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La majorité des clients de ce restaurant étaient de jeunes personnes, lycéens, étudiants, et il devait y avoir aussi quelques repas d'entreprises. En tout cas, cela avait l'air de bien marcher. Contrairement à Coquelicot, là où je travaillais, je n'aimais pas vraiment l'ambiance. Celle-ci était trop claire, les tables et le cadre blanc, les lumières dans de grands lustres nous aveuglant presque, tout ça n'était pas vraiment mon point fort. Un immense meuble à service s'imposait au milieu de la pièce, où un tas de personnes allaient assiette vide et repartaient assiette débordante. Cela faisait longtemps que je n'étais pas venu dans un buffet à volonté.
Je suivais Jimin qui se rendait vers ses amis, à une table ronde sur côté non loin du service. C'était un jeune homme et une jeune fille de nos âges, qui se faisaient face en ayant l'air de bien s'entendre. Les deux sourirent nous voyant arriver. Enfin, en le voyant arriver. Ils ne me connaissaient pas, ils ne pouvaient pas être contents de me voir.
Passant derrière eux pour rejoindre la place entre ses deux amis, sûrement dédiée à lui, Jimin donna une tape à l'épaule du jeune homme, qui lui rendit la pareille. Les deux riraient comme des gamins. Moi, je restai devant la table, droit comme un pique, je n'étais pas à l'aise.
Jimin m'avait dit qu'il avait une petite amie, mais je ne savais pas à quoi elle ressemblait. Bien sûr, je le sus au moment où il se pencha afin d'embrasser la jeune femme qui était présente. Il lui demanda si ça allait d'un coup de tête pendant qu'il s'assit, et elle acquiesça avec un grand sourire. L'autre me remarqua, intrigué, une main servant d'abat jour pour sa tête.
— Tu vas manger debout ? Me demanda la seule personne que je connaissais. Installe-toi.
Ce que je fis, aux côtés de sa copine. Il m'avait dit que celle de son ami allait aussi sûrement être là, je ne voulais donc pas me transformer en poteau à travers leur relation.
— Jungkook, reprit Jimin, je te présente Hoseok, mon meilleur ami, il l'indiqua de sa main. Et Haneul, ma copine. Répétition pour elle.
Je fis signe de la tête, présentant mes salutations.
Je ne voulais pas me fier au physique comme je l'avais fait pour Jimin, alors je me forçais à ne rien penser d'eux. S'ils avaient l'air gentil, insupportable ou quoi que ce soit. Je m'étais trompé une fois, je ne voulais pas recommencer.
Hoseok me faisait penser à Seokjin. Il avait les yeux rieurs et ses cheveux étaient châtain, faisant un peu leur vie au dessus de son crâne. Une paire de lunettes dorée soulignait son regard, lui donnant plutôt un air d'informaticien.
Haneul m'avait directement intrigué. Ses cheveux noirs tombaient sur ses épaules, son visage n'était pas tellement maquillé, ou alors c'était très bien fait, et surtout, elle avait les yeux vairons.
Je l'avais déjà remarqué quand nous étions arrivés, mais vu de plus près, cela me faisait vraiment bizarre. Son œil gauche était d'un bleu océan, et l'autre était marron, comme la plupart des asiatiques. Un homme amoureux pouvait s'y perdre et partir en voyage rien qu'avec cette couleur, changer de pays, changer de dimension. On ne pouvait pas toucher le néant avec ce regard, car il te clouait au sol en une seule seconde.
Cela me faisait d'autant plus bizarre quand je pensais à l'une de mes histoires. Mon second personnage principal avait les yeux vairons, sauf que l'un était d'un bleu opaque, sans vie, sans expression.
En voir dans la vraie vie et non à travers une image me donnait l'impression d'être dans ma propre œuvre.
Jimin me sortit de mon monde quand je le vis, du coin de l'œil, faire différent mouvements avec ses mains. Je le regardai, et me retins de ne pas faire part de ma surprise. Haneul répondait de la même manière, en ce que je devinai être la langue des signes.
Plusieurs échanges se déroulèrent sous mes yeux, rond, vague, doigt, jusqu'à ce qu'il se termine en un rire sincère de la part de Jimin, et un sourire gêné de sa copine.
— Ne fais pas cette tête Jungkook, fit Hoseok d'un ton satirique. Haneul est muette, il fallait bien qu'il trouve quelque chose pour communiquer avec elle.
— Je n'ai rien dit, rétorquai-je avec un léger malaise caché derrière un rire.
Il me montra son œil en fixant intensément.
Jimin lui avait lancé un regard assez mauvais avant de me regarder à son tour. Il avait deviné ma surprise par rapport à leur moyen de communication.
Je soupirai intérieurement, je ne savais pas comment il faisait alors qu'il avait une agonie visuelle. D'un côté, cette capacité ne me rassurait pas. Jimin avait beau être quelqu'un de très intéressant avec une philosophie incroyable, le fait qu'il lise en moi m'angoissait. Un acte était-il visible ? Je faisais pourtant tout pour le cacher un maximum, l'enfermer, le couvrir de fond de teint jusqu'à devenir une clémentine, tenter de l'oublier au plus profond de moi-même. Sauf que tout finissait par ressortir un jour ou l'autre, je le savais. Mais je ne voulais pas que Jimin soit la première personne à être au courant de ce que j'avais fait. Je ne voulais plus souiller d'âme.
Haneul se tourna de mon côté, regarda Jimin puis moi, et commença à me parler avec ses mains.
Je ne comprenais rien. Mais par respect je fixai attentivement ses gestes, sans rire, sans demander à Jimin ce qu'elle disait pendant ses potentielles questions. Celui-ci ria lorsqu'elle termina.
