XIV
Quand j'entre dans la pièce je remarque en effet que la différence est totale avec mes lunettes.
La chambre est peinte dans des tons roses clairs et gris. Le lit est assorti et encadré par deux tables de chevet avec des petites lampes. Au dessus du lit se trouvent deux petites étagères blanches remplies d'objets en tout genre. En face de moi se trouve la grande baie vitrée, par laquelle j'ai déjà essayé de m'enfuir l'autre jour. Juste à ma droite se tient une petite commode avec sur le dessus des cadres photos.
L'ensemble est vraiment mignon, c'est la chambre rêvée de n'importe quelle petite fille.
J'ouvre un des tiroirs de la commode et je découvre avec surprise qu'il est pleins à craquer de sweats de toutes les couleurs différentes, je pourrais en changer tous les jours pendant un mois avec une réserve pareille.
Je me tourne finalement vers la bibliothèque, elle est remplie de livres. Il y en a tellement que je ne sais pas où donner de la tête, il me faudrait au moins plusieurs semaines pour lire tout ça.
Cependant un en particulier attire mon attention, je le sors pour l'observer plus en détails et découvre que c'est celui que j'avais commencé à lire à la bibliothèque. Ok, là par contre c'est flippant. Il m'a vraiment suivie, je repose vite le livre comme s'il avait brûlé mes doigts. Je suis partagé entre gratitude et malaise. Il a été gentil avec moi ces derniers temps, les tiroirs sont plein à craquer d'affaires que j'aime porter, et j'ai une bibliothèque à moi toute seule rempli des livres que je vais sûrement aimer. D'un autre côté je me sens vraiment mal à l'aise. Depuis combien de temps est-ce qu'il me suivait ? Est-ce qu'il a déjà fait ça avec une autre fille ? Ça ne peut pas être son coup d'essais, ou alors c'est un homme prévoyant. Je pourrai presque avoir l'impression qu'il me connait mieux que je ne me connais moi même.
Note mentale : toujours écouter ses premières impressions, surtout quand il s'agit d'une impression d'être observé et/ou suivie.
Je sors finalement de cette chambre pour aller dans la sienne. Si je me rappelle bien elle était juste en face des escaliers. J'y entre pour redécouvrir la même chambre que celle dans laquelle je me suis réveillé ce matin. Les murs, peints en bleu, sont remplis de poster de sportifs, une petite étagère sur la gauche est notamment pleine à craquer de coupes et de médailles. J'ai l'intime conviction qu'elle peut s'effondrer à tout moment sous le poids du « succès ». Cependant en dessous un détail attire mon attention, quelque chose que je n'avais pas remarqué ce matin. Un petit cahier git par terre, entre le mur et le fauteuil, il à l'air plein à craquer de papiers et photos en tout genre. Je décide de les ramasser et d'emmener ma nouvelle trouvaille avec moi dans « ma » chambre. Quitte à fouiner autant essayer de ne pas se faire prendre, qui sait ce que sa colère pourrait me réserver.
Je m'assois en tailleur sur le lit, je pose le journal à côté de moi et commence par examiner les photos.
Une première photo attire mon attention. On y voit le gars de mon lycée avec une petite fille sur les épaules, ça devait être pendant l'été car on voit un grand soleil derrière eux et ils ont l'air d'être à la plage. Ils sont tout les deux en train de manger une glace, la petite en a même sur le nez. Cette scène est vraiment mignonne, je m'attarde un peu plus sur la petite. Étrangement elle me ressemble vraiment. Elle a des beaux et long cheveux bruns, une petite frange recouvre son front et tombe sur ses lunettes rouges. Elle est toute rayonnante, c'est tellement mignon, elle a une petite combinaison blanche avec des papillons. Pas la peine d'être devin pour comprendre qu'ils étaient très proches, même un aveugle le verrait. Je la retourne et découvre écrit : « Tomy m'a emmener manger des glaces ojourdhui », L'écriture maladroite et les fautes d'orthographes me permettent de supposer que c'est la petite qui a dû les écrire ( ou alors le gars est un kidnappeur dyslexique ).
Sur la photo suivante on les voit en train d'essayer de cueillir des cerises. Le gars que je suppose s'appeler « Tomy » porte la petite pour qu'elle attrape elle même des cerises. Elle a sur son visage un immense sourire. Au dos de la photo est écrit « Tomy il me fais voleeeeer ! Jé toucher le cerisier »
De photos en photos c'est toujours la même histoire, « Tomy » et la petite en train de partager un moment ensemble, ils ont l'air toujours l'air aussi heureux. C'est mignon, et ce sourire sur le visage de Thomy, ça le change de son regard fâché que j'ai l'habitude de croiser.
Je découvre ici une facette plus tendre de lui, et je suis aussi curieuse à propos de cette petite fille, ils ont l'air proches, elle a l'air importante à ses yeux. Du point de vue de la petite fille il à l'air important aussi. Je rassemble les photos dans un coin du lit et alors que je m'apprêtais à ouvrir le cahier ma porte s'ouvre et, « Tomy » je suppose, rentre. Il regarde tour à tour le carnet, le tas de photos et moi.
Je ne saurais pas déchiffrer l'émotion que je lis dans ses yeux, on dirait un mélange entre de la colère, de la panique, de l'indignation et de la timidité. Comment un seul regard peut-il exprimer autant d'émotions ?
Il met plusieurs secondes à décider comment réagir. Puis finalement il ramasse les photos et le carnet. Il allait sortir quand finalement il s'arrête dans l'encadrement de la porte. Contre toute attente il se retourne et me dit d'une voix beaucoup trop triste à mon goût :
- C'est Léa...
Devant mon incompréhension il complète :
- Sur les photos, c'est Léa et moi.
- Donc tu t'appelles Tomy ?
- Nan. Juste Tom.
Il a répondu comme si ça lui avait fait mal d'entendre « Tomy », ça devait être réservé à Léa.
- J'ai déjà lue, et relue ce carnet des milliers de fois, il n'y a rien dedans. Rien qu'elle ne m'ait pas dit en tout cas.
Je n'ose pas poser mes questions. Ses réactions sont tellement imprévisibles que je ne suis pas sûre de vouloir risquer ma vie pour quelques réponses, qui, de toute façon, ne m'aideront pas à m'enfuir d'ici.
- Tu étais où ?
- J'étais avec des amis, puis je suis allée me balader.
Je ne sais pas ce qui me manque le plus, mes amis ou ma liberté ? Je revois leurs visages souriants et plus les jours passent plus j'ai l'impression qu'ils sont flous. Comme si je m'éloignait d'eux, petit à petit. Mes petits coins aussi, le chêne dans la cour du lycée, la bibliothèque et Justin qui me sert mes cafés, le restaurant, et mes déjeuners avec Marilyn. Elle me manque beaucoup aussi, quand je pense que je n'ai pas pu la revoir. D'un autre côté je suis rassurée, elle ne se rendra compte de ma disparition que samedi prochain, elle ne s'inquiétera pas tout de suite. Remarque, je ne sais même pas quel jour on est aujourd'hui.
Tom aperçoit ma petite mine plus triste que je n'aurais aimée le laisser paraître car il dit maladroitement :
- Il y a quelque chose que tu aimerais faire aujourd'hui ?
- Je veux revoir la nuit.
Il semble réfléchir un instant puis dit calmement :
- Bon dors un peu, fais ce qu'il te plait, je viendrai te chercher.
Sur ces dernières paroles il sort de la chambre et ferme la porte. J'opte pour un peu de lecture avant d'aller dormir. Je prends le livre que j'avais commencé à lire, « Le docteur mort de peur », et décide de le finir avant de faire une petite sieste.
Une fois finis, je ne sais pas combien de temps est passé, quand je lis j'ai souvent l'impression que les heures se transforment en minutes. Je me doutais que c'était sa femme, c'est presque toujours la femme. Je m'allonge sur le lit et somnole un peu pour passer le temps.
Quand il vient me chercher je n'ai finalement pas fermé l'oeil, je n'ai pas osé retourner dormir et trop de questions fusaient dans ma tête. Peut-être que si j'apprends à le connaître et que je l'aide il me laissera partir. Je le suis tout en continuant de réfléchir. Je suppose qu'on va se mettre sur la petite terrasse de sa chambre. C'était très beau d'observer les étoiles depuis cette petite terrasse, c'était calme, silencieux, apaisant. La nuit nous regardait et nous regardions la nuit.
Étonnement je le vois descendre les escaliers, je m'arrête confuse avant la première marche. Quand il se retourne je lui désigne la porte de sa chambre et m'apprête à lui demander si nous allions là bas mais il me coupe l'herbe sous le pied en disant :
- Je peux te faire confiance ?
Cette question semble étonnante, j'avoue que je ne comprends pas vraiment ce qu'il veut dire, je réponds tout de même :
- Oui.
Il remonte d'une ou deux marches pour se mettre juste en dessous de moi, il me tend sa main et attend probablement que je l'attrape. Je n'ai pas envie de la prendre, elle me fait peur cette grande main, et d'un autre côté dans mes souvenirs d'hier soir elle était douce avec moi, froide mais douce. Au bout de quelques secondes d'hésitation je la prends.
- Je t'emmène dans une endroit spéciale, mais tu dois me promettre de ne pas t'enfuir.
Ses yeux, je ne les ai vu qu'impassibles ou brûlants de colère mais aujourd'hui ils expriment un tout autre sentiment. On dirait un mélange de tristesse et de sympathie. Ça change de d'habitude, ils ont la même couleur, mais elle n'est plus si agressive. J'avais l'impression que ce noir voulait m'avaler toute entière, qu'il allait me détruire, mais aujourd'hui il me donne juste envie de plonger et de découvrir les trésors qu'il cache.
Ma promesse se fait sous la forme d'un mouvement de tête. Nous descendons les escaliers, il a l'air d'aller de plus en plus vite, comme un enfant qui irait vers une surprise. Arrivés devant la porte, il s'arrête. Je suis juste à côté de lui, je ne bouge pas. Il baisse son regard vers moi, un faible sourire se dessine sur ses lèvres, je me réfugie dans mon sweat trop grand. Il pianote quelque chose sur son téléphone et sort des clés de sa poche.
Je peine à y croire mais contre toute attente il ouvre la porte principale, et pour la première fois depuis plusieurs jours je vois le monde extérieur.
Je lui demande la permission du regard, permission qu'il m'accorde, je sors en première. Je pose un premier pied dehors, puis un deuxième. Je sors dans la nuit, je suis sur le perron, sous les étoiles. Mon premier réflexe est d'inspirer un grand bol d'air. L'air extérieur, assez paradoxalement, a une odeur bien différente de celui de l'intérieur, je dirais une odeur de liberté. Quand je lève les yeux vers la lune elle me promets d'un seul éclat que ce sera une belle soirée.
Calypso
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