Chapitre 21
Yann arrive à mon niveau totalement surpris de me voir ici. Il se penche vers moi pour me faire la bise, et je remarque tout de suite son arcade blessée. Surement dû au coup qu'il a reçu tout à l'heure.
- Salut, dit-il.
- Salut, ça va ? demandé-je.
- Ouais, et toi ?
- Super, réponds-je en souriant.
Je sors mon portable afin de regarder l'heure, il ne manquerait plus que ça que je loupe mon bus. Yann le remarque et nous nous mettons à marcher tous les deux, côté à côte.
- Qu'est-ce que tu fais là ? m'interroge-t-il.
- Je suis venue voir une amie.
- OK, alors tu traînes par ici...
- Ouais, ça m'arrive.
- C'est pas vraiment le bon endroit pour se balader.
- Je sais, t'es pas le premier à me le dire, mais...
- Mais, tu viens quand même... m'interrompt-il.
- Toi aussi, relevé-je amusée.
- C'est pas pareil.
- Je peux savoir en quoi ?
- J'suis un mec.
- Et moi une fille, affirmé-je toujours autant amusée.
Je commence à le connaître et je pense savoir où il veut en venir.
- Voilà exactement, lance-t-il sérieusement.
- Et donc ?
- Moi, je sais me défendre... annonce-t-il.
- Ouais, je sais, j'ai vu ça.
Il me regarde, comme si je venais de lui faire la révélation du siècle et je lui désigne alors du doigt son arcade.
- Je t'ai vu tout à l'heure, expliqué-je.
- T'étais là ? s'étonne-t-il.
- Je passais par là, quand la bagarre a éclaté.
- Et au lieu de tracer, t'as regardé... Normal quoi, dit-il agacé.
- Il me semblait t'avoir reconnu alors oui, t'aurais pu avoir besoin d'aide.
Je ne sais pas vraiment ce que j'aurais fait, à vrai dire... Mais, j'aurais fait quelque chose... De stupide très certainement.
- Même si j'avais besoin d'aide, n'interviens jamais, m'ordonne-t-il.
Il plante son regard dans le mien, l'air sérieux, attendant que je lui réponde.
- Je suis pas du genre à rester là et rien faire, tu sais.
- Ouais, j'ai cru comprendre et moi j'suis pas du genre à impliquer qui que ce soit, ajoute-t-il.
Je décide alors de faire une remarque en rapport avec ce que Kévin m'a expliqué.
- Ouais, t'es plutôt du genre à aider quitte à te retrouver dans des situations compliquées après. Un appel et tu fonces tête baissée, c'est ça ?
Il m'observe un bref instant silencieusement, puis je décide d'en rajouter.
- C'était qui l'autre jour au téléphone ? Un ami ? demandé-je en mimant les guillemets sur le dernier mot.
- Quand on a besoin de moi, je suis là, c'est tout.
- Et tu finis parfois comme ce soir, avec l'arcade amochée.
- Ça ? lance-t-il en montrant du doigt sa blessure avec un sourire en coin, c'est rien, j'ai connu pire, et les autres étaient plus mal en point.
- J'en doute pas. Un de ceux que t'as aidé ressemblait à Écho...
- Ouais, c'est son cousin, il cherche toujours la merde et ça finit mal à chaque fois.
- Et tu le défends...
- Écho n'est pas là en c'moment, il m'a demandé de faire gaffe à lui.
- C'est quoi ? T'es à ses ordres ? l'interrogé-je profitant du fait qu'il réponde à mes questions.
- Je suis aux ordres de personnes, grogne-t-il.
- Pourtant, il te fait signe, tu le suis, il te demande de garder un œil sur son cousin, tu le fais...
- Tu sais pas de quoi tu parles ! m'interrompt-il en colère cette fois.
J'ai conscience que je le pousse légèrement à bout, mais, je commence à me demander si ce n'est pas le seul moyen pour qu'il s'ouvre un peu plus à moi. Et, si pour ça je dois le mettre en rogne alors soit... Cela ne me fait pas peur.
- Tu sais je suis pas bête... Ton téléphone qui sonne tous les jeudis, tu disparais dès qu'un ami a des ennuis... Je suis sûr que derrière tout ça y'a quelque chose.
- Tu t'imagines des trucs alors que c'est pas le cas, se défend-il en trouvant un intérêt soudain a ses chaussures.
- Ça, c'est ce que tu dis, moi, je sais qu'il y a quelque chose de louche.
Il s'arrête net, puis se tourne vers moi.
- Pourquoi tu lâches pas l'affaire ?
- Parce que je suis sûre que malgré ce que tout le monde raconte t'es un mec bien, dis-je calmement.
