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En un clin d'œil, ils se retrouvèrent à l'extérieur main dans la main à parcourir les bois. Taehyung se demanda au départ si l'ébène ne marchait pas à l'aveuglette, mais plus les minutes défilaient, plus il se dit que celui-ci avait bien un itinéraire précis en tête.

Les feuilles s'étalant à perte de vue sur la terre ferme, parmi les racines et branches cassées, craquèrent sous leurs pas. Le rayonnement de la lune les guidait au travers de cette infinie de silhouettes opaques leur barrant le chemin et qui se ressemblaient comme deux gouttes d'eau. Ce n'était pas du tout la même ambiance qu'en pleine journée. L'air était sec et étouffant, suite aux températures des heures précédant la soirée. Le blond besognait à respirer convenablement et suivre la cadence imposée par le plus grand, tant l'effort demandé était intensif. Puis petit à petit, la nature prit vie. Les tâches aux couleurs de l'été dans les branches se mirent à danser sous la brise qui se levait. Le contact entre eux provoqua cette symphonie familière qui le dorlotait quand le soleil s'en allait et que les ténèbres s'abattaient depuis qu'il s'était installé ici en compagnie de son hyung.

Quand le vent vint chatouiller son épiderme – dont le pigment était comparable au sable fin en bord de mer – Tae grelotta un peu, même couvert. Ce froid ne l'embêta pas, au contraire. Cela lui fit le plus grand bien dans cette fournaise ambiante.

Un quart d'heure venait de s'écouler. Ils continuaient de s'enfoncer dans ce bois rempli de sapins, n'ayant toujours pas atteints leur destination. Plus leur balade nocturne se prolongeait, plus le cadet perdait patience. Puis, Kook ne l'aidait pas non plus à tempérer ses interrogations. Ses réponses se faisaient vagues, manquaient de précisions, ce qui enquiquina Taehyung. Il voulait une seule et unique réponse, qui soit claire et aille à l'essentiel. Rien de plus. La fatigue le rendait grognon, le stress de ne pas rendre dans les délais impartis le script de son prochain roman le rendait à cran et n'en parlons même pas pour cette « promenade » qui se rallongeait au beau milieu de cette nature qui le terrorisait avec son frère qui venait de revenir d'entre les morts. Absolument rien n'allait.

— Quand est-ce qu'on arrive, putain de m–

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que son pied rata une pierre au sol et trébucha sur Jungkook avant de l'entraîner dans sa chute. Celui-ci gémit, son dos bien bâti entré brutalement en collision avec la dureté du parterre. Il avait reçu l'entièreté du choc à la place de son petit frère qui lui, se trouvait assis sur son bassin, ses mains de part et d'autre de son visage.

— Hyung, tout va bien ? s'inquiéta le romancier. Rien de cassé ?

Taehyung se contenta d'un « hm hm » de la part de Jungkook avant qu'il n'ouvre les yeux. Puis, sans trop savoir comment, leurs pupilles se rencontrèrent et il fut impossible pour l'un comme pour l'autre de regarder ailleurs. Le temps semblait comme suspendu et seuls leurs fors intérieurs tonitruaient à la vue de l'un l'autre. Aux fins fonds de leurs rétines, les hostilités avaient déjà débuté. L'Océan et l'Abysse se faisaient l'amour. Tendrement, ardemment, comme s'il n'y avait point de lendemain. Taehyung sentit son cœur cogner puissament dans sa poitrine, accompagnée d'une crispation terrible au creux de son ventre.

Jungkook...

Quelque chose se passait en lui. Cette chose sillonnait son âme, l'écartelait et l'exaltait. Elle circulait dans ses vaisseaux sanguins tel un poison qu'on lui aurait administré. La sensation de glisser vers le fond. L'envie de commettre un interdit ici, tout de suite, dans ce labyrinthe fait d'écorces et de feuilles. Une pulsion à assouvir. Une nécessité irrépressible de sentir son aîné peau contre peau, que leurs enveloppes corporelles fusionnent, se confondent dans ce clair-obscur jusqu'à pas d'heure. Une perte de contrôle.

