deux corps
𝓜𝓮𝓼𝓼𝓲𝓮𝓾𝓻𝓼 𝓛𝓮𝓮
lundi 4 mars KR: 5H27 - AUS: 7h27
De grosses secousses commencèrent à réveiller petit à petit le corps fatigué et inerte de Rino. Le problème étant que ses paupières étaient trop lourdes pour qu'elles permettent à ses pupilles de voir le monde extérieur. Alors à bout de peine, le brun se rendormit sans savoir où il se trouvait ni même si quelqu'un était avec lui. Le siège n'était pas inconfortable et puisque le chauffage était léger, cela facilitait aussi son état de somnolence.
Au bout de ses peines, les violents tremblements reprirent de plus belle. Il voulut grogner, mais fut bien vite retenu par une violente douleur dans la gorge, une sorte de picotement. Cette fois, impossible de se replonger dans ce magnifique rêve. Ca ne faisait rien, de toute façon il ne se rappelait déjà plus de rien. Puis les rêves ne durent jamais longtemps, même dans la réalité. Rino avait fini par apprendre rapidement que les espoirs et les beaux jours restent le temps d'un temps seulement.
"Bien dormi ?" Encore cette voix, celle très énervante qui ne le lâche pas depuis bientôt deux ans. Celle qui l'appelait tous les premiers du mois pour savoir s'il avait changé d'avis. Or, elle était à côté de lui cette fois, elle l'avait attrapé une bonne fois pour toutes. Monsieur Clark l'avait prévenu de toute façon, il ne le lâchera jamais.
Sa bouche était pâteuse, à tel point que Rino avait du mal à l'ouvrir. Ses paupières daignaient enfin s'ouvrir au bout de cinq bonnes minutes. Le ciel était couvert de nuages brillants qui éclatèrent ses pauvres pupilles fragiles à force de s'être habitués à l'obscurité. De sa place, le brun pouvait très bien observer les terres australiennes qui se dressaient en dessous d'eux. Il avait donc dormi plus de dix heures consécutives, ce qui n'était jamais arrivé depuis environ deux ans maintenant. Son corps était en train de fondre littéralement sur le siège, il sentait, en plus de ça, sa sueur collée entre sa peau et son tee-shirt. Il se sentait mal à l'aise, ses bras n'avaient même pas la force de bouger pour se remettre droit dans le siège en première classe.
"Pas mal... le coup des benzodiazépines." Finit-il par dire une fois sa langue en meilleur état que le reste de son corps. Deux agents entrèrent au même moment dans leur petite cabine avec un verre d'eau orangée qui contenait des vitamines C pour éliminer le plus possible cette fatigue apparente. Bien que cela ne soit pas conseillé en temps normal.
"Et bien il faut dire merci au fait que tu aies beaucoup baissé ta garde depuis que tu es en Corée." Ils sourirent tous les deux face à cette remarque, conscients que la vérité ait éclaté au grand jour. Enfin, Rino n'était plus sur le terrain depuis un long moment déjà, inutile pour lui de surveiller ses arrières.
"Vous aviez peur que je parte avec le dernier parachute ?" Plus aucun des deux ne rigolait, sachant pertinemment que le plus jeune était capable de tout pour ne pas retourner en Australie. Du moins, le directeur Clark espérait qu'il saura se tenir et que sa mentalité d'enfant de quatre ans ait changé. Sinon, son séjour allait très mal se passer.
"Oui, et tu le sais tout aussi bien que moi. Lève-toi, l'avion a déjà atterri." Clark se leva lui-même à ses dires, reboutonnant sa veste pour paraître encore plus modeste qu'avant. Pendant ce temps-là, Rino en avait profité pour essayer de bouger de quelques centimètres. Ses doigts avaient finalement participé à l'action, pouvant désormais se replier sur eux-mêmes.
En somme, les deux agents qui avaient apporté l'eau finirent par porter Rino qui ne s'était toujours pas rétabli. Il est vrai qu'ils y étaient allés un peu fort avec les deux cachets de la drogue. Le groupe des quatre personnes passèrent enfin la sortie de l'avion, bien que difficilement, loupant de faire tomber plusieurs fois le pauvre commandant qui voulait juste dormir un peu plus. Clark en avait aussi profité pour se moquer de lui et sa bouille encore rouge par sa sieste, ne loupant pas de le prendre en photo pour "plus tard" avait-il dit.
