𐚁 Chapitre 29
━━━┅━ J I S U N G ━┅━━━
Planté devant la porte d’entrée de l’infirmerie du lycée depuis maintenant quelques minutes, je n’osais pas entrer. Peut-être bien que j’avais peur de ce qui allait suivre, peut-être que je craignais aussi surtout la réaction de Minho, au fond. Je ne comprenais rien à la situation, c’était étrange et tellement soudain que ça me paraissait irréel. Pourtant, je me trouvais là, à hésiter comme si mon meilleur ami était tout d’un coup devenu mon Némésis.
Le souffle court, je m'efforçai de prendre une profonde inspiration avant d’enfin me décider à appuyer sur la sonnette du petit bâtiment. Il ne fallut ensuite qu’une demi-seconde pour que la porte me permette enfin de l’ouvrir et d’ainsi pénétrer les lieux. À peine entré, je me dirigeai immédiatement dans le premier bureau ouvert que j’aperçus et frappai au battant. Là, une femme m’invita à l’intérieur tout en m’interrogeant sur la raison de ma venue. Je lui expliquai ainsi que j’avais terriblement mal au ventre, en exagérant du mieux que je pouvais sur mes expressions faciales et ma gestuelle. Pour elle, ça ne faisait aucun doute. Elle me proposa de m'asseoir un instant et d’avaler un cachet, puis de me rendre dans la salle de repos, là où devaient se trouver mes deux amis. Ce fut donc sans perdre une seconde que j’obtempérai. Bizarrement, mon appréhension avait grandement diminué, j’avais à présent simplement hâte de les retrouver.
J’avais hâte de voir Minho.
Une fois devant les grandes portes blanches de la salle de repos, je pris le temps de réajuster une mèche de mes cheveux avant d’enfin les pousser. La pièce était silencieuse et suffisamment tamisée pour que les élèves en besoin puissent bénéficier d’un coin tranquille. C’était d’ailleurs certainement le cas du garçon que je cherchais actuellement du regard. Ce dernier, ce fut à l’autre bout de la salle que je le trouvai, allongé sur l’un des lits face au mur avec Seungmin à son chevet. Le susnommé se leva en me voyant, un léger sourire sur le visage tandis que je marchais en leur direction. Arrivé à son niveau, il déposa sa main sur mon épaule en signe d’encouragement puis se tourna vers Minho.
— Je vais faire un tour. Nous informa-t-il dans le but de nous laisser seuls tous les deux.
Dès lors qu’il quitta la pièce, l’atmosphère devint étrangement tendue. J’étais gêné, horriblement embarrassé alors qu’autrefois j’avais toujours été à l’aise avec mon ami. Désormais, j’ignorais comment me comporter et comment l’aborder. C’était la toute première fois qu’une dispute de ce genre éclatait entre nous et, malgré le fait que je ne sache pas de quoi il était question, je n’arrivais pas à lui en vouloir. À vrai dire, actuellement, j’étais plus inquiet qu’en colère ou bien vexé. Il avait simplement besoin d’aide, ça se sentait, et j’étais prêt à lui prêter toute mon attention s’il le désirait.
De cette façon, je m’approchai lentement et m’installai sur le lit en parallèle du sien. Jusque-là, Minho n’avait ni bougé, ni ouvert la bouche et l’angoisse commençait tout doucement à m’envahir de nouveau. Je me demandais à quoi il pensait, ce qu’il me reprochait et ce que je pouvais bien dire pour commencer une conversation. C’était difficile, je n’arrivais pas à réfléchir pendant que mes yeux analysaient son corps immobile sur les draps froids. Le silence perdura alors un long moment. De longues minutes passèrent sans qu’aucun de nous deux ne fasse le premier pas et je n’aurai probablement rien fait si je n’avais pas entendu le brunet renifler.