- Bah, tu te goures, t'es même carrément à côté d'la plaque.
- Tu peux essayer de me faire fuir, ou de me repousser, c'est pas pour ça que je laisserais tomber.
- Tu perds ton temps, dit-il tout en commençant à repartir dans l'autre sens.
- Peut-être, ou peut-être pas, dis-je en haussant les épaules. En attendant, c'est pas moi qui fuis à chaque fois, donc c'est que je me rapproche de la vérité, lâché-je alors qu'il est déjà à quelque pas derrière moi.
Ce genre de discussion entre nous se termine toujours de cette façon. C'est dingue ! Dès qu'on commence à parler de ce sujet, il se braque et se ferme totalement.
- Fais gaffe à toi, lance-t-il tout en continuant sa route à reculons.
- T'inquiètes je suis une grande fille ! répliqué-je tout en avançant sans me retourner.
De toute façon j'arrive à mon arrêt de bus. Plus qu'une centaine de mètres et j'y suis. Je sors mon portable pour envoyer un message à Aurore et lui dire que tout va bien. À chaque fois que je viens ici, elle n'est pas vraiment tranquille, même s'il ne m'est jamais rien arrivé.
J'ai juste le temps de ranger mon téléphone dans ma poche et de relever la tête, que je vois le bus qui passe sans s'arrêter à l'arrêt. Le chauffeur n'y a pas vu de passager à prendre, donc il a continué sa route. Je me mets à courir aussi vite que je peux, puis, arrivée à l'arrêt agite les bras en l'air comme une idiote, alors qu'il est déjà loin devant et le chauffeur ne me voit évidemment pas.
- Super ! marmonné-je.
Le prochain passe dans plus ou moins trente minutes. Il commence à faire froid, la nuit tombe et les Blocks la nuit, c'est pire qu'en journée. Je m'assois sur le banc, à l'abri du vent sous l'abri bus, puis je renvoie un message à Aurore.
Moi : * J'y crois pas je viens de louper mon bus... *
Aurore : * T'es sérieuse ? *
Moi : * Ouais... *
Aurore : * Fais gaffe ça craint la nuit ! *
Moi : * T'inquiètes je prends le prochain, je te renvoie un message quand je suis chez moi. *
Aurore : * OK *
Je soupire, il ne manquait plus que ça... Et, il fallait que ça tombe aux Blocks forcément... N'ayant rien de mieux à faire, j'attrape le tome trois du manga que Yann m'a prêté et je continue ma lecture. Les minutes passent lentement et l'air commence à se rafraîchir. Je suis frileuse, j'ai horreur du froid, de la pluie, de la neige... Rien de mieux que l'été.
Au bout d'environ dix minutes, je vois un groupe de mecs s'approcher de l'arrêt, ils rient fort, et se chahutent gentiment. Surement des potes qui ont besoin de prendre le bus pour aller en ville. Je ne m'attarde pas sur eux et continu à lire tandis que deux d'entre eux s'assoient à ma droite. Le troisième se tient debout devant eux, et ils discutent comme si je n'étais pas là.
Soudain, alors que je suis plongé dans ma lecture, celui assis juste à côté de moi m'adresse la parole.
- T'as du feu ?
- Ouais, attends.
Pour la tactique de drague, on repassera, surtout que peu de temps avant son ami a allumé une clope avec un briquet. Je fouille tout de même dans mon sac à la recherche de ce qu'il demande.
- Tiens, dis-je en lui tendant.
- Merci, t'es du coin ? me questionne-t-il.
- Nan je suis passé voir une amie.
- OK, tu vas en ville ?
- Non, je rentre chez moi.
- J'peux te raccompagner s'tu veux, lance-t-il.
- Ça va, merci, répliqué-je assez froidement.
Alors que le mec commence à glisser sur le banc pour être plus proche de moi, j'entends le vrombissement d'un moteur qui approche de nous. Le véhicule, une Golf noire aux vitres teintées s'arrête à notre hauteur. La vitre côté conducteur se baisse et j'aperçois le visage de Yann. Je l'observe un bref instant et retourne à ma lecture, faisant comme s'il n'était pas là. Tête de mule bonjour !
- Ça va ? m'interroge-t-il depuis la fenêtre de la voiture.
- Ouais, acquiescé-je en posant mon regard sur lui.
- T'es sûr ? insiste-t-il.
- Ouais, dis-je en ne prenant cette fois même pas la peine de lever les yeux du livre.
- Yann, mecn ça va ? demande l'un des types.
