Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

Retour Aux Sources 3/4 ✔️

Le festin des Northwall glissait sur Vadim, tandis qu'il s'éternisait pour Jaya. En présence de sa tante et de sa cousine, tout lui semblait insipide, y compris les délices servis à table. Peut-être cela provenait-il de son attrait récent pour la cuisine de Cassandore, généreuse en fruits et légumes qu'elle chérissait tant ?

Le roi Frost avait été très heureux de présenter son gendre à sa sœur, Malista, dont les sourcils s'étaient haussés de surprise devant le visage du prince. Lors du mariage, elle n'avait en mémoire qu'un masque blanc dissimulant ces bien surprenantes caractéristiques. Mais après tout, ce fier combattant, à la carrure imposante et robuste, arborait fièrement ses cicatrices qui, sans nul doute, narraient chacune une histoire captivante.

Cette femme très grande, très fine et revêche n'avait accordé qu'un bref salut à sa nièce. Jaya y était habituée, il en était de même depuis son enfance, comme si sa tante gardait une réserve à son égard. Ses cheveux noirs maintenus en chignon serré, elle portait un œil critique constant sur son environnement, contrairement à sa fille, Evanora, qui ne revêtait que de la splendeur et des sourires crédules sous le nez de sa cousine.

Jaya la voyait, elle se pavanait comme une dinde éhontée pour attirer l'œil de Vadim.

Qu'importe les stigmates sur le visage de ce prince ; dans ces noces orchestrées, les sentiments n'avaient guère leur place. Evanora en était consciente, ayant été témoin de l'union de ses propres parents, qui après vingt-cinq ans de mariage, ne parvenaient toujours pas à s'apprécier. L'époux de sa cousine détestée jouissait d'une richesse et d'une influence considérables à Glascalia, c'était bien assez pour qu'elle s'y intéresse. Cette alliance avait largement profité à Alhora et suscitait en elle une envie brûlante.

À ce qu'elle savait de surcroît, il restait encore un fils Blanchecombe à marier... Evanora n'avait peut-être pas tout perdu.

— Alors comme ça, vous êtes éducateur de combat dans l'armée de votre père ?

Malista avait proféré ces mots sans ambages, d'une voix feignant la bienveillance, mais dissimulant une teinte grossière d'autorité que Vadim identifia sur-le-champ. Voilà une bien vilaine sorcière, songea-t-il. Belle en apparence, mais dotée d'un caractère hautain. Il ne renonça point à son aplomb, sachant qu'il demeurerait le plus intimidant des deux.

— Tout à fait, madame. J'enseigne principalement l'art ancestral de mon peuple, le Vhaïka. Un art martial guerrier que nos soldats apprennent pour survivre jusqu'au lendemain. La guerre ne fait pas de fleur, il faut savoir cultiver la terre autour pour rendre les tiges plus vigoureuses et résistantes à l'hiver sanglant qui les attend. Surtout en ce moment.

Quelle verve ! songea la sœur du roi. Il passait du mutisme au grand discours en un claquement de doigts. Ce jeune homme déconcertant se tenait tordu sur la table, dénué de la moindre élégance malgré son sang bleu. Malista l'évalua d'un regard pesant ; pour un fils de l'illustre Byron Blanchecombe, il ne rendait guère hommage à sa lignée en s'affalant nonchalamment sur son siège lors d'un banquet en présence du roi.

— Très intéressant. J'ai ouïe dire qu'un conflit s'est réouvert avec une ville voisine à la vôtre. Alhora sera-t-elle mêlée en vue de l'alliance ?

— Malista...

Le roi toisa sa sœur d'un œil sévère.

— Évidemment que nous seront mêlés. Je me dois d'honorer nos confrères de Cassandore et les soutenir en cas de besoin. C'est tout le principe d'un pacte d'alliance. Si nous serions dans leur cas, ils en feraient de même.

Elle se mordit la langue d'amertume.