Instinctivement, je m’abaissai afin d’attraper mon sac à dos et d’ouvrir l’une de ses petites poches. Je pus ainsi trouver dedans un paquet de mouchoirs que j’agrippai avant de me lever. Sans dire un mot, je m’avançai à petits pas près de son lit puis tendit le bras pour venir déposer l’objet à côté de son visage. Néanmoins, certainement par crainte que je le vois dans son état, Minho se dépêcha de l’enfouir dans l’oreiller. Je fus pris de court par cette réaction, un sursaut me traversant alors tout le corps. Ce fut à contre-cœur que je me décidai de faire quelques pas en arrière, avant de finalement retourner m’allonger sur le lit que je m’étais approprié. La tête tournée vers lui, j’attendais qu’il me fasse un signe, qu’il m’adresse la parole ou bien qu’il me regarde à son tour, en vain. Il ne fit rien de tout ça et n’utilisa pas non plus les mouchoirs que je lui avais gentiment donnés. Pourtant, il continuait de renifler, j’avais même l’impression qu’il sanglotait.
Voir cette facette de lui que je n’avais jamais encore découverte me brisait le cœur. Bien qu’il soit quelqu’un d’assez timide et de plutôt calme, Minho avait le don de donner le sourire aux autres et de savoir les rassurer. Notre amitié ne durait pas depuis très longtemps, cependant, j’étais accroché à lui comme une moule à son rocher. Il était tellement attachant, rayonnant et très poli, d’habitude. Je ne comprenais donc pas ce qui avait pu se passer pour que tout se casse la figure de cette manière. Son attitude était très différente, ces temps-ci ; il était plus distant et fuyant mais je n’avais aucune idée de ce qui avait pu causer tout ça. Je n’étais vraiment pas prêt à le perdre, je ne voulais pas que ça se termine ainsi. Alors, je pris mon courage à deux mains et me décidai à engager la discussion.
— Minho… Commençai-je doucement. Est-ce que tu peux m’expliquer ce qu’y a ? Si je t’ai blessé d’une façon ou d’une autre, tu dois me le dire pour que je puisse m’excuser et arranger ça.
Le silence absorba de nouveau la pièce pendant que j’attendais impatiemment la réponse de mon ami, en vain.
— T’es mon meilleur ami, on est censé tout se dire… Murmurai-je comme si j’essayais de m’en convaincre.
Néanmoins, la réaction que j’eus suite à cette remarque ne fut pas vraiment celle que j’espérais. Minho avait pouffé de rire, à croire que je venais de lui raconter la plus drôle des blagues. Je l’observai alors avec les sourcils froncés par la confusion, surpris qu’il m’ait enfin donné un signe de vie. Je me questionnais n'empêche sur ce que j’avais dit de si marrant ou bien s’il se payait juste ma tête. Je m’apprêtai donc à répliquer pour lui poser la question mais le brunet me coupa dans mon élan, sans pour autant se tourner en ma direction.
— Je t’ai dit samedi que je voulais plus être ami avec toi, alors arrête de m’appeler comme ça. Cracha-t-il d’une voix pourtant si douce.
— Oh… C’est justement de ça que je voulais qu’on discute… Mes doigts triturant le lacet de mon jogging, j’étais subitement déstabilisé par ses paroles. Je comprends pas pourquoi tu veux plus qu’on soit potes. J’ai fait quoi pour t’avoir autant mis en rogne ?
— Rien, laisse tomber.
— Quoi ? C’est impossible qu’il se soit rien passé, Minho. Renchéris-je à la seconde. Pourquoi tu veux pas tout simplement m’expliquer ?
Évidemment, le brunet me répondit par du silence, l’une des choses que je détestais le plus au monde. Je soupirai alors tristement. C’était vraiment désagréable, je me sentais pris au piège, ne sachant plus quoi dire pour le faire parler. Après tout, je ne pouvais pas l’obliger mais il me devait des explications et je finirai par les obtenir, un jour ou l’autre. Et si jamais ce n’était pas aujourd’hui, alors je voulais au moins savoir s’il était certain de sa décision pour que je me positionne à mon tour.
— T’es sûr de vouloir couper les ponts ? Demandai-je après quelques minutes de blanc.
Je le sentais hésitant même sans pouvoir apercevoir son visage, je savais qu’il était en train de réfléchir. Il gigotait légèrement puis, au moment où il ouvrit la bouche, sa prise de parole se fit trancher par le bruit de l’ouverture des portes de la salle de repos ainsi que les pas d’une personne qui venait certainement d’entrer. Cette dernière s’installa sur l’un des premiers lits et je l’observai d’un air méprisant, lui en voulant d’avoir gâché ce moment. Cependant, alors que mon regard se dirigeait une nouvelle fois sur le haut de mon pantalon, j’entendis un chuchot provenant de ma gauche. Je me doutais qu’il s’agissait bien de Minho, qu’il venait de me répondre, mais je n’avais pas réussi à distinguer ses mots.
— Mh ? T’as dit quoi ? Le questionnai-je en espérant qu’il accepte de se répéter.
Il réitéra ensuite ses propos mais de nouveau en un murmure, ce qui ne me permit toujours pas de le comprendre. Ainsi, je fus obligé de lui demander encore, en vain puisqu’il me laissa cette fois-ci sans résultat. J’en avais marre, il fallait crever l’abcès. J’étais quand même venu pour cette raison... De manière assez brusque, je me levai alors de la couchette et m’approchai de celle du brunet afin de venir m'asseoir sur son rebord sans lui demander sa permission. De toute façon, j’étais persuadé qu’il ne m’aurait pas répondu.
— J’aimerais bien que tu répètes, s’il-te-plaît, je t’ai pas entendu. Lui dis-je sur un ton qui se voulait le plus tendre possible.
Maintenant que je me trouvais à ses côtés, à quelques centimètres que nos hanches se touchent, je pus remarquer qu’il était tendu. Son visage de nouveau enfoui dans l’oreiller, recroquevillé sur lui-même, je pouvais voir le bout de son oreille rougir, certainement embarrassé par ma présence. Cette constatation m’attrista, elle aussi, j’avais l'impression que nous étions devenus de simples inconnus et qu’il ne voulait plus être près de moi. Je soupirai, les paupières désormais closes. Je n’étais pas sûr de ce que je devais faire et surtout éviter de faire pour davantage le froisser. Quoi que je dise, c’était comme s’il ne pourrait jamais me le pardonner. Si encore je savais ce qui n’allait pas, évidemment que je tenterai de me racheter, mais sans explication comment le pouvais-je ?
Le regard posé sur lui, je me demandais s’il pouvait suffisamment respirer en ayant la face complètement cachée par le tissu du coussin. Quelque peu inquiet, je me penchai alors vers lui pour tenter de m’en assurer mais plus je m’inclinais, plus il se blottissait contre le matelas. J’en conclus qu’il ne souhaitait réellement pas me voir. C’était horrible, ce traitement du silence.
— Minho, s’il-te-plaît… Le suppliai-je presque tandis que j’osais poser ma main sur son flanc pour lui montrer mon soutien.
Néanmoins, mon geste n’eut pas la réaction escomptée puisque le brunet sursauta au contact et dégagea ma main grâce à la sienne en me l’agrippant brutalement. Je fis à mon tour un bond sur place, étonné par son mouvement agressif.
— Me touche pas. Balbutia-t-il par la suite.
— T’es sérieux ? J’essaie de faire un pas vers toi et, toi, tu me recales ?