— Elle te demande si c'est bien toi qui a inventé notre projet de long-métrage, car elle a vraiment aimé l'histoire et apprécierait énormément participer dedans comme danseuse, traduisit Jimin. Je le regardai, interloqué, le faisant pouffer. Elle voulait te le dire en face, même si tu le savais déjà.
Je souris grandement à Haneul.
— Dis-lui que je serai honoré de travailler avec elle.
Il lui fit part de ma requête, et elle leva son pouce en l'air en lâchant quelques rires muets.
— Tu as une copine Jungkook ? Me demanda Hoseok, sur un ton douteux.
— Non, avouai-je simplement. Ce ne sont pas mes priorités.
Il acquiesça en guise de réponse à mon information, avant de partir naviguer sur son téléphone après une sonnerie. Apparemment, sa petite-amie arrivait dans cinq minutes. Et par pur respect, nous devions l'attendre avant de commencer le repas.
Me sentant observé, je balayai des yeux la pièce bondée de monde, couples, jeunes, jusqu'à finalement rencontrer le regard de Jimin braqué sur moi. Je lui haussai le sourcil, qu'est-ce qu'il y a ?
Rien, il secoua légèrement la tête.
Rencontrer de nouvelles personnes me faisait du bien. Au départ l'ambiance était assez pesante, mais lorsque Lisa, petite-amie d'Hoseok, belle et grande brune, était arrivée et que nous avions débuter le déjeuner, tout avait commencer à devenir plus intéressant. Hoseok ne me parlait pas vraiment si ce n'était que de me poser des questions assez compliquées. J'avais appris qu'il était à sa deuxième année dans une des écoles technologiques de la ville. Ce qui faisait qu'il avait un an de plus, tout comme ceux qui m'entouraient. Je ne savais donc pas pourquoi Jimin était en première année comme moi, alors que notre école recrutait quatre ans après le bac. Il avait l'air de connaître l'établissement aussi bien que ses poches, alors ça m'intriguait. Peut-être avait-il redoublé, ce qui m'étonnerait énormément.
Je ne savais pas, et je n'allais pas demander afin d'éviter de plomber l'ambiance sympathique que venait à peine de s'installer. Question de principe.
Haneul était en école de danse, avec un peu le même statut que la nôtre. Elle était en cinquième année comme elle l'avait intégrée à l'obtention de ses examens en fin de lycée. Malgré son handicap, elle était apparemment une jeune femme très forte et très intelligente, ce que j'idolâtrais entièrement.
Lisa elle, était la meilleure amie d'Haneul depuis des années. Je l'avais deviné grâce à leur entente plus que chaleureuse, cela se voyait comme un nez au milieu du visage. Elle étudiait la médecine en école privée, et venait d'entamer sa quatrième année.
En d'autres termes, j'étais le plus jeune de la table et chercher là où j'en avais quelque chose à faire allait s'avérer introuvable.
— Alors comme ça, vous allez aller à Tokyo ?! S'écria Lisa après avoir fini sa brochette de crevette, en regardant tour à tour Jimin et moi.
Une nouille passa de travers et je toussai à en vomir mes poumons. Les yeux se rivèrent sur moi, et quelques rires atteignirent mes oreilles. Du poing, je me tapai au niveau du sternum afin de tenter de me dégager les voix respiratoires. Décidément tout me tombait dessus en ce moment.
Je bus entier mon verre d'eau lorsque je sentis que la frontière de pâte commençait à tomber.
— Eh bien Jungkook, s'amusa Hoseok, je savais que Tokyo était une belle destination mais pas à t'en faire crever sur place.
Sa remarque me déplut.
— Moi non plus, répondis-je seulement.
— En quel honneur ce voyage ? Redemanda celle qui avait lancé le sujet.
— T'es sérieuse ? Râla Hoseok, je te l'ai déjà expliqué !
— Ça fait longtemps que je n'ai pas vu Jimin, et toi tu déformes les informations !
Celui-ci leva les yeux au ciel, faisant rire le concerné. Je ne me sentais pas bien, je n'aimais pas ce sujet.
— C'est un voyage organisé par l'école, expliqua Jimin. Toutes les classes ne partent pas en même temps car nous n'avons pas les mêmes centres d'intérêts, tout est basé en fonction des disponibilités des entreprises japonaises qui nous recevrons. Par exemple ceux en deuxième année qui sont spécialisés dans le montage partent plus tôt, et comme Jungkook et moi sommes en tronc commun, on part en dernier. C'est un peu un stage dans une entreprise imposée par notre école.
— Vous partez quand exactement ? Questionna une nouvelle fois Lisa, apparemment très passionnée par le sujet.
— Du quatre au dix-neuf avril.
— Tu n'as pas l'air enjoué Jungkook, remarqua Hoseok.
Ses réflexions commençaient à me taper sur le système. Oui, ce voyage me déplaisait énormément. J'avalai mon bœuf.
— Je n'aime pas cette ville, avouai-je la tête haute.
— Quoi ?! S'écria Lisa, comment tu ne peux pas l'aimer ?! J'aimerais tellement avoir la chance d'y aller ! Tout va super vite là-bas, tu regardes ta montre une fois, tu la regardes une seconde fois, une heure est déjà passée !
— C'est bien ce qu'il me déplaît, continuai-je à la limite du strict. J'y suis déjà allé et je n'y retournerai pas.
À la fin du repas, je fus le premier à partir. Et chez moi, je m'effondrai comme une masse dans mon lit, pour partir en sieste avant d'aller travailler au café.
Mon téléphone avait sonné, je n'avais pas répondu.
Pour des raisons qui m'étaient propres.
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