Yann lui lance un regard assez froid et ne prend pas la peine de lui répondre. Apparemment, ils se connaissent, mais je ne suis pas sûr qu'ils s'entendent vraiment bien. Il pose son regard une nouvelle fois sur moi.
- Allez monte, j'te ramène.
- Pas la peine, je gère.
- Tu gères que dalle, allez me force pas à descendre, ajoute-t-il légèrement excédé.
- Mec, si elle veut rester, laisse-la, lâche le type qui s'est rapproché de moi.
- Ouais mec, on discute tranquille ! s'exclame un autre.
- Toi ferme ta gueule, j't'ai pas d'mandé ton avis, s'énerve Yann.
- Si t'as un problème viens on s'explique mec, lance celui qui est assis à mes côtés.
Yann commence à ouvrir la portière de la voiture, puis je me résigne et me lève, attrapant mon sac tout en y fourrant le livre que je lisais.
- OK, c'est bon, je monte, soufflé-je en toisant Yann qui commence à pousser la portière.
- Bah nan reste ma belle, t'inquiète on est des gentils, lâche l'un des mecs, un sourire mauvais aux lèvres, tout en attrapant la manche de mon manteau dans l'espoir de me retenir.
Je lance un regard noir au type, puis tire sèchement sur la manche de mon manteau. Il me relâche alors, tout en m'adressant un rictus amusé. Je sais qu'ils ne sont pas des « gentils » comme il dit, je ne traîne pas beaucoup par ici, mais les « gentils » je sais les reconnaître, et eux n'en font pas partit.
Je m'approche de la portière, que Yann tient encore entrouverte et je la claque brusquement alors qu'il ne s'y attend pas. Surpris, il reprend sa place derrière le volant, tandis que je contourne la voiture et m'assois côté passager. Yann remonte sa vitre, tout en lançant un regard assassin aux trois mecs sous l'arrêt de bus, puis nous nous mettons en route.
Il reste silencieux un petit moment puis tourne la tête vers moi.
- Tu comptais vraiment rester là et attendre le bus ?
- Ouais, pourquoi ?
- Tu sais qui sont ces mecs ?
- J'en ai une vague idée, dis-je.
- OK.
- Tu serais pas arrivé, j'aurais pas eu le choix et j'aurais attendu.
- Je t'ai vu au loin louper le bus... explique-t-il.
- Et ?
- Quand on a b'soin je suis là, lance-t-il amusé.
- Ces mecs ne faisaient rien de mal et au pire j'ai un téléphone.
- Quoi les flics ? Ils viennent presque plus ici... et ces mecs sont pas des mecs bien.
Je le regarde en coin, alors qu'il est concentré sur la route.
- Qu'est ce que t'en sais ? demandé-je.
- De ?
- Que c'est pas des mecs bien, précisé-je.
- Parce que je suis pas un mec bien moi non plus, affirme-t-il très naturellement.
Je soupire légèrement, tandis qu'il met un peu de musique.
- La voiture est à toi ?
- Je suis pas un mec bien j't'ai dit.
- Attends, tu l'as...
- Nan je l'ai empruntée à un pote, lâche-t-il content de ma réaction.
Un silence s'installe, et je me perds à regarder le paysage à travers la vitre, tandis qu'il est toujours autant concentré sur la route. Le soleil a presque disparu, laissant place à une nuit bien étoilée. Je me surprends parfois à l'observer discrètement, son visage aux traits si parfaits est éclairé par la lumière du tableau de bord, lui donnant un air encore plus mystérieux.
Arrivé devant chez moi, il se gare et je le remercie de m'avoir une nouvelle fois sauvé la mise... Même si je ne lui ai encore une fois rien demandé. Je descends de la voiture, puis alors que je commence à m'éloigner, il baisse la vitre et m'interpelle. Je me penche vers celle-ci, le questionnant du regard, attendant de savoir ce qu'il veut.
- File ton téléphone, me dit-il.
Je sors mon portable de ma poche et le lui tends, me demandant ce qu'il compte faire avec. Après un bref instant, il me le rend.
- La prochaine fois, au lieu d'envisager appeler les flics, appelle-moi c'est plus rapide et t'es sûr que je viendrais, explique-t-il.
J'acquiesce un léger sourire aux lèvres puis me recule pour le laisser s'en aller. Je m'éloigne, et finalement il attend que je ferme la porte de chez moi pour partir. Je passe à la salle de bain, avale un morceau vite fait et me glisse sous ma couette. J'envoie un message à Aurore pour lui dire que je suis bien rentrée, puis je regarde mon répertoire à la recherche du numéro de Yann. Je déroule la liste de mes contacts, puis je souris bêtement en voyant ce qu'il y a inscrit... « Le mec pas fréquentable »
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