Chapitre 1
Les basses tonnent fort aux Trois Balais, les verres sont pleins mais se vident vite. Hermione est accoudée au comptoir, un peu ivre c'est vrai, en compagnie de Rebecca et d'Hannah. Elle écoute cette dernière parler de son rachat actuel du bar, pendant que la vieille Rosmerta fait ses valises. Ruby est pessimiste, mais Hermione hoche la tête, pas d'envie de s'énerver ce soir. Et il est vrai que la vieille Rosmerta n'a pas l'air de vouloir rendre les clés de sitôt.
Elle avale une nouvelle gorgée de bière. Depuis tout à l'heure, elle essaie de comprendre les règles du tarot, que jouent les garçons à table. Remus est un peu dans les vapes, Hermione pense qu'il ne joue pas très bien au vu de la tête contrariée de Severus en face. Et ça, ça fait bien rire Neville qui lui prend toutes ses cartes.
« Vous comprenez pourquoi il grogne depuis tout à l'heure ? » bafouille Hermione, la tête dans sa pinte.
— Tu sais jouer au tarot ? demande-t-on.
— Pas du tout, on est plus poker chez nous. C'est un tarot sorcier ?
— Moldu. C'est compliqué, on apprend en jouant, mais grossièrement, Severus est en train de perdre car il a tenté quelque chose de trop risqué, et que Remus a un trop mauvais jeu pour lui rattraper le coup. » explique Hannah.
— Il va y arriver, » réplique abruptement Rebecca, bien avinée. Elle et Hermione ne sont plus très sobres, elles sont à la bière pour couper un peu les deux bouteilles de vin qu'elles ont bu. Normalement, on coupe entre chaque verre de vin avec de l'eau, pas de la bière, et certainement pas de la Guiness.
— Franchement, il a réussi à prendre le roi de Remus, une ou deux dames, mais il n'a que ça. » Hermione fixe Severus, comme si cela allait l'aider à comprendre, en vain. Ruby, la seule assise, s'est presque vautrée sur le comptoir et semble compter quelque chose avec ses doigts, Hannah est visiblement dubitative à ses côtés, réfléchissant.
— Quand tu fais une garde contre, tu multiplies par 6 tes gains*, puis je suis presque sûre qu'il a le 21, et le petit n'est même pas tombé. Il veut juste impressionner sa belle, c'est tout. » riposte Rebecca, se tournant pour pouvoir dévisager malicieusement la Gryffondor, mais Hermione suit les cartes comme on suit une balle sur un court de tennis. Hannah est certaine que Ruby a tort, mais elle n'a pas envie d'envenimer plus que ça ; celle qui est remontée comme une horloge.
— Ce n'est pas Remus qui l'a en tout cas, depuis tout à l'heure, Aurora part à la chasse, et lui ne fait que pisser à l'atout.
— Je ne pige absolument rien à ce que vous dites... » baragouine la Gryffondor, en finissant d'une traite sa boisson.
— On t'apprendra, il faut jouer pour comprendre. En gros, il veut fanfaronner pour sa belle, c'est-y pas mignon ? » enchaîne l'infirmière, narquoise. Mais Hannah, qui n'a pas bu à ce point, en a un peu marre de ces insinuations.
— Ne l'embête pas avec ça. Tu es lourde, Ruby...
— Sa belle ? » Hermione réagit enfin à ce qu'elle avait entendu, trop occupée à essayer de comprendre pourquoi Remus « pisse » lorsque Aurora « chasse ». Un sentiment de trahison la prend aux tripes. Pourquoi ? Après tout, il ne lui doit rien, il a le droit à sa vie privée. Hermione pense qu'elle est déçue, car il ne lui en a pas parlé. C'est sans doute le genre de conversation qu'il a avec ses amis masculins, ajoute-t-elle. Severus n'a pas beaucoup d'amis, mais elle est convaincue d'être assez proche de lui pour être mise au courant, du moins avant Hannah. Ruby, c'est différent, ils travaillent très souvent ensemble pour l'infirmerie. Elle se dit qu'il ne sert à rien de se vexer pour si peu, après tout Severus est quelqu'un de secret, et ça tout le monde le sait. Elle reprend pied avec la réalité quand le serveur lui remplit sa pinte. « Il ne m'a rien dit, il est en couple ? » Elle aurait préféré l'apprendre de lui, mais puisqu'il n'a pas daigné le lui dire, il faut bien qu'elle sache. Alors elle essaie de cacher son intérêt en entamant très largement sa nouvelle pinte.
