
Chapitre 44
Lorsque mes yeux s'ouvrent enfin, il fait jour, les rayons du soleil qui est de retour, me réchauffe agréablement le visage. Je ne réalise pas tout de suite où je me trouve, et dans ma tête un bourdonnement incessant prend place. Je cligne plusieurs fois des yeux pour qu'il s'arrête, mais rien à faire. Je comprends alors que j'ai la gueule de bois et me souviens tout à coup d'une partie de la soirée.
J'ai beau essayer de tout me remémorer, impossible, et j'ai horreur de savoir qu'il me manque certains passages. Je prends ensuite conscience que je ne suis ni dans mon lit ni dans celui de Yann... Oh bordel ! Yann... J'aurais aimé ne pas me rappeler ce passage. Dans mes souvenirs, je n'ai pas été vraiment la meilleure des amies, je crois même que j'y suis allé un peu fort avec lui.
Ce souvenir a le don de me réveiller comme il faut, et je réalise que je suis sur le canapé dans sa chambre. Je bouge légèrement pour voir si je l'aperçois, et je prie pour qu'il soit parti courir. Cela me laisserait le temps pour trouver une bonne excuse... Au lieu de ça, je constate que je suis blottie contre lui, ma tête sur son torse. J'entends les battements réguliers de son cœur et sa respiration me berce doucement.
Il est à moitié allongé, ses pieds reposent sur la table basse, et il me serre dans ses bras, comme s'il voulait éviter que je ne tombe du canapé. Je me retiens de bondir, lorsque je le vois, encore endormis, et si paisible. Mes yeux se posent sur ses lèvres... Divines... Je me mordille la lèvre inférieure et secoue légèrement la tête. Elle peut pas la mettre en veilleuse cette petite voix !
Bordel ! Quelqu'un peut m'expliquer ce qui s'est passé ? ... Attendez, lui et moi on n'a quand même pas... Enfin, vous voyez quoi !
Je soulève doucement le plaid qu'il a dû remonter sur moi, et soupir de soulagement. C'est bon, fausse alerte je suis encore habillée ! Misère j'ai cru que j'allais faire une crise cardiaque. Comme aurait dit ma grand-mère : « Doux Jésus, c'est pas passé loin, on l'a échappé belle ! ».
Je ne sais pas vraiment quoi faire, je ne veux pas le réveiller, il a l'air d'avoir besoin de sommeil, et il dort profondément. Je ne sais même pas quelle heure il est... C'est alors que je remarque mon portable sur la table basse. Comment il est arrivé là celui-là ?
Je tends le bras au maximum, pour essayer de l'attraper. Je voudrais juste voir l'heure, et éventuellement vérifier si je n'ai pas reçu un message d'Aurore, qui pourrait me résumer la soirée.
Encore un peu, j'y suis presque... Aller !
Soudain, mon doigt dérape sur le bord du téléphone que j'ai réussi à atteindre et il finit sa course sur le parquet flottant, dans un bruit sourd qui j'ai l'impression résonne encore et encore dans la pièce... Ou bien c'est l'effet gueule de bois, je ne sais pas trop.
Yann sursaute, comme s'il était prêt à se défendre en cas d'attaque. Bon, bah il dort un peu moins profondément du coup. Il finit par passer sa main sur son visage, puis relève la tête pour me regarder.
Il met, semble-t-il, lui aussi un moment avant de réaliser la position dans laquelle nous sommes, puis se redresse doucement.
J'en profite pour en faire de même et je me décale un peu, ne sachant pas quoi faire, ni même quoi dire.
Il me fixe et sonde mon regard, comme pour voir si je suis encore atteinte de la débilité dont j'ai fait preuve hier.
- Bonjour, toi, marmonne-t-il avec précaution, de sa voix rauque du matin.
- Salut, lancé-je, un peu gênée.
Nous nous observons un bref instant, puis il s'assoit sur le bord du canapé.
- Tu te souviens de rien, pas vrai ?
- Bah, ça tombe bien que t'abordes le sujet parce que... Ouais, nan, en fait j'me souviens pas de grand-chose, grimacè-je.
- C'est pas plus mal.
- À ce point ?
- Rien de grave t'inquiète, me rassure-t-il.
Il se lève, et s'étire, tandis que je ramasse mon téléphone. J'y jette un coup d'œil rapide, mais rien, pas une seule piste. Aurore et moi, il va falloir qu'on établisse une règle à ce sujet. Envoyer obligatoirement un résumé de la soirée, lorsque l'une de nous a trop bu, serait une merveilleuse idée.