J’étais contrarié. Je ne comprenais pas qu’il se comporte de cette façon sans me donner aucune explication alors que j'essayais de lui prouver que je tenais à lui. Sa main toujours autour de mon poignet, il ne voulait pas que je le touche mais, pourtant, j'avais plutôt l’impression qu'il ne souhaitait pas me lâcher. Toujours plongé dans le silence, j’hésitai une seconde avant de me pencher de nouveau vers lui. Je ne voulais pas abandonner si facilement, il en était hors de question. À l’aide de ma main libre, je vins chercher le menton de mon ami pour tenter de soulever puis de tourner son visage vers le mien, de sorte à ce qu’il puisse enfin me regarder droit dans les yeux. Malgré sa résistance, je réussis à retirer son emprise sur mon autre main et, avec celle-ci, venir lui maintenir la tête afin qu’il ne se défile pas.
Là, je pus entièrement examiner le faciès du brunet de près. Ses joues étaient humides et rouges, tout comme son nez et ses yeux maintenant bouffis par ses larmes. À ce moment-là, quelque chose en moi se comprima, j’en eus les tripes retournées tant je m’en voulais. Était-ce bien moi qui avais rendu Minho aussi triste ? Je ne me rendais pas compte de l’ampleur de son mal-être et je regrettais de ne pas m’être inquiété plus tôt. Il avait raison de m’en vouloir, après tout, j’avais du mal à réaliser que je ne me focalisais principalement que sur ma personne. Néanmoins, il était clair qu’il comptait pour moi, il était d’une importance inestimable à mes yeux. Et j’aurais tellement aimé pouvoir le lui dire.
Nos regards plongés l’un dans l’autre, mes mains encadrant toujours son visage, les siennes agrippant de nouveau mes poignets, je ressentais un étrange sentiment. Une sorte de vague de chaleur avait envahi tout mon corps tandis que les yeux du brunet s'emplissaient une nouvelle fois d’eau. Il était sur le point de craquer et je voulais être là pour lui, peu importe s’il me rejetait. Instinctivement, mon pouce se mit à doucement caresser l’une de ses joues. Chose qui lui déplut apparemment puisqu’à cet instant-là, comme pris d’une soudaine impulsion, il projeta mes bras à son opposé et se recula. Désormais en position assise, il amena ses jambes près de son torse et dissimula son visage dans le creux de ses bras.
Voilà, il s’était encore renfermé sur lui-même.
Je savais que c’était peine perdue. S’il ne me l’expliquait pas de son propre chef, je n’avais aucun moyen de connaître la raison qui se cachait derrière ses larmes. Et, même si je savais que j’y jouais un rôle, sans indication, je ne pouvais pas réparer ma faute. C’était comme parler à un mur, bien qu’il soit le garçon le plus gentil que j’ai rencontré dans ma vie, il était aussi le plus têtu. Tant qu’il aura une dent contre moi, ce sera impossible de discuter tranquillement avec lui.
— C’est... vraiment ce que tu veux, ne plus me parler ? Demandai-je une dernière fois pour m’en assurer.
— Oui… Répondit-il d’une voix tremblante, ses poings serrés.
Suite à cela, je soupirai. Je savais qu’il mentait mais je n’insisterai plus, à partir de maintenant. Je pouvais lui laisser du temps et il pouvait réfléchir dans son coin, je patienterai alors jusqu’à ce qu’il veuille me faire comprendre ce qui n’allait pas. Pour le moment, chacun continuera sa vie de son côté sans interférer avec celle de l’autre. J’espérais juste que ça s’arrange un jour, je ne voulais absolument pas qu’on finisse par se perdre de vue mais si c’était sa décision finale alors je n’aurai pas d’autres choix que de l’accepter.
Désespéré, je décidai qu’il était temps pour moi de m’en aller. Sans un mot, je me levai du lit sur lequel était assis Minho puis attrapai mon sac à dos avant de marcher à toute vitesse vers la porte de sortie. Je ne m’arrêtai pas d’avancer jusqu’à ce que j’atteigne mon chez-moi, l’esprit vide mais pourtant tellement rempli. Je n’avais plus mal au ventre, la douleur s’était déplacée dans mon cœur.
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