« Hermione, ne te paie pas nos baguettes, tout Poudlard est au courant. Depuis mercredi, les petits ne parlent que de ça. » Hermione regarde Rebecca lâcher sa phrase en buvant une nouvelle goulée. Comment ça, toute l'école le savait mais pas elle ?
« Pourquoi je suis toujours la dernière au courant ? Alors, vas-y, raconte ?
— Ruby, je crois qu'elle ne sait vraiment pas. répond Hannah, qui commence à se rendre compte du problème. La blondinette pose sa main sur l'avant-bras de la Gryffondor comme pour la calmer, mais ça ne prend pas. Hannah sent que ce n'est pas simplement de la curiosité chez son amie, elle s'impatiente, le ton de sa voix se tend en fin de phrase et elle ne feint plus l'ignorance, ivre.
« Évidemment, puisque je vous demande, alors ?
— Mais, c'est toi, Hermione ! Tsippora et Maureen vous ont entendu mardi soir. Elle ? Elle quoi ? M'enfin, elle s'en souviendrait tout de même...
— Pardon ? Mais je ne les connais même pas ? Et puis qu'ont-elles entendu exactement ? » La Poufsouffle voit bien que son amie n'en mène pas large, face à Rebecca qui ne remarque pas le couac. Elle lui passe une main dans le dos, et jette un œil aux garçons à table. Ils ne paraissent pas entendre la conversation, à part Remus qui lui lance un regard amusé. Tant mieux, vu la réaction d'Hermione, et comme elle n'est pas sûre de ce que sait le Serpentard, il vaut mieux qu'il ne s'en mêle pas.
« Que tu lui disais de 'laisser tomber les capotes' ! » Rebecca ne voit pas pourquoi Hermione nie, après tout c'est évident. Leur volonté de garder ça secret est puérile. Elle-même et John sont en couple, tout le monde à Poudlard le sait, et ça n'a jamais gêné qui que ce soit. Leur pseudo pudeur l'énerve, de toute façon tout le monde s'en doutait déjà, c'est être buté que de ne pas vouloir accepter la vérité quand on vous la met sous le nez. Ce qui l'énerve d'autant plus, c'est qu'Hermione refuse de le lui dire, personnellement. Elle se croit amies, pourquoi même quand toute l'école s'en aperçoit, la Gryffondor n'est toujours pas capable de la regarder en face et de le lui dire. "Oui, Ruby je sors avec Sev" ce n'est pas bien compliqué, et puis mince, ce n'est pas comme si elle était intéressée par Sev' alors pourquoi lui cacher ? Rebecca sait qu'ils sont très pudiques, mais mince ! Que Sev ne lui dise pas, en soi ça ne la choque pas, ils se connaissent depuis presque 30 ans, mais ne se sont jamais vraiment côtoyés avant sa prise de poste à Poudlard. Mais 'Mione ? Elle est déçue. Rebecca s'agace et commence à taper du pied contre le comptoir, finalement elle les ressert à boire.
« La capote, pas les » dit Hermione dans un sursaut, ça sort comme un hoquet. Maintenant, elle voit de quoi Ruby parle. Mardi soir, elle a récupéré le tour de ronde de John qui ne pouvait pas le faire car il sortait Ruby pour son anniversaire. Elle devait donc faire sa ronde de nuit avec Severus qui est le binôme de ronde de John. Vers 1h du matin, ils retrouvaient dans un passage secret : un pull marron et une capote. Évidemment, il lui a pris la tête comme quoi on ne fait pas ça à Poudlard, gnagnagna. Et obstiné comme il était, Hermione lui a dit de laisser tomber cette histoire de capote.
« Donc tu avoues. » Hermione est de nouveau perdue, Ruby semble vouloir la persuader qu'elle est en couple avec Snape, Hannah a juste l'air désolée, sa main est toujours dans son dos, et elle, elle est perdue. L'agacement de cette conversation commence à poindre dans son esprit embrumé par l'alcool et les pulsations des basses.
« Je n'avoue rien du tout, il a trouvé un emballage de capote dans un passage secret, et il s'est mis en tête de trouver qui avait pu l'utiliser ! » Le ton monte trop, Hannah déteste attirer l'attention, d'un coup de baguette elle les isole phoniquement des autres. Pas besoin de spectateurs, elles ne sont pas toutes seules dans ce bar.
— Mais pourquoi tu lui as dit 'à tout à l'heure' !
— Pardon ?! » Elle ne se souvient plus très clairement de cette soirée, mais visiblement tout le monde est au courant dans les moindres détails. Ce qui a le malin plaisir de l'irriter.
« Tu lui as dit en allant te coucher, 'à tout à l'heure'.
— Oui ? Il devait être une heure et demie et comme je le revois à sept heures, je lui ai dit 'à tout à l'heure', c'est logique.
— Absolument pas. Les gens normaux disent 'bonne nuit et à demain'.
— Mais, il était minuit passé !
— C'est juste un gros quiproquo. »Essaye de calmer Hannah qui trouve ridicule cette conversation. Il y a visiblement une erreur, il ne sert à rien de poursuivre. Mais cela n'arrête pas ses amies, lasse, elle commande un Ogden's Old Firewhisky.
« Mais tu as entendu ça et tu t'es dit 'je vais le raconter à tout le monde' ?
— Bien sûr que non, Remus l'a entendu aussi, et c'est Maureen qui a dû faire passer le mot, je suppose.
— Mais c'est qui Maureen ?!
— Une Serpentarde de deuxième année. » Intervient Hannah, tout le monde n'appelle pas les élèves par leur prénom comme Ruby.
« Donc maintenant, tout Poudlard croit que je couche avec Severus ?
— Non, la théorie principale est plutôt que vous cachez un amour torride et que vous essayez d'avoir un bébé.
— Nom d'une gargouille, mais elles sont folles ? Tout ça avec une phrase ?
— Bah en même temps...
— En même temps quoi !? Soupire la voix tremblante d'Hermione, qui en a plus qu'assez de cette conversation débile, où elle apprend les spéculations de petites gamines de treize ans sur sa vie sentimentale. Elle n'aurait pas été tant vexée si visiblement tout le monde n'avait pas préféré croire "Maureen" plutôt que de venir lui demander si c'était vrai. Que ses amies aient un doute, mais qu'elles y croient aussi facilement...
— Bah... On ne peut pas dire que vous leur donniez tort. » La seule réponse que Ruby obtient est un sourcil qui se dresse. « Vous êtes toujours collés l'un à l'autre, à table, dans les couloirs, dans les sorties à Pré au lard. Tu passes tous tes vendredis soirs dans ses appartements. Vous vous dévorez du regard, il n'y a qu'avec toi qu'il s'excuse, tu lui trouves toujours une excuse, vous avez l'air amoureux, quoi... Et puis avoue qu'il ne serait même pas venu ce soir, si tu n'étais pas là.
— Tu te rends compte de ton ridicule ? Je serais en couple avec Severus parce qu'il est à peu près poli avec moi ? T'as fini de raconter des bêtises ? On est juste des amis, enfin, t'as quoi à la place de la tête ? Le vendredi on lit le Passion-Potion, parce qu'un de ses anciens Serpentards y travaille et lui envoie, avant sa sortie... Et l'on ne se regarde pas amoureusement, tu dérailles complètement, Rebecca.
— On a des yeux, Hermione, et même si Ruby charge l'hippogriffe, il y a de quoi se poser des questions. Faut juste que tu ouvres les yeux, et si ce n'est pas réciproque, fais-le lui comprendre. Mais ne continue pas ce petit jeu ambigu, vous êtes tous les deux à un âge charnière. Vous vous titillez, c'est drôle à regarder, mais si tu sais que ce n'est pas réciproque, ne le laisse pas tomber amoureux de toi. Sois l'adulte pour vous deux...
— Hannah, tu t'entends ? Quand bien même votre espèce de délire de trentenaires corrompus aux romances à deux balles existait, ce n'est pas Roméo et Juliette, il ne va pas se suicider et je ne vais pas pleurer toutes les larmes de mon corps pour une histoire, qui, je le rappelle, n'existe que dans vos têtes...
— Tu vois, tu commences même à être une hargneuse petite personne condescendante, comme lui ! » Hermione préfère ignorer la remarque de Ruby, qui essaie de la faire rire à sa façon.
« Écoute, Harry m'a déjà parlé de la dernière femme dont il est tombé amoureux, et ça s'est vraiment mal passé. Tu n'es peut-être pas au courant, mais d'autres le sont, et ce n'est pas vraiment une bonne idée de le faire espérer. » Hermione soupire, fort.
« Je vais agir en adulte, comme tu me l'as demandé, donc plutôt que de vous fracasser la tête vraiment très très fort sur le bar, je vais aller m'asseoir là-bas, et oublier cette conversation. Merci de ne pas me la rappeler demain quand j'aurai repris mes idées. Bonne soirée. »
Hermione pose la monnaie sur le comptoir pour payer sa consommation et traverse le bar. Elle finit par s'écrouler sur le vieux club en cuir craquelé à la table des garçons. Elle ne marche pas très droit de toute façon. Fermant les yeux pour se calmer, elle ne voit pas les filles la regarder avec réprobation. Non, Hermione ne se concentre plus que sur les odeurs et les sons. Déjà, cette odeur de cire, de transpiration très caractéristique des Trois Balais, par-dessus, une odeur aigre ; celle de la bouteille de rouge qui s'est brisée en tombant tout à l'heure. Et puis il y a le rire chantant de Remus, la voix flûtée de Aurora qui se moque de Neville, le bâillement étouffé de John et un raclement de ce qu'elle pense être un tabouret. C'est trop léger pour que ce soit le gros fauteuil.
« Tu as trop bu », lui reproche une voix caverneuse qu'elle connaît bien. Hermione ne lève pas une paupière et continue à écouter les Trois Balais vivre. Leurs voisins de table chantent des chants irlandais, ce qui dénote totalement alors que "Washington Square" de James Last pulse dans les enceintes. Rosmerta râle sur le serveur ayant cassé quelque chose. Les yeux fermés et la tête prise dans les brumes de l'alcool, tout lui paraît plus fort, plus intense. Il vaut mieux qu'elle prenne une potion contre la gueule de bois avant de dormir, sinon ce sera le mal de crâne qu'elle sentira intensément.
« Réponds-moi, que je sache si tu es encore consciente ou s'il faut que je te porte », dit Severus en s'approchant. Elle ouvre un œil, mais ne tourne pas la tête, il est plus près que ce qu'elle ne pensait, penché en avant, il s'appuie sur ses genoux. Severus a juste l'air fatigué, mais pas ivre. Alors elle se permet de laisser échapper un rire léger.
« Me porter ? Toi comme moi savons que tu vas me faire léviter par les pieds. Je me trompe ?
— Immonde enflure que je suis, j'avais oublié », dit-il en roulant des yeux amusés.
— Ne sois pas trop serviable, les gens pourraient le remarquer. Me porter ? Haha quelle drôle d'idée !
— Je m'inquiète de ta santé, voilà comment tu me remercies. Malgré ces paroles, son ton reste léger.
— Tu ne t'inquiètes pas de ma santé, tu veux savoir si tu vas encore devoir traîner ton boulet. Que veux-tu, Tantale, je suis ton supplice et à jamais tu devras me supporter. Ça s'embrouille un peu dans sa tête, est-ce que ce n'est pas plutôt Ixion ?
— Sisyphe, pas Tantale. Tu es pitoyable, Granger, rentre. Hermione se passe une main sur le visage, il est temps d'aller se coucher, si elle veut arriver en forme chez Ron demain.
— Que tu es agréable ! Mais continue, j'ai presque eu un doute, tu es sûr que tu n'es pas quelqu'un de gentil envers ta pauvre collègue...
— J'aurais pu te faire remarquer que tu ressembles à une vieille trainée un premier janvier au matin, installée comme ça, mais je sais me tenir. Elle se met à rire fort, ce n'est pas très élégant. Il la traite de pute et elle rit ? Hermione décide qu'elle a décidément trop bu. Arrivera-t-elle à rentrer seule à Poudlard ? Sans doute. En a-t-elle envie ? Pas du tout.
« Si je te demandais, tu me porterais vraiment ?
— Non.
— Je me disais aussi... Comment se sont passées les affaires au Magenmagot ?
— On parlera du verdict quand tu seras sobre.
— Alors tout va parfaitement bien, merveilleux. »
* *
« On fait quoi ? » demande Rebecca, toujours avachie sur le comptoir du bar, tortillant une mèche de cheveux sur son index. Hannah aime regarder l'activité des Trois Balais, de les voir vivre se remplir, se vider, l'ambiance, et n'écoute que d'une oreille Ruby, sérieusement avinée à ses côtés. Tout son programme est déjà fait, elle repeindra les murs et le comptoir pour moderniser, mais sans toucher à l'âme du bar, point trop n'en faut. La Poufsouffle a fait des plans des dizaines de fois. Ce bar, elle rêve de le reprendre depuis qu'elle est rentrée dedans il y a plus de dix-huit ans, et plus les années passent plus elle se dit que ce n'était pas qu'un caprice de jeunesse, qu'elle est faite pour cela, quoi qu'en disent les autres. Tenancière de taverne n'est pas forcément vers quoi elle se dirigeait petite et ce que souhaitaient ses parents, mais Neville la soutient, et puis c'est tout près de Poudlard, c'est pratique. Elle a fait des dizaines d'offres à Rosmerta, elle flanche enfin. Des mois d'acharnement et dans trois mois, ce sera chez elle. Rien ne l'empêchera, du moins pas le pessimisme relatif de sa pochtronne d'amie.
« Ruby, tu ne fais rien, tu les laisses tranquilles.
— M'enfin ! tu veux vraiment les laisser faire ? Merlin, qu'elle est agaçante ! Elle n'allait quand même pas les scotcher ensemble ? 'Touche du bois, Hannah, elle en serait capable', se dit-elle. La Poufsouffle a déjà posé des questions à son mari, mais il est toujours incapable de donner une réponse. Pour beaucoup, c'est ambigu, de là à dire qu'ils sont ensemble ? Hannah n'a jamais été très portée sur les ragots et les potins en tout genre. Néanmoins, ces deux-là l'intriguent. Même s'il est moins con qu'avant, elle a vraiment du mal à l'imaginer comme un être humain normal avec des besoins et des sentiments. Mais Hermione ? Cela fait quelques mois qu'elle n'a personne, si ? Elle se rend compte qu'elle ne parle jamais de garçons, du moins pas avec elle.
— Parce qu'on nous regarde peut-être ? Tu n'as pas une infirmerie à faire tourner et ton mariage à préparer, plutôt que de te mêler de ce qui ne te regarde pas ?
— C'est bien à toi de dire ça, tu participais à la conversation aussi. Puis franchement, imagine, ce serait le couple le plus rasoir du monde ! Non ? Elle ne peut pas vraiment la contredire, mais elle refuse de lui donner encore du grain à moudre.
— Ce n'est pas toi qui essayais de la persuader qu'elle sortait avec le professeur Snape, il n'y a pas dix minutes ? Et quand bien même ils seraient rasoirs, ils ne font pas un couple à trois avec toi, donc s'ils sont rasoirs ensemble, ça ne te regarde pas. » Hannah glousse en voyant Ruby grimacer, cette andouille a dû avoir une image. Il faut vraiment qu'elle lui retire son verre de vin maintenant, c'est presque de la non-assistance à personne en danger, heureusement que le ridicule ne tue pas.
— Tu radotes et tu parles comme une petite vieille moralisatrice. Ruby dodeline de la tête comme hésitante entre deux solutions, elle a visiblement choisi de finir son verre cul sec. Mauvaise décision. De nous deux c'est moi la plus vieille. Estime-t-elle solennellement, en appuyant son index contre l'épaule d'Hannah.
— Et toi tu parles comme une vieille poche. » S'esclaffe Hannah en repoussant la main de son amie.
— Pourquoi t'es pas bourré toi ?
— Parce que j'ai de l'entraînement. Par la barbe de Merlin, oui, elle en a de l'entraînement. Seul Neville est au courant semble-t-il, de comment elle a géré la guerre et ses retentissements. Si certains sont au courant, ils ont eu l'amabilité de ne pas lui faire remarquer. Aujourd'hui elle en parle avec plus de liberté, et elle arrive à se contrôler sans trop tomber dans l'excès, mais il en reste des marques qui ne trompent pas ; il lui faut bien plus que deux pintes et trois verres de vin pour lui faire tourner la tête à ce point. Et puis il faut dire que les deux bouteilles de blanc, ce n'est pas elle qui les a bues, mine de rien ces deux-là ont une sacrée descente, pas une très bonne idée quand on ne tient pas bien l'alcool.
— Tu ferais une bonne patronne de bar. Ça ne dérange pas Neville ? Tu vas te faire draguer par tous les poivrots du coin !
— Tu es le seul poivrot du coin, Ruby. »
Elle s'arrête une seconde, Snape est en train d'aider Hermione à mettre son manteau. C'est à la fois si étrange et si commun. Jamais de sa vie – elle a vingt-huit ans, elle ne se fait plus toute jeune – elle n'a jamais, au grand jamais, vu le Professeur Snape regarder deux fois une femme. Jamais. Adolescente – lors de cette période que beaucoup connaissent, avec cette indiscrétion malsaine qui vous habite –, elle s'était dit que son truc c'étaient peut-être les hommes. Elle ne l'avait jamais vu regarder les hommes non plus à vrai dire. Un soir, elle avait demandé à Harry ce qu'il avait vu dans la pensine du Professeur Snape – toujours avec cette indiscrétion malsaine – Hannah avait fini par se dire que non, ce n'étaient pas les hommes, c'était juste lui. Lui et seulement lui, qui ne regardait personne et qui méprisait tout le monde. Cela lui avait fait un choc lorsqu'elle avait appris qu'il ne devait avoir que trente et un ans à leur entrée à Poudlard. Dans sa tête, il en avait quarante-neuf, et c'était toujours le cas aujourd'hui, bien que les années passent, il ne semble pas vraiment évoluer. Le feu brûle, la pluie mouille, le temps coule et lui est immuable. C'est déjà étrange pour elle de l'imaginer dormir ou traîner en chaussettes. Lui, presque plus que le reste du corps enseignant, fait partie intégrante de l'image du château. Inaltérable. Quand elle pense qu'il n'a jamais vraiment quitté l'école, cela lui donne des frissons. Bon, c'est le cas de la plupart de ses collègues aussi, mais elle n'y avait pas réfléchi sur le moment. Hannah a le sentiment que l'essence du Professeur Snape est inhérente à Poudlard. Et que Poudlard lui est inhérent également. Cette sensation, elle l'a eu pendant des années, depuis cette soirée de mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, elle ne s'est vraiment pas posée de questions.
Et puis elle a été à la commémoration des dix ans de fin de la guerre, il y a quelques mois, elle l'a vu regarder Théodore Nott comme si c'était la réincarnation d'Harry lors de leur cinquième année. Le couple d'Hermione et Theodore battait déjà de l'aile, là, il mourut. Deux semaines plus tard, il était expressément renvoyé effectuer ses recherches à Prague, par une Hermione furibonde. Outre cette soirée, il y avait aussi tous les samedis qu'ils passaient ensemble depuis quelque temps. Le petit groupe de Poudlard et plus. Le noyau d'abord, Hermione, Neville, Remus, Ruby. S'y étaient rajoutés John et elle inévitablement, Aurora venait de temps à autre, Harry et Ron aussi quand leurs femmes les y autorisaient, bien qu'ils ne le formulent pas vraiment ainsi. Et puis s'il y avait Olivier qui s'invitait aussi à la partie.
Mais jamais elle n'aurait pensé que le Professeur Snape viendrait picoler et jouer avec eux. Plus qu'à se rallier, il est là constamment. Évidemment, il ne fait pas ami-ami avec Harry, mais tout de même. Il y a de quoi alimenter ses questions et elles ont repris, fatalement.
D'un autre côté, c'est tellement évident, comment Hermione peut-elle encore ne se douter de rien ? Comment peut-on passer de totalement saugrenu à une évidence ? Comme l'a dit Ruby, ils sont toujours collés ensemble. Vous cherchez Hermione dans un couloir bondé ? Il y a souvent une grande perche brune pas loin. « Regarde-le. Ils sont sans doute rasoirs, mais ils sont mignons. »
— Tu trouves Sev' mignon là ? T'es sûre que t'es pas un peu bourrée ? Il ressemble à mon oncle Ivanov.
— Je ne connais pas ton oncle, Ruby. Regarde-le, et ose me dire qu'il n'est pas amoureux. Bon, c'est compliqué de lui donner un air amoureux. Elle charge l'hippogriffe. C'est étrange de penser cela, c'est loin d'être flagrant, mais quand on l'a eu comme élève, la manière dont il la regarde est tout sauf habituelle. Il n'a pas cet air méprisant, de dégoût ou simplement d'indifférence qui le caractérise si bien. Jamais elle ne pourrait prétendre savoir ce qu'il pense, tout simplement, car c'est impossible. Indescriptible, mais palpable. Comme une moiteur dans l'air, on la ressent, mais impossible à décrire. Pas vraiment un flirt, pas vraiment une amitié, pas non plus un couple. C'est juste une sorte de brume moite et concrète mais comme une nébulosité intangible et inextricable. C'est John qui a eu le bon mot un soir, selon lui, c'était de la chicanerie courtoise. Et encore, si ce n'était que cela. Peut-être aussi une forme de mille-feuille de couche hétérogène. C'est aussi pour cela qu'elle refuse de s'en mêler, elle ne sait pas où elle met les pieds.
— C'est ce que je dis depuis toujours... Bon, pas toujours, c'est John qui me l'a dit, mais c'est moi qui ai dit que c'était vrai. C'est qui sa dernière amoureuse ?
— Je ne te le dirai pas. Il se peut qu'elle l'ait connu. Elle sait qu'elle connaît Snape depuis plus ou moins une trentaine d'années, donc dans le doute elle préfère s'abstenir. Imaginant la colère qui pourrait survenir s'il apprenait qu'elle sait et qu'elle a raconté cela à Ruby, l'infirmière la plus commère que Poudlard ait connue ? Non, évitons.
« Pourquoi ? Je la connais ? C'est moi ?
— Non.
— C'est toi ?
— N'importe quoi...
— C'est McGo' !
— Rho, arrête !
— C'est Potter !
— Tais-toi.
— Ah ah, je le savais ! C'est vrai qu'ils agissent comme un vieux couple. C'est Potter qui l'a largué ? C'est un peu dégueu, ces deux-là ensemble. 'Pi Sev il avait quand même une photo de Lily mère, sur sa table de chevet. Tu crois que c'est pour ça que Potter l'a largué ? Tu baises et là tu vois la tête de ta mère sur la tab' de chevet. Argh ! Faut que j'retire la photo de mon papy de ma tab' de chevet....
— John ! Ramène-la, s'il te plaît ! » Dit Hannah en clignant plusieurs fois des yeux en entendant Ruby déblatérer.
* *
*Les filles se trompes dans les règles, ne vous fiez pas aux gens ivre dans un bar pour vous donner les bonnes règles du tarot.
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