Chapitre 42
Chapitre 42
- Leia-
C'était la première fois que je participais à une fête musulmane. Honnêtement, même si je m'y intéressais et que j'avais un énorme respect pour cette religion, je n'y connaissais pas grand-chose. Mais René et Sarah avaient insisté pour que je vienne. On fêterait tout ça aux Tarterêts, avec les Andrieu et tous ceux de la famille du cœur. René avait dit que de toute façon, je faisais quasiment partie de cette famille. Il n'y avait plus qu'à ce que Tarik me demande en mariage, disait-il. Je lui avais rétorqué que c'était peut-être prématuré, mais des fiançailles ça se réfléchissait, et encore...
Me voilà donc au pied-à-terre familial qu'avaient racheté Tarik et Nabil il y a plusieurs années. L'appartement était peu reconnaissable. Il avait été agencé et décoré en l'honneur de ce jour spécial.
Sarah et les autres femmes avaient entrepris de changer les parures des canapés et des fauteuils avec l'aide de Lucas, Sabri, Moha et Amine. Ils avaient aussi changé les rideaux, les coussins, ainsi que dressé la table. Le séjour était rempli de couleurs dorées et argentées, avec un camaïeu de beige et de marrons. Des bougies et des guirlandes étaient allumées, rendant l'ambiance plus intimiste. Néanmoins, ce côté privatif n'empêchait pas de s'y sentir comme chez soi. On était un peu serré pour le monde qu'il y avait, mais on était tous là, pour se rassembler, pour être ensemble. C'était sûrement risqué vu la situation actuelle, mais tous avait envie d'être avec les siens pour fêter l'Aïd el-Fitr.1
Ce jour-là, le discours de Nabil me rappela énormément celui prononcé dans Skam dans la saison quatre. Je pense qu'il avait voulu me faire plaisir en prononçant ces mots et en faisant référence à cette série que j'aime tant.
« - Chez les Andrieu et notre famille de cœur, l'Aïd n'est pas que la fin du jeûne, du ramadan. Non, c'est ienb plus qu'ça. Même si avec Casper, Yaya et Tony on kiff se ruer sur les bons plats de Sarah.
Cela nous fit rire. Il se tourna vers celle qui aujourd'hui représentait le plus sa mama.
- Pour nous, ce jour-là, c'est moment de partage. Un jour où l'on veut être ensemble et célébrer avec les nôtres. QLF : la famille du cœur, même si parfois, elle peut être aux yeux de certains moins forte que celle du sang, pour nous, elle est toute aussi importante. Car ici, aux Tarterêts, on s'est fait des reuf et des reuss qu'on ne pourra jamais oublier. On se rappelle de ceux partis trop tôt.
Nabil regarda vers le ciel. Puis le silence déjà présent se fit encore plus lourd. Nous rendions honneur à ceux qui n'étaient plus.
- Alors avec ce contexte horrible dû à ce virus de merde, je suis heureux de fêter Aïd el-Fitr aujourd'hui avec vous. Il y aura toujours une place ici à notre table pour un frère ou une sœur. En vous invitant en ce jour si spécial pour nous, c'est une façon de vous intégrer dans nos traditions, dans cette belle religion qu'est l'Islam. Car au final, même si on est tous différent, on est tous humain. Et on devrait tous aimer son prochain. Aïd Mabrouk !
- Allah y barek fik ! »
Nous dirent tous en chœur, comme une seule voix indissociable, unie. Car nous ne faisons qu'un.
Puis ce fut l'heure de manger ! Autour de nous, toutes sortes de mets trônaient sur l'immense table dressée. Sarah prit le temps de tous me les nommer. Elle était d'une tendresse adorable comme d'habitude. Talya était comme accrochée à la jambe de sa mère. Marouane dormait dans le landau plus loin. Yanis veillait sur son petit frère tout en ne perdant pas de vue les plats. Il y avait du baklava, de sa forme de losange décoré d'une amande sur le dessus, le gâteau luisait à la lumière faisant ressortir le miel qu'il avait absorbé ; des katifa, secs enrobés de noix de coco, d'amandes et de cacahuètes ; des mchewek, tout blanc recouverts d'amandes eux aussi, mais décorés de fruits secs rouges luisants ; et bien d'autres encore. Le tout donnait l'eau à la bouche.
Sur la table trônait aussi le très célèbre thé à la menthe du bled. Son goût si particulier que je n'arrivais jamais à reproduire chez moi malgré les nombreux essais, celui-là même que Tarik affectionnait tout particulièrement.