— Jungkook...

Plus son regard s'attardait sur le visage exempt d'impureté du noir de jais, plus précisément sur ses lèvres charnues et purpurines, plus il ressentait cette envie de presser celles-ci contre les siennes. De sentir sa langue malmener la sienne... Ses mains voyager sur l'entièreté de son corps qu'il connaissait désormais sur le bout des doigts... Qu'il le prenne jusqu'à ce que ce sentiment de vide disparaisse, qu'il le comble de sa présence. Tae bougea inconsciemment son bassin de manière imperceptible contre l'entrejambe du plus âgé, le souffle lourd. Les prunelles onyx de Jungkook brillaient d'une étincelle qu'il reconnut de suite. Son hyung remonta délicatement ses mains sur ses cuisses fermes pour venir ensuite choyer ses hanches.

Doucement, le plus âgé se redressa sans rompre l'échange visuel avec son protégé et l'allongea sous lui. Les pommettes du blond se colorèrent alors de vermillon face à ce soudain changement de positions. L'œillade que lui lançait son frère adoptif était indescriptible, mais incroyablement plaisante. Dominé, surplombé et reluqué de cette façon... Son cœur chavira. La tentation était immense, encore une fois. Comme toujours.

Je ne peux donc pas y échapper, n'est-ce pas... ?

Ils restèrent ainsi durant de longues secondes à s'admirer en silence, le bruit émis par le vent couvrant celui-ci. Les quelques centimètres qui les séparaient leurs faciès se réduisirent encore et encore... Toujours un peu plus... Jusqu'à ce que Jungkook s'immobilise dans ce dangereux rapprochement. Les mirettes azurées de Taehyung allaient et venaient entre ses lippes à l'allure gourmande et sa paire d'yeux ensorcelants. Jungkook y coupa violemment court en écrasant ses croissants de chair contre les siens.

À partir de cet instant, tout dérapa très vite. Tae, qui tenta en vain de ne pas capituler une énième fois à ses désirs les plus enfouis et qu'il jugeait extrêmement pervers, succomba. Le baiser devint fiévreux, chacun des deux y mettait le plus de pression possible. Leurs langues se trouvèrent, se cherchèrent, entamant alors une valse endiablée aux sonorités obscènes. Toucher les lèvres de l'ébène avec les siennes le foutait dans un état d'extase colossal. Il s'agrippa avec fermeté contre lui, ses mains vagabondant le long de son dos et s'enfouissant dans sa chevelure charbonneuse qu'il tirait de temps à autre de ses doigts, tant les manœuvres du plus âgé étaient délectables. Celui-ci prit possession de son cou qu'il parsema de-ci de-là de baisers mouillés avant de le mordiller, de l'écorcher de son muscle rosé et de le suçoter jusqu'à ce que de belles auréoles violacées fassent leur apparition... Le marquant alors comme étant sien, sous-entendant qu'il lui appartenait et prouvant ainsi que personne d'autre que lui ne pouvait être témoin des expressions de plaisirs qui déformaient son joli minois et de ce délicieux opéra érotique qu'il chantonnait.

— Comment me veux-tu, mon ange ? susurra le dominant de sa voix graveleuse, son souffle s'échouant dans sa nuque.

Ledit ange pantelait. Son bas-ventre carbonisait de plus en plus au fur à mesure que les secondes s'effilochaient et lentement, cette même ferveur mettait peu à peu au garde-à-vous son entrejambe étriqué dans son pantalon.

— Je veux tout sentir de toi...

Je veux te sentir sur moi, en moi. Dans mes os, dans mon âme... Pour toujours...

Pour toujours !

— Ah, seigneur !

