𝘊𝘩𝘢𝘱𝘪𝘵𝘳𝘦 𝟏𝟖 ~ 𝑨𝒖𝒅𝒓𝒆𝒚
Aymerick se trouvait assis sur une chaise au milieu de la pièce à vivre du vieil appartement dans lequel il couchait depuis quelques jours. Face à lui, son frère cadet était encore assoupi sur le canapé. La veille, il avait retrouvé un vieux crayon à papier posé à côté d'un petit bloc note sous la table. De ce fait, après s'être préparé et vêtu des seuls vêtements dont il était en possession, il s'en était emparé afin d'écrire un mot dans lequel il disait que lui et sa sœur seraient au bar pour la journée. Mais alors qu'il venait tout juste de déposer la petite note sur la table, Emilia fit son entrée dans la pièce. Habillée de son léger petit combishort et coiffée d'une queue-de-cheval faite à la va-vite, cette dernière était prête à quitter le logement. Par conséquent, son frère aîné se leva et l'invita à passer la porte sans trop faire de bruit. L'adolescente s'empara rapidement du bloc note et du crayon à papier posés sur la table avant de s'exécuter. Une fois à l'extérieur, Aymerick tenta de parler à sa sœur de la scène de la veille, mais cette dernière se montra plutôt réticente à cette discussion. En parler avec Eliott, c'était une chose. Mais se faire analyser par un étudiant en psychologie, c'en était une autre. De plus, Emilia savait que son aîné ne se confiait que très peu, alors il n'allait sûrement parler de son ressenti à lui. Lorsque les deux jeunes arrivèrent à l'intérieur du bar, le gérant salua Aymerick et l'invita avec un air bien sympathique à rejoindre ses nouveaux collègues afin d'être initié au job de serveur.
— Oui monsieur. Euh, j'aimerais aussi vous demander s'il était possible que ma sœur reste ici... déclara le jeune homme avec une expression assez gênée. Elle voudrait parler à votre fils, Pierre, et on va dire que c'est assez urgent...
L'homme possédait une carrure similaire à un chef cuisinier. Il avait une grande taille et possédait des muscles qui compensaient l'excès de matière grasse qui était stockée dans son corps. Celui-ci eut un léger rire.
— Bien, mais elle va devoir attendre un peu... déclara-t-il tout en regardant la jeune fille. Pierrot prend son service en milieu d'après-midi aujourd'hui, car on va dire qu'il s'est endormi un peu tard hier. Vous savez, entre ses sorties de nuit et ses longues veillées le soir, j'hésite à ne lui donner que des horaires de tardives.
— Oh, je vois, répondit Aymerick. Je la ferai attendre ici alors, si vous n'y voyez pas d'inconvénients.
— Bien sûr que non, allez-y.
Sur ce, Emilia prit place et s'assit à une table pour toute la matinée. Elle redoutait tant le moment où arriverait Pierre... Elle ne savait s'il était déjà au courant, ou si c'était elle qui allait devoir porter le lourd fardeau de devoir annoncer la terrible nouvelle. La jeune fille ne préférait pas y penser. Elle préféra poser son petit bloc-note sur la table avant de commencer à y écrire des choses. Cette dernière avait un étrange pressentiment, comme si tout était sur le point de se terminer. Comme si dans un jour ou deux, le portail se rouvrirait comme par magie et que l'adolescente, ses frères et son ami retourneraient dans le monde d'où ils venaient. Par conséquent, elle se mit à retranscrire toute son aventure depuis le début sous forme de mots. La jeune fille voulait garder en mémoire absolument tous les détails de son parcours, c'est pourquoi elle s'efforça d'être la plus précise possible dans ses écrits. Ainsi, le petit bar où se trouvait Emilia se remplit de plus en plus au fil des heures, mais étant totalement absorbée par ce qu'elle écrivait, elle n'y prêta pas vraiment attention. De son côté, Aymerick observait de temps en temps sa sœur assise à l'une des tables. Ce dernier se demandait bien ce qu'elle pouvait autant écrire... Il arrivait que l'adolescente vienne lui dérober le taille crayon dont les serveurs se servaient lorsqu'ils ne pouvaient plus écrire leurs commandes, mais à part ça, rien d'autre. La jeune fille était complètement enfermée dans sa bulle. Le jeune homme savait que l'évènement de la veille en était le coupable, mais il préféra se taire et se contenter de la surveiller. Certes, elle n'était plus une enfant. Mais après toutes les péripéties qui lui étaient arrivées, ce dernier préférait garder un œil sur elle. Tout comme il continuait parfois discrètement de garder un œil sur son petit frère.
