1𝒐 ❝𝒍𝒆 𝒄𝒐𝒆𝒖𝒓 𝒅𝒆𝒔 𝒔𝒖𝒓𝒗𝒊𝒗𝒂𝒏𝒕𝒔❞
My lip-ends, look how they twist up
And hark, a laugh-sound ascends
❝❞
Plus rien n'existait dans le monde. Il débutait et s'achevait avec elle, cette jeune fille qui dansait dans les prés. Elle même ne semblait pas se rendre compte de l'existence de la Vie. Car elle-même semblait la vie incarnée, comme une Joie, comme une Lumière qui illuminait et magnifiait la mélancolie ; elle était son remède. Celui qui aima, celui qui fut repoussé. Le Soleil, sa fille. Le Dieu était perfection. Telle était elle, cette jeune fille qui dansait dans les prés. Ses cheveux roux attrapaient et relâchaient les rayons d'or de l'astre passionné. Et surtout, du fond de son cœur, Arthur avait senti ses yeux. Un peu comme si au loin, elle avait su percer son âme. Ces grands yeux débordants de vie qui observaient le monde avec émerveillement et innocence ; ces grands yeux qui décelaient les recoins des pensées imparfaites et trop belles pour ce monde. Il trembla ; il ne sut quoi faire ; il ne sut quoi dire. Que devait–il à une enfant qu'il n'avait jamais connu ? Non pas qu'il craignait sa réaction mais plutôt qu'il craignait cette rencontre. Cet instant qu'il avait imaginé encore et encore et encore, sans relâche. Oui, cet instant qui lui avait permis de vivre et de retrouver un semblant de joie. L'idée que, dans cette vaste étendue déserte qu'il sillonnait sans peine depuis ce qui lui rappelait des siècles, quelqu'un l'attendait. L'idée que, après des années de souffrance, des années d'exil, il s'apprêtait à retrouver l'amour. Mais un coin de sa pensée voulait s'agiter et lui ce qu'il avait fait. Qui est réellement celle que tu aimes ? À sa femme, celle qu'il n'avait jamais réellement connue. Mais laquelle ? Et moi, m'aimes-tu ? Lui demanda son destin. Il ne répondit pas car répondre était admettre l'idée qu'il avait failli et vacillé ; que dans sa toute puissance, il n'était plus un élu mais un homme qui allait mourir. Là était le sort de toute chose ; mourir. S'allonger dans les songes les plus intimes et s'en aller, errer, voler presque, vers des cieux ou peut-être des horreurs pour l'éternité. Dans ce monde si lointain, les Dieux pourraient lui pardonner. Comprendre, même. Mais il était le héros, celui qui avait été choisi. Et il ne devait pas avoir peur. Il n'aurait pas peur. Plus jamais. Et au fond de lui, il savait qu'il se répétait un mensonge. Mais Arthur Pendragon bannit de son esprit toutes les craintes car en cet instant, il voulait faire preuve de courage. Il descendit de son cheval. Il s'arrêta. Elle le regarda, d'étrange iris d'or le dévisagèrent. Et il murmura une promesse silencieuse que de ne jamais voir cette enfant souffrir. Elle lui sourit. Il se raidit.
❝ Alors... C'est donc vous le père dont j'ai tant entendu parler ?
— Je... Oui.
Et il éclate en sanglots. Elyios le prend dans ses bras et dans cet instant hors du temps, leurs regards se croisent. Sans jamais s'être vus, ils se connaissent. Ils s'aiment. Elle aussi pleure mais des larmes d'ambre, des larmes de joie et de bonheur. Ce sont les bénédictions du Soleil qui tombent sur leurs âmes ; Elyios voit dans les yeux durs et mélancoliques d'Arthur son passé, son présent et sa souffrance. Et elle ressent tout. Le père enserre la fille et la fille embrasse le père. Ils sont enfin réunis et plus rien ne peut les séparer ; même la mort. Il y a quelque chose de magnifique dans cette vision et même la Protectrice, la dame à l'épée, pleure. Elle aussi verse des larmes d'ambre. Peut-être est-ce cela, la beauté du monde.
— Pardonne moi. Je te demande pardon. De n'avoir jamais cherché à te voir.
— Vous n'avez pas à vous excuser, car je vous comprends. Ne pleurez point, vous m'avez trouvée, père.