— Évidemment. Il aurait été surprenant que vos soldats ne sortent pas l'arbalète pour défendre nos alliés du sud.

— Aussi surprenant que ma chère cousine maniant cette dites arbalète...

Jaya arqua les sourcils, étonnée par ce chuchotement. Avait-elle vraiment osé aborder ce sujet, ici, à table ? Tout le monde avait entendu, instaurant un silence lourd et embarrassant pour la princesse. Le roi jeta un regard perplexe à sa fille, qui lançait une réprobation amère en direction de sa cousine, arborant un sourire narquois. Quelle était son intention ? Se démarquer en jouant les intéressantes et la rabaisser ? Elle ne perdait décidément pas ses bonnes habitudes... Toutefois, cette fois-ci, Jaya ne tolérerait pas une telle offense.

Seulement, Vadim lui coupa la parole.

— Il n'y a rien de surprenant pour une femme à manier une arbalète. Bien au contraire. À Cassandore, nous acceptons les femmes à l'armée, car certaines sont parfois plus fortes que des hommes et bien plus malignes. Elles apprennent vite, aussi, car plus attentives. L'art du combat et des armes est accessible à tous tant qu'on en a la volonté. Une femme qui sait se défendre est un privilège pour nous, dans notre tradition guerrière.

Jaya esquissa un sourire subtil et malicieux, pinçant délicatement ses lèvres pour ne pas le rendre trop visible face à la mine dépitée d'Evanora, qui ne s'attendait guère à une telle répartie de la part de Vadim. Il avait toujours quelque chose à dire, en dépit de ses longues plages de silence. Sans tarder, Malista répliqua :

— Vous avez de bien étranges traditions, à Cassandore, si vous voulez mon avis. Votre aristocratie militaire me semble trop laxiste quant à ses attentes. À mon sens, une femme doit connaître sa place, en particulier si elle est issue d'une noble lignée, si gracieuse et bien éduquée. Leur rôle est de préserver leur beauté, non de se dévoyer en pleine nature. Les princesses ne devraient pas se mêler au peuple, et encore moins aux affaires de guerre et de combat, qui restent des domaines hautement masculins. Il convient de conserver une certaine tenue, du moins, c'est ainsi qu'il en est à Alhora. Le respect des femmes et la bienséance qu'elles doivent afficher sont essentiels pour honorer leur famille. N'est-ce pas, Frost ?

Le roi acquiesça aux dires de sa sœur.

— Certes, les femmes sont bien trop précieuses pour qu'on les laisse partir sur le front. Personnellement, j'étais bien plus rassuré de savoir ma fille à l'abri dans le château que dehors, exposée aux dangers.

Evanora hoqueta d'hilarité, le nez dans son verre de vin. Si seulement son oncle savait à quel point Jaya s'encanaillait dans les rues, revêtue d'une cape rapiécée, avant son mariage, il en deviendrait encore plus blême qu'il ne l'était déjà.

Sa coupe entre ses doigts et un coude planté dans la table, Vadim les toisa vêtu d'un sourire en coin, à l'allure méprisante.

— Chacun est libre d'avoir son opinion. Vous avez vos coutumes alhoriennes, nous avons nos coutumes cassandoriennes. Nous respectons les femmes autant que vous, peut-être même plus sur certains points. Une femme n'est gracieuse qu'à travers les yeux de ceux qui veulent bien la voir. Elle n'est forte que lorsqu'on la considère à sa juste valeur. Il est certain qu'il y a un énorme fossé entre nos deux peuples lorsque j'entends de tels propos.

Tant d'ancienneté d'esprit était aberrante, pensa Vadim. Tant d'arrogance était incroyable, pensa Malista. Tant d'aplomb dans la parole était admirable, selon le roi. Ce garçon n'avait pas froid aux yeux et il aimait cette franchise, malgré tout.