Midi arriva, et Aymerick se dirigea vers sa sœur avec un petit sandwich à la main. Cette dernière étant toujours en train de noircir les pages du petit bloc-notes, elle ne le remarqua même pas.
— Tiens, déclara-t-il en lui tendant le petit repas, c'est l'heure du déjeuner alors j'aimerais que tu mange un bout.
— Merci, répondit la jeune fille sans lever la tête du calepin.
Le jeune homme faillit repartir, mais sa curiosité l'emporta sur lui. Par conséquent, il s'appuya sur la table à laquelle sa sœur était assise avant de lui lancer :
— Qu'est-ce que tu écris ?
Soudain, Emilia posa son crayon et leva la tête en direction de son frère. Elle le découvrit dégoulinant de sueur avec un air fatigué. Il fallait dire que la chaleur et la gestion de toute la clientèle n'étaient pas simple à gérer. Heureusement pour lui, il ne lui restait pas beaucoup de temps avant de terminer son service. Même si l'idée de retourner dans l'autre monde lui donnait la boule au ventre, parfois l'adolescente regrette tout de même le confort et la vie insouciante qu'elle et ses frères avaient là-bas. Et puis un sentiment de culpabilité l'envahit lorsqu'elle se rendit compte que son frère était le seul à travailler pour tout le monde... Ainsi, ne voulant pas dévoiler le contenu de ses écrits, la jeune fille tenta de choisir ses mots afin de ne pas paraître blessante envers son aîné.
— Alors en fait, c'est assez intime... balbutia-t-elle. Enfin je...
— Oh oui oui, je comprends, enchaîna le jeune homme. C'est pas grave. Bon, je te laisse je dois y retourner.
Mais alors que ce dernier entamait à peine sa marche vers les cuisines, il se fit bientôt interrompre par Emilia qui l'appela avec hésitation.
— Aymerick, je... Je voulais juste te dire merci, déclara-t-elle avec une mine assez embarrassée. Enfin, tu nous as un peu sauvé en trouvant un logement et de l'argent... et puis ça doit être un peu pénible de travailler ici, avec tout ce bruit.
Voyant sa sœur un peu gênée, Aymerick décida de lui faire un sourire et de l'enlacer sans un mot avant de repartir travailler. Cela n'était pas facile pour la jeune fille d'exprimer ce qu'elle ressentait et de parler aussi sincèrement avec sa famille, mais elle sentait que cela était nécessaire. Aujourd'hui, Emilia voulait recoller tous les morceaux. Elle voulait aider, remercier, pardonner... mais surtout, elle voulait aussi réparer sa relation avec Luka. Et, qui sait, peut-être tenter sa chance avec le garçon ? Le suicide de Delphine lui avait ouvrir les yeux, et par conséquent, elle voulait pleinement profiter de la vie avant qu'il ne soit trop tard. Cette dernière voulait apprendre à vivre au jour le jour, et oublier le passé. Mais surtout, elle voulait aimer. L'adolescente avait appris que la vie ne tenait qu'à un fil... alors, elle voulait la vivre pleinement. Car à tout moment, elle ou l'un de ses proches pouvait disparaître à tout jamais. C'est pourquoi elle avait décider de changer, et d'adopter un nouveau comportement vis-à-vis des autres.
Quelques heures plus tard, lorsque Aymerick venait à peine de rejoindre sa sœur afin de se poser après sa longue journée de travail, Pierre fit son entrée à l'intérieur du bar. Toujours tout souriant avec son habituelle lueur d'espoir dans les yeux, le jeune homme salua ses collègues déjà en place avant de s'arrêter face à Emilia et son frère lorsque son regard celui du jeune serveur. Vu son expression, il ne devait sûrement pas être au courant pour sa défunte amie.