Et à entendre ces mots, Arthur Pendragon se mit à sourire. Il ne pu s'empêcher de laisser les larmes couler une nouvelle fois car il prit pleinement conscience que son rêve, que son désir le plus ardent était exaucé. Il avait quitté un monde où il avait appris à haïr la famille qui n'était pas la sienne pour découvrir ses liens du sang les plus forts. Père. Oui, il l'était et cela résonnait comme une musique de fou dans son cœur ; il refusait d'y croire car après tant d'horreurs et de mensonges, la vérité semblait trop magnifique. Toutes les paroles de l'infâme homme en noir s'avéraient fausses et cela fit sourire son âme. Oh non, que la mélancolie ne s'en allait mais elle avait trouvé un point d'ancrage et de joie. Elyios, la fille du Soleil car lui était le soleil. Il réalisa aussi qu'il reverrait Aconia et cela aussi, lui donna envie d'embrasser la vie. Peut-être pourrait–il se pardonner.
— Elyios. Elyios. Elyios. Laisse moi répéter ton nom, j'ai besoin de savoir que cet instant est réel.
— Il l'est, mon bon seigneur. Car aujourd'hui j'ai retrouvé un père et vous avez rencontré une fille.
Elyios aussi ne savait quoi dire, quoi faire. Son cœur battait au rythme de son ivresse, comme ses pieds frappaient le sol pour danser. Elle voulait se jeter dans les bras de cet homme aux grands yeux tristes, au visage dur et au sourire absent. Mais elle ne savait s'il accepterait son étreinte car il semblait sujet à ces tracas du côté du cœur qui envahissent l'âme d'une musique étrangement lointaine. Puis soudainement, elle sut et lui sourit.
» Venez, je crois que ma mère vous attend. Et dites à vos amis de venir aussi, ils sont les bienvenus. ❞
Elyios fit signe aux gens qui accompagnaient son père et elle plongea son regard dans celui du jeune homme. Lui aussi avait cette même mélancolie qui hantait ses yeux avides de mémoire. Et pourtant, il était différent. Il vous le dira, un jour. Les mots passèrent presque ses lèvres puis elle se résigna. Mais quand elle les vit, la réalisation la frappa.
Du règne des Dieux seuls les yeux
d'or de l'unique sang de l'Élu
En son sein guidera la vie éternelle
Gardienne des abeilles et l'Oublié
Feront écho au monde
Enfin le berceau du Soleil retrouvera son courage
Et débutera la guerre
Purifier les fautes enfin.
La prophétie, cette idiote et misérable prophétie qui avait hanté ses rêves. Car du règne des Dieux, c'était elle, les yeux d'or, le sang unique de l'Élu. Tout cela l'avait frappé lorsqu'elle les avait vu. Ses yeux avaient réfléchi leurs âmes, car ne disait–on pas que les iris reflétaient les soucis de l'esprit les plus enfouis ? Elle avait tout senti, tout aperçu et presque comme une illusion, ce qui allait s'ensuivre. Ce n'était plus un don mais un pouvoir. Elle vivait leurs émotions d'une manière si intense que d'aucun n'eut dit qu'elle sombrait dans la douce folie qui venait caresser les songes. Était-ce peut-être que le début d'un cauchemar mais elle désirait exprimer l'inexprimable par des mots que toute pensée dépassait. C'était comme si l'on avait ôté de ses yeux un voile éthéré, qui venait à présent lui dévoiler la vérité. Tout était en marche, la volonté de quelque dieu malin qui viendrait reprendre ce qui lui appartenait de droit. Une justice, une épée brisée brandit à l'encontre du destin mais pis encore, pour réécrire ce qui était supposé advenir. Car Elyios n'était plus qu'une jeune enfant ; lorsqu'elle eu senti les battements du cœur de celui qu'elle avait enfin osé appeler son père, quelque chose s'était réveillé dans l'antre du monde, comme un long écho dans le chaos. La nuit du monde prenait fin pour renouveler sa prise sur les esprits perdus. Tout cela avait pris sens devant elle comme on lisait un ouvrage. Or, les mots ne parvenaient à franchir ses lèvres. Ils rampaient le long de sa gorge, jusqu'à escalader sa bouche mais ils étaient stoppés par le silence des cieux. Dunaíd s'approcha du jeune homme. Elle sourit.
❝ Niall, c'est bien cela ?
— Oui, mais... comment connaissez vous mon nom ?
— J'ai entendu votre cœur. Il vous le dira, un jour.
— Merci.
Ses joues rosirent délicatement et il baissa la tête comme pour ravaler ses larmes. Son cœur brûlait de la confirmation qu'il se désespérait d'entendre.
— Vous vivrez dans les mémoires. Jamais l'on ne vous oubliera.
— Je sais. Merci encore.
Il s'arrêta doucement et remarqua les iris de la jeune fille. Lui aussi sourit car il venait d'accomplir sa mission.