Une fois l'aéroport traversé, ils trouvèrent facilement la voiture de leur chauffeur qui était ravi d'enfin faire la connaissance du "têtu et borné commandant RN". Ce dernier n'avait pas été très enchanté d'être appelé comme ça, mais il n'avait pas son mot à dire. Les sièges chauffants avaient réussi à l'attirer dans un sommeil profond avant que son cerveau ne réfléchisse à une répartie. Clark rigolait face à cette nouvelle sieste improvisée, décidément.
"Je vous emmène toujours à l'agence messieurs?" Le chauffeur zieuta rapidement son rétroviseur intérieur pour démarrer un échange visuel avec son supérieur. Ce dernier réfléchissait déjà à sa réponse, vu l'état actuel de Rino, cela ne servirait à rien. Puis rencontrer ses anciens collège dès le premier jour serait littéralement le pousser au suicide. Non, mieux valait pour tout le monde qu'il rentre dans son hôtel pour le reste de l'après-midi.
"Non, ramenez-nous à l'hôtel s'il vous plaît." Le conducteur hocha la tête puis prit le rond-point pour faire un demi-tour. Direction l'hôtel limbo.
Puisque Rino dormait, la bouche grande ouverte, le trajet fut très silencieux. Aucun des deux éveillés ne voulaient déranger son sommeil au risque de se prendre un regard furieux ou bien une remarque fâcheuse. Ils connaissaient assez bien le brun pour savoir que son caractère froid et aigri n'avait pas changé. En réalité, la petite balade en voiture ne durait que dix minutes, pas de quoi commencer une conversation.
Le paysage de Sydney défilait sous le nez de Rino qui dormait toujours. Ces grandes allées remplies de personnes toutes très différentes n'allaient pas le réveiller de toute façon. La mer scintillait au loin sous le soleil étouffant du mois de mars. La température n'avait pas l'air de vouloir descendre depuis le mois de janvier. Les piétons qui attendaient de passer, observaient la jolie voiture Porsche neuf cent onze singer noire passer devant eux. Elle aussi était brillante sous les rayons de l'étoile jaune, une vraie diva. On ne pouvait pas en dire autant de Rino qui bavait petit à petit sur le siège, côté rue en plus. Heureusement pour lui que les vitres étaient teintées.
Pour se dissiper de toute cette foule curieuse, la voiture tourna dans une rue un peu plus écartée du centre-ville pour venir s'enfoncer dans un sentier entouré d'arbres. Il ne fallut que quelques mètres afin qu'un grand hôtel à la devanture toute blanche ne se dresse. Sur le côté, un panneau digne de Broadway affichait en toute lettre "limbo".
"Bien, nous sommes arrivés. Rino bouge toi un peu." Clark détacha sa ceinture puis celle de son collègue tout en le poussant exagérément fort pour qu'il se réveille dans le chaos. Ce dernier avait d'ailleurs vite ouvert les yeux, signe que sa sieste n'était en fait qu'une somnolence. Au moins, il ne s'était pas plaint d'être en Australie et ça les arrangeait.
Pour cette fois, Rino marcha vers l'entrée, calmement, mais sûrement. Celle qui s'occupait de l'accueil avait d'abord pensé que sa jambe lui faisait mal, puis qu'il avait vécu un accident et était en réhabilitation. Ce qu'elle ne savait pas, c'est juste qu'il s'était fait droguer quelques heures plus tôt. Clark lui montra alors une carte blanche, que Rino n'eut pas le temps d'apercevoir pour comprendre la situation. Il se laissa simplement faire quand elle leur tendit une clé pour la chambre vingt cinq et elle leur souhaita une bonne soirée.
"Bien, tu n'auras pas à payer la chambre ni quoi que ce soit, c'est sur l'agence de toute façon. Évite juste de casser quoi que ce soit, mais en te connaissant ça risque pas. Pour demain, il faut que tu sois présentable pour sept heures du matin." Clark allait s'en aller alors même qu'il n'était même pas rentré dans la chambre. Heureusement, Rino réussi à le retarder encore. Déjà qu'on le drogue, qu'on l'oblige à aller en Australie, si en plus on ne lui dit rien, ça allait très mal se passer.
"Wow, attends, parce que je comprends rien à la situation. Pourquoi je suis là moi déjà ?" Son visage exprimait un peu de colère et d'incompréhension, il ne savait faire que ça de toute façon. Ca commençait réellement à l'agacer d'être pris pour un pion qu'on déplace sans même qu'on lui donne les règles du jeu. Un minimum ce n'est jamais trop demandé.