— Hé, salut vous ! Comment vous allez ? demanda ce dernier aux jeunes assis à table. Et alors Aymerick, comment s'est passé ton premier jour ?
L'aîné jeta un profond regard à sa sœur, comment pour lui poser une question par la pensée. Par conséquent, cette dernière lui répondit par un signe de tête qui lui indiquait qu'il pouvait y aller.
— C'était super, Pierre. Encore merci de m'avoir permis d'être embauché, déclara le jeune homme tout en serrant la main du blondinet. Je dois y aller, mais on se recroisera sûrement plus tard, ou demain... Emilia, je rentre à l'appartement. Ne tarde pas trop, d'accord ?
— Oui, mais ne t'étonne pas si je reviens pas tout de suite, il se peut que je reste ici encore quelques heures... répondit cette dernière à son frère.
Aymerick acquiesça avant de s'en aller. N'ayant osé croiser le regard de Pierre depuis le début, la jeune fille l'invita à s'asseoir face à lui avec un air grave. Ce dernier s'exécuta tout en lui demandant la cause de son apparence aussi austère. Ne sachant quoi répondre, Emilia préféra garder le silence. Ayant du mal à trouver ses mots, elle réfléchit pendant quelques secondes à la façon dont elle allait annoncer la nouvelle à son ami. Le regard fixé sur ses deux poings posés sur la table, c'était comme si l'adolescente n'entendait plus rien. Comment annoncer la mort de quelqu'un ? Comment ne pas paraître trop brutal ? Comment faire comprendre la vérité ? Toutes ces questions tournaient en boucle dans la tête d'Emilia. À cet instant, elle se dit que le métier d'un chirurgien qui pratique de lourdes opérations devait réellement être très difficile... Mais alors qu'elle était encore en pleine réflexion, la jeune fille fut tirée de ses pensées par la voix de son ami.
— Emilia ?
C'était comme si toute l'ambiance tout autour était revenue d'un seul coup. Les gens faisaient sans arrêt des va-et-vient, et les clients créaient un brouhaha qui résonnait dans tout le bar.
— Excuse-moi, c'est juste que... Je ne sais pas comment le dire, commença l'adolescente avec une voix vague. Pierre, je suis tellement désolée... Delphine, elle... Elle est morte hier.
Le jeune homme se figea sur place, comme si les mots que venait de prononcer son amie avaient éteint son cerveau.
— Quoi ? Comment ça ? Mais... c'est pas possible, balbutia-t-il avec un air abasourdi.
— Je... On a découvert son corps pendu dans sa cuisine hier. Je suis désolée Pierre, elle s'est suicidée.
Le blondinet se releva lentement avant de se diriger vers la sortie. Voyant son fils en état de choc, le gérant du bar vint lui demander ce qu'il avait, mais ce dernier fut incapable de répondre. Alors, le quadragénaire balaya la pièce du regard afin de trouver la source de son mal-être avant de tomber sur les grands yeux brillants de la petite Emilia. Il s'approcha alors de cette dernière dans le but d'obtenir plus d'informations sur ce qu'elle avait à dire à Pierre.
— Jeune fille, pourriez-vous me dire pourquoi mon fils est dans cet état ? Est-ce que cela a un lien avec ce que vous aviez à lui dire ?
Paniquée, l'adolescente ne sut si elle devait mentir ou dire la vérité. Cette dernière se mordit la lèvre inférieure avant de se décider à lui répondre.
— En fait, oui... C'est dur à dire, mais il se trouve que Delphine, une amie de Pierre, est morte hier soir. On l'a retrouvé pendue dans son appartement, monsieur...
L'homme fut abasourdi d'entendre une si terrible nouvelle. Par conséquent, il se gratta l'arrière de son crâne chauve avant d'aller toucher quelques mots à son fils dehors. Une petite minute plus tard, ce dernier revint à son poste avec un air désemparé. Ne sachant quoi faire, Emilia resta immobile. Après quelques instants, la jeune fille se décida enfin à bouger. Elle ferma son petit calepin avant de rejoindre son ami à l'extérieur. Ainsi, elle y découvrit Pierre assis sur le rebord du trottoir, sa tête bloquée entre ses deux mains. Lentement, l'adolescente posa son petit carnet sur le sol avant de venir s'asseoir à côté du blondinet. Suite à cela, elle posa une main sur son épaule opposée avant de venir se coller contre lui.