» Vos yeux... ils sont -
— Étranges. C'est une bénédiction du Soleil. Venez, doux chevalier. Rentrons. Il faut vous reposer. Prévenez votre amie de nous suivre. ❞
Tous s'avancèrent vers la gigantesque domus qui s'étalait au milieu des champs. Ralia contempla l'immensité de ce nouveau paysage avec un émerveillement presque enfantin. Et elle se sentait presque intimidée par cette jeune fille aux cheveux roux et aux yeux d'or qui souriait et riait comme si elle savait apaiser les âmes. Lorsqu'elle l'avait vu en sortant du bois, elle avait cru à l'un de ces esprits que l'on rencontrait dans les légendes si chères aux esprits infatigables. Peut-être en était–elle un, à vrai dire, et cela ne semblait pas même une idiotie. Elle poussa un soupir de soulagement quand ils passèrent le pas de la demeure et qu'elle put enfin s'assoir sur quelque d'autre qu'une bête en mouvement. Elle s'apprêtait à se vautrer d'une manière tout à fait inappropriée pour une Thane lorsque surgit une femme magnifique du fond de la salle. Elle était belle, grande et altière, majestueuse même. D'une traite, la féroïenne se releva et remarqua le regard qu'elle partagea subitement avec Pendragon. Sans même prononcer un mot, Elyios emmena Sylís et Niall dans une autre pièce.
Aconia tressaillit. Elle ne savait plus depuis combien de temps elle avait attendu ce moment. Des retrouvailles si l'on pouvait dire. Elyios lui avait toujours rappelé ce romain qui avait ravivé son âme, comme un écrin qui portait une miniature. Mais au fil des ans, elle avait appris à ne plus espérer. Tout cela était trop dur pour la femme qu'elle avait pu être. Elle avait appris à se résigner et à ne plus faire confiance à ses sentiments. Car tous ses songes, tous ses rêves s'en étaient allés dans une lointaine brise bien des années auparavant, comme pour mettre fin à un désir trop pesant. Elle aurait même pu dire qu'elle avait été heureuse, avec une famille et des souvenirs agréables. Mais cette autre part d'elle-même, cette part qui avait été obligée de mourir dix sept ans auparavant venait soudainement de renaître, d'éclore dans son cœur. Les bourgeons de l'amour venait de s'ouvrir et elle en pleura car, non pas de cacher sa peine, ses larmes étaient celles de joie et de soulagement. Il était vivant ; il se tenait comme un spectre devant elle. Et tout son être, tout son corps lui hurlait qu'elle fût un jour désirée et aimée, magnifiée et grandit. Elle qui avait un jour été Aconia n'était plus qu'une simple femme qui avait attendu le retour de son amant. Une sorte de Pénélope, et tout cela se joue dans nos esprits. Elle avança doucement, son être entier brûlant et tremblant, encore boulversé par cette vision mirifique.
❝ Donec gratus eram tibi
nec quisquam potior bracchia candidae
ceruici iuvenis dabat
Persarum vigui rege beatior, murmura Arthur.
— Donec non alia magis
arsisti neque erat Lydia post Chloen,
multi Lydia nominis,
Romana vigui clarior Ilia, continua Aconia.
— Me nunc Thressa Chloe regit,
dulces docta modos et citharae sciens,
pro qua non metuam mori,
si parcent animae fata superstiti.
— Me torret face mutua
Thurini Calais filius Ornyti,
pro quo bis patiar mori,
si parcent puero fata superstiti.
— Quid si prisca redit Venus
diductosque iugo cogit aeneo,
si flava excutitur Chloe
reiectaeque patet ianua Lydiae.
— Quamquam sidere pulchrior
ille est, tu levior cortice et improbo
iracundior Hadria,
tecum vivere amem, tecum obeam libens.
— Tant que j'avais tes yeux, tant qu'aucun jeune homme ne pendait à ton cou blanc... J'ai vécu plus heureux que le roi des Perses.
— C'est avec toi que j'aimerais à vivre,
avec toi que je mourrais de bon cœur. ❞
Tous deux s'effondrèrent dans les bras de l'autre. Ils pleurèrent car ils savaient qu'ils se sépareraient à nouveau. Elle savait aussi que sa fille partirait. Ils pleuraient comme des amants en peine et comme des amis effacés. Ils ne virent jamais vraiment le regard des Dieux, leur sourire attendrit et l'orage qui se préparait, car dans cette innocence si soudaine, peut-être qu'ils désiraient préserver un instant de paix. Aconia la forte, Aconia la sage, Aconia la loyale.
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