Il y avait aussi du bon café bien noir. Je voyais dans le regard de ma deuxième famille une sorte d'orgasme gustatif les traverser aux premières bouchées. La nourriture était succulente. Les filles s'étaient surpassées. J'étais bercée par la musique derrière moi : du raï.2 Il y avait aussi le rire des enfants, les bavardages des parents, les jeunes qui dansaient. Une ambiance de joie, qui était déjà là plus tôt dans la matinée, régnait toujours. Tonia rayonnante en tenue traditionnelle m'obligea à venir sur la piste de danse imaginaire. Je laissais aller peu à peu mon corps au rythme de la musique. Je tentais des mouvements orientaux. Je ne savais pas quoi faire. J'avais peur de blesser, de faire quelque chose d'offensant. Ce n'était pas ma culture. Pourtant, une main grande et forte se posa sur mon épaule se voulant réconfortante. C'était René.
« - Ne sois pas gênée Leia. Tu es ici chez toi.
- Oh, merci Monsieur Andrieu. C'est gentil.
- Allons voir, appelle-moi René jeune fille. Me rappela-t-il à l'ordre.
- Oui mons... René.
- Nabil m'a dit que Tarik t'avait donné le badge de l'appartement. Ne sois pas timide, ici, c'est chez toi maintenant. Tu es la maîtresse des lieux, lionne et reine de son territoire. Sois fière et brave.
- Je ne sais quoi dire. Vous me gênez... Merci... Dis-je touchée.
- Ne le sois pas, vraiment. Et tutoie-moi bourrique, voyons ! Sois digne ! Telle la reine que tu es déjà. Me reprit-il, à nouveau.
- Monsieur Andrieu, ah, non, ce n'est pas possible, c'est déjà ma princesse ! Répondit Tonia ayant entendu une partie de notre conversation.
- Tonia ! Je t'ai déjà demandé à toi aussi de m'appeler René. De vrais rebelles aujourd'hui. Rigola-t-il.
Tonia s'en était allé voir Sabri et Tony. De mon côté, j'étais toujours avec le père de mon homme.
- Quand je te vois aujourd'hui rayonnante, et quand je vois le sourire de mes fils, ainsi que leurs traits non plus tirés, mais apaisés, je me demande ce qu'il fait encore à attendre au lieu de demander ta main.
- Vos propos résonnent fortement en moi, René. J'espère faire du bien à vos fils. Je ne veux que ça pour eux. Ils méritent le bonheur. D'autant plus, que Tarik pense qu'il ne le mérite pas. Mais pour le mariage, c'est trop tôt René. Dis-je en rigolant.
- Je ne le sais que trop bien. Après, c'est plus une façon de lui faire comprendre qu'une femme comme toi, il n'en trouvera pas trente-six mille. Me dit-il sérieusement.
- Je vais finir par rougir par tous vos mots. C'est fini toute cette flatterie ? » Le taquinais-je.
J'entendis une chanson qui arrêta le temps. C'était lui, mon idole, lui, mon chanteur préféré. Certes, ce n'était pas ma chanson préférée, mais c'était lui.
Oh mes Dieux.
Je voulais chanter, hurler, danser, sauter.
C'est ce que je fis. Face à l'appel de l'adrénaline de Balavoine, je ne pouvais plus rien. Je laissais échapper la vraie Leia. La femme folle qui aime profiter de la vie. Celle qui éblouit de sa joie, de son grain de folie. René croisa mon regard ne comprenant pas. Mais ensuite, il réalisa enfin en entendant les premières notes de L'Aziza.
J'étais seule au milieu de la pièce. Plus rien ne comptait. Je me mis à chanter et à danser au rythme de la musique. Les projecteurs étaient tous sur moi. La comédie musicale éponyme à mon nom : Leia Paoli, était de retour.
« - Oh, oh, oh.
Ta couleur et tes mots tout me va.
Que tu vives ici ou là-bas.
Danse avec moi !
Si tu crois que ta vie est là.
Ce n'est pas un problème pour moi.
L'Aziza !
Je te veux, si tu veux de moi.
Et quand tu marches le soir.
Ne tremble pas.
Laisse glisser les mauvais regards
Qui pèsent sur toi.
L'Aziza, ton étoile jaune, c'est ta peau.
Tu n'as pas le choix.
Ne la porte pas comme on porte un fardeau.
Ta force, c'est ton droit.
Oh, oh, oh. » Chantais-je.
Au fil des paroles, René m'avait rejoint en chantant en chœur avec moi.
« - Tu connais toutes les paroles par cœur en plus ! Dit-il impressionné.
- Toujours, quand c'est Daniel Balavoine !
- Ça m'impressionne d'une jeune comme toi. Ce n'est pas ce que vous écoutez le plus en général.
- C'est mon idole, mon modèle, mon chanteur préféré. Expliquais-je.
- C'est admirable.
- Vous devriez me voir chanter sur Dieu que c'est beau, La porte est close, Les oiseaux 1 et 2, ainsi qu'Angèle.