- Comment on s'est retrouvés sur le canapé à dormir ? demandé-je, pour entamer la discussion.
- Je t'avais mise au lit, j'étais parti pour regarder un truc à la télé, tu m'as rejoint, et t'as fini par t'endormir contre moi... J'ai pas voulu te réveiller.
- Nous deux on n'a pas... Il s'est rien passé ?
- J'ai une tête à profiter d'une fille qui a bu sérieux ?
- Je t'accuse pas de quoi que ce soit, je cherche juste à combler les vides que j'ai.
Nous nous observons de nouveau un bref instant. Note à moi-même, ne plus jamais picoler comme je l'ai fait hier.
- J'ai pas été cool avec toi, lâché-je.
Il faut bien commencer par quelque chose. Bon, là j'avoue, je mets les deux pieds dans le plat, mais je suis comme ça.
- Je croyais que tu te souvenais pas, réplique-t-il.
- J'ai eu quelques flashs en me réveillant.
Il glisse un regard sur moi, puis se rassoit à mes côtés, tout en passant une main dans ses cheveux.
- Tu m'expliques la réflexion que tu m'as faite par rapport aux messages ? lance-t-il.
Forcément, lui aussi il met les deux pieds dans le plat...
- Je suis pas parfaite, il m'arrive de dire des choses sans raison, me justifié-je.
- Mais encore ? Il y en a bien une qui fait que tu m'as sorti ça comme ça.
- Bah, le truc, c'est que tu fais la morale, mais en attendant, tous les jeudis, tu continues de recevoir des messages bizarres. Tellement bizarre que quand on t'en parle, c'est limite si tu fuis pas en courant, expliqué-je.
- J'ai l'air de fuir là ?
- Non...
- Il aurait fallu que je fasse quoi ? Te laisser boire, encore, et encore, jusqu'à ce que tu t'écroules sur la piste ?
- J'ai pas dit ça...
- Alors quoi ? Non, parce que là je sais plus moi, s'énerve-t-il.
- T'es excessif, lâché-je tandis qu'il me regarde en biais. C'est vrai, je commande un verre, on dirait que c'est la fin du monde, et y'a pas que ça, pour tout t'es comme ça !
- J'ai mes raisons, réplique-t-il.
- Ouais, raisons que je ne connais pas...
- Ça n'a rien à voir avec toi ! lance-t-il.
- Bien sûr que si ! Tu ne me dis rien, on dirait que tu me fais pas confiance.
- Parce qu'il n'y a rien à savoir.
Voilà, je perds de nouveau patience, et je sens la colère monter. Quant à Yann, je le vois serrer ses deux mains jointes et sa mâchoire se crispe.
- S'il n'y a rien à savoir, alors pourquoi tu caches les messages que tu reçois ? m'agacé-je.
- Tu vas quand même pas revenir là-dessus ? s'exclame-t-il en se levant.
- Pourquoi pas ?
- Parce que c'est comme ça, c'est tout.
- Si tu veux pas que je fasse partie de ton monde, il suffit de le dire, soufflé-je en me levant à mon tour.
- Putain, c'est pas ça, bordel !
- Bah, c'est quoi alors ? Tu voudrais tout connaître de moi, mais il ne faut surtout pas je sache quoi que ce soit sur toi ! râlé-je tout en réunissant mes affaires.
- Tu veux savoir quoi ?
- Explique-moi, simplement, je suis pas conne, je peux comprendre, soupiré-je, en le regardant avec un peu d'espoir.
- Je peux pas, marmonne-t-il, comme s'il menait un combat contre lui-même.
- Alors, dans ce cas, ne cherche plus à apprendre quoi que ce soit sur moi.
- T'es sérieuse ?
- Ouais, affirmé-je, en me dirigeant vers la porte.
Il arrive à mes côtés très rapidement et plante son regard dans le mien.
- Tu vas où ? me questionne-t-il.
- Je rentre !
- On est dimanche y'a un bus toutes les trois heures.
- Bah, je vais rentrer à pied.
- N'importe quoi !
Il saisit alors ma veste, et je la lui reprends dans la foulée. Il se plante ensuite devant la porte, pour me barrer le passage, et je croise les bras, agacée.
J'essaye de le contourner, mais c'est peine perdue, et plus il m'en empêche, plus je trouve que cette discussion prend une ampleur démesurée, à laquelle je ne m'attendais pas. Je vois à son regard qu'il redoute quelque chose, c'est comme s'il voulait me demander de rester, mais que cela lui coûtait trop de me le dire.
Quant à moi, je me connais, partie comme je suis, et si on continue sur cette lancée, mes mots vont dépasser ma pensée.
- Tu veux vraiment qu'on se dispute ? le questionné-je.
- Pas vraiment...
- Alors, laisse-moi aller prendre l'air.
Il m'observe, comme si j'allais fuir et ne pas revenir.
- Vu comme c'est parti, si on ne se calme pas tous les deux, s'est bien parti pour, argumentè-je.
Il se décale, et me laisse accès à la porte, sans rien dire, puis alors que je vais pour l'ouvrir, il plaque sa main contre celle-ci, et me jette un regard inquiet.
- Je vais juste marcher un peu, je reviens tout à l'heure.
Il acquiesce de la tête, sans grand enthousiasme, laisse glisser sa main le long de la paroi, puis s'écarte, pour ensuite me regarder sortir.
- T'es sûr que ça va aller ? demande-t-il avant que je ne m'en aille.
- Sûre, un bon bol d'air me fera du bien.
- OK.
Je referme la porte doucement, et m'approche des escaliers. Alors que je m'apprête à descendre, j'entends un bruit sourd, que je reconnais immédiatement. Yann vient de cogner violemment dans son sac de frappes.
Je pose un pied sur la première marche, hésitante. D'un côté, le laisser comme ça me fend le cœur, mais on a tous les deux un très fort caractère et continuer cette discussion maintenant ne mènera à rien de bon.
Lorsque je passe la porte d'entrée, et que le soleil mêlé a l'air frais s'impose à moi, j'inspire un grand coup, comme pour éliminer toute la tension accumuler. Je me mets ensuite à marcher sans but précis, je ne compte pas m'éloigner, je lui ai dit que je revenais. Mais, j'ai vraiment besoin de me défouler. Je m'assois sous un arrêt de bus et consulte les horaires avec une idée en tête.
J'attrape mon téléphone, puis fais défiler les contacts jusqu'à tomber sur celui que je cherche.
Au bout de trois sonneries, Mick répond.
- Hey, championne, quoi de neuf ?
- Salut, dis-moi que t'es au circuit.
- Ouais, j'y suis.
- J'peux passer ? Quelques tours de piste me ferraient du bien.
- On allait justement se faire une petite course avec des potes, donc si ça te dit on peut t'attendre.
Je vérifie l'heure du prochain bus, histoire de ne pas me tromper, puis m'adresse de nouveau à lui.
- Je peux être là d'ici vingt minutes, annoncé-je.
- OK, on patiente alors.
- À tout.
- Ça marche.
Je souris intérieurement, je viens à l'instant de trouver ce qui va me calmer à coup sûr. Je sais que j'ai dit que je restais dans le coin, mais j'en ai besoin.
Le bus arrive très vite, et je prends place à l'arrière, quand soudain mon téléphone sonne. Je le sors de la poche de mon jean, et constate qu'il s'agit de Kévin. Pourquoi est-ce qu'il m'appellerait ?
- Kev ?
- Ouais, il se passe quoi la furie ? T'as fait des tiennes ?
- Pourquoi ?
- Je suis passé chez Yann pour voir comment t'allais après la soirée d'hier, et je l'ai trouvé en train de péter un câble sur son sac de frappe, explique-t-il.
- Yann c'est ton pote nan ? Il t'a rien dit ?
- Vite fait, que vous vous êtes pris la tête. Mais pourquoi ?
- Tu devrais lui poser la question à lui directement, lui répondé-je comme lui même sait si bien me le conseiller.
- OK... T'es où ?
- Dans le bus, annoncé-je alors que j'entends Yann pester derrière.
Kévin a dû mettre le haut-parleur, et je suppose qu'il écoute tout ce que je dis.
- Tu vas où ? demande-t-il calmement.
- Sur le circuit.
- Un dimanche ?
- Ouais, Mick m'attend avec des potes a lui, on va se faire une course, j'ai besoin de me vider la tête.
- T'as une sacrée façon de te vider la tête, rigole-t-il.
- J'en connais bien qui tape dans des sacs de frappes, répliqué-je sachant que Yann écoute.
- OK, tu sais quoi ? J'te rejoins.
- Je vois pas à quoi...
Ça servirait... Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'il a déjà raccroché. Il ne manquait plus que ça, je ne suis pas sûr que parler à Kévin de ce qu'il s'est passé soit la solution, même si jusque-là, il a toujours fait en sorte que je me sente moins mise à l'écart de la vie secrète de Yann.
Au bout de dix minutes, et alors que le bus s'arrête à l'une des nombreuses station sur son chemin, j'aperçois une moto nous doubler, suivi d'un motocross. Je reconnais immédiatement celle de Yann, puis celle de Kévin. Pourquoi le fait que Yann soit avec lui ne m'étonne pas ?
Super, ils vont même arriver avant moi.
Lorsque le bus s'arrête à l'arrêt se trouvant à quelques mètres du circuit, je descends et constate que les garçons m'attendent pas très loin.
Lorsque j'arrive à leur hauteur, Kévin enlève son casque, et avance à côté de moi, moteur coupé, poussant la moto avec ses pieds, tandis que Yann roule à allure réduite, et fait ronronner le moteur de temps à autre.
- Tu veux pas monter ? me demande Kévin.
- Je préfère marcher, lancé-je assez froidement.
Il remarque à ce moment-là, que je ne rigole pas, qu'il y a quelque chose qui a changé. Je vois à son regard qu'il se doute de quelque chose.
Lorsque nous arrivons devant le circuit, je ne prends même pas la peine de les attendre, et entre, malgré le petit panneau qui indique que c'est fermé. Mick a dû laisser ouvert sachant, que je ne tarderais pas.
Je rejoins les vestiaires à la hâte, pour ne pas faire patienter plus longtemps mes compagnons de courses.
Alors que je claque la porte de mon casier et que j'attrape mon casque, que j'avais posé sur le banc derrière moi, je vois Kévin entrer dans le vestiaire.
Je soupire en l'apercevant.
- Tu sais que t'es dans le vestiaire des filles là ? soufflé-je.
- C'est qu'un détail ça, et puis y'a que toi.
Je lève un sourcil... Ce mec se fout vraiment de tout.
Il m'observe, sérieusement, puis s'approche avec précaution. Il est conscient que je ne manque pas de caractère et que je risque de l'envoyer balader, mais il n'a pas l'air de s'en soucier plus que ça.
- Tu m'expliques ?
- On m'attend, répliqué-je.
- Alors, explique vite.
- Y'a que ton pote veut tout savoir de moi, mais qu'il ne me raconte rien le concernant.
- Qu'est-ce que tu lui as demandé ?
- Oh, rien de spécial ! Mais, vu qu'il aime faire la morale, je lui ai rappelé qu'il recevait des messages un peu louches, et donc qu'il n'avait pas vraiment de leçon à donner, expliqué-je tout en sortant du vestiaire et tandis qu'il me suit.
- T'as fait fort là, nan ?
- Je trouve pas non, ça commence à bien faire, je vois pas pourquoi ça irait que dans un sens, alors maintenant, ce sera donnant donnant.
- Qui te dit que les messages qu'il reçoit sont louches ?
- Sérieux, vous commencez par me soûler tous les deux à vous couvrir l'un et l'autre ! aboyé-je.
Je stoppe et fais demi-tour, pour retourner dans les vestiaires. Kévin me suit, se demandant ce que je fais. J'ouvre alors la porte métallique de mon casier, et fouille de façon énergique et pour le moins énervée, dans la poche de ma veste. J'en sors le morceau de papier où j'y ai inscrit le message que Yann a reçu, puis je le lui mets sous le nez.
- Et ça, c'est quoi ?
Il écarquille les yeux, puis me regarde en deux fois.
- Bordel de merde ! Mais où t'as eu ça ? demande-t-il nerveux.
- Tu vois, rien qu'à ta réaction je sais que c'est louche.
- Nine, je déconne pas, qui t'a donné ça ?
- J'ai mes sources, lâché-je sachant qu'il reconnaîtra là, la façon dont Yann répond souvent.
Kévin, saisis le morceau de papier, le chiffonne, et le fourre dans sa poche.
- Tu peux le garder, je l'ai noté un peu partout, j'essaye de déchiffrer sans grand succès pour le moment. Vu que j'dois me débrouiller seule pour tout découvrir, râlé-je en haussant les épaules, feignant l'indifférence. Je m'en fais pas je finirais bien par trouver.
- Tu sais que c'que tu fais là, si Yann l'apprend il va littéralement péter un câble ? Et je déconne pas, précise-t-il.
- Ça ne tient qu'à lui de m'en parler.
- S'il ne le fait pas, c'est pour de bonnes raisons, même si je ne suis pas vraiment d'accord avec son choix.
- Pas de soucis, j'ai mes raisons aussi de vouloir découvrir de quoi il s'agit, ajouté-je avant de quitter le vestiaire pour rejoindre la piste pour de bon.
Lorsque je passe la porte qui donne sur le circuit, j'aperçois Yann accouder à la rambarde, mais je n'y prête pas plus attention que ça. Kévin arrive derrière moi en trottinant, sous le regard interrogateur de son ami.
- Nine ! C'est pas qu'on veut pas te dire, on peut pas y'a une différence.
Je me tourne vers lui, et hausse les épaules. Ma décision est prise, si personne ne veut m'expliquer, je trouverais les réponses moi-même.
- Tu me fous dans la merde là, je sais même pas si j'dois lui dire c'que t'as découvert ou pas !
- C'est toi qui vois, fait comme tu veux, peu importe, le résultat sera le même ! m'exclamé-je.
Je rejoins Mick et ses amis, ils sont prêts et n'attendent plus que moi. Je les salue, alors qu'ils ont déjà tous pris place dans leur karting, puis nous nous rangeons sur la ligne de départ.
Je jette un dernier regard, vers Yann, tandis que Kévin arrive tout juste à ses côtés. Il s'appuie à la rambarde à son tour, et ne me quitte pas des yeux, pendant que Yann a l'air de l'assommer de questions, en faisant nerveusement les cents pas.
Cela ne me fait pas plaisir de le mettre dans cette situation, mais si je les écoute, je ne saurais jamais rien. J'ai toujours suivi mon instinct, et là, il me dit que si je découvre de quoi il s'agit vraiment, je serais plus en mesure de pouvoir aider Yann.
Le départ est lancé, et je démarre sur les chapeaux de roue, sans ménagement. Je suis énervée, et ça se ressent dans ma conduite, je suis même persuadée que Yann et Kévin peuvent voir que ma façon de piloter n'est pas la même.
D'habitude, je roule pour gagner, mes trajectoires sont stratégiques... Là, je le fait pour me défouler, rien n'est réfléchi. En temps normal, quand j'ai besoin d'extérioriser, comme c'est le cas maintenant, je suis seule sur la piste, je ne dois pas forcément faire attention à ce qui arrive sur les côtés, derrière ou même devant. Cette fois, je sais que je ne suis pas seule, mais à ce moment-là, mon état d'esprit prend le dessus.
Dans la ligne droite, j'aperçois Yann. Il a ramené ses mains vers sa bouche, ses coudes sont appuyés sur la barrière, il est clairement nerveux, n'importe qui pourrait s'en rendre compte. Est-ce qu'il l'est à cause de notre dispute ? Ou bien parce que je roule n'importe comment ? Peut-être un peu des deux.
Lui qui fait de la motocross, sait ce que c'est que de piloter en ayant cet état d'esprit. Il sait pertinemment que je ne calcule rien, que je fais clairement n'importe quoi.
Moi aussi je m'en rends compte, mais c'est ce dont j'ai besoin.
Les premiers tours se passent bien, je suis en deuxième position, juste derrière Mick, et je ne compte pas rester deuxième. Dans la ligne droite, je tente de le dépasser, mais il zigzague pour m'en empêcher. C'est le dernier tour, et donc ma dernière chance d'arriver première.
N'ayant pas réussi à le dépasser dans la ligne droite, je sais que le doubler dans le virage qui arrive est la seule option qu'il me reste... Sauf que je ne fais rien de stratégique depuis le début de la course, et que je m'aperçois que j'ai mal négocié ma trajectoire.
Je vais beaucoup trop vite, tandis que Mick lui, freine afin d'aborder le virage comme il faut. À ce moment, je sais que même en ralentissant, c'est trop tard. Pourtant, il est hors de question que Mick finisse dans le décor par ma faute, et encore moins à cause de mes idioties.
Afin de limiter la casse, je mets un coup de volant, mais comme je m'y attendais, ma roue avant se prend dans le pneu arrière du karting de Mick, alors que je suis à pleine vitesse. Yann et Kévin sont juste en face, j'ai le temps de voir Yann mettre un pied sur la rambarde, prêt à sauter par-dessus, il sait lui aussi ce qu'il va se passer.
La roue de Mick se transforme en véritable tremplin, mon karting décolle, et à ce moment, je sais que ça va faire mal, voir même très mal. Dans un réflexe, je ferme les yeux, de toute façon, à ce stade, je ne peux plus rien faire à part attendre que la chute arrive.
Mon kart se retourne, et je sens que le sol arrive à une vitesse folle. Je crispe mes mains sur le volant, ferme les yeux de toutes mes forces... Puis c'est l'atterrissage. Je glisse sur plusieurs mètres, je me trouve sous le karting, et je pris pour qu'il s'arrête, jusqu'à ce qu'il finisse enfin par s'immobiliser.
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