qui en a deux, sa sœur qui en a une et tous ses cousins et cousines qui commencent à pondre eux aussi. Ça commence à faire un peu trop pour moi.

— Salut Min-Jae, ça fait longtemps ! s'exclame Romane en tendant la joue pour me faire la bise.

— Ouais, le temps passe vite. J'arrive pas à croire que ça fait déjà dix ans.

— Tu es venu tout seul ou Galahad est dans le coin ? me demande-t-elle en parcourant la salle du regard.

— Euh, alors il est supposé être ici, mais je l'ai pas vu. Je viens d'arriver.

Où est-ce qu'il a bien pu passer ? Heureusement, je ne reste pas longtemps dans l'ignorance puisque David intervient.

— La dernière fois que je l'ai vu, il accompagnait Zak aux toilettes.

Comme pour lui donner raison, mon mari fait son apparition avec le petit garçon. Il passe son temps avec les mômes, c'est dramatique. Si je le laissais faire, on garderait toute la marmaille de Paris et sa banlieue. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il est un oncle et un parrain très engagé.

Alors qu'il ramène Zakaria à ses pères, je m'écarte un peu du groupe pour réclamer un baiser. Il a mis son costume gris, celui que j'aime bien. Et il a tressé ses cheveux, j'adore quand il fait ça. Ça fait presque dix ans qu'il les laisse pousser, ne les coupant plus que pour virer les pointes abîmées. Il est magnifique. À côté, moi je commence à avoir des cheveux blancs. Tu me diras, lui aussi, mais au milieu du blond, c'est moins visible.

En me voyant embrasser mon mari, Zakaria lâche un gémissement de dégout. Je lève les yeux au ciel. C'est l'âge où les enfants sont plus conservateurs et traditionalistes que mes beaux-parents. Les mômes d'Aristide sont pareils. Ça a le mérite de faire rire Galahad qui ébouriffe les cheveux du bambin.

Notre groupe s'est reformé de lui-même. J'engage la conversation avec Priam. Iel m'explique être devenu·e prof de français.

— Depuis cette année, je travaille dans un lycée. C'est le bonheur, j'adore les lycéens. Enfin, comparés aux collégiens. J'ai une classe de L, je te jure, c'est des amours. La moitié est queer et out, je leur fais étudier des auteurs et des autrices queer, franchement je ne pouvais pas rêver mieux. Bon à côté, j'ai une classe de S, c'est des bras cassés, mais on peut pas avoir que des bonnes classes.

Je ne peux qu'approuver, même si j'étais sans doute ce qu'iel appelle « un bras cassé » quand j'étais au lycée. J'aurais tellement aimé avoir des profs ouvertement LGBT. Ou des profs racisés. Mieux : les deux. D'ailleurs mon prof de physique de lycée, celui qui m'a toujours soutenu et sans qui j'en serais pas là où j'en suis aujourd'hui, c'était un homme asiatique. J'aimerais trop le revoir. Je ne sais pas s'il travaille toujours dans le même lycée. Faudrait que je cherche. Un jour peut-être.

Mehdi nous parle de sa prochaine BD et du nouveau statut que les auteurs ont fini par obtenir. Apparemment, l'an dernier c'était vraiment la merde, à cause des ajustements et des documents administratifs. Selon lui, il va encore se passer longtemps avant que la situation des auteurs se stabilise, mais c'est en bonne voie. Lorsque je lui demande s'il est avec quelqu'un, il me montre son alliance. Il s'est marié il y a deux ans avec un certain Samuel qui est lui, avocat. Ils se sont rencontrés lors d'un événement dédié à la situation des auteurs, il faisait partie des avocats qui avaient mis leurs services à disposition des auteurs pour réformer le contrat d'édition. Je suis heureux pour lui.

Je remarque que Sen n'est pas vraiment intégré·e aux conversations. Iel a le regard fuyant, semble se demander ce qu'iel fout là. Je décide de l'interpeller.

— Et toi, Sen ? Tu deviens quoi ?

— Oh bah...  Rien de spécial. Enfin, j'ai changé de boîte, mais je fais toujours le même job.

— J'imagine que ton appart est toujours une forêt ? Faudrait que tu donnes des conseils à Galahad parce qu'il a réussi à faire crever notre aloé verra, je sais même pas comment il a fait. C'est censé être increvable ces trucs-là.

Mon mari me fusille du regard.

— Il l'a sans doute trop arrosée, répond Sen avec sérieux. En fait, très souvent les gens font l'erreur de beaucoup trop arroser leurs plantes.

La conversation se poursuit gentiment. Sen me donne des noms de plantes faciles d'entretien que je ne retiendrai jamais. Puis on se met à parler du journal, on se remémore des souvenirs.

— Tu te rappelles du CA où Ina nous avait tous engueulés un par un, ricane David.

— Ouais, bah j'en garde pas un super souvenir, rappelle la concernée.

— Rho ça va, y'a prescription...

— Moi je me rappelle surtout du T-Dance, où on s'était mis en drag, déclare Gwen.

— Et David, tu veux qu'on te rappelle pendant combien de mois tu as fait la gueule à Léo parce que t'avais pas compris qu'il était amoureux de toi ? lance Nathan.

— Tu peux, je m'en fous. Tout ce qui compte c'est que maintenant on est ensemble et on est pas prêts de se quitter.

Sur cette déclaration mièvre, il embrasse son compagnon rouge jusqu'aux oreilles. Zakaria proteste faiblement. Pour l'occuper, Galahad lui propose de l'accompagner jusqu'au buffet. La bouffe, rien de mieux pour occuper un gosse. Pourquoi ils l'ont pas fait garder, sérieux ? C'est pas un endroit pour un enfant. Les bébés, je veux bien, mais à six ans, on reste avec la baby-sitter. D'ailleurs Jade n'est pas venue avec Paul ! Il est peut-être chez Artemis. Je n'en sais rien.

— Galahad est toujours aussi doué avec les enfants, fait remarquer Romane avec un sourire.

Je n'aime pas du tout la tournure que prend cette conversation. Je sais déjà où elle me mène. Je réfléchis à une façon de changer de sujet, mais c'est trop tard. Gwen a mis les pieds dans le plat.

— C'est vrai. C'est quand que vous vous y mettez d'ailleurs ?

Je vois Jade la fusiller du regard, mais Gwen regarde vers moi. Nathan enfonce le clou.

— C'est clair que si j'avais dû parier il y a dix ans sur qui aurait des mômes aujourd'hui, j'aurais plutôt parié sur vous deux.

— Ouais bah... c'est pas du tout au programme, je réponds avec un rire forcé.

David regarde ailleurs, Léo a subitement décidé d'aller s'occuper de son môme, Harry me fixe avec des grands yeux étonnés. Je suis gêné, ils sont gênés, tout le monde est gêné. Enfin ça aurait pu être pire, Galahad aurait pu assister à ça.

— Vous avez regardé un peu les derniers numéros du journal ? demande soudainement Mehdi pour changer de sujet. Franchement, je suis impressionné, c'est devenu ultra pro.

Merci mec, je vois qu'on peut toujours compter sur toi dans les moments difficiles. Je respire en sentant l'attention se reporter sur un autre sujet. Je crois que j'ai besoin d'un autre verre. Je m'éclipse pour demander à ce qu'on me resserve du champagne. Champagne que je bois sans doute un peu trop rapidement. Pitié, faites que personne n'aille répéter ce que j'ai dit à Galahad. En ce moment, il discute avec Léo. Et merde... C'est mort.

Galahad veut des gosses. Je l'ai toujours su. Quand j'y pense, ça a toujours été source de discorde entre nous. D'abord parce qu'il voulait des enfants, mais pas avec moi. Parce qu'un papa et une maman, ce genre de conneries dont on lui a bourré le crâne depuis la naissance. À l'époque, ça me foutait en rogne. Si j'avais su. J'ai appris qu'il avait changé d'avis à ce sujet le jour de notre mariage, quand il a annoncé devant tout le monde qu'il s'imaginait fonder une famille avec moi. Et moi, au lieu d'être content, j'ai flippé. Ça n'a pas été en s'arrangeant quand Jade et Artemis ont eu Paul, quand David et Léo ont adopté, quand sa sœur a accouché. Tous ces bébés autour de nous, ça me rappelait qu'il en voulait aussi. Et moi je ne savais pas ce que je voulais vraiment.

On a fini par avoir cette discussion que je fuyais depuis des années. Galahad veut des enfants. Avec moi. Il est prêt, il l'est depuis longtemps. Et moi, j'ignorai totalement si j'en voulais ou non. Il m'a dit qu'il attendrait le temps qu'il faudrait pour que je prenne une décision, qu'il n'était pas pressé. Il m'a promis que même si je réalisais que je ne voulais pas d'enfant, ça ne changerait rien, mais j'y crois pas une seule seconde.

Des années après, je ne sais toujours pas ce que je veux. A chaque fois que je vois Galahad avec des mômes, ça me rappelle que j'ai cette décision à prendre, ce poids sur mes épaules. Oui ou non ? Là, maintenant, je suis sûr que c'est non. Mais dans un an, dans trois ans ? Je n'en sais rien. Peut-être que je vais changer d'avis ? Je crois que j'ai surtout peur des conséquences, si je lui disais que c'est non. Est-ce que notre mariage tiendrait le choc ?

— Ça va ?

Jade est venue à ma rencontre, je ne l'avais pas vue arriver. Je hausse les épaules.

— Gwen a jamais été réputée pour son tact, me rappelle-t-elle.

— C'est rien.

— Mais tu sais, si c'est vraiment... pas au programme, tu devrais lui dire parce que...

— Je sais, je la coupe.

Je n'ai pas besoin de l'entendre me dire qu'il a confié à Artemis qu'il n'attend que ça. Faire un bébé avec moi. Enfin « faire », c'est un bien grand mot considérant notre situation. Mais je suis sûr qu'il a déjà tout prévu.

— Il partira pas si tu lui dis que tu veux pas d'enfant, Min-Jae. A vrai dire... en fait il voudrait surtout être fixé.

— Je sais même pas ce que je veux, je lui confie en m'asseyant le cul par terre à côté de son fauteuil, contre le mur.

— Plutôt oui ou plutôt non ?

— Plutôt non... Enfin je crois.

— Alors tu devrais lui en parler. Peut-être que ça serait mieux pour vous deux de partir du principe que vous n'en aurez pas, quitte à ce que dans cinq ans tu lui annonces que t'as changé d'avis. Et si tu changes pas d'avis, bah il aura eu le temps de se faire à l'idée et il n'y aura pas de mauvaise surprise.

Jade a sans doute raison. Jade a toujours raison. Ou du moins, très souvent. Avec les années, elle est devenue un peu ma confidente. Quand elle et Artemis venaient à la maison ou inversement, c'était souvent Galahad et Artemis d'un côté, Jade et moi de l'autre. Ça me fait réaliser que je devrais faire plus d'efforts pour lui envoyer des messages, maintenant qu'elle n'est plus dans les parages dès qu'Artemis pointe le bout de son nez.

— Ça va toi ? je lui demande en retour en levant les yeux.

Elle me surplombe légèrement assise dans son fauteuil et moi par terre.

— J'ai rompu avec Samia, m'annonce-t-elle de but en blanc.

Je l'ignorais complètement.

— Oh... je suis désolé pour toi. Ça fait longtemps ?

— Non, la semaine dernière.

Ça va alors, je suis pas trop à la ramasse.

— Tu veux en parler ?

— Je sais pas si y a grand-chose à dire.

— Dis toujours.

Jade pousse un profond soupir et termine sa coupe de champagne. Elle est super belle avec son costume noir, sa chemise fleurie et son nœud papillon. Elle porte maintenant les cheveux très courts, à la garçonne comme disent les hétéros. Elle a tout coupé après sa rupture avec Artemis. Besoin de changer de tête et de changer d'air, j'imagine. Comme moi, elle a vieilli. Pas dans le sens négatif, mais c'est un fait : on a tous vieillis. C'est normal.

— Je crois que je peux pas m'empêcher de comparer toutes mes relations à Artemis... Je sais que chaque relation est différente, mais... on a été tellement bien tous les deux, on avait trouvé notre équilibre et ouais, j'en étais venue à croire que bah... ça durerait très longtemps. Peut-être pas toute la vie, mais au moins assez longtemps pour qu'on élève Paul ensemble. D'ailleurs si on a fait un enfant, c'était bien parce qu'on voulait créer une famille tous les deux.

Je pense que tout le monde était surpris quand Jade et Artemis se sont séparés. Ils avaient l'air d'un couple tellement solide. Et plus qu'un couple, ils étaient aussi deux meilleurs amis. Ils sont toujours amis d'ailleurs.

— Il te manque ?

— Pas vraiment... Mon partenaire me manque, le père de mon fils me manque, mais il n'était plus mon amoureux depuis longtemps. Et pas que dans le sens partenaire sexuel, hein.

Je hoche la tête. J'ai un peu de mal à comprendre. Evidemment avec Galahad, on a parfois des hauts et des bas. Mais quand je le regarde, j'ai toujours cette bouffée d'amour qui me prend à la gorge. Un amour tellement grand que je saurais pas quoi en faire. Un amour qui fait presque peur par moment, parce que je ne sais pas ce que je deviendrai sans lui. Je ne peux même pas le concevoir. Je ne dirais pas qu'il est ma moitié et quand sans lui, je ne suis rien, parce que ce serait faux. Même si on s'aime depuis qu'on a dix-huit ans, je me suis aussi construit seul, que ce soit à travers l'associatif ou dans mon travail. Ces dernières années, on a appris à se détacher l'un de l'autre et c'était vraiment une bonne chose. Ce n'est pas que je ne peux pas vivre sans lui, c'est que je ne veux pas vivre sans lui. Et ça fait toute la différence.

— En fait, c'est dur d'élever Paul toute seule, même si c'est une semaine sur deux. Pour aller le chercher à l'école, pour s'occuper de lui quand il est malade, ou même pour lui faire à manger, j'ai plus personne pour m'aider. Et je peux pas demander à mes nouvelles relations d'être un deuxième parent, ni à mes anciennes... comme bah... avec Samia. On était ensemble depuis deux ans, mais elle a jamais fait partie de cette famille que j'ai créée avec Arty. Et quand ça s'est terminé avec Arty, forcément... et c'est vraiment malgré moi car justement je voulais éviter ça, j'ai voulu mettre Samia à la place. Sauf qu'elle avait rien demandé de tout ça et... pardon, je t'emmerde avec mes histoires.

— Tu m'emmerdes pas, je la rassure. Je suis désolé de pas avoir été présent ces derniers temps, mais si tu veux on peut se voir ce week-end.

— Ce week-end, c'est moi qui ai Paul.

— On le laissera à Galahad, je réponds avec un sourire.

Jade me sourit en retour. C'est décidé.

Je me relève tant bien que mal. J'ai mal aux fesses, c'est dur par terre et j'ai plus vingt ans.

On retourne vers le groupe qui s'est décalé vers l'exposition de photos. Elles retracent l'histoire de l'association, depuis vingt ans. Je reconnais certaines des miennes, ça me fait un pincement au cœur.

Ça fait combien de temps que je n'ai pas touché un appareil photo ? Trois ans ? Quatre ans ? Je pense que la dernière fois où j'ai vraiment pris le temps de faire des photos, c'était lors de notre voyage de noces. Je n'ai plus le temps. Non, je ne prends pas le temps. Pourtant avec Galahad, on voyage beaucoup. Mais on prend des photos sur smartphone parce que c'est plus simple. Des photos qu'on n'imprime jamais. J'ai d'autres occupations. Léo m'a embarqué à un cours de salsa, je ne sais même plus comment j'en suis arrivé là. Mais c'est cool, on y va une fois par semaine. Je fais aussi beaucoup la cuisine, ça me détend le week-end. De temps en temps, je fais des stages de cuisine ou de pâtisserie. Le moins qu'on puisse dire, c'est que je me suis embourgeoisé.

Après ça ne veut pas dire que je ne suis plus engagé. Au contraire. Avec Galahad, on est sur tous les fronts. On finance pas mal de projets, des associations, toujours en faveur de la jeunesse LGBT+. Pour la petite anecdote, Galahad a été parrain d'HoMag/Mag-en-Ciel durant toute une année, il y a deux ans. Ils sont pas cons les petits nouveaux, ils savaient que c'était le mec d'un ancien de l'asso. Même si Galahad n'est plus aussi connu qu'il y a cinq ans et que son visage n'apparait plus sur les publicités dans le métro, il a toujours une renommée internationale. Ça a apporté énormément de visibilité à l'asso qui a pu ramasser un bon paquet de dons.

Être le mari de Galahad n'est pas facile tous les jours. C'est toujours dur de constater que les journalistes ne prennent pas la peine de citer mon prénom. Ou pire, qu'ils oublient que Galahad a pris mon nom de famille. Je suis le « et son époux » qu'on accole au nom et aux titres de Galahad. Champion olympique, triple champion du monde, égérie de X marque, ambassadeur de la fondation Y. Il a arrêté la compétition il y a deux ans. Pas qu'il n'avait plus le niveau, mais il avait besoin de changement. Et il n'a pas raccroché ses patins pour autant.

Je m'arrête sur la photo du conseil d'administration d'il y a dix ans. David, Léo, Ina, Romane, Gwen et moi. Qu'est-ce qu'on était jeunes... Léo a une bouille de bébé sur cette photo, Romane a l'air d'une petite fille trop sage. Moi, j'avais les cheveux roses. J'aimais tellement me faire des couleurs... Je me demande la tête que ferait mon boss si je me ramenais un matin avec les cheveux colorés en rose, en violet ou en bleu comme à l'époque ! J'étais vachement mince, c'est ouf, une vraie brindille. La barbichette de David était juste ridicule. Et ces fringues... la honte. On s'habillait vraiment comme ça en pensant avoir du style ?

— Nostalgique ? me demande Galahad en se posant à mes côtés.

Il a Manuela, la petite de Romane et Gwen dans les bras. Il ne peut vraiment pas s'en empêcher en fait. Et le pire, c'est qu'il est tellement à l'aise qu'on dirait que c'est le sien. Le bébé lui a attrapé le petit doigt, je ne peux pas m'empêcher de trouver ça absolument adorable. Galahad ferait définitivement un bon père. Mais moi... je ne sais pas. Je ne suis pas doué avec les enfants, pas comme lui. Et d'un autre côté, Galahad a tellement envie de fonder une famille... Je détourne le regard, reporte mon attention sur la photo en face de moi.

— Ouais bah, on a tous pris un sacré coup de vieux, je réponds en haussant les épaules.

— Sauf Ina, constate Galahad en approchant son visage de la photo.

Il n'a pas mis ses lunettes. Il ne met jamais ses lunettes. Et après il se plaint qu'il ne voit rien.