- Ce ne sont pas les plus connues en plus !
- Oui ! Lettre à Marie est la préférée de ma mamma !
- Tu étais déjà haute dans mon estime benti, mais tu l'es encore plus.3 »
Je rêvais ou il m'avait réellement désignée comme sa fille ?
J'étais émue face à cet aveu. Nous échangions une étreinte. J'étais profondément touchée face au comportement de ce grand patriarche si respecté.
- Tarik-
Le temps s'était arrêté quand j'entendis son cri. J'me suis alors retourné. Lui était-il arrivé quelque chose ? Je ne comprenais pas pourquoi j'étais aussi inquiet et aux aguets. Mais quand je la vis souriante au milieu de la pièce en train de danser et chanter sur ce grand chanteur français mort trop tôt, je ne pus décrocher mon regard d'elle. Plus rien d'autre ne comptait. Leia avait ce grain de folie. Elle parlait toute seule et constamment fort. Elle parlait de cul, fréquemment, toujours, même. Je rigolais à cette pensée. Bella était sans gêne pour ce genre de chose, brisant les codes. Elle avait quelque chose de punk, de rebelle, elle sortait du moule.
Je regardais Bella, il n'y avait plus qu'elle et moi dans la pièce. Tous les projecteurs étaient comme braqués sur elle. Ses mouvements, ses pas de danse m'hypnotisaient. Sa voix m'ensorcelait, telle la sorcière, la païenne qu'elle était. Leia parle aux animaux, écoute le chant de la lune, les murmures du vent dans les arbres, le craquement de la terre et les rires des cours d'eau. Elle ne faisait qu'un avec la nature, ainsi qu'avec les Hommes. Elle avait ce côté social, malgré sa timidité, qui faisait parfois surface. Mais qu'est-ce qu'elle était courageuse, malgré ses fuites parfois face aux événements. Leia n'abandonnera jamais, non jamais.
Je l'aimais. Oui, je l'aimais... si fort... Je l'aimais à l'ammoniaque. Elle était peut-être mon poison, ou mon remède. Mais je savais une chose. Je voulais boire ce liquide jusqu'au dernier gramme.
C'était elle ?
« - C'est ton amoureuse ? Demanda une petite voix.
Je n'avais même pas remarqué que ma petite sœur s'était accrochée à ma jambe ayant quitté celle de sa mère.
- Alors dis Tahik ? C'est ton amoureuse ?
- Oui, Talya, c'est mon amoureuse. Avouais-je, un peu gêné.
- Elle est jolie, même si elle a de la varicelle.
Je rigolais face à son innocence, sa candeur.
- C'est de l'acné. Mais oui, elle est belle ma lionne.
- Elle est féroce alors si c'est une lionne ?
- Oui, très féroce. Elle ne se laisse pas faire.
- Comme mama !
- Oui, comme mama. Confirmais-je, en regardant Sarah plus loin dans le salon.
- En tout cas, elle est gentille. Elle m'a fait un dessin taleur ! S'écria-t-elle en me montrant son cadeau.
C'était Tayla, Marouane, Yanis, Nabil, Sarah, baba et moi. J'eus les yeux légèrement humides.
- On est beaux dessus, hein Tahik ?
- Oui, on est très beaux.
- Mais elle a oublié quelqu'un... Dit-elle boudeuse.
- Qui ça ?
- Bah, elle, car c'est ton amoureuse. C'est la famille, QLF. Fit-elle.
- T'as raison. Tu n'as qu'à lui dire de se rajouter sur le dessin.
- Hum ! »
Elle partit telle une furie en direction de Leia. Je vis ma lionne de la liberté sourire et se mettre à se dessiner sur ce portrait de famille.
Oui. C'était elle. La terre tournait maintenant que je l'avais rencontrée.
1 Aïd el-Fitr : ou fête de la rupture, est la fête musulmane marquant la rupture du jeûne du mois de ramadan. Elle est célébrée le premier jour du mois de chawwal. Elle est aussi parfois appelée aïd as-Seghir, « la petite fête », par opposition à l'aïd al-Kebir, « la grande fête ».
2 raï : Le raï est un genre musical algérien, né dans sa forme traditionnelle au début du XXe siècle dans la région de l'Oranie. Cette musique s'est ensuite modernisée dans les années 1970, puis internationalisée depuis les années 1990.
3 benti : ma fille en arabe
Voilà le chapitre 42, j'espère qu'il vous aura plu 💛
L'Aïd ?
La famille qui intègre Leia dans leurs traditions religieuses ?
Le discours de Nabil ?
Leia prise de folie en entendant Daniel Balavoine ?
René ?
Talya ?
Tarik ?
On se retrouve vendredi soir !
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Prenez soin de vous 💕
Saphira 🧡
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