"Demain, sept heures, tu comprendras." A ce moment précis, Rino avait envie de lui balancer le joli vase en porcelaine qui se trouvait à sa droite. Sauf que ce n'était pas son genre de s'emporter pour si peu, alors il se ravisa. Il commençait même à tourner son dos à Clark lorsque ce dernier lui annonça une heureuse nouvelle. "Il ne sera pas là demain, il sait même pas que t'es là. Donc ne te défile pas." La porte claqua, laissant une nouvelle fois le brun seul avec lui-même. Au moins, il aura un peu de repos avant que les grandes choses ne commencent, pas vrai?
♞
Un corps errait seul sur la place. En plein été à Sydney, c'était rare de voir une seule personne sur le sable fin encore chaud. Peut-être que l'heure tardive d'une heure du matin jouait aussi sur ce phénomène. Rino n'en savait rien, il s'en foutait pas mal d'ailleurs, du moment qu'il était seul ça lui allait bien. Le reste, le monde, les autres ce n'était plus son problème depuis longtemps. Son dos avait trouvé une place confortable entre deux gros rochers tièdes qui s'approchaient dangereusement de la mer encore bouleversée par les vagues sauvages.
C'était lui contre le monde pendant une semaine. Son objectif principal était de parler le moins possible, de ne pas mourir et de ne pas le croiser, lui. Après, il partirait bien rapidement de Sydney et reprendrait sa vie comme si rien ne s'était passé. Comme s'il n'était pas retourné sur cette terre qui lui avait arraché bien des joies. C'est ainsi qu'il se retrouva à humer l'odeur de la marée haute. Entre le parfum artificiel des sucreries du marchand d'en haut et la pollution, c'était difficile, mais peu importait.
Seulement, il sentit une présence près de lui, sa conscience se dit que venir ici n'avait pas été l'idée la plus intelligente de sa vie. Le pire était que ce parfum était reconnaissable à mille kilomètres à la ronde. Sa mémoire avait encore l'image de ce garçon trop bavard, cette joie de vivre dégoûtante et surtout ses cheveux bruns bouclés sur le crâne. Oui, ça ne faisait aucun doute, c'était presque logique que la personne qu'il croise en premier soit Fezco. Il n'avait pas eu besoin de le regarder pour deviner.
"Il fait bon en ce moment, tu as bien de la chance d'être revenu à cette période." Le silence accueillit le nouvel arrivant. Sa punition s'avérait être le silence, et le pire, c'est qu'il l'avait prédit. Il sourit, voyant que son ancien ami n'avait pas changé et que son visage restait infranchissable. Ça le rassurait dans un sens, il préférait ça plutôt qu'affronter un torrent de haine et de piques.
"Après ton départ, les garçons n'ont pas parlé pendant des semaines et des mois. C'était très dur sans toi tu sais? Enfin, on comprend tous très bien pourquoi tu as fait ça..." Voyant que personne ne répondait, mais qu'une oreille l'écoutait quand même, le bouclé continua son monologue en présence d'une âme humaine à moitié éteinte.
"Personne n'a été prévenu que tu revenais, c'est Clark qui me l'a dit. C'est drôle, il n'a pas précisé où tu étais et pourtant je me suis directement dirigé là. Comme quoi, on ne change pas d'un poil tous les deux." Son ricanement se perdit dans l'obscurité de la nuit. Après tout, qui ne serait pas soulagé de retrouver quelqu'un qu'on a perdu de vue pendant deux longues années? Rino et Fezco étaient très proches comme des frères, du moins, avant l'accident.
Sentant qu'un instant de silence devenait urgent, le bouclé se tut. Rino ne voulait pas parler, c'était compréhensible. Il avait même commencé à allumer une cigarette pour faire passer le temps plus rapidement. De toute façon, ce n'est pas le sommeil qui l'accueillera une fois que Fezco sera parti. A la place, les yeux de son ancien collège zieutèrent le tatouage qui avait glacé le sang de toute l'agence la première fois qu'ils l'avaient vu. La réaction restait la même malgré le temps passé. Son sang gonflait dans ses veines, une rage toujours aussi ancrée donnait l'envie à Fezco de retourner toute la ville. Comment pouvait-il toujours porter son nom sur son bras ? Avec une noirceur aussi obscure que sa personne ? Et ça le faisait extrêmement chier de compatir avec son collègue, parce que lui aussi il avait été amoureux un jour.
C'était assez pour lui, il détourna la tête pour éviter de craquer dans sa colère. Rino n'était pas revenu pour entendre la même leçon qu'il y a deux ans.
"Tu sais, je vous en veux toujours autant pour ce que vous avez fait." La voix de Rino se leva dans les airs, en même temps que les lampadaires s'allumèrent dans les rues. Fezco s'était rapidement retourné vers lui, observant fixement sa bouche jouer avec sa cigarette bien entamée.
Silence radio, une nouvelle fois, seul les vagues au loin brisaient violemment ce mutisme lourd qui accompagnait les deux garçons. L'un voulait prendre son temps pour parler, réfléchissant aux bons mots pour ne pas gaspiller sa salive. L'autre attendait sagement, souhaitant rattraper le temps perdu et surtout reconstruire une amitié sincère. Malgré ça, malgré le temps qui s'échappait depuis ce jour-là, Fezco savait que Rino ne viendrait plus jamais vers eux. Sa confiance s'était enfouie six pieds sous terre et avait péri dans d'atroces souffrances.
"Si je suis là c'est pas pour vous, ni pour moi. J'y suis obligé, alors n'espère jamais rien de moi." Leurs corps ne bougeaient pas contrairement aux nombreuses pensées qui couraient dans leur tête. Les non-dits se comptaient par millier, les excuses se multipliaient d'un côté tandis que de l'autre c'était les crises de nerfs qui menaçaient d'exploser. Malheureusement, rien ne se passa si ce n'étaient les minutes.
La présence de l'autre les rassurait même si la haine et la honte leur tenaient fermement la main. Il devait être deux heures du matin désormais et ce fut l'heure à laquelle Rino se releva. Attendre Fezco ne serait qu'une perte de temps, ce dernier n'avait pas l'air de bouger. Alors comme un au revoir, le bouclé lui jura une dernière chose.
"Je ne l'aiderais jamais à t'atteindre Minho, même si tout le monde est contre toi." Tout ça, il le savait déjà. Toutefois, c'était plaisant et réconfortant à entendre, à tel point qu'un petit sourire se dessina sur ses lèvres sèches. Fezco avait toujours été comme ça, près à tout pour lui montrer sa vraie valeur et à quel point il était important. C'est bien pour ça que Minho était retourné sur leur rocher.
Cette vieille habitude de se retrouver sur le bord de ce rocher en fin de soirée avait commencé en 2012. Lee Minho venait tout juste de s'installer à Sydney avec sa grand-mère par manque d'emplois stables en Corée. Déjà majeur, Minho avait décidé de se tourner vers les métiers du militaire et c'est tout naturellement qu'il s'était forgé une place toute spéciale. Par la seule force de sa détermination, le jeune homme avait fini par rester au sein de cette agence sans jamais tomber une seule fois.
Quelques semaines plus tard, Fezco avait finalement repéré le jeune coréen par sa force et sa capacité à tout analyser vite. Bien que Minho ait été intouchable et réservé pendant un petit moment, le bouclé n'avait pas voulu lâcher et avait continué de l'harceler de conversations. S'ensuivit donc d'une relation fusionnelle, de vrais frères comme ils aimaient être appelés. Grâce à leurs talents sur le terrain, les forces spéciales étaient venues assez vite vers eux afin de leur proposer une chance qu'on n'a qu'une fois dans une vie. Vous savez, celle qu'il ne faut pas prendre à la légère. Alors les deux garçons avaient saisi cette opportunité, sans jamais se lâcher. Bien sûr, d'autres personnes s'étaient ajoutées dans leur quotidien, mais le rituel du rocher était toujours resté leur priorité.
Ce seul instant de répit le vendredi soir, lorsque les gens commencent à rentrer chez eux et que le soleil brille de mille feux. La plupart du temps, ils enfilent leur maillot de bain et profitent de quelques heures pour bronzer, parler filles et militaire un peu aussi. C'était leur moment à deux, loin de tout, les pieds dans le sable et la bonne humeur au rendez-vous. C'est juste que... ça ne sera plus jamais comme avant.
"Je sais, c'est bien pour ça que je t'attends à l'agence demain." Il s'en est allé, laissant un sourire satisfait à Fezco qui se dit que finalement, tout pouvait encore se jouer. Certes, sa confiance ne reviendrait jamais, or, rien ne disait que Rino serait éternellement distant avec lui. De toute façon, ils verront bien demain comment cela se passe.
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