Taehyung bascula un plus dans la névrose au même rythme que sa tête partait vers l'arrière, à ses pensées. Il était ivre de jouissance, ivre de folie, ivre de Jungkook. Tout et rien franchissait son esprit. Il n'était momentanément plus de taille à réfléchir, à faire quoi ce soit à part gémir, psalmodier encore et encore son euphorie à tue-tête, les paupières bien closes et se laissant à aller à ce côté de lui qu'il tentait par tous les subterfuges possibles de refouler. Il avait même oublié ce que Kook devait absolument lui révéler, trop focalisé sur cet instant charnel aussi dévastateur qu'un ouragan. Son corps ne lui répondait plus. Le blond s'arc-boutait, se dandinait dans tous les sens tellement il ne tenait plus en place et se cambrait à cause du trop-plein de sensations. Et leurs entrecuisses se frottaient, se frictionnaient entre elles, mimant allègrement l'acte sexuel et qui surtout les faisaient gémir à foison, grogner sous cette passion qui les éméchait. Quand Tae fut sur le point de supplier son beau brun d'abréger le martyre démolissant ses entrailles, il ouvrit subitement les yeux. La sueur ruisselait sur son front tandis que sa respiration se faisait anarchique. La stupeur s'empara alors de lui.

Jungkook n'était plus là. Il s'était comme évaporé dans le décor d'un coup, comme ça, sans prévenir tel une illusion.

— Hein... ?

La béatitude retomba pour laisser place à l'angoisse, malgré l'érection lancinante qui le faisait souffrir entre ses cuisses. Il n'était pourtant pas fou. Pas à ce point, du moins. Inquiet et effrayé à la fois, Taehyung se releva à tire d'aile – non sans grimacer de douleur – et inspecta les alentours du regard.

Personne. Personne à part le bruissement des feuilles dans les arbres et ce vent qui gagnait peu à peu en intensité. Son frère n'avait pas pu se volatiliser de cette façon. Quand même pas ?

— Hyung ? appela-t-il une première fois.

Ne recevant aucune réponse, le jeune homme récidiva. Sans succès.

— Jungkook, si c'est une blague eh bien elle est vraiment à chier !

Ce silence ne faisait que gonfler cette compression soudaine dans sa poitrine, agrémentée d'une crise de panique qui n'attendait que de détonner comme une bombe à retardement. Il prit appui contre le sol, essaya de se remettre sur ses deux pieds, mais n'y parvint pas. Son coccyx était douloureux, la douleur était trop piquante pour qu'il puisse se lever. Sa tête pivota tantôt vers la gauche, tantôt vers la droite, un coup vers l'avant puis vers l'arrière. Désormais seul, il doutait qu'il retrouverait le chemin de la maison. Tout ce qu'il redoutait durant son excursion avec son aîné de quatre ans s'accomplissait.

— Kook ! hurla-t-il à nouveau.

Toujours rien. Enfin... Rien à part deux orbes lumineux qui le fixaient, tapies dans le noir. Ces billes miroitaient d'un scintillement jaunâtre. Taehyung n'osa plus bouger d'un chouia lorsqu'il les aperçut. Qu'est-ce que c'était que ce truc ? Il avala de travers sa salive.

Un chuchotement presque infime, tout près de son oreille droite. Il sursauta, ses pulsations cardiaques s'affolant lentement mais sûrement. Un autre à gauche, ressemblant à une voix qu'il connaissait par cœur. Des messes basses, une histoire chantonnée dont les paroles l'avaient épouvanté bon nombre de fois, des râles profonds comme s'ils provenaient d'outre-tombe, des murmures interdits. Ces voix se mêlaient entre elles, leur volume sonore s'amplifiant au point de n'être réduit qu'à une dissonance inhumaine et insupportable, une cacophonie monstre qui ne le terrifiait que davantage. Son organe vital, miséricorde, était sur le point de lâcher définitivement. Les minuscules points phosphorescents se mirent à clignoter. Le souffle du vent les rendait cauchemardesques, presque démoniaques. Taehyung le sentait des tréfonds de son être : il n'en sortirait pas vivant.

La chose informe chargea droit devant, dans sa direction. Tae hurla de toutes ses forces en fermant les yeux jusqu'à se déchirer les cordes vocales tout en empoignant sa tête, sa peur faisant écho au loin.

Il cria, braya encore et... !