— Comment est-ce que c'est possible ? Pourquoi est-ce que je ne l'ai pas vu arriver ? fit le jeune homme avec désarroi.
— Personne ne l'a vu venir, Pierre. Tu sais, quand quelqu'un veut vraiment partir, personne ne peut sauver cette personne... à moins d'être au bon endroit et au bon moment. Mais qui aurait pensé à s'introduire chez elle en pleine journée ? Personne ne pouvait être là, et toi et Audrey n'aurez sûrement pas eu l'idée d'aller chez elle et de forcer son entrée à l'heure exacte où elle l'a fait.
— Audrey... Je n'imagine même pas comment elle doit se sentir... Elle qui a déjà bien assez de problèmes avec son connard de mec et tous les rivaux qu'elle s'est faite, voilà maintenant qu'elle a perdu sa meilleure amie. Vraiment, ça me brise le cœur, lâcha le blondinet avec une profonde tristesse dans sa voix.
Il eut un moment de silence avant que Emilia ne se décide à dire ce qu'elle pensait.
— J'ai vu comment tu la regarde, Pierre. C'est pas qu'une simple amourette de jeunesse, tu l'aimes vraiment cette fille. Alors pourquoi est-ce que tu ne le lui dit pas tout simplement ? Tu as toutes tes chances, tu sais. Tu es gentil, mignon, intelligent... Et c'est pas parce-qu'elle sort avec un vaut-rien aux allures de rockeur qu'elle ne reconnaîtra pas ton intérieur !
— Je sais pas, elle... elle est tellement compliquée. Je n'arrive pas à savoir ce qu'elle veut, et on dirait qu'elle même ne sait pas. Et puis, si elle était rien qu'un peu intéressée par moi, il se serait déjà passé quelque chose entre nous deux depuis longtemps. Tu ne pense pas ?
— Moi, je pense que tu devrais tenter ta chance. J'en prie Pierre, j'aimerais vraiment que quelque chose de bien naisse de cette tragédie. Et autrement, si elle te rejette, au moins tu auras la conscience libre. Tu n'auras aucun regrets vis-à-vis d'elle...
Quelques heures plus tard, Emilia et Pierre se retrouvèrent devant l'appartement d'Audrey. Le bâtiment était plutôt vieux et se trouvait pas loin des quartiers. Lorsque les deux jeunes se retrouvèrent devant la porte du logement de la jeune femme, Emilia se plaça dans un coin du couloir afin d'attendre son ami dehors. Cette dernière l'avait accompagné afin qu'il se sente soutenu dans cette difficile épreuve de la déclaration. Mais alors qu'il venait de souffler bruyamment afin de se détendre, le jeune homme se mit à frapper à la porter. Après quelques secondes, Audrey vint lui ouvrir avec une mine affreuse. Son maquillage avait coulé sous ses yeux, elle était à moitié habillée et tenait une bouteille de vodka à la main. Par ailleurs, cette dernière ne tenait plus debout... à tel point que lorsqu'elle tenta de parler, la jeune femme s'évanouit dans les bras de son ami. Entendant toute la scène, Emilia accourut vers le pas de la porte avant de découvrir Pierre en train de soulever le corps inerte de sa camarade.
— C'est pas vrai, elle sûrement dû se droguer !
— Oh mon dieu... il faut appeler les urgences, déclara la petite brunette.
— Non, elle me tuerait si je faisais ça. Ne t'en fais pas c'est déjà arrivé, je sais comment gérer la situation. Je vais la ramener chez moi, fit le blondinet tout en emportant la jeune femme dehors. Emilia, referme derrière moi s'il te plaît.
— D'accord, j'arrive.
Mais alors que l'adolescente s'apprêtait à fermer la porte d'entrée, elle crut soudain entendre la voix d'un bébé. Par conséquent, elle secoua sa tête afin de reprendre ses esprits. Elle ne pouvait pas se laisser distraire, car là, sa priorité était de sauver Audrey.
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