— T'es censé dire que je suis beau comme au premier jour, je plaisante en passant mon bras autour de ses épaules.

Mon mari hausse les sourcils, l'air de dire « dans tes rêves ». J'ai un petit rire. Je passe une main dans ses cheveux et lui embrasse la tempe avant de le libérer de mes bras.

Un Larsen nous interrompt. Je grimace, Galahad fronce les sourcils. On se tourne vers l'estrade où s'est avancée la présidente actuelle de Mac-en-ciel, vêtue d'une longue robe de soirée noire à paillettes. Elle sollicite notre attention, le micro à la main. C'est l'heure des discours. Pas le plus passionnant, mais inévitable. Romane refait son apparition, reprend la petite à Galahad.

*

La soirée s'achève, mais personne n'a l'air d'avoir véritablement envie de partir. On n'est peut-être plus proches comme avant, mais on pourrait passer des heures à se remémorer le bon vieux temps. Tous les drama, toutes les histoires, toutes les disputes. Il y a des choses que j'avais oubliées et qui me sont revenues, à force de parler. Des détails, des conversations, des fous rires. Je suis nostalgique, et en même temps je suis heureux que cette époque soit révolue. Parce que ce n'était pas tout rose non plus. Et j'aime ma vie aujourd'hui.

Je serre Harry dans mes bras pour la dixième fois de la soirée. On se promet qu'on s'appellera plus souvent, je promets de passer le voir quand Noah aura accouché. Des promesses un peu en l'air que demain j'aurais peut-être oubliées. Parce qu'on avance, on a tous avancé. Nos vies ne sont plus les mêmes qu'il y a dix ans et c'est plutôt une bonne chose.

Je n'ai pas peur de vieillir, au contraire. Je ne suis pas de ces personnes qui craignent que les plus belles années de leur vie soient derrière elles. C'est faux. La vie est belle parce qu'elle change, justement, parce qu'on fait toujours de nouvelles choses et parce qu'on grandit. On rencontre de nouvelles personnes, on tisse de nouvelles amitiés, on fait de nouvelles expériences. Et heureusement, sinon on s'ennuierait.

Je chéris ces souvenirs de nous, il y a dix ans. Halloween chez Jade, la soirée Drag Queen et Drag King, la vente de gâteaux, les CA interminables, la sortie à la patinoire, mon expo de photos. Cette nuit où Galahad est venu à l'hôpital. Les soirées au Pirate, les échanges houleux par SMS, les dix ans. Les anniversaires de groupe. Venise. Harry. La Pride. Les paillettes, la musique, les baisers de Galahad.

Je passe mes bras autour de la taille de mon époux, pose ma tête sur son épaule et respire le parfum de ses cheveux. Il colle ses bras aux miens et on reste comme ça, alors que les conversations se poursuivent autour de nous. Je réalise que cette démonstration d'affection, Galahad ne l'aurait certainement pas acceptée il y a dix ans. Oui, je suis heureux que le temps passe.

Mais bientôt, on nous met à la porte. Il faut rendre la salle, les membres actuels de l'association doivent faire le ménage. Alors on sort, tous ensemble.

Sur le parvis de la mairie, on s'embrasse, on s'enlace. On rit. On rallume les téléphones pour commander des taxis, d'autres prennent le chemin de la bouche de métro. C'est vraiment la fin. On se sépare, mais personne n'est triste. On est tous heureux de s'être revus.

Et moi, j'ai mal aux joues à force de sourire.

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Et voilà ! J'espère que ça vous a plu :D

Evidemment, j'ai pas pu rentrer dans les détails des situations de chaque personnage, mais voici des petits éléments ^^

Je vous rappelle que Tant Qu'il Le Faudra va être édité chez Akata et que le tome 1 sortira à l'automne <3 Et que l'histoire va être retirée de Wattpad le 1er septembre 2020.

Merci de continuer à me lire :)

A très vite pour de prochaines histoires !

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