Au terme du dîner, Malista et Evanora prirent congé pour regagner leur demeure située à l'opposé de la cité. Jaya ressentit un soulagement certain en les voyant partir, ne supportant plus l'atmosphère pesante engendrée par ces deux femmes. Vadim les avait magistralement remises à leur place, et la ravissante brune n'en éprouvait que plus de satisfaction. En persistant à évoquer l'idéal de femmes parfaites et muettes, elles finissaient par se brûler les doigts. Sa tante se montrait intransigeante sur ce point : selon elle, une princesse se devait d'épouser le meilleur parti et lui témoigner allégeance, patience et un sens élevé du sacrifice en toute docilité ; une attitude contradictoire lorsqu'on savait combien elle méprisait son propre époux. L'éducation d'Evanora reflétait à la perfection cette vision des choses.

Jaya se réjouissait de ne pas correspondre à ce modèle préétabli qu'elle exécrait par-dessus tout, et elle savait, au fond d'elle-même, que c'était en partie pour cette raison qu'elle avait toujours été la perturbatrice au sein de son clan. Celle qui prenait la parole sans y être conviée. Elle ne pouvait s'empêcher de blâmer ces personnes pourtant si proches pour leurs jugements, car elles ne la connaissaient pas véritablement et n'avaient jamais cherché à le faire. Se contentant d'observer l'image soignée et respectueuse qu'elle s'efforçait de leur présenter, afin de ne pas ternir l'honneur du roi.

Être soi-même, c'était tout ce qui comptait.

Avant d'aller se coucher, Frost accompagna le couple jusqu'à leurs quartiers, afin de gratter le plus de secondes possibles auprès de sa chère fille. La laisser entrer dans cette chambre avec Vadim lui donnait un pincement au cœur. C'était la chambre de son enfance, là où elle avait grandi. Là où il la voyait encore jouer à la poupée, se tournant dans sa direction pour lui tendre un sourire innocent. Là où sa mère, autrefois, lui racontait de magnifiques contes pour l'aider à dormir. Il revoyait encore tout dans un diaporama trouble, comme adossé à l'encadrement de leur porte, cristallisant ces souvenirs au plus profond de son cœur.

Cette chambre où, désormais, elle allait partager sa couche avec cet imposant gaillard au franc parler et au regard luisant d'une mystérieuse tragédie.

Malgré lui, l'esprit de Frost s'évertuait à la voir comme la petite fille qu'elle était jadis, ce minuscule bout de chair détaché de lui-même, si fragile et demandeur de protection. Or, elle était devenue une femme. Une femme mariée... Il ne pouvait contrecarrer cela.

— Tenez, père, j'ai ramené cela pour vous, de Cassandore.

La jeune femme sortit de sa poche un joli coquillage irisé. Le roi, intrigué, le prit entre ses doigts.

— C'est un coquillage. Ça se trouve dans la mer, sur les plages. Il y en a beaucoup à Cassandore. Un jour, vous devriez venir avec moi sur les plages du sud, c'est tout bonnement magnifique, je suis sûre que ça vous plairait.

Un sourire doux naquit sur le visage du roi. Au fond d'elle, Jaya était toujours cette enfant respirant de pureté. Frost était rassuré à l'idée qu'elle n'ait pas tout perdu de sa belle personnalité à son passage à l'âge adulte.

— Je te remercie, ma tendre enfant. C'est un merveilleux cadeau.

Il déposa une caresse affectueuse sur sa joue. Puis, elle s'en alla retrouver Vadim, qui l'attendait en retrait. Elle paraissait moins réservée à son égard. Bien qu'elle n'ait passé que deux mois à Cassandore, le regard qu'elle porta sur lui en disait plus que mille mots.

Elle s'était métamorphosée en un laps de temps si court, tout en demeurant fondamentalement la même. Une fleur naissante ayant développé ses arômes extraordinaires. Si douce lorsqu'elle entoura son bras autour du sien...

Avait-elle enfin réussi à accepter ce jardinier imposé à sa tige ?

— Je vous souhaite une bonne nuit, père. Nous nous verrons demain, à la première heure.

— Bonne nuit, ma fille...

Immergée dans son bain, Jaya savourait un instant de détente après son long et éprouvant voyage. Quel bonheur de retrouver ses repères, son territoire autrefois préservé de toute présence masculine. Bien que cette salle de bain fût jumelée à sa chambre, tout comme celle de Cassandore, elle dégageait une atmosphère moins chaleureuse, tout en demeurant plaisante. La fatigue enveloppait son corps épuisé par ces jours passés sans presque dormir, si bien qu'elle se laissa emporter dans un moment de torpeur sans penser au lendemain.

Vadim se trouvait dans l'autre pièce, explorant le sanctuaire secret de son épouse, où subsistaient les vestiges d'une enfance trop rapidement cédée. Ôtant sa lourde cape de fourrure qu'il déposa sur le dossier d'une récamière, le jeune homme s'étira puis se dirigea vers la commode où trônait une boîte à musique ornée de flocons et de délicates figurines de cristal. On y trouvait des wolpertingers, des oiseaux, et même un prince et une princesse. Sans doute des jouets que Jaya n'avait pu se résoudre à jeter. Il en saisit un avec un sourire ténu, une vierge tendant les bras vers l'homme qu'elle aimait. Un bien joli tableau, si niais et romantique.

Tout près, Vadim trouva une couronne de fleurs flocon, fanée et en mauvais état. Elle dégageait une délicate odeur de pot pourri, de terre remuée. Il n'osait pas la toucher, de peur que les feuilles se détachent. Il s'en souvenait ; Jaya la portait au bal, lors de leur première rencontre. Une coiffe traditionnelle, probablement. Pourquoi ne pas s'en être débarrassé, depuis ?

Des livres écornés étaient empilés à côté. De vieux manuscrits écrits à la main relatant des contes enfantins lui arrachant une moue presque attendrie. La Cane et le Caneton, parlant de l'amour filial d'une mère à son enfant perdu dans la tempête qu'elle rechercha jusqu'à la fin de sa vie. Le Solitaire des Glaces, l'histoire d'un homme qui, rejeté par la société, s'était réfugié dans les montagnes enneigées. Là, il avait trouvé l'amour auprès d'une bergère, douce et tendre. Mais le destin avait brisé leur bonheur : sa bien-aimée glissa mortellement d'un précipice en allant nourrir ses bêtes. Pour la ramener à la vie, il n'avait pas hésité à sacrifier la sienne, par un pacte magique, en se changeant en statue de glace pour l'éternité.

Vadim ne connaissait pas ces histoires, sachant comme ses nuits d'enfance étaient autrefois solitaire. Ce n'était pas son père qui allait lui offrir de son temps précieux pour de telles fantaisies auxquelles il ne croyait pas. Il avait été élevé dans une réalité parfois trop brutale, sans affection et sans amour.

Un dernier attira son œil. Sa couverture bleue délavée tapa dans sa rétine. Il portait comme nom : les Contes du Fjord de l'Oubli.

Ce nom... Ce livre...

Pourquoi était-il ici, à Alhora ?

Un intérêt soudain s'éveilla en lui, l'incitant à emporter sa découverte jusqu'à la salle de bain pour retrouver Jaya et solliciter des éclaircissements.

Franchissant l'arche de pierre, il surprit la jeune femme en pleine relaxation, apparemment assoupie. Sa nudité le bloqua un instant, l'emplissant d'une émotion intense. Il déglutit, son corps scintillant à la lueur des bougies lui rappelait combien il s'était donné pour elle ; sur elle. Avec tendresse, sans qu'elle n'ouvre les yeux, Vadim s'approcha et s'accroupit à son chevet. Les manches retroussées, il recueillit de l'eau dans le creux de sa main et la laissa lentement couler sur la poitrine pulpeuse de sa femme. Le frémissement du liquide dénoua les paupières de la jeune femme qui, en apercevant Vadim et le velours de son regard, sourit avec paresse.

— Tu dors, Madame Blanchecombe ?

— Je n'en étais pas loin...

— Tu es belle quand tu dors.

Elle porta sa main ruisselante sur la joue de son époux, lui déposant une caresse qu'il savoura en silence. Une goutte chaude glissa sur sa peau marquée. Vadim saisit ses doigts fins qu'il embrassa sur toute leur longueur, intérieur, extérieur, s'attardant un instant sur les phalanges. L'animal sauvage devenait plus doux qu'un agneau face à cette déesse dénudée lui donnant mille idées lubriques.

— Comment trouves-tu ma chambre ?

— Très... enfantine.

Jaya sourit timidement.

— Oui. Je tiens beaucoup à mes affaires, la plupart venait de ma mère, je n'ai pas pu m'en débarrasser. C'est ici que j'ai été enfermée durant toute mon enfance, ne pouvant sortir qu'en présence de mon père. Ces jouets étaient pour moi comme... des compagnons. J'avais tellement peu d'amis, je restais parfois des heures entières à regarder l'extérieur par ma fenêtre, enviant le monde et la vie fourmillant dans les rues. Mais... Mon père disait que j'étais mieux à l'abri, en sécurité dans le château.

Sa voix se cassa légèrement sur la fin. Il pouvait ressentir toute l'étendue de son chagrin à travers son air lointain. Il s'appropria son attention d'un nouveau baiser sur sa main.

— C'est une erreur qu'il a fait et c'est tellement dommage... C'est toujours les oiseaux les plus beaux et les plus rares que l'on maintient en cage.

Jaya serra sa main dans la sienne, touchée par ses mots. Ils avaient la douceur d'une plume sur son âme abîmée.

— Au fait, Vadim... Je suis désolée pour le comportement de ma tante et ma cousine. Elles ont les mœurs d'Alhora tatouées à même la peau.

— Tu n'as pas à t'excuser. Ce n'est pas à toi de le faire.

— Qui le fera ? Elles ? N'y songe même pas. Elles m'ont toujours reprochée de ne pas être aussi obéissante que je devais l'être, par moment... Evanora m'a toujours méprisée, que ce soit par rapport à mes frasques ou ma maladresse... Elle voudrait devenir reine à ma place, plus tard. Mais elle ne peut pas à cause de son rang de naissance.

— Jaya, dis-toi qu'il faut mieux être dissident et maladroit, parfois, au lieu de se définir comme un tableau sans couleurs, un peu comme ta cousine. Beau en apparence, mais sans caractère. L'image reste une image, on peut la changer à l'infini, mais le cœur reste le cœur. Et les deux sont très différents. Pour être reine, il faut avoir les deux... et tu les as, contrairement à elle.

Jaya sourit, rassurée de ces paroles. Malgré ses silences et ses gros sabots par moment, Vadim savait tourner les bons mots pour soulager ses craintes. Devenir reine, comme sa mère. Être digne de son sacrifice... Elle ignorait finalement si elle en avait l'étoffe.

Avec lui, peut-être que ce serait plus facile.

Bougeant dans son bain, faisant onduler l'eau qui la nimbait, Jaya se redressa sur les genoux pour faire face à Vadim. Ses seins, ronds et charnels, pointaient vers lui, appelant sa délicatesse à laquelle elle avait douloureusement pris goût. Une larme chaude perla de ses petits tétons roses, s'écoulant lentement avant de rejoindre le bain, épinglant l'attention du mâle.

L'image changeait à l'infini... Elle n'arborait plus l'apparence de la petite prude ingénue qui l'avait tant frustré au début. Elle s'affirmait désormais devant ses yeux enflammés, consciente du prix à payer pour avoir taquiné la bête. Elle l'ensorcelait même sans magie ; sa peau brûlante et nacrée réclamait sa main qu'il ne tarda pas à poser sur ces reliefs de chair bombés et si doux, jouant d'un pouce sur leur centre proéminent.

Une nouvelle goutte tomba, une onde sur l'eau dans un souffle lascif.

L'alarme résonna dans la tête de Vadim. Est-ce qu'elle rougissait ?

— Tu penses que j'ai l'étoffe de devenir reine ?

— La plus magnifique des reines. Et je serais honoré de t'accompagner.

— Le plus valeureux des rois...

À genoux face à sa beauté, Vadim fit glisser ses doigts jusqu'à sa taille nue et captura ses lèvres, sa respiration, oubliant presque la raison pour laquelle il était venu ici la déranger. Elle lui faisait tout oublier. La fougue naissante de Jaya, chassant dans les fines mèches de sa nuque, réveillait le désir en lui qui rugissait dans ses tripes à intervalles réguliers. Nue sous son emprise, il n'avait qu'un geste à faire pour lui offrir ce qu'elle désirait.

Lui faire l'amour comme à une reine.

Mais le livre, frappant dans son esprit, le fracassa lourdement sur terre.

Il devait se calmer... Il avait encore une chose à éclairer avant de se laisser ensevelir sous les jupons de cette envie démentielle. Se séparant d'elle sans pour autant la relâcher, Vadim soupesa son regard voilé de tendresse. Si froid dans sa couleur, mais si chaud par sa langueur.

— Jaya... Puis-je te poser une question... totalement hors sujet ?

La jeune femme papillonna des yeux, prise de court.

— Bien sûr...

Se séparant légèrement d'elle, Vadim se pencha pour saisir le bouquin posé sur le marbre froid, avant de le présenter à elle avec une certaine solennité.

— Où as-tu eu ce livre ?

Jaya regarda le manuscrit que lui présentait Vadim, arquant légèrement les sourcils. Les Contes du Fjord de l'Oubli ? Lentement, elle se rassit dans son bain, les bras croisés sur le rebord, son regard inlassablement rivé sur ce recueil de papier imprégné de souvenirs.

— Il appartenait à ma mère. Elle adorait me raconter ces histoires quand j'étais petite. Me parler de ce clan d'ours lunaires gardant une communauté d'utilisateurs de Risen cachés aux yeux de l'île. C'était son livre favori. Pourquoi tu me demandes ça ?

— Parce que... Ce livre vient du continent.

Jaya se redressa légèrement, piquée au cœur. Du continent ? Comment était-ce possible ? Sa famille n'y avait jamais été. S'asseyant au sol, Vadim tentait de mettre de l'ordre dans ses esprits et comprendre.

— J'avais aperçu un ouvrage similaire lorsque nous y avons été, durant mon adolescence. D'après ce que j'ai pu déchiffrer dans d'anciens écrits, il remonte à plusieurs siècles et fut rédigé par une certaine Olya Calperinia, une éminente mage risenienne contrainte à l'exil sur Glascalia, il y a plus de cinq cents ans. À cette époque, l'île demeurait encore rattachée au continent de Thenaraïm, vivant sous son joug, et servait de terre « prison », hostile, où l'on expédiait les indésirables pour les laisser succomber au froid. Olya Calperinia, jadis une sommité, fut jugée pour avoir abusé de son Risen à des fins malveillantes. Du moins, c'est ainsi que les gens de son village l'interprétèrent. Perdre le contrôle face à un homme violent, au point de le tuer accidentellement... Elle fut maudite par la famille de la victime et se métamorphosa en une créature gigantesque et sanguinaire, transformée dans un cri de haine et un Risen de sinistre présage. Afin d'éviter la mort et la dévastation qu'elle pouvait engendrer, elle choisit volontairement l'exil sur les terres gelées de Glascalia, qu'elle parcourut jusque dans ses confins. La légende raconte qu'elle aurait découvert ce fjord, gardé par un clan d'ours géants. Malgré sa malédiction, elle aurait su gagner leur confiance et aurait fini par dénicher le Coda Leolan.

— Le... quoi ?

Vadim ouvrit le livre et montra une illustration à l'intérieur, prenant toute une page jaunie, dévoilant un lac cristallin sous deux flancs de montagnes. Jaya le connaissait, c'était le lac de cristal où les ours allaient s'abreuver.

— Le lac mentionné ici, ce « lac de cristal »... Il s'appelle en réalité le Coda Leolan. C'est un lac mystique, protégé par le clan des Ours Lunaires, dont on prête des pouvoirs magiques : celui d'effacer tous les maux, de purifier l'âme de ses imprécations et le corps de ses blessures. Olya Calperinia désirait à la folie se débarrasser de sa malédiction avant qu'elle ne la dévore complètement. J'ignore si elle a réussi, mais j'ai entendu sur le continent que oui et qu'elle a vécu une vie d'ermite, ici, sur Glascalia, jusqu'à sa mort... Beaucoup ont tenté au fil des siècles de trouver le Coda Leolan, sans succès. On prétend qu'il se cache sous le fjord, enfoui dans les profondeurs de la terre, mais nul ne sait où exactement. Lorsque le culte d'Ymos et la royauté émergente prirent leurs aises, le Risen devint interdit sur l'île et ces livres furent brûlés, jugés blasphématoires par les anciens glascales qui colonisèrent ces terres inhospitalières après la guerre d'indépendance des bannis. Cette vieille histoire s'est finalement transformée en conte du passé, car tout le monde croyait à une légende. Un mythe forgé par Olya Calperinia, la mage maudite, qui s'est perdu dans le temps. Sa propre existence est devenue légendaire. Mais moi... j'ai la conviction qu'il ne s'agit pas d'une simple légende.

— Pourquoi ?

— Car je possède un objet tout droit venu du Coda Leolan. Un objet qui m'est très cher et qui m'a aidé à comprendre le Risen.

Yeux dans les yeux, Jaya buvait ses paroles, la curiosité la grignotant morceau par morceau.

— Tu me le montreras ?

— Lorsque nous retournerons à Cassandore, tu le verras.

Vadim possédait un talent inouï pour raconter les histoires qui ne la laissait pas indifférente. Elle ignorait comment sa mère avait pu dénicher ce livre, car jamais elle ne lui avait révélé sa provenance, ni même qu'il venait du continent. Ce qu'elle savait avec certitude, c'était que ce conte, auquel elle tenait tant, prenait désormais une toute nouvelle signification. Il se parait d'une dimension inédite et fascinante, tant sur le plan de l'histoire que de l'émotion. Vadim avait su l'enrichir et semblait profondément envouté par l'illustration du lac qu'il caressait délicatement du bout de son pouce.

Au moment où il leva les yeux vers elle, mettant fin à cette brève pause, son désir renaquit avec ardeur.

— J'en ai maintenant fini avec mes questions... Si tu veux bien...

Déposant le livre, Vadim se redressa pour s'accaparer les lèvres de sa belle épouse dans un baiser sulfureux. Agenouillé, il enlaça sa taille pour la soulever hors du bain. Il se moquait que ses vêtements soient imbibés d'eau, car il allait les retirer sous peu. Comme guidée par l'instinct, Jaya enroula ses jambes autour de lui, esquissant un sourire tendre contre son visage. Emporté par la fougue, son chignon négligé se défit, libérant sa chevelure d'ébène qui, telle une cascade, déferla en une longue et somptueuse onde.

Allongée dans les draps moelleux de son lit, ce même lit où elle avait jadis passé son enfance recluse, l'adulte la surplombait tel un ciel ciselé d'étoiles. Ce si séduisant adulte qui l'avait initiée aux joies du sexe et éveillait en elle la femme qu'elle était devenue.

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro