26. Fin & suite
Lors du débriefing du lendemain matin, Villeneuve, le chef de cabinet geignard, nous rassure : pour une fois, question méthodes, on n'est pas en cause. Nettement moins pires que celles des bergers corses ! Et de remercier chaleureusement les gendarmes, sans lesquels ce dangereux criminel propagandiste de Chamseddine ne serait pas sous les verrous, section terroristes récalcitrants.
Nous, on en rigole sous cape, non sans en rajouter un peu. On les remercie, bien entendu, les gendarmes, mais on remercie également le mystérieux berger de Bastelica, sans oublier ses cousins. Et tant pis si les gendarmes en question ne sont pas parvenus à leur mettre la main dessus.
Pas orthodoxes pour deux sous, les méthodes de ce foutu berger, pour sûr. Efficaces, néanmoins, et parfois assez proches des nôtres, n'est-ce pas ? Mais le temps que la maréchaussée se pointe, ils se sont évanouis dans le maquis, les bougres... Villeneuve, pincé, peine à acquiescer...
Pour le reste, on en a suffisamment sous le coude pour faire venir le Président, qui conclut à son tour.
– Votre avis, Messieurs ?
Comme Edouard bredouille sur les bords, le Président se tourne vers Nora, toujours accoudée à mon épaule, avec son sourire carnassier :
– Et vous, Madame Paoli ?
Je sens une montée d'adrénaline. Pour une fois qu'elle se comporte presque comme une tendre épouse, il nous remet Laetitia sur le tapis. Quel muffle !
Avec Nora collée dans mon dos, je me sens pousser des ailes. Du coup, je me risque à prendre l'initiative :
– Pour les Russes, on pourrait laisser chauffer ; et si le froid persiste, on pourra toujours intercepter le colonel Sergueï Ivanovitch Ogoltsov, le mettre au four, et l'envoyer en Corse, stage pozzi : cactus contre épine-vinette, il finira bien par causer.
– Pour Jun Lu, demande le Président :
– Pour Jun Lu, en revanche, vous pourriez demander son rappel au pays, au motif qu'il s'est libéré tout seul comme par miracle des griffes de Daesh, avec lequel on le suspecte d'entretenir des relations troubles... on pourrait en profiter pour observer la friture...
– Et pour la famille al Rhawi, vous feriez quoi ?
– Compte tenu de leur rendez-vous imminent du côté de Montreux, on pourrait commencer par monter dare dare une opération nababs, histoire de les cuisiner avant de les mettre à table.
– Entendu comme ça, qu'il nous réplique, va pour l'Opération Nababs ; vous avez carte blanche...
Il nous rappelle dans la foulée : « Un petit codicille à insérer : un grand ami à moi, au demeurant Emir du Qatar, est disposé à nous apporter son soutien ; il vient de créer un fonds spécial, pour aider la Grèce à sortir de son surendettement ; et il apprécierait grandement que de riches hommes d'affaires, de ceux qui se sentent impliqués par les problèmes du monde, et du Moyen-Orient tout particulièrement, abondassent ledit fond ; ainsi ne verrait-il aucun inconvénient à ce que, mû par un admirable désintéressement, ils y consacrassent la totalité de leurs avoirs ; jusqu'au dernier kopeck a-t-il précisé ; ensuite, poussé par sa légendaire sollicitude, il veillerait personnellement, une fois ses ouailles revenues dans son giron, à ce qu'ils ne s'orientassent point vers de regrettables extrémités, d'ailleurs sévèrement condamnées par la religion dont ils se réclament... »
Bref, il nous invite à les siphonner jusqu'à la moelle, à son profit, avant de les lui réexpédier, bien ficelés, promettant de consacrer l'argent à nous aider, pauvres Européens, à nous sortir de la mouise.
Aïcha se sent un peu revigorée. Elle insiste simplement pour que le Président intercède auprès du brave Emir : le petit garçon philippin, qu'il retrouve au plus vite sa Maman !
Petit-déjeuner expédié : brainstorming. Voyage à Montreux en perspective.
Opération Désherbage, c'est fini. Opération Nababs, à suivre.
Sur la manière, les opinions divergent. Jeff serait pour l'intervention commando, enlèvement pur et simple des nababs en question, direction Guantanamo, voyage en soutes, avec plein d'escales, pour les distractions. Son genre d'intervention de prédilection.
Harold, lui, serait légèrement plus subtil : hôtel à embrasement soudain par exemple, rempli de cadavres carbonisés. Et on retrouverait nos investisseurs, dépourvus désormais d'identité, dans un laboratoire sous la Tamise, tout exprès conçu pour suçoter la cervelle des morts encore vivants.
Gerhart, par principe, est rétif à ces méthodes brutales, qu'il qualifierait volontiers de néonazies. Il pencherait pour l'arrestation en grandes pompes, toutes sirènes hurlantes, suivie d'une instruction de dossiers bien bétonnés, avec livraisons officielle des coupables au Tribunal Pénal International. Et tant pis pour les incidents diplomatiques.
Pour ma part, j'opterais volontiers pour l'utilisation de notre technologie, entre scènes in vivo et fakes, on peut faire des variations : compagnie, positions, accessoires, décors... Ensuite, pourquoi ne pas fourrer nos nababs dans un avion, direction Téhéran, où les tribunaux chiites devraient avoir des sentences adaptées, pour les cas avérés d'acrotomophilie, pédophilie, zoophilie, algamatophilie, salirophilie, scatophilie, nécrophilie, surtout pratiquées en meute, par des sunnites en rut ?
Mais toutes ces idées, un peu trop fantaisistes, dérogent allégrement au droit international comme au souhait du brave Emir, grand ami de notre cher Président. Pour les plumer, on a carte blanche, mais interdiction de les cabosser. Pas question de viande avariée. On doit lui livrer toute la marchandise intacte.
Heureusement, Nora se lève et tranche d'une voix ferme : pour priver nos nababs de leurs plumes avec leur duvet tout en respectant le cahier des charges, pour les ébouillanter en évitant les cicatrices